Les Plaquettes révèlent leurs Rôles Insoupçonnés |
Les plaquettes sanguines pourraient détenir la clé de nouveaux traitements notamment contre le cancer et l'arthrite.
Bien connues pour leur rôle dans la coagulation (sur la photo ci-dessus, deux globules blancs entourent une plaquette), les plaquettes auraient d'autres cordes à leur arc, comme le suggère un grand nombre d'études récentes. "Jusqu'à très récemment, nous pensions que les plaquettes étaient simplement de petits fragments cellulaires qui s'agrègent lors de saignements, indique Éric Boilard de l'université Laval à Québec. Mais elles sont plus intelligentes que cela".
Les preuves se sont accumulées au cours du temps. Dans les années 1990, les chercheurs ont commencé à examiner leur rôle dans la cicatrisation des plaies après avoir découvert que les greffes osseuses réussissaient mieux si le sang contenait des concentrations élevées en facteurs de croissance dont les sources sont... les plaquettes. Depuis, les médecins utilisent du plasma riche en plaquettes (PRP) pour favoriser le succès des greffes. Il est vite apparu que le taux d'infection chez les receveurs de ce plasma diminuait également, ce qui a conduit à la découverte d'une substance antimicrobienne appelée bêta-défensine 2. Thomas Pufe à l'université d'Aachen en Allemagne et ses collègues ont mis en lumière son origine au sein des plaquettes.
Un rôle néfaste aussi : "Nous avons été surpris, affirme le chercheur. La plupart des gens pensent que le rôle principal des plaquettes est la coagulation et également un rôle dans la réparation des tissus, mais pas un potentiel rôle antimicrobien". Certaines de leurs fonctions sont toutefois plus néfastes. Éric Boilard et ses collègues ont ainsi trouvé que les plaquettes augmentent l'inflammation dans un modèle murin de l'arthrite. Les maladies inflammatoires comme l'arthrite se traduisent souvent par la fuite de fluide à partir des vaisseaux sanguins. À leur grande surprise, ils ont trouvé que les plaquettes étaient à l'origine de la formation de trous dans les parois des vaisseaux. La diminution du nombre de plaquettes a permis de réduire les symptômes. "Les plaquettes sont comme des petits sacs de bonbons ui promeuvent la cicatrisation des plaies, et qui peuvent favoriser d'autres processus", explique Richard Hynes de l'Institut David H. Koch pour la recherche sur le cancer au MIT. Le cancer est souvent décrit comme une plaie qui ne guérit pas et le chercheur du MIT a montré que les cellules tumorales utilisent une voie régulée par les plaquettes, pour se propager dans le corps. Lorsque ces voies de signalisation sont bloquées, les métastases ne se produisent pas, en laboratoire du moins. Une meilleure compréhension du fonctionnement des plaquettes pourrait conduire à de nouvelles thérapies pour nombre de maladies. En plus de l'arthrite, Éric Boilard estime qu'il y a des preuves qu'elles sont impliquées dans le lupus et la sclérose en plaques. Cependant, Karen Stokes de l'université de l'État de Louisiane avertit qu'à cause de leur rôle multifonctionnel, une simple réduction des plaquettes serait irréalisable et potentiellement dangereuse. "Si vous identifiez le mécanisme sous-jacent par lequel les plaquettes contribuent à la maladie, cela va vraiment aider à faire avancer les traitements", nous a-t-elle confiés.
Sources : Tohidnezhad M. et coll. Plotelets (2012) - Cloutier N. et coll. Blood (2012) - Labelle M. et coll. Cancer Cell (201).
LE MONDE DES SCIENCES N°4 > Août-Septembre > 2012 |
|