Index SCIENCES -> MÉDECINE -> NUTRITION 
   
 
Le Régime Végétarien

Tous Végétariens pour Sauver la Planète ?

Adieu veau, vache, cochon, couvée... Pour de nombreux activistes verts, c'est à ce prix que nous éviterons à la Terre un avenir aux allures de film catastrophe. Mais si un régime végétarien bien conçu est indéniablement bénéfique pour la santé, est-il vraiment judicieux de mettre nos 30.000 bouchers au chômage dans un but écologique ? Rien n'est moins sûr.

Imaginez un instant à quoi ressemblerait un monde sans viande : dans un paysage sans pâturages et avec moins de champs, la forêt retrouverait ses droits, l'air une température de saison, les rivières leur pureté et la biodiversité son foisonnement. Peut-être. Mais pour l'instant, même si la consommation de viande diminue en Europe de l'Ouest, ailleurs, elle reste associée à la richesse et ne cesse de croître au niveau mondial, avec des conséquences écologiques angoissantes : déforestation pour créer des pâturages et fournir du fourrage, pollution par les pesticides et le purin, eutrophisation des eaux, érosion des sols, réchauffement climatique, etc. Sans parler du mal-être des animaux engraissés en batteries, les chiffres sont édifiants : responsable de 18 % des émissions de gaz à effet de serre (en équivalents CO2), de 37 % de celles de méthane et de 80 % de la pollution par l'azote, l'élevage engouffre un tiers des récoltes mondiales de céréales, 90 % de celles de soja, 70 % de l'eau, la moitié des antibiotiques, plus de 60 % des terres déboisées en Amazonie...
En résumé, il est temps de réagir. "Less meat = less heat", conseille le militant sir Paul McCartney, un bon slogan même s'il est moins percutant une fois traduit en français (moins de viande, moins de chaleur). Pour autant, un monde sans viande serait certainement moins idyllique que cette vision d'éden végétarien où les animaux d'élevage industriel ne seraient plus maltraités puisqu'il n'y en aurait plus. Certes, nous pourrions nous sustenter du grain qu'ils ne mangeraient pas (il faut 7 à 15 kg de céréales pour produire 1 kg de viande rouge). Mais le bétail n'est pas exclusivement nourri de tourteau : il consomme aussi 30 à 50 % de nos déchets alimentaires, déchets qui se transforment par leur intermédiaire en viande, lait et oufs. Ainsi le porc et le poulet peuvent subsister sans céréales, en se nourrissant exclusivement de déchets et de ce qu'ils trouvent. Bovins, moutons et chèvres, quant à eux, fournissent des protéines de bonne qualité nutritionnelle à partir de plantes non comestibles ou croissant sur des terres montagneuses, isolées ou semi-arides. Des terres où la culture serait soit impossible soit plus délétère que l'élevage.
Dans un monde 100 % végétarien, bien des produits d'origine animale disparaitraient, certains assez aisément remplaçables comme les 11 millions de tonnes de cuir et les deux millions de tonnes de laine provenant chaque année de l'élevage. Mais il serait plus difficile de se priver de lait et d'oufs, précieuses sources de protéines à bas prix. Si 75 millions d'humains sont végétariens par choix, un milliard et demi y sont contraints par la pauvreté et devraient augmenter leur consommation de protéines animales afin de dépasser le seuil de malnutrition. Pour le milliard de ruraux les plus pauvres, avoir un animal ou deux apporte des protéines et l'espoir de posséder plus un jour. Bétail et volaille sont donc plus qu'utiles, sans compter les bienfaits pour l'environnement que peuvent avoir les ruminants dans le cadre d'élevages traditionnels : renouveler et fertiliser les pâturages, empêcher le relargage de CO2 retenu sous la terre, produire du fumier, générateur de biogaz, et dégager du méthane qui