Séismes induient par les Activités Humaines |
Cartes Interactive des Séismes Anthropiques |
S.S. - SCIENCES ET AVENIR N°849 > Novembre > 2017 |
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Les Activités Humaines induisent des Séismes sur tout le Globe |
Y.S. - SCIENCE & VIE N°1195 > Avril > 2017 |
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Quand l'Homme fait Trembler la Terre |
L'homme, capable de provoquer des séismes ? L'image fait sourire, et pourtant : barrages, mines, forages, géothermie agressent la croûte terrestre, engendrant parfois des réactions dévastatrices. Et les exemples se multiplient...
Devinette : quel est le lien entre un barrage, une mine, un forage pétrolier et une centrale géothermique ? Réponse : toutes ces installations peuvent déclencher des tremblements de terre. Il suffit d'ouvrir les journaux pour se rendre compte que les exemples se sont multipliés ces dernières années. Ainsi, un projet de géothermie profonde à Bâle (Suisse) en décembre 2006, une mine de charbon dans l'Utah (USA) en août 2007, et une autre dans la région de Sarrebruck (Allemagne) en février 2008 ont, tour à tour, été sous le feu des projecteurs médiatiques pour avoir enfanté une serie de séismes. Sans oublier le dévastateur tremblement de terre survenu en Chine le 12 mai 2008, que certains scientifiques audacieux relient aujourd'hui, à la présence d'un barrage voisin.
DÉJÀ DES DÉCENNIES D'OBSERVATIONS : Difficile cependant d'imaginer que l'homme puisse influencer l'imposante sphère rocheuse sur laquelle il s'affaire, telle une colonie de bactéries sur une boule de bowling. "Quoi de plus naturel qu'un séisme ?" serait-on par ailleurs tenté de penser. Pourquoi faire appel à la main de l'homme pour expliquer des secousses telluriques ? Et comment prouver que l'activité humaine est directement responsable de tel ou tel tremblement ?
En réalité, depuis des décennies, plusieurs observations mettent la puce à l'oreille des scientifiques qui sont à l'écoute des soubresauts de notre planète. "Le soupçon d'influence naît lorsqu'il y a coïncidence dans le temps et dans l'espace entre le tremblement de terre et la mise en activité d'une installation, par exemple lors de la mise en eau d'un barrage, explique Jean-Robert Grasso, du Laboratoire de géophysique interne et tectonophysique de l'université Joseph-Fourier (Grenoble), un des rares Français à se pencher sur ce sujet. Si l'on observe un événement sismique, on s'interroge ; mais lorsque c'est une série d'événements qui se produit à un endroit précis, notre certitude augmente."
Pour pouvoir étayer un peu plus ces soupçons d'ingérence humaine dans le quotidien tectonique de la
planète, il est nécessaire de connaître précisément l'activité sismique de la région avant la mise en service des installations incriminées. En France, l'historique des secousses ressenties par la population est parfaitement documenté sur les cinq derniers siècles. Ce qui a permis notamment à Jean-Robert Grasso de démontrer de manière flagrante, dès les années 1980, que les séismes enregistrés dans la région de Pau, dont certains de magnitude 4, étaient dus à l'exploitation de l'immense gisement de gaz naturel de Lacq par Elf Aquitaine (->). Le bassin sédimentaire aquitain était en effet connu jusque-là pour être le plus calme de France au niveau sismique. "Les tremblements de terre apparus dix ans après les premiers pompages à Lacq, en 1969, et qui perdurent depuis, ont donc été facilement repérés", explique Pascal Bernard, sismologue à l'Institut de physique du globe de Paris.
Un autre exemple ? Dans le nord-est des États-Unis, l'exploitation de mines profondes, de vastes carrières à ciel ouvert et de puits d'injection de fluide en profondeur est, d'après les chercheurs, directement à l'origine d'un séisme sur trois enregistrés depuis les années 1980 dans cette région normalement peu active d'un point de vue géologique ! Et ce n'est pas une particularité locale, comme le démontrent les travaux de Christian Klose, géologue à l'Observatoire de la Terre Lamont-Doherty de l'université Columbia (New York).
