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Acides GRAS TRANS

Haro sur les Acides Gras Trans

Certains pays les ont bannis. Pas la France. Aucune réglementation n'impose de supprimer les acides gras trans des aliments industriels. Ils sont pourtant reconnus nocifs pour la santé cardio-vasculaire...

Présents en quantité parfois importante dans les viennoiseries, biscuits, pizzas, barres chocolatées et autres plats préparés, les acides gras trans sont accusés d'augmenter les risques de problèmes cardio-vasculaires, voire de cancer du sein. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande d'en limiter la consommation quotidienne à moins de 1 % de l'énergie totale apportée par nos aliments.

C'EST QUOI CES ACIDES GRAS ?

Ces acides gras sont dotés d'une structure chimique particulière, avec une double liaison dite "trans". Une partie d'entre eux est fabriquée dans l'estomac des ruminants ; nous l'ingérons avec la viande et les produits laitiers. Les autres, les plus nocifs, se retrouvent dans les aliments industriels par l'intermédiaire de l'hydrogénation partielle des huiles végétales. Objectif : solidifier ces huiles pour faciliter leur utilisation et les rendre moins propices au rancissement. Bien que leur indication soit facultative, on peut les repérer sur les étiquettes comme "huiles végétales hydrogénées ou partiellement hydrogénées".

UNE CONSOMMATION QUI BAISSE

Certes, les teneurs en trans ont diminué par rapport au début des années 2000 dans la plupart des aliments industriels, et les apports moyens pour 95 % de la population française sont corrects. Mais, pour les spécialistes, ce n'est pas suffisant. "Ils sont pires que les acides gras saturés sur le plan cardio-vasculaire et de surcroît dénués d'intérêt nutritionnel, note Jean-Michel Chardigny, directeur de l'unité Nutrition humaine de l'Inra, à Clermont-Ferrand. Une interdiction clarifierait les choses. En se limitant aux acides gras trans naturels, il serait quasi impossible d'atteindre la limire maximale". Le Danemark et l'Autriche ont déjà limité l'emploi des acides gras trans, les États-Unis sont en passe de le faire. A quand notre tour ?

DES ESPOIRS DE CHANGEMENT PROCHAIN ?

Le nouveau règlement européen sur l'étiquetage des denrées, qui sera appliqué à partir de décembre 2014, n'obligera a priori pas les industriels à faire figurer les teneurs en asides gras trans sur les éliquettes. À moins que le rapport d'experts européens en cours sur cette question change la donne...

P.C. - 60 MILLIONS DE CONSOMMATEURS N°490 > Février > 2014

Acides GRAS TRANS : Le Poison qui ne doit plus être ignoré

À l'origine, ce type de graisses industrielles passait pour avoir des vertus contre le "mauvais" cholestérol. En réalité, il l'augmente dramatiquement ! Or, ces acides gras "trans" sont non seulement au cour d'innombrables produits de consommation... mais personne ne le sait.

C'est l'histoire d'un remède pire que le mal. Ou comment des aliments industriellement mis au point à partir d'acides gras, baptisés "trans", s'avèrent finalement une plaie quand, au départ, ils étaient censés offrir des garanties contre le "mauvais" cholestérol. Et le pire, c'est que personne ne le sait ! Car nulle étiquette sur les produits de grande consommation ne permet de détecter la présence de ces "AG trans", alors qu'ils sont partout, ou presque : dans les biscuits, les céréales, les biscottes, les plats cuisinés, les viennoiseries en sachet, les potages en poudre, les barres chocolatées, les pâtes à tartiner... Une invasion totalement indécelable pour le profane... mais pas pour l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa). Loin s'en faut. Car en avril 2005, celle-ci publiait un premier rapport qui concluait officiellement à la nocivité sans précédent de cette graisse industrielle sur le système cardio-vasculaire. Accablant. Sauf que, deux ans plus tard, la grande majorité des consommateurs continuent d'ignorer tout, ou presque, de ces ennemis "invisibles" et de l'impact sur la santé de ce que d'aucuns n'hésitent pas à décrire comme l'une des pires inventions jamais mises au point par l'industrie agro-alimentaire.
Comment en est-on arrivé là, alors que ces fameux AG trans sont dans nos assiettes depuis des lustres et que le risque qu'ils représentent est parfaitement reconnu par le monde médical depuis les années 90 ? Car il s'agit bien "d'un véritable poison pour le corps humain", affirme sans hésiter le professeur Meir Stampfer, épidémiologiste à l'Ecole de santé publique de Harvard (HSPH).

