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Un Feu Échappé des Entrailles de la Terre

C'est la plus spectaculaire des colères de la Terre. Faisant jaillir lave incandescente et nuage de cendres, les volcans révèlent l'énergie prodigieuse que recèle notre planète. Un phénomène étroitement lié à la tectonique des plaques qui menace 500 millions de personnes dans le monde.

Coulées de lave fluide et incandescente, nuées ardentes dévalant des pentes à plus de 100 km/h, explosions prodigieuses : à n'en pas douter, la Terre est une planète volcanique. En témoignent les 50 à 70 éruptions recencées chaque années.
Certes, le volcanisme actuel n'a plus aucune commune mesure avec celui que la Terre a connu par le passé. Tels ces grands épanchements basaltiques (ou trapps), comme celui survenu en Sibérie il y a 250 millions d'années, qui a répendu de 2 à 3 millions de m³ de lave, et engendré un plateau grand comme 7 fois la France ; ou ces éruptions qui, il y a 1,8 à 3,5 milliards d'années, auraient déversé assez de lave pour former les plateaux ayant servi d'embryons aux continents...
Pour autant, gigantesque machine thermique, la Terre continue d'évacuer son trop-plein de chaleur, engendré en permanence par la désintégration des éléments radioactifs qu'elle contient, ou qu'elle a emmagasinés dans ses entrailles au moment de sa formation. Et ce volcanisme n'est que la partie émergée d'une structure interne complexe qui voit le manteau terrestre animé de colossaux mouvements de convection sur quelque 3000 kilomètres d'épaisseur, faisant remonter la matière chaude vers la surface à la vitesse de quelques centimètres ou dizaines de centimètres par an.
Plus précisément, le volcanisme est lié à la tectonique des plaques, de sa nature dépend celle des édifices volcaniques, ainsi que leur emplacement à la surface du globe. Ainsi, à l'aplomb des dorsales océaniques, où deux plaques contiguës s'éloignent l'une de l'autre, la remontée régulière de magma donne naissance à un volcanisme intense qui déchire les fonds marins sur 60.000 kilomètres. De même, les zones de subduction, où une plaque plonge sous une autre, engendrent de véritables chaînes volcaniques, telles les Andes et la ceinture de feu du Pacifique. Enfin, représentant seulement 5 % de l'ensemble des volcans, on observe des volcans dits de points chauds, comme à Hawaï, aux Açores ou à La Réunion, alimentés par des panache de matière chaude qui s'enracinent à diverses profondeurs dans le manteau. Panaches dont les mécanismes restent encore, pour une large part, une énigme, comme l'avoue Pierre Schiano, directeur du Laboratoire magmas et volcans (LMV) de l'Observatoire de physique du globe de Clermont-Ferrand (OPGC) : "Si l'origine du volcanisme de subduction ou de celui que l'on observe le long des dorsales est connue, conséquence des mouvements de convection ayant cours à l'échelle du globe et expression volcanique de la tectonique des plaques, celle des panaches à l'origine du volcanisme de points chauds, observé au milieu d'une plaque, est encore aujourd'hui à l'origine de nombreux débats".

FAITS & CHIFFRES
On dénombre 1500 volcans actifs sur Terre, (ayant connu une crise ces 10.000 dernières années).
Plus des milliers d'édifices sous-marins. 600 ont connu une éruption depuis l'Antiquité. Chaque année, de 1 à 3 km³ de lave sont émis, dont 90 % le long des dorsales océaniques.
Les éruptions les plus intenses sont les plus rares : ainsi, une éruption comme celle survenue au mont Saint-Helens, en 1980, projetant 0,74 km³ de matériaux, se produit environ tous les dix ans.
Mais une comparable à celle du Pinatubo (->), en 1991 (10 km³ de matériaux), se produit une fois par siècle.