1ers KILOMÈTRES DE LA CROÛTE : Dans une tentative de recensement publiée en août 2007, ce scientifique a dénombré plus de 200 endroits dans le monde pour lesquels l'action humaine a été reconnue comme responsable du déclenchement de séismes (carte ->). Sa conclusion ? "Si l'on regarde la distribution des séismes déclenchés par l'homme à l'échelle du globe, il apparaît que la majorité d'entre eux est située dans les régions continentales stables, pour lesquelles le niveau de sismicité naturelle est historiquement bas."
Pour saisir les raisons de cette distribution, il faut comprendre que la coïncidence entre un séisme et la mise en exploitation d'un champ pétrolier ou d'un barrage est, logiquement, plus aisée à démontrer si la région n'est pas secouée en permanence. Un principe qui est d'ailleurs aussi valable lorsque l'on cherche à détecter les séismes produits par les essais nucléaires souterrains, comme celui réalisé en octobre 2006 par la Corée du Nord, et qui a déclenché une secousse de magnitude 4,2. Mais au-delà de cette meilleure capacité de détection, il existe des raisons purement géologiques à cette répartition. De fait, le risque de générer des tremblements de terre est plus important dans les régions continentales "calmes" parce que, contrairement aux endroits très actifs du globe, ce sont surtout les premiers kilomètres de la croûte terrestre, près de la surface, qui voient naître les séismes naturels. Or "ces zones sismogènes sont à portée des perturbations générées par l'activité humaine, donc plus facilement déstabilisées par elles", conclut Art McGarr, du Bureau de surveillance géologique des États-Unis (USGS). Un point déterminant lorsqu'il s'agit de démontrer, arguments mécaniques à l'appui, le lien entre séisme et activités humaines. Et qui permet de verser au dossier des preuves plus percutantes qu'une simple coïncidence, notamment dans les cas délicats pour lesquels il s'est passé plusieurs années entre le début de l'exploitation et la survenue d'un séisme majeur.
L'HOMME, UN "DÉCLENCHEUR" : À la base de l'argumentation des chercheurs, une théorie de mécanique des roches dite de Mohr-Coulomb, vieille de plus de cent ans et qui a fait ses preuves pour évaluer la résistance d'un matériau à la contrainte. Élaborée à partir d'expériences en laboratoire sur des cylindres de roches soumis à de fortes pressions ou tractions, cette théorie permet de décrire la façon dont une faille (une zone de fracture naturellement présente dans la croûte terrestre) s'approche ou s'éloigne de la rupture en fonction des contraintes physiques auxquelles elle est soumise. Les principales contraintes antagonistes étant, d'une part, la force verticale exercée par la masse des roches au-dessus de la faille et, d'autre part, les forces horizontales de compression ou d'extension liées aux mouvements des plaques tectoniques. Les roches réagissent à ces pressions en se déformant de façon élastique jusqu'au moment où, ces contraintes dépassant la capacité de résistance de la faille, celle-ci joue et libère l'énergie qu'elle a emmagasinée : c'est le séisme.
Et l'homme dans tout ça ? Eh bien, en accumulant des masses impressionnantes d'eau derrière un barrage, ou en extrayant des millions de tonnes de minerai ou d'hydrocarbures du sous-sol, l'activité humaine pèse sur la croûte terrestre ou, au contraire, la soulage d'un poids. Ce faisant, elle modifie les contraintes auxquelles sont déjà soumises naturellement les failles et, en venant s'ajouter aux forces tectoniques, peut faciliter leur rupture (infographies). Autrement dit, "un séisme déclenché par l'homme est avant tout un phénomène naturel, la responsabilité de l'homme se limitant à son déclenchement", précise Leonardo Seeber, spécialiste de la sismicité induite par les activités humaines au Lamont-Doherty. Le travail des scientifiques consiste donc à démontrer que le changement de contrainte imposé par l'homme sur la faille arrive dans la bonne direction, au bon moment, et avec suffisamment d'intensité pour précipiter un tremblement de terre.