C'est quoi un acide gras trans ?
Comme tous les acides gras (AG), les acides gras trans sont des molécules formées d'une chaîne d'atomes de carbone liés à des atomes d'hydrogène (partie grasse), terminée par un groupe carboxyle (partie acide). La façon dont sont liés ces atomes diffère d'un acide à l'autre.
Les AG trans sont dits insaturés parce qu'ils présentent au moins une double liaison entre les différents groupes d'atomes qui les composent. Sur ce point, ils sont comparables aux AG monoinsaturés et polyinsaturés. A un détail près : cette double liaison se trouve dans une configuration spatiale appelée "trans", différente de la forme naturelle la plus répandue de la chaîne carbonée, dite "cis". Ainsi, les portions de chaîne qui séparent les doubles liaisons des acides gras insaturés peuvent "dévier" d'un même côté ou rester "en ligne". S'ils ont bien la mème formule brute que les AG insaturés, leur forme tridimensionnelle spécifique leur confère des propriétés physiques proches de celles des AG saturés (AGS).
Il existe 2 sources d'acides gras trans :
- À l'état naturel : on trouve une certaine proportion d'acides gras trans dans les matières grasses de ruminants (beurre, lait, produits laitiers, viande bovine et de mouton). Dans ce cas, les trans proviennent d'une transformation bactérienne des acides gras insaturés dans le rumen (premier estomac) des ruminants. 60% des AG trans consommés en France sont d'origine animale.
- Par processus industriel : pour que le changement de molécule se produise, il faut rompre la liaison cis des AG insaturés, ce qui demande un apport d'énergie considérable. Les AG trans se forment au cours des traitements de désodorisation (raffinage des corps gras), où les huiles riches en AG polyinsaturés sont portées à des températures élevées. Mais les AG trans sont surtout formés par le procédé d'hydrogénation partielle (pour "durcir" les huiles fluides). On utilise alors un catalyseur (produit chimique) ou une enzyme pour modifier la nature de la double liaison cis en trans. En France, les procédés industriels apportent environ 40% des acides gras trans totaux, dont 18 % chez l'adulte et 30% chez l'enfant, les autres apports étant d'origine naturelle.
C'est quoi un acide gras saturé ?
Les acides gras saturés sont solides à température ambiante. Souvent d'origine animale, ils sont notamment présents dans le beurre, les huiles de palme et les graisses animales, comme la graisse d'oie. Consommés à l'excès (c'est-à-dire au-delà de 25 % de l'apport énergétique total), ils augmentent le taux de "mauvais" cholestérol et, dès lors, le risque cardiovasculaire.
Acide gras monoinsaturé
Liquide à température ambiante, l'acide gras monoinsaturé le plus connu (acide oléïque). On le trouve dans certaines huiles végétales comme l'huile d'olive, de colza et de tournesol. Il favorise le "bon" cholestérol.
Acide gras polyinsaturé
Deux d'entre eux, l'acide linoléique (oméga 6) et l'acide alpha-linolénique (oméga 3) sont appelés "essentiels" car ils sont indispensables à l'organisme, qui ne peut les produire. On les trouve principalement dans les huiles végétales tournesol (oméga 6), colza, soja, noix (oméga 3). D'autres sont plutôt d'origine marine (saumon, sardines...).

RESPONSABLES DE MILLIERS DE DÉCÈS AUX ÉTATS-UNIS

Co-auteur d'une série d'études récentes sur le lien entre la consommation d'AG trans et la hausse du risque de maladies cardiovasculaires, le chercheur explique : "Aucun autre acide gras, à un niveau aussi bas de consommation, n'entraîne de tels effets secondaires néfastes. Par exemple, nous avons calculé qu'aux États-Unis l'élimination totale des acides gras trans permettrait d'éviter chaque année entre 70.000 et 100.000 morts prématurées des suites d'une crise cardiaque ou d'une maladie cardiovasculaire. Sans compter que d'autres études ont montré que la consommation des AG trans augmentait significativement le risque de souffrir de diabète". Mais voilà ! Lorsque les AG trans d'origine industrielle ont été inventés, au début du XXè siècle, ils n'étaient pas du tout identifiés comme de "mauvaises graisses". Bien au contraire... "La première motivation des industriels était économique et technologique, rappelle Jean-Michel Chardigny, chercheur à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra). Il s'agissait d'abord de trouver une matière première moins rare et moins onéreuse à produire que le beurre et, surtout, qui assurerait une meilleure conservation des produits". C'est en 1902 qu'un chimiste allemand, Wilhelm Nordmann, a l'idée de transformer les huiles végétales fluides en matières grasses solides à température ambiante. Un procédé, appelé "hydrogénation partielle", qui produit d'inattendues molécules : les AC trans dits "industriels". Chimiquement, ces trans sont semblables à ceux que l'on trouve à l'état naturel dans certains produits d'origine animale tels que les laitages. Mais eux ont l'avantage d'être produits à la demande et de pouvoir être introduits en très grande quantité dans les aliments.