UNE AFFAIRE DE PRESSION

Mais, quel que soit le type de volcan, tout commence toujours par la fonte d'une partie des roches dans les 100 derniers kilomètres du manteau (jusqu'à 200 kilomètres dans le cas des points chauds). Dans le cas du volcanisme de dorsales et de points chauds, tout est essentiellement affaire de pression. En effet, si, entre 100 kilomètres de profondeur et la surface, la température diminue de 1300°C, la pression, elle, passe de 30.000 à 1 atmosphère ! En raison de cette chute de pression, la température nécessaire pour faire fondre la roche diminue. Résultat : lorsque la roche remonte, elle a beau se refroidir, la chute de pression a abaissé suffisamment sa température de fusion pour qu'elle se mette à fondre. Ainsi, vers une cinquantaine de kilomètres de profondeur, les premières gouttes de magma apparaissent dans un manteau encore essentiellement solide. Au début du processus, ces gouttes sont séparées de leurs voisines et solidaires des roches qui les entraînent passivement vers la surface. Puis, lorsque le taux de fusion croît sous l'effet de la décompression, la quantité de magma augmente et les gouttent se connectent. Moins dense que la roche, le magma se sépare alors de sa matrice solide. C'est l'effet de la poussée d'Archimède. En effet, bien que solide, la roche, sur des temps très longs, peut être considérée comme un fluide visqueux qui s'écoule.
Le cas des volcans de subduction est plus complexe. La plaque plongeante emporte avec elle des sédiments hydratés qui, en se réchauffant, perdent leur eau, qui s'infiltre dans le manteau. Or, il suffit de 1 % d'eau supplémentaire pour faire chuter le point de fusion de 100°C. C'est donc ici, outre la chute de la pression, le surplus d'eau introduit dans le manteau qui amorce la fonte de la roche. Ensuite, la poussée d'Archimède fait son ouvre.

UN RÉSERVOIR DE MAGMA

Néanmoins, dans les derniers kilomètres avant la surface, les roches deviennent moins denses et la poussée ne suffit plus. Le magma s'arrête et s'accumule dans un réservoir : la chambre magmatique, dont la forme et la structure (cavité, éponge...) échappent encore aux volcanologues. "Nous sommes relativement myopes à ce qui se passe à l'intérieur d'un volcan, souligne Jean-François Lénat, lui aussi au LMV. Malgré des progrès, nous ne pouvons encore nous baser que sur les signaux que nous percevons en surface et sur des modèles". Lorsque la chambre magmatique est assez pressurisée, l'éruption peut commencer. En théorie. Dans les faits, elle peut se faire attendre plusieurs années. "Le système volcanique devient alors instable, précise Jean-François Lénat, mais on connaît mal le seuil et les mécanismes qui vont déclencher la migration du magma vers la surface. Une petite perturbation peut suffire, ce qui a incité certains chercheurs à analyser les relations possibles entre les séismes régionaux ou la marée terrestre et le déclenchement des éruptions". Et de citer le Tungurahua, en Equateur, entré en crise en 1999, mais dont l'éruption ne s'est produite qu'en 2006. Ou le Cotopaxi, également en Equateur : "réveillé"l en 2001, son éruption se fait toujours attendre...
Mais quel que soit l'effet déclencheur, la cause de l'éruption est, elle, toujours la même : la chambre est soumise à une hausse de pression. Celle-ci peut être causée par une arrivée de nouveau magma dans la chambre. Ou par une cristallisation du magma déjà présent : l'eau et les gaz (notamment dioxydes de carbone et de soufre) contenus dans le magma sont alors extraits de la fraction solide naissante, ils s'accumulent dans le magma encore liquide jusqu'à ce que ce dernier ne puisse plus les accueillir. La chambre se met à gonfler, les parois cèdent, ce qui entraîne une chute brutale de la pression. Le magma a de plus en plus de mal à intégrer les gaz dissous en son sein. Des bulles se forment, se dilatent et propulsent le liquide vers le haut, comme lorsqu'on débouche une bouteille de champagne qui a été un peu trop remuée.
Dans le cas où la lave est plutôt liquide, les bulles remontent facilement à la surface. La lave s'appauvrit donc en gaz et déborde facilement en coulées fluides. Ce type d'éruption, typique des volcans de points chauds ou des dorsales, est par exemple observé au Piton de la Fournaise, à La Réunion, ou au Kilauea, à Hawaï. il construit des volcans massifs et aux pentes douces qui évoluent en quelques années seulement.
À l'inverse, si le magma est très visqueux, jusqu'à 100.000 fois la viscosité des laves les plus fluides, et riche en silice et en gaz, les éruptions sont explosives : les bulles remontent moins vite que le magma et y restent prisonnières. En grossissant, elles augmentent la porosité du mélange qui finit par se fragmenter : l'éruption est alors composée de gouttes liquides en suspension dans un gaz éjecté brutalement. En refroidissant au contact de l'air, le magma se fige en cendres et roches volcaniques poreuses appelées ponces. Selon la nature du magma, on assiste soit à de petites explosions qui projettent gaz et fragments de lave à quelques dizaines, voire centaines de mètres de hauteur, soit à une explosion très violente projetant un nuage de gaz, de lave incandescente, de cendres et de fragments rocheux parfois jusqu'à 40 kilomètres de hauteur. Souvent, une partie de ce panache est trop dense pour s'élever dans l'atmosphère. Elle s'écroule et s'écoule en surface en une nuée ardente pouvant atteindre des vitesses de plusieurs centaines de kilomètres par heure. Une telle éruption s'est produite au Vésuve en 79, tuant les 3 000 habitants de Pompéi. "Des mélanges de blocs, cendres et gaz s'écoulent alors à des distances prodigieuses, pouvant atteindre plusieurs dizaines de kilomètres", indique Karim Kelfoun, spécialiste de modélisation numérique d'écoulements pyroclastiques au LMV. Les volcans dont la lave est la moins fluide ont une évolution lente, ils entrènt en éruption moins souvent. C'est le cas, notéllmnent, du mont Saint-Helens, aux États-Unis.