UNE PETITE PERTURBATION SUFFIT : Ce qui ressort de l'analyse des nombreux cas recensés est très étonnant : l'homme n'a pas besoin de perturber fortement le système naturel pour réactiver une faille. "Si la faille est sur le point de rompre, il peut suffire d'un changement de contrainte en profondeur, au niveau de la faille, d'un dixième de bar (c'est-à-dire équivalent à un dixième de la pression atmosphérique) pour déclencher la rupture", explique
Pascal Bernard. L'homme peut ainsi précipiter l'apparition d'un séisme de la même façon qu'une mouche se posant sur un château de carte en équilibre précaire sera à même, malgré sa légèreté, de le faire s'écrouler. C'est ainsi qu'il aurait déclenché un tremblement de terre à Newcastle, en Australie, en 1989 (13 morts, 160 bléssés ->)... Mais il n'y a pas que ces failles au bord de la ruptUre qui soient concernées, car les perturbations induites par l'homme, lorsqu'il injecte de l'eau sous pression, peuvent être de l'ordre de la dizaine de bars. Ce qui correspond justement à ce dont une faille a besoin en moyenne pour se recharger.
EFFETS À DES MILLIERS D'ANNÉES : "Des failles en milieu de cycle peuvent donc très bien être déclenchées par l'homme, pour peu qu'elles soient très proches du lieu de l'installation", précise Pascal Bernard. Si l'homme n'a qu'une pichenette à donner pour réveiller une faille endormie, il est donc à même de rivaliser avec les forces mises en ouvre par notre planète...
On l'aura compris, les activités humaines ont la capacité bien embarrassante de précipiter le déclenchement d'un séisme. Pas question, donc, de nous dédouaner en considérant que le tremblement de terre aurait eu lieu de toute façon. Reste à savoir combien de temps l'homme a fait "gagner" à la faille. Si on s'intéresse aux régions où la vitesse à laquelle la faille se rapproche du point de rupture est élevée, comme aux limites des plaques tectoniques (Ceinture de feu du Pacifique ou chaîne himalayenne, par exemple), la perturbation humaine va rapprocher la survenue du séisme de quelques années seulement. "Mais si l'on considère les zones où les failles se chargent extremement lentement, comme au milieu d'une plaque tectonique [telles que l'Afrique du Sud, l'Australie ou l'Europe du Nord...], l'anticipation peut être de mille ans ou de dizaines de milliers d'années ! précise Leonardo Seeber. Dans ce cas, on peut considérer que ce séisme ne serait jamais arrivé sans l'intervention de l'homme."
Face à cette situation dérangeante, une question se pose donc : connaissant les perturbations que l'être humain génère, peut-on prédire la date d'un tremblement de terre ? Malheureusement pas... "Qu'il soit naturel ou déclenché par l'homme, un séisme est impossible à prévoir, constate Jean-Robert Grasso. Pour la simple raison que l'état des contraintes dans la croûte terrestre n'est pas connu et n'est pas directement accessible à l'observation." C'est d'ailleurs un défi que tentent de relever les géologues américains depuis 2004 avec l'Observatoire de la faille de San Andreas (Safod).
TOUJOURS PLUS PROFOND... Là, des capteurs ont été placés dans des forages à 3 km sous la surface pour mesurer les propriétés des roches et leur état de stress à cette profondeur. Un terrain d'expérimentation inédit qui ne permet pas encore de dire quand la faille va se réveiller... Inutile donc d'espérer maîtriser les sautes d'humeur de la Terre suscitées par nos gratouillements. "On ne pourra jamais dire à coup sûr que si on construit dans une zone de failles, ça va casser, résume Jean-Robert Grasso. Mais il convient d'être alerté sur l'état de précarité de la croûte terrestre, qui est un système très hétérogène constitué de régions prêtes à rompre et d'autres, non." Et les scientifiques ne sont toujours pas en mesure de dire lesquelles vont rompre".
Alors qu'il est avéré que l'homme perturbe le climat en altérant les délicats équilibres atmosphériques, il est nécessaire de prendre conscience qu'il a aussi le pouvoir de mettre en colère une planète rocheuse facilement irritable. Et ce d'autant plus que, les besoins en matières premières et en énergie ne cessant de croître, l'homme s'est lancé dans une course au gigantisme, édifiant des barrages toujours plus imposants, creusant toujours plus profondément... À l'image de la mine d'or de To Tauna, en Afrique du Sud, qui vient d'atteindre 3,9 km de profondeur. Ou du forage pétrolier de Sakhaline-l, en Russie, qui s'enfonce dans la croûte terrestre sur 11 km.