COÛT, TEXTURE : L'INDUSTRIE SE RUE SUR LES TRANS

Une véritable aubaine pour les fabricants de matière grasse, qui pensent alors avoir trouvé le substitut idéal du beurre. Et de fait, dès 1910, les AG trans infiltrent le secteur des producteurs de matières premières grasses (margariniers, producteurs d'huiles...) avant de gagner les autres secteurs de l'industrie agroalimentaire, séduits par cette nouvelle matière première qui assure une texture fondante ou croquante à leurs produits, tout en garantissant une meilleure conservation et un prix de fabrication moins élevé. Une bonne image que les considérations nutritionnelles vont encore venir renforcer dans un deuxième temps. Car ils sont alors considérés comme bien meilleurs pour la santé que les graisses saturées qui, elles, peuvent augmenter la concentration de "mauvais" cholestérol (LDL) dans le sang et ainsi favoriser le développement de maladies cardiovasculaires. Bons pour le porte-monnaie des industriels et bons pour notre santé : l'avenir des AG trans s'annonçait donc radieux ! Qui aurait alors pu imaginer que ce beau rêve industriel se transformerait en cauchemar pour la santé ? Car "le produit de remplacement s'est avéré pire que l'original", résume sobrement Meir Stampfer. Il aura tout de même fallu attendre 1990 pour que les soi-disant "bons gras" virent aux mauvais. À cette date, en effet, de premières études, menées aux États-Unis et au Danemark, établissent un lien entre la consommation de gras trans et le risque accru de maladies cardiovasculaires, quel que soit l'âge du consommateur. Ce que confirment ensuite d'autres publications, notamment celle de l'Ecole de santé publique de Harvard, publiée en 1997, qui accuse les gras trans artificiels d'augmenter de 132 % le risque de souffrir de troubles cardiovasculaires, contre 32 % pour les mêmes quantités de gras saturés. Pourquoi une telle nocivité ? Parce que si ces deux familles de gras contribuent à augmenter le "mauvais" cholestérol dans le sang, les gras trans font pire : ils diminuent aussi le "bon" cholestérol qui, lui, limite le risque d'obstruction des vaisseaux sanguins. Quel que soit leur niveau, les acides gras trans activent une enzyme qui a des effets délétères sur le profil lipidique, tandis qu'au-delà d'un certain seuil, les acides gras saturés ne l'activent plus", explique-t-on à l'Afssa.

Concrètement, ce sont les enfants qui sont en première ligne car ce sont eux qui, sans le savoir, consomment le plus de ce "poison". De fait, les gras trans sont principalement dissimulés dans des produits que les jeunes dévorent allégrement : biscuits, gaufres, cookies et viennoiseries industriels, plats cuisinés, pâtes à tarte ou à tartiner, barres chocolatées, certaines céréales pour le petit-déjeuner, pommes frites... Or, en France comme, dans la plupart des pays industrialisés, c'est également dans cette tranche d'âge que le surpoids et l'obésité se développent le plus vite.

LES ENFANTS ET LES ADOS EN PREMIÈRE LIGNE

Des problèmes liés à une modification des habitudes alimentaires et à une diminution de l'activité physique... Ces facteurs conjugués augmentant d'autant plus le risque de développer, à terme, une maladie cardiovasculaire. Un vrai fléau quand, avec 180.000 décès par an, ces maladies sont la première cause de mortalité en France, selon le Haut comité de santé publique.
"Il suffit de consommer moins de 5 grammes d'acides gras trans par jour pour augmenter de 25 % le risque relatif de souffrir de troubles cardiovasculaires", précise Jean-Michel Chardigny, de l'Inra, qui s'appuie ici sur l'ensemble des études publiées jusqu'à present. Or, les petits Français sont bien au-delà de ce chiffre. Dans l'Hexagone, les garçons de 3 à 14 ans en consomment près de 6 grammes par jour, selon le rapport de l'Afssa. Soit presque le double de la moyenne nationale ! "Pire, entre 12 et 14 ans, les jeunes en consomment encore plus. Presque 8 grammes par jour", alerte Esther Kalonji, de l'Unité d'évaluation sur la nutrition et les risques nutritionnels à l'agence sanitaire. Et le professeur Meir Stampfer de marteler : "Il est capital de bannir de l'alimentation ces AG trans artificiels qui sont la pire forme d'acides gras existante".