UNE SCIENCE VIVANTE

Mais un même volcan peut présenter des éruptions de types différents, au cours de sa vie, ou au cours d'un même épisode éruptif. "Cela fait partie des points encore difficiles à cerner", commente Jean-François Lénat. Le dégazage du magma au cours de l'ascension est parfois invoqué. Mais d'autres paramètres pourraient jouer : une variation de la vitesse d'ascension du magma et de la proportion de gaz, une modification de la géométrie du conduit au cours de l'éruption. Autant d'inconnues qui font de la volcanologie, malgré une bonnee compréhension des mécanismes de base, une science vivante, comme peut l'être un volcan, même endormi depuis des siècles.

DES TERRES GAGNÉES SUR LA MER

Les volcans ne font pas que détruire : les laves brûlantes qui déboulent dans l'eau, lors de l'éruption du Piton de la Fournaise, en 2007 (->), ont aussi permis à l'île volcanique de La Réunion de gagner encore un peu de terre sur la mer, perpétuant ainsi un long processus entamé il y a quelques millions d'années. Et qui se reproduit sporadiquement en d'autres lieux.
Dernier en date : le 19 mars 2009, au large des îles Tonga, sur la Ceinture de feu du Pacifique. Là, des marins ont vu jaillir des profondeurs l'épaisse colonne de vapeur et de projections volcaniques, au-dessus d'une eau bouillonnante. Un volcan sous-marin accouchait d'une nouvelle île qui s'agrandira plus tard, comme à La Réunion, par l'écoulement de ses laves.
Si cette île est issue d'un volcanisme de subduction, d'autres îles volcaniques telle l'Islande, ont été créées par des dorsales, ou encore au-dessus de points chauds. C'est le cas justement de La Réunion ou de Hawaï. Cette dernière est la partie émergée de la plus haute montagne - un volcan en l'occurrence sur Terre : son sommet dépasse, à partir du fond marin, 9000 mètres d'altitude. E.H.

M.G. - SCIENCE & VIE Hors Série > Mars > 2011
 

   
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