Index SCIENCES -> MÉDECINE -> NUTRITION 
   
 
Régimes Anticancer : Peut-on y Croire ?

Se prémunir contre le cancer grâce aux vertus de certains aliments : l'idée fait actuellement fureur, légitimée par des études largement mises en avant. Problème : ces études sont "ponctuelles" et leurs résultats ne peuvent en aucun cas être généralisés. Explications.

Quelques algues marines, une cuillère à thé de curcuma, une poignée de graines de lin... À en croire quantité de sites Internet et moult ouvrages qui remportent un franc succès au rayon nutrition des librairies, voilà quelques aliments à intégrer dans notre alimentation si l'on décide d'entamer un "régime anticancer". Sans oublier les plus traditionnels, ail, brocolis, tomates... dont les vertus ne sont, paraît-il, plus à démontrer. L'alimentation anticancer a le vent en poupe et pas seulement chez les libraires. Dans les laboratoires aussi. Pas un jour ne passe sans qu'une nouvelle étude ne prête des propriétés anticancéreuses au chou, aux fruits rouges, au chocolat. En début d'année, une enquête taiwanaise concluait ainsi que les fumeurs ne buvant pas de thé vert avaient 12 fois plus de risques d'être atteints d'un cancer du poumon que ceux qui en buvaient au moins une tasse par jour. Plus récemment, une étude française a montré que le resvératrol, un polyphénol majeur du vin rouge, aurait la propriété de bloquer le processus de cancérisation de cellules humaines en culture.

DES EXPERTS MONDIAUX TRÈS MESURÉS

Trouver dans son assiette les moyens de se prémunir contre ce fléau ne peut qu'être une bonne nouvelle. Pourvu que la chose soit démontrée, évidemment. Or, malgré la solide assurance affichée par les publications "anticancer" à succès et la multiplicité des études scientifiques, les experts mondiaux en nutrition sont beaucoup plus mesurés dans leurs déclarations. En témoigne le dernier rapport de référence dans le domaine, publié en novembre 2007 par le Fonds mondial de recherche contre le cancer (WCRF) et mis à jour cette année : ses recommandations sont loin d'être aussi précises et incitatives. Point de thé vert, curcuma et autres condiments aux vertus miraculeuses, tout juste est-il question, pour préserver sa santé, de varier son alimentation, de consommer un maximum de fruits et légumes quotidiennement et de maintenir un poids optimal. Nous voilà bien loin de l'authentique "régime anticancer" tant vanté et espéré. Pourquoi un tel décalage ? Est-il oui ou non possible, en l'état actuel des connaissances, de recommander la consommation de tel aliment en particulier et d'éviter tel autre pour diminuer les risques de développer un cancer ?

IL S'AGIT JUSTE "D'OPINIONS PERSONNELLES"

Cultivant l'art du paradoxe, David Khayat, chef de service de cancérologie à l'hôpital Pitié-Salpêtrière et auteur de Le Vrai Régime anticancer (Odile Jacob, 2010), répond sans embarras : "En aucune manière je ne pense qu'il existe de régime spécifique aujourd'hui, qui plus est de régime universel valable pour tous, qui préviendrait le cancer". Une position finalement assez proche de celle du WCRF.
Selon Serge Hercberg, directeur de l'unité de recherche Inserm d'épidémiologie nutritionnelle, les sites Internet et les ouvrages qui vantent les mérites de leurs régimes anticancer "ne traduisent que la conviction de ceux qui les écrivent". Et ce, pour une bonne raison : ces régimes s'appuient presque exclusivement sur des études, scientifiques certes, mais ponctuelles. Rien à voir avec les experts mandatés par le WCRF qui, eux, passent en revue l'ensemble des publications parues sur la question (encadré ci-dessous).

Un rapport qui compile la totalité des études menées sur le sujet.
Ce ne sont pas moins de six années qui auront été nécessaires pour élaborer le rapport du Fonds mondial de recherche contre le cancer (WCRF). "Alimentation, nutrition, activités physiques et prévention du cancer : une perspective mondiale", publié fin 2007. Sa méthode : passer au crible toute la littérature scientifique portant sur des liens entre des aliments, quels qu'ils soient, et le risque de cancer, quels qu'ils soient aussi. Concrètement, neuf centres internationaux ont étudié des centaines de milliers de publications pour n'en retenir, finalement, que 7000 : celles jugées d'une bonne qualité méthodologique et focalisées sur les liens entre alimentation, nutrition et cancer. à partir de là, des méta-analyses ont été menées pour combiner tous les résultats obtenus par type de cancer et facteur de prévention. Sur cette base, 21 experts internationaux indépendants ont déterminé, aliment par aliment et cancer par cancer, le niveau de preuve résultant de toutes ces données scientifiques. Chaque association relevée entre un aliment et un cancer a été classée selon deux grandes catégories - et quatre niveaux de preuve : convaincant, probable, limité mais évocateur ou peu probable. Enfin, ils ont élaboré une série de recommandations visant à "réduire le risque de cancer des populations du monde entier". Ce rapport a été mis à jour cette année.