Certes, mais comment ? Les consommateurs, parents comme enfants, n'ont aucun moyen de prévenhon à leur disposition. Aucune étiquette ne fait mention des gras trans, ou alors sous une forme déguisée. "Vous pouvez être sûr que tout ce qui, dans les rayons des supermarchés, est étiqueté "huile végétale" ou "graisse partiellement hydrogénée", contient des acides gras trans, previent Jean-Michel Chardigny. Et les choses se compliquent encore dès qu'il s'agit de connaître les quantités d'AG trans incorporés aux produits utilisant des matières grasses partiellement hydrogénées, puisque rien n'oblige les fabricants à rendre ces chiffres publics, ni à les inscrire sur les étiquettes. En réalité, les taux d'AG trans dans les produits de notre alimentation sont aussi jalousement cachés qu'un secret d'État ! D'ailleurs, les autorités sanitaires ne communiquent pas sur ces chiffres. Tout au plus estiment-elles que les taux varient, selon les aliments, de 1 à 30 %. Qui plus est, impossible de savoir quel produit exactement en contient, sauf à mener sa propre enquête, comme l'ont fait nos confrères de 60 Millions de consommateurs. Mais qui possède un laboratoire de recherche à la maison ? Bref, le consommateur est maintenu dans une scandaleuse ignorance. Et voilà bien le problème quand, de l'avis de l'Afssa, la question aujourd'hui n'est pas tant celle des taux de plus en plus faibles - d'acides gras trans industriels qui sont incorporés aux produits alimentaires, que de l'addition de produits qui en contiennent et qui sont consommés de façon répétée, tous les jours, par les plus jeunes. Mais là encore, comment échapper aux trans si le consommateur ne sait pas où ils se cachent ?

POUR L'ÉTIQUETAGE, LA FRANCE PREND SON TEMPS

Face à cet ennemi sournois, certains pays ont récemment pris des mesures draconiennes. Aux États-Unis, les étiquettes des produits doivent ainsi faire mention, depuis janvier 2006, de la présence d'acides gras trans. La mairie de New York a même décidé d'aller plus loin. À partir du 1er juillet prochain et d'ici à 2008, tous les fast-foods et les brasseries de la ville devront élaborer un menu ne contenant pas plus de 0,5 gramme d'AG trans d'origine industrielle. Une première dans le monde ! Mais ces mauvaises graisses sont aussi dans le collimateur du Canada, de la Suède ou de la Grande-Bretagne, qui viennent d'adopter des mesures contraignantes. Au Canada, par exemple l'étiquetage nutritif des aliments doit obligatoirement signaler la présence d'AG trans. Reste qu'en matière de lutte anti-trans, c'est le Danemark qui fait figure d'incontestable pionnier. Il y a trois ans, il fut le premier pays au monde - et reste le seul à ce jour - à avoir classé les trans d'origine industrielle dans la catégorie des substances illicites dès lors qu'un aliment en contient un taux supérieur a 2 %. Pourquoi ce seuil ? Parce que les études épidémiologiques lui associent une augmentation significative des risques de maladies cardiovasculaires. Le moindre contrevenant encourt des amendes, voire des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à deux ans.