Vers des Séismes Majeurs ? |
Pour une poignée de sismologues, le séisme du Sichuan a été déclenché par le barrage de Zipingpu. Si la thèse était confirmée, l'impact destructeur de l'homme sur la planète devrait être reconsidéré... pour éviter le pire.
Plus de 88.000 morts ou disparus, près de 400.000 blessés, 5 millions de bâtiments détruits : le tremblement de terre qui a secoué la province du Sichuan (centre-ouest de la Chine ->) le 12 mai 2008 est l'un des plus dévastateurs enregistrés au cours des demières décennies. Avec un tel bilan, ce séisme devrait logiquement apparaître, aux côtés du tsunami de décembre 2004 ou de l'ouragan Katrina, en bonne place sur la liste des plus terrifiantes catastrophes naturelles. Sauf que le tremblement de terre du Sichuan pourrait tout aussi bien devenir le symbole du potentiel destructeur de l'activité humaine ! Car, moins d'un an après sa survenue, une poignée de scientifiques n'hésitent pas à voir la marque de
l'homme derrière ce séisme meurtrier...
L'accusé ? L'imposant barrage de Zipingpu, construit sur la rivière Min, et mis en eau en décembre 2004. Haut de 156 mètres, il peut retenir plus d'un milliard de mètres cubes d'eau. Il a surtout la particularité d'être installé à 500 mètres seulement du système de failles qui a joué lors du tremblement de terre et à quelques kilomètres de l'épicentre de la secousse principale, de magnitude 7,9.
Le premier à avoir pointé un doigt accusateur vers cet ouvrage d'art a été Fan Xiao. Quelques semaines seulement après la catastrophe, cet ingénieur en chef du Bureau de géologie et de minéralogie du Sichuan, à Chengdu, a en effet émis publiquementl'hypothèse que le séisme ne soit en fait qu'un exemple supplémentaire, le plus spectaculaire jamais observé, de sismicité induite par les barrages.
À l'automne 2008, l'ingénieur chinois a été rallié par Christian
Klose, de l'Observatoire de la Terre Lamont-Doherty de l'université de Columbia (New York), qui a présenté, lors du rassemblement annuel de l'American Geophysical Union à San Francisco, ses propres calculs sur l'implication de la retenue d'eau dans le séisme destructeur. Selon le géophysicien, qui ne souhaite pas dévoiler le détail de son argumentaire avant d'avoir dûment publié ses résultats, "les centaines de millions de tonnes d'eau accumulées dans la vallée de la rivière Min ont pu modifier en profondeur les contraintes exercées sur la faille de Beichuan au point de déclencher sa rupture". Le barrage est situé dans une zone particulièrement délicate, qui voit, dans un contexte régional de poussée de la plaque indienne contre la plaque eurasienne, le plateau tibétain buter sur le bassin du Sichuan.
LA QUESTION DE L'INFILTRATION : Renforçant ces arguments, une étude parue en décembre 2008 dans la revue chinoise Seismology Geology apporte une nouvelle contribution à cette théorie qui fait grand bruit en Chine. Signé par Lei Xinglin, sismologue de l'université de Tsukuba (Japon : Un sismologue japonais a analysé la relation entre la fréquence et la magnitude des séismes enregistrés entre 2004 et 2008 aux alentours du barrage ->), et des chercheurs du Bureau sismologique chinois, l'article détaille quatre années d'observation de l'activité sismique au voisinage du barrage de Zipingpu. Y sont aussi exposés des calculs théoriques évaluant la modification des contraintes mécaniques engendrée par le poids et l'infiltration de l'eau du lac de retenue, sur le réseau de failles passant sous le barrage. Conclusion ? "La mise en service du barrage de ZiPingpu a clairement affecté la sismicité locale", disent les auteurs.
Ne reste plus qu'à déclarer l'accusé coupable ? Pas si vite ! Car la prudence est de mise : "C'est une affaire très sensible, reconnaît Lei Xinglin, notre article est seulement une discussion scientifique, mais certains s'en servent à des fins politiques. Ce que nous suggérons surtout, c'est qu'il est nécessaire de faire plus de recherches pour savoir si le barrage de Zipingpu a effectivement joué ou non un rôle dans la genèse du tremblement de terre du 12 mai 2008." Pour cela, il faut en particulier mieux connaître la perméabilité des roches de la zone de failles pour déterminer si l'eau du barrage a réellement pu s'infiltrer en profondeur.