Du reste, le WCRF a éprouvé en juin dernier la nécessité de réagir à l'engouement provoqué par les ouvrages de David Servan-Schreiber (Anticancer, Robert Laffont, 2010) et de David Khayat, avertissant que "les deux auteurs donnent des conseils en se basant sur leur opinion personnelle et en se reposant parfois sur des études uniques. Mais des études uniques ne donnent pas de réponses définitives". En clair, qu'elle soit menée sur des populations humaines (épidémiologie), des souris (in vivo) ou des cellules (in vitro), une étude unique ne suffit pas à prouver l'existence d'associations incontestables entre un aliment et un cancer.
Et pourtant, les études les plus médiatisées sur les liens alimentation-cancer donnent l'impression que leurs résultats sont directement transposables dans notre assiette. Ainsi, lorsqu'une étude menée sur 73223 Chinoises indique que les plus grandes consommatrices de soja risquent moins de développer un cancer du sein, la tentation est forte d'en faire un composant de base de l'alimentation féminine. Rien n'autorise cependant une telle conclusion, car la nature même de ces études l'interdit. Les enquêtes épidémiologiques souffrent de biais méthodologiques que la complexité d'un domaine comme celui de la nutrition rend encore plus patents. "Si l'épidémiologie est, certes, une approche scientifique, elle n'est pas expérimentale, explique Jean Menanteau, du Centre de recherche en cancérologie à Nantes, elle génère donc un niveau de preuve souvent faible."
De fait, les aliments que nous consommons contiennent une multitude de composés qui interagissent les uns avec les autres. Explorer les liens entre alimentation et cancer se révèle donc beaucoup plus difficile que d'étudier l'association tabac-cancer par exemple. S'il est facile d'évaluer la consommation de tabac d'un individu en comptant le nombre de cigarettes qu'il fume quotidiennement, il est "plus difficile d'avoir une représentation fiable de l'alimentation d'une personne", confirme Paule Latino-Martel, coordinatrice du Réseau national alimentation cancer recherche (Nacre). Les épidémiologistes recourent à des questionnaires nutritionnels très précis, mais cela ne suffit pas toujours. Ainsi en va-t-il pour les études dites "cas-témoins" qui comparent les régimes alimentaires d'individus en bonne santé et ceux d'individus atteints d'un cancer : les scientifiques leur demandent parfois de se rappeler ce qu'ils mangeaient il y a... 10 ou 20 ans !
Plus solides sont les études dites "de cohorte". Il s'agit cette fois de recruter un grand nombre de sujets en bonne santé et de suivre leur régime alimentaire pendant de longues années. Durant cette période, certains développent un cancer. Les épidémiologistes tentent alors de relier la survenue de la maladie à un aliment ou à un comportement alimentaire donné. Mais, pour analyser l'effet d'un aliment sur l'apparition d'un cancer, encore faut-il éliminer tous les autres facteurs potentiels... "On a longtemps cru que le café donnait le cancer du pancréas, raconte Denis Corpet, responsable de l'équipe Prévention et promotion de la cancérogenèse par les aliments à l'Ecole nationale vétérinaire de Toulouse. C'était avant de s'apercevoir que les sujets étudiés fumaient une cigarette en buvant leur café !" Désormais, les facteurs comme le tabac, l'alcool ou l'environnement socioprofessionnel sont systématiquement contrôlés dans les études de cohorte. "Mais on a beau prendre en compte un maximum de facteurs de confusion, il en reste toujours", reconnaît Françoise Clavel-Chapelon, responsable de l'équipe Inserm Nutrition, hormone et santé de la femme à Villejuif. C'est pourquoi dans la publication des résultats est-il toujours fait état d'une "association" entre un aliment et ses effets potentiels, jamais d'une causalité pleine et entière. Une seule étude épidémiologique ne suffit donc jamais à démontrer qu'un aliment augmente ou diminue les risques de cancer. Sauf, peut-être, avec les "essais d'intervention", beaucoup plus rigoureux sur le plan méthodologique.
Ce troisième type d'étude épidémiologique consiste à imposer à un groupe de sujets un comportement alimentaire donné et à évaluer ses effets sur la survenue d'un cancer. En 2003, Serge Hercberg révélait ainsi les premiers et spectaculaires résultats de son étude Suvimax conmencée en 1994 : les hommes dont l'alimentation est supplémentée en vitamines et minéraux antioxydants diminuent de 31 % leur risque de cancer. Sa méthodologie se voulait irréprochable : 13.000 sujets avaient été suivis pendant huit ans. La moitié d'entre eux devaient absorber quotidiennement une capsule contenant des vitamines et minéraux. L'autre moitié recevait une capsule placebo. Ni les médecins ni les sujets ne savaient ce que contenait la capsule qui leur était délivrée, offrant ainsi un maximum de garanties. Mais alors, si les résultats obtenus à partir de rigoureux essais d'intervention peuvent atteindre une réelle fiabilité, pourquoi ne pas recommander à tous les hommes de consommer ces capsules miracles ? Parce que même rigoureuse, cette étude est tout de même contredite par d'autres qui soulignent des effets contraires des compléments alimentaires. Du coup, les autorités sanitaires ont préféré extrapoler les résultats de Suvimax en incitant la population à manger des fruits et légumes, dont la richesse en antioxydants est connue. Ce saut conceptuel - assimiler la prise de compléments alimentaires à la consommation de fruits et légumes - est critiquable, pourtant ces résultats ont renforcé le message de santé publique : "Mangez au moins 5 fruits et légumes par jour."
Pour éviter ce type d'extrapolations, ne pourrait-on pas réaliser des études d'intervention pour analyser directement les effets du thé vert, du curcuma ou de tout autre aliment sur la survenue des cancers ? Plusieurs obstacles existent. À commencer par le coût, très important, de ce type d'étude : "Il faudrait une armée de diététiciens pour vérifier que les sujets suivent scrupuleusement le régime imposé", note Françoise Clavel-Chapelon.