Et en France ? Certes, le rapport de l'Afssa, en 2005, ne fait pas de distinction entre les AG trans d'origine industrielle et ceux d'origine naturelle, dont on ne connaît pas encore les effets. "Je coordonne actuellement un programme qui compare les deux sources d'AG trans pour déterminer si ceux d'origine naturelle ont des effets spécifiques et si ces effets ont le même impact sur la santé que ceux d'origine industrielle", explique Jean-Michel Chardigny. En attendant ces résultats, le rapport de l'Afssa préconisait l'étiquetage des gras trans dans leur ensemble et leur limitation à moins de 2 % de l'apport énergétique total. Mais en deux ans, les réunions se sont multipliées... sans résultats. A la Direction générale de la consommation (DGCCRF), on noie le poisson : "Tout se joue au niveau européen pour l'étiquetage et nous n'avons pas encore reçu le projet de texte officiel de la Commission". Craignant que le scandale n'éclate au grand jour, les margariniers et autres fabricants de matières grasses, principaux producteurs d'AG trans, ont voulu contourner le problème. Dès 1995, soit cinq ans après les premières études pointant du doigt les risques, ils ont tenté d'en réduire l'utilisation. Car des altematives existent. "La principale et la plus efficace consiste à améliorer les procédés de fabrication qui induisent des acides gras frans", explique Esther Kalonji. Une démarche qui porte déjà ses fruits : depuis une décennie, ces méthodes ont permis d'abaisser quelque peu les taux de gras trans dans certains produits. Par exemple, "la plupart des margarines ménagères, notamment les françaises, sont aujourd'hui à des taux inféneurs à 2 % d'AG trans, note Odile Morin, de l'Institut des corps gras (ITERG), un centre de recherche chargé d'élaborer des méthodes de fabrication des graisses pour les industriels. Et de fait, la teneur des quatre grandes margarines européennes (produites notamment par le géant du secteur, Unilever), a été testée de 1992 à 1996 et "celle qui contenait le plus d'AG trans a vu son taux passer de 19 % à 0,6 % en quatre ans", assure Odile Morin.
Le problème des AG trans est pourtant loin d'être réglé, notamment chez les acteurs de l'industrie agro-alimentaire qui incorporent les gras trans dans la composition de leurs produits, comme les viennoiseries ou les cookies. Parce que la plupart se sont préoccupé du problème avec un temps de retard. "Nous étions obligés d'attendre que nos fournisseurs de matière première soient capables de nous proposer des graisses sans acides gras trans", justifie Cécile Rauzy, responsable nutrition du Syndicat national de la biscuiterie et de la panification, qui représente 85 % du marché de la biscuiterie en France. Avant de plaider que, "dès 1997, le syndicat avait mené une enquête pour évaluer les quantités d'AG trans présentes dans nos produits et que, l'année suivante, il recommandait à tous ses adhérents de réduire, en un an, à 2 % les taux d'AG trans dans chaque produit". En dépit de ces améliorations, de nombreux aliments "industriels" échappent toujours à la chasse aux gras trans, notamment ceux dont les enfants sont les plus friands. Pourquoi ? Les raisons sont en partie économiques car certains nouveaux procédés de fabrication coûtent plus cher que les autres.

TROUVERA-T-ON UN JOUR UN SUBSTITUT EFFICACE ?

À l'Inra, Jean-Michel Chardigny constate : "Résultat, chez les fournisseurs de matières premières, on trouve deux types de graisses : la première, moins chère, contient des gras trans, et la deuxième n'en contient pas, mais coûte beaucoup plus cher. Cela dit, si ces deux gammes existent, c'est bien qu'il y a une demande". Ainsi, certains industriels ont malgré tout décidé d'investir contre les AG trans. Comme le Syndicat national de la biscuiterie et de la panification, dont les adhérents achètent désormais la matière première sans acides gras trans, ce qui représente pour eux un surcoût d'environ 15 %. "Mais aujourd'hui, les taux de gras trans dans nos gammes de produits sont en moyenne autour de 0,5 %", insiste Cécile Rauzy.
Reste que, dans la lutte contre les trans, les obstacles ne sont pas seulement d'ordre économique : des blocages techniques existent aussi. "On ne peut pas supprimer les acides gras trans de certaines recettes sans modifier la texture et la stabilité des produits, explique Odile Morin, de l'ITERC. Si vous retirez ces graisses du jour au lendemain sans avoir une solution de remplacement efficace, les aliments resteront liquides ou s'oxyderont rapidement". De fait, c'est la présence des gras trans qui rend les biscottes croquantes pendant plusieurs mois ! C'est ainsi que, faute d'alternatives techniques satisfaisantes, "certains produits comme les pâtes feuilletées sont encore au-dessus des 5 % d'AG trans", reconnaît le Syndicat de la biscuiterie.
Néanmoins, les recherches se poursuivent afin de trouver des procédés capables de mettre un terme aux dernières résistances. Des techniques de fabrication inédites devraient donc voir le jour... Avant que l'on ne découvre qu'elles engendrent elles-mêmes de nouveaux effets secondaires ? "Nous ne trouverons jamais le procédé idéal. Il faut garder à l'esprit que certains produits sont probablement voués à ne pas être à la fois bons pour la santé et bons au goût. Aux consommateurs de varier leur alimentation et de limiter la consommation de ces produits", conclut Odile Morin, un avis que partagent Jean-Marie Chardigny, et l'Afssa. Encore faut-il au moins connaître les risques...

Clara Dufour - SCIENCE & VIE > Juin > 2007
 

   
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