Il faut dire que le scepticisme face à l'implication du barrage de Zipingpu est grand au sein de la communauté des sismologues, qui ne voient dans le séisme du Sichuan que le résultat logique de la tectonique des plaques. "La magnitude et la profondeur du séisme me rendent très sceptique sur le fait que ce barrage ait pu jouer un rôle important dans le déclenchement du séisme, déclare Rob Van der Hilst, sismologue du Massachusetts Institute ofTechnology (MIT), qui a travaillé pendant huit ans dans la région. Le changement de contraintes associé au réservoir doit vraiment être faible au niveau de la faille, située entre 15 et 20 kilomètres sous la surface."
DE NOMBREUX DOUTES... Même Harsh Gupta, de l'Institut national de recherches géophysiques d'Hyderabad (Inde), considéré comme le spécialiste mondial de la sismicité induite par les barrages, ne croit pas à cette thèse : "L'étude des séquences de séismes déclenchés par des barrages à travers le monde a permis de dégager certaines caractéristiques propres à ces événements que l'on ne retrouve pas dans le cas du tremblement de terre du Sichuan". Par exemple, la relation entre la fréquence et la magnitude des séismes enregistrés, la durée pendant laquelle les répliques se manifestent, ou encore le rapport entre la magnitude de la secousse principale et celle de la plus forte réplique. L'hypothèse d'un coup de pouce de l'homme dans la survenue du séisme du Sichuan soulève donc beaucoup de doutes, même si ses détracteurs reconnaissent qu'en toute rigueur, la possibilité que le barrage ait facilité le déclenchement de la faille ne peut être totalement rejetée en l'absence d'une analyse plus poussée.
Et la question est d'importance car, s'il est aujourd'hui accepté que des barrages peuvent déclencher des séismes, le plus puissant d'entre eux n'était "que" de magnitude 6,3. Or, un séisme de magnitude 7,9 comme celui du Sichuan libère presque autant d'énergie que mille séismes de magnitude 6 ! Que Zipingpu ait déclenché le séisme du Sichuan ferait basculer le potentiel de nuisance de l'homme dans une tout autre dimension.
Derrière ce cas, qui ne sera peut-être jamais tranché, se pose en effet la question de l'intensité maximale que peut atteindre un séisme induit par l'homme. "Les scientifiques les plus conservateurs ont tendance à considérer que ce ne sera toujours que des petits séismes, et les données actuelles leur donnent raison, explique Jean-Robert Grasso, de l'université Joseph-Fourier à Grenoble. D'autres, dont je fais partie, considèrent que les séismes déclenchés sont de la même famille que les séismes naturels. Par conséquent, de gros séismes induits ne sont pas à exclure, même si, à l'instar des séismes naturels, la probabilité d'en avoir est faible".
La question qui sous-tend le débat est de savoir s'il y a un lien proportionnel entre la perturbation générée par l'homme et le séisme qui s'ensuit. Certains le pensent, comme Art McGarr, du Bureau géologique des États-Unis : "Sur la base de cas historiques de séismes induits par des mines, des barrages ou des forages, nous avons montré qu'il existe une relation entre la taille de l'activité et la magnitude du séisme qui en résulte."
DE PLUS EN PLUS DESTRUCTEURS ? En clair, plus l'homme fore, mine ou accumule de l'eau derrière un barrage, plus le séisme qu'il déclenche par le biais de cette perturbation est intense. Ce qui laisserait entrevoir la possibilité de déclencher à l'avenir, projets pharaoniques aidant, des séismes de plus en plus destructeurs ! Mais cette relation de proportionnalité est loin d'être acceptée par tous. "La taille des séismes induits n'est pas liée à celle de l'exploitation, commente Jean-Robert Grasso. Il suffit qu'on vienne gratouiller une grande faille régionale pour déclencher un gros séisme."
Cela a-t-il été le cas avec le barrage de Zipingpu ? Si les chercheurs parvenaient à le démontrer, l'intérêt pour les tremblements de terre déclenchés par l'homme serait ravivé. Cela changera-t-il pour autant les pratiques des ingénieurs et des constructeurs, qui jusqu'ici ne prennent pas en compte le risque d'induire des séismes ?
B.B. - SCIENCE & VIE > Avril > 2009 |
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