LA NÉCESSITÉ D'ÉTUDES DE NATURE DIFFÉRENTE

Ensuite, plus fondamentalement, réaliser des essais d'intervention avec des aliments se heurte à un vrai problème : en demandant à des sujets de consommer quotidiennement trois tasses de thé vert, on risque l'effet placebo. "Si les gens sont convaincus que le thé vert est bénéfique pour leur santé, cela peut influer sur le résultat de l'expérience", explique Paule Latino-Martel. Il est donc indispensable de procéder à l'aide de capsules, en double aveugle, pour que les sujets ne sachent pas ce qu'ils consomment. Oui, mais quel composé mettre dans les capsules ? Chaque aliment en contient une multitude, tous potentiellement actifs sur la santé ! Si l'essai d'intervention peut prétendre à fournir le meilleur degré de preuve, il reste donc rare. Est-ce à dire qu'il est impossible d'établir avec certitude si un aliment augmente ou diminue les risques de développer un cancer ? Sur la base d'une seule étude, oui... mais pas avec plusieurs. "L'épidémiologie est une science d'observation. Avant de tirer des conclusions et de faire des recommandations, il faut qu'il y ait un faisceau d'arguments allant dans le même sens", explique Françoise Clavel-Chapelon. À la tête d'une étude de cohorte de 100.000 femmes qu'elle suit depuis 1990, elle a montré avec son équipe, en septembre dernier, que des taux élevés de vitamine D dans le sang seraient liés à une diminution du risque de cancer du sein : "Mais notre étude ne suffit pas à convaincre définitivement. Pour que cette association soit certaine, il faut que d'autres études viennent corroborer nos observations". Et si possible des études menées sur des populations différentes, pour être sûr que l'association observée n'est pas due à une spécificité, génétique par exemple, de la population étudiée. Encore mieux : disposer d'études in vitro et in vivo apportant une "plausibilité biologique" à l'association supposée.
Pour autant, ne nous y trompons pas, ces études non plus, aussi rigoureuses soient-elles, ne suffisent pas à elles seules à faire naître des recommandations nutritionnelles. Par exemple, des publications récentes ont montré que le polyphénol majeur du thé vert, l'épigallocatéchine-3-gallate, avait la propriété de déclencher la mort de cellules cancéreuses humaines en culture. Cela signifie-t-il que nous devons boire des litres de thé vert pour prévenir le cancer? Non. Car les cellules humaines isolées dans une boîte de Petri n'ont pas grand-chose à voir avec les cellules de notre organisme. "Cultivées depuis dix, vingt, trente ans dans les laboratoires, elles ont beaucoup dérivé et ne sont plus que des outils destinés à donner des informations sur des mécanismes biologiques", considère Paule Latino-Martel. Quant à savoir si les polyphénols contenus dans notre tasse de thé atteignent leur cible, nos cellules, une fois absorbés, rien n'est moins sûr. "Une grande partie est éliminée par l'organisme et ne passe pas dans la circulation sanguine". Il en va de même des études sur les rongeurs qui ne sont pas davantage extrapolables à l'homme, une souris restant une souris.
Ces études in vivo et in vitro ne fournissent donc que des hypothèses. Or, "doit-on baser sa façon de manger, sa façon de vivre, sur des hypothèses ?", s'interrogeait Denis Corpet dans une interview accordée à la mission Agrobioscience en mai dernier. Avant de répondre : "On peut le faire, mais c'est un peu risqué." Risqué ? Ingérer un aliment ou un nutriment en grande quantité sous prétexte qu'on le croit bon pour la santé n'est pas anodin, comme en témoignent deux études d'intervention (Caret et ATBC) publiées dans les années 1990 : conduites aux Etats-Unis et en Finlande, elles ont montré, à la surprise générale, que la supplémentation en bêta-carotène augmentait de 36 % et 16 % respectivement les risques de cancer du poumon chez les fumeurs ! Même si de précédentes études avaient montré que les sujets atteints d'un cancer du poumon avaient des taux sanguins de bêta-carotène inférieurs à ceux d'individus sains. D'où l'idée d'en donner à des fumeurs pour diminuer leur risque de cancer. "Presque à chaque fois que l'on a extrait d'un aliment un composé qui semblait protecteur et qu'on l'a donné à des sujets sous forme de cachet, les résultats ont été catastrophiques", constate Denis Corpet.
Alors, comment être certain que consommer sans modération du curcuma, associé à du poivre pour en augmenter l'absorption intestinale, comme le recommandent certains régimes anticancer, n'est pas néfaste à long terme pour la santé ? "Les individus qui suivent ce type de recommandation font un essai clinique sur eux-mêmes !", s'exclame Denis Corpet. Sans oublier qu'il est absurde de conseiller les mêmes aliments à un homme de 50 ans et une femme de 20 ans. "La population est hétérogène. Ce qui est bénéfique pour l'un peut s'avérer néfaste pour l'autre", rappelle Jean Menanteau (encadré ci-dessous).

Le régime anticancer personnalisé reste un défi.
Manger équilibrer, faire de l'exercice... Si les recommandations nutritionnelles en matière de prévention du cancer semblent banales, "elles ont le mérite de s'adresser à tous", relève Jean Menanteau, du centre de recherche en cancérologie à Nantes. A contrario, il est absurde de proposer la même liste d'aliments anticancer à une femme de 20 ans qu'un homme de 50 ans, car "la population est hétérogène". Cette hétérogénéité, la nutrigénétique qui étudie l'influence du génome sur les réponses aux régimes alimentaires, l'a aujourd'hui parfaitement démontrée. "Soumis à un stress environnemental identique (comme l'alimentation), les individus réagissent en fonction de leurs susceptibilités génétiques", résume Denis Lairon, du laboratoire nutrition et lipides, Inserm de Marseille. Un phénomène déjà étudié avec l'alcool : selon les groupes de population, les individus possèdent dans leur foie une enzyme chargée de métaboliser l'alcool. Or, ceux chez qui elle est moins active ressente moins d'effets désagréables (nausées, malaises...), et ont donc tendance à consommer plus d'alcool, ce qui accroît leur risque de cancer. Reste que les études de nutrigénétique n'en sont qu'à leurs balbutiements. "On aimerait beaucoup donner des recommandations plus personnalisées, mais on n'en est pas encore là aujourd'hui", conclut Denis Lairon.

Sans conteste, l'attitude la plus raisonnable à adopter semble être de suivre les recommandations nutritionnelles du WCRF. "On ne s'improvise pas expert en nutrition et cancer du jour au lendemain, souligne Paule Latino-Martel. Si le rapport du WCRF fait référence aujourd'hui, c'est qu'il prend en considération une quantité phénoménale d'études pour établir un niveau de preuve suffisant". Ces recommandations, scientifiquement fondées, sont au nombre de huit : éviter le surpoids et l'obésité ; éviter les aliments et boissons favorisant la prise de poids ; consommer principalement des aliments d'origine végétale ; être physiquement actif au quotidien ; limiter la consommation de viande rouge et de charcuterie, qui augmentent les risques de cancer du côlon et du rectum ; limiter la consommation de boissons alcoolisées et de sel et éviter la prise de compléments alimentaires.

DES RECOMMANDATIONS SIMPLES ET UNIVERSELLES

Certains seront déçus par des recommandations aussi simples. "Elles sont incontournables mais très générales car elles sont prévues pour être appliquées au monde entier", rappelle Denis Lairon, directeur de recherche Inserm au Laboratoire nutrition et lipides (Marseille). Mais pourquoi se compliquer la vie avec des régimes anticancer contraignants et non éprouvés, quand on sait qu'environ un tiers des cancers pourraient être évités en suivant des préceptes simples ? "En quête de nouveauté, les lecteurs sont 'baladés' d'un pseudo aliment-constituant miracle à un autre, ajoute Paule Latino-Martel, et ils finissent malheureusement par perdre de vue les recommandations nutritionnelles prioritaires pour la prévention des cancers en France."

M.-C.M. - SCIENCE & VIE > Janvier > 2011
 

   
 C.S. - Maréva Inc. © 2000 
 charlyjo@laposte.net