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Science et Bouddhisme offrent la Même Vision du Monde

Bouddha : entre Mythes et Histoire

L.D. - LES CAHIERS DE SCIENCE & VIE N°188 > Septembre > 2019

Science et Bouddhisme offrent la Même Vision du Monde

Entretien avec Trihn Xuan Thuan, astrophysicien, spécialiste de l'astronomie extragalactique.

L'Unesco a déclaré 2009 Année de l'astronomie, en hommage à Galilée qui, il y 400 ans, pointait le premier télescope vers le ciel. Ce sont aussi les 150 ans de la théorie de Darwin. Trihn Xuan Thuan célèbre ce double anniversaire avec un ouvrage, qui conjugue histoire de l'Univers, évolution de l'homme et spiritualité.

SON HISTOIRE
• Né en 1948 à Hanoi, élevé dans la tradition bouddhiste, il suit sa scolarité en français.
• En 1966, il ne peut intégrer une grande école parisienne : en plein conflit vietnamien, les relations sont rompues avec la France. Il choisit la Californie et son Institut de Technologie.
• En 1974, il soutient sa thèse à Princeton (New Jersey) sous la direc tion de lyman Spitzer, le père du télescope Hubble.
• Le cours qu'il dispense à l'université de Virginie depuis 1990 s'intitule "l'Astronomie pour les poètes".

Un acide aminé, brique essentielle du vivant, vient d'être découvert (août 09) par la Nasa dans une comète. La vie peut donc venir de l'espace ?
C'est une des hypothèses de l'apparition de la vie sur notre planète. En effet, la première cellule vivante remonte à 3,8 milliards d'années, à peine 200 millions d'années après la fin de la formation du Système solaire. Ce laps de temps est très court sur l'échelle cosmique pour l'émergence d'un phénomène aussi complexe que la vie. D'où l'hypothèse qu'elle s'est formée ailleurs, avant la formation du Système solaire et que des bolides venus de l'espace (astéroïdes ou comètes) ont ensemencé les océans de substances organiques comme les acides aminés. Ces briques du vivant se sont ensuite assemblées en longues chaînes pour donner naissance aux protéines, et enfin aux molécules d'ADN.

La vie pourrait-elle exister ailleurs ?
Pour l'instant, nous sommes seuls dans l'Univers. Nous recherchons des signaux, mais sans succès ! L'émergence de la vie est une question fondamentale. Mais la grande interrogation, c'est de savoir comment la vie est devenue consciente. Ce saut vers la conscience demeure mystérieux. Nous sommes la seule espèce qui s'interroge sur sa destinée, son origine, sur notre lien avec le cosmos. Les espèces les plus proches de nous du point de vue de l'intelligence sont les dauphins et les chimpanzés. Certes, nous ne parlons pas le chimpanzé ou le dauphin, mais je ne pense pas que ces mammifères se posent ces questions.

On dit que les astrophysiciens sont les plus mystiques des scientifiques...
Je ne fais pas l'amalgame : on peut être un excellent astrophysicien sans avoir une spiritualité particulière. Mais quand on travaille sur l'émergence de la matière et sur l'expansion de l'Univers après le big bang, la question de l'origine se pose inévitablement. Pour moi, il s'agit d'un effort de cohérence intellectuelle. Quand je suis devenu astrophysicien, je me suis demandé comment Bouddha voyait le monde quand il a atteint l'Eveil, c'est-à-dire « l'intégration au cosmos et la compréhension totale du monde ». Pour moi, science et bouddhisme sont deux systèmes de pensées logiques et cohérents, car ils essaient chacun de décrire le réel. Ils doivent forcément se rencontrer quelque part. Quand, enfant, je pratiquais en allant à la pagode, je ne lisais pas le sanscrit et les textes. Donc je ne connaissais pas les préceptes profonds de la philosophie bouddhiste. C'est en dialoguant en 1997 avec le moine bouddhiste Matthieu Ricard, lui-même un ancien scientifique, que j'ai fait le lien entre science et bouddhisme.

Quel est ce lien entre la science et le bouddhisme ?
J'ai compris avec beaucoup de bonheur que tous deux se rejoignent sur trois concepts fondamentaux : interdépendance, vacuité et impermanence. Toute chose dépend d'autre chose. Nous sommes des poussières d'étoiles, donc nous partageons les mêmes atomes et sommes tous connectés. Nous sommes cousins des bêtes sauvages et frères des coquelicots. C'est l'interdépendance. En découle la notion de vacuité. Les choses n'ont pas d'existence intrinsèque, elles ne sont pas solides en elles-mêmes. La lumière, par exemple, est une onde. Mais quand on l'observe, elle devient « réelle » car elle est faite de photons. Quant à l'impermanence, c'est le concept d'évolution cher à Darwin. Rien n'est immuable. Nous avons l'impression que les étoiles sont éternelles, pourtant elles naissent, vivent et meurent, même si ce n'est pas à l'échelle de temps d'une vie humaine. Bouddha nous l'a dit : nos sens sont trompeurs. Evolution, transformation, interdépendance... Ces notions de la science moderne rejoignent la vision de Bouddha, il y a 2 500 ans.

Il y a quand même une différence entre les physiciens et Bouddha !
Les physiciens découvrent et étudient les phénomènes. Bouddha, lui, en tire les conséquences dans un but thérapeutique, pour diminuer les souffrances de l'humanité.

Danielle McCaffrey - ÇA M'INTÉRESSE > Décembre > 2009
 

   
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