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Qui est Invité aux Noces de Cana ?

Voici le plus grand chef-d'ouvre du Louvre. Grand comme un appartement de trois pièces. Où l'on voit Jésus parachuté à la place d'honneur dans un palais vénitien du XVIè siècle. "Les Noces de Cana", 1562-1563, 666 x 990 cm. Le Salon carré, au premier étage du musée du Louvre, est la seule salle qui possède un mur suffisamment haut et large pour accueillir cet immense tableau.

Si on avait écouté Carla Bruni, ce tableau ne serait plus au Louvre aujourd'hui. L'artiste militait pour que les Noces de Cana soit restitué à sa patrie d'origine : l'Italie. L'affaire débute en 1797, lorsque les troupes napoléoniennes pénètrent dans le couvent de San Giorgio Maggiore, à Venise, pour faire main basse sur le déjà célèbre tableau de Véronèse. En entrant dans le réfectoire, ils s'arrêtent net : la toile recouvre le mur du fond. Imaginez. Une peinture de près de 70 m², 666 cm de haut sur 990 cm de large ! Pour la ramener en bateau jusqu'à Paris, ils l'arrachent à son écrin puis la roulent. C'est ainsi que, depuis le 31 juillet 1798, elle trône dans le Salon carré du Louvre. C'est le plus grand tableau du musée et sans doute de l'histoire de l'art. Il a été commandé au maître vénitien en 1562 par les moines bénédictins du couvent San Giorgio Maggiore. Le contrat stipulait que l'ouvre pouvait contenir autant de figures qu'il serait possible d'en représenter. Résultat : un banquet de noces de 130 convives !

1/ JÉSUS

Placé au centre, il préside la table, entouré de ses disciples. A sa droite, la Vierge. Tous deux portent une auréole, ce qui les distingue de la foule. Notez les jarres de pierre, en bas du tableau : Véronèse relate ici le premier miracle du Christ tel que raconté dans l'Evangile de saint Jean (2,1-12). L'épisode durant lequel Jésus transforma l'eau en vin lors d'un mariage à Cana, en Galilée. La mère de Jésus y était. Jésus fut aussi invité à ces noces, avec ses disciples. Or il n'y avait plus de vin. La mère de Jésus lui dit : "Ils n'ont plus de vin". Jésus dit aux servants : "Remplissez d'eau ces jarres". Et le maître du repas goûta l'eau changée en vin, dit le texte. Dans sa composition, l'artiste met en scène le récit avec force détails. Marie, qui porte un voile noir, préfigure le deuil prochain de son fils. Elle montre son verre vide, incitant Jésus à accomplir le miracle. Au-dessus de leurs têtes, un boucher découpe l'agneau. symbole du corps du Christ, annonçant son futur sacrifice.

2/ VÉRONÈSE

Regardez le groupe de musiciens au premier plan. Parmi eux, Véronèse, vêtu de blanc, une viole de gambe à la main. A sa gauche, les peintres Bassano, tenant un cornet droit, Tintoret avec un petit violon, et Titien avec une basse de viole. Car nous sommes à Venise en pleine Renaissance italienne. Et la compétition entre ces quatre artistes vénitiens fait rage. C'est à celui qui récoltera le plus d'honneurs et de commandes des princes, de l'Eglise et de l'Etat. Si Titien, peintre officiel de la République, domina toujours la scène vénitienne, l'arrivée de Bassano, Tintoret et Véronèse entraîna une révolution dans le traitement des sujets et un renouvellement artistique dans la Venise du XVIè siècle.

3/ L'INTENDANT

Notez le personnage au premier plan, debout et de profil, à gauche de Véronèse. C'est l'intendant. Il porte un manteau vert. Il en a fait du bruit, ce manteau ! De 1990 à 1992, le tableau a connu une restauration au cours de laquelle l'habit rouge est ressorti vert ! Mais quelle était sa couleur d'origine ? Le rouge était-il un "repentir" de la main du peintre, ou un "repeint", effectué lors d'une restauration ? Cette question déclencha une violente controverse ultramédiatisée. Pour certains experts, toute l'organisation chromatique de l'ouvre en a été complètement bouleversée. Pourtant, les restaurateurs ont bel et bien découvert un vert sous-jacent sous le rouge. A la loupe, ils ont même mis en évidence que le rouge suivait maladroitement les contours du manteau. Alors, ils l'ont décollé.

4/ LA MARIÉE

Elle est reléguée en bout de table, à l'extrême gauche, très loin du Christ. Notez aussi comme le raffinement de sa coiffe et la préciosité de sa robe nous évoquent plus le faste de Venise que les Evangiles. Mêler le sacré au profane, telle est la grande révolution de la peinture à la Renaissance. Et Véronèse y parvient comme nul autre. Clercs, princes, aristocrates vénitiens, convives en turban, serviteurs entourent les figures sacrées. Les symboles religieux tel l'agneau côtoient une vaisselle d'argent et une orfèvrerie luxueuses. Par une ligne horizontale, l'artiste découpe la scène en deux. Dans la partie supérieure, le ciel, parcouru de nuages blancs, évoque la vie céleste. La partie inférieure, envahie par la foule, la vie terrestre. Véronèse n'hésite pas à faire des Noces de Cana une fête vénitienne grandiose et théâtrale. On ne sait plus s'il célèbre la Passion du Christ ou la puissance de la Venise triomphante. Ce mélange des genres, peu apprécié par l'Eglise, vaudra à Véronèse d'être traduit pour hérésie devant le tribunal de l'Inquisition en 1573.

"Nous, les peintres, prenons des libertés tout comme les poètes et les fous". Véronèse, 1573, devant le tribunal de l'Inquisition.

Retour (virtuel) à San Georgio Maggiore

Les Noces de Cana reconstituées en images haute définition ! Un spectacle grandiose : le tableau a été projeté à l'endroit où il est né quatre siècles plus tôt, le couvent de San Georgio Maggiore. Tel est le miracle technologique réalisé en septembre 2009 par Peter Greenaway, lors de la 53e Biennale de Venise. Grâce au multimédia, les 130 personnages de Véronèse ont réinvesti les lieux et ont même dialogué en anglais et en italien.

Véronèse

1528/ Paolo Cagliari naît à Vérone. D'où le surnom de Véronèse. Son père, tailleur de pierres, le destine à la sculpture et lui apprend à modeler. Il intègre ensuite l'atelier de son oncle, le peintre Antonio Badile.
1553/ Il part chercher fortune à Venise. En 1555, il participe à la décoration de l'église Saint-Sébastien puis travaille au décor du palais des Doges, ravagé par un incendie.
1560/ Voyage d'études à Rome où il découvre Raphaël et Michel-Ange. Il y séjourne pendant deux ans.
1566/ Mariage avec Elena Badile, la fille de son maître. Naîtront quatre enfants. Les deux aînés, Gabriele et Carletto, travailleront avec leur père, leur oncle Benedetto et leurs cousins. A sa mort, ils achèveront les travaux commencés par le maître.
1588/ Il meurt à Venise des suites d'une pneumonie. Il repose sous l'orgue de l'église de Saint-Sébastien dans laquelle il a peint un grand nombre de fresques.

M.F. - ÇA M'INTÉRESSE > Novembre > 2009
 

   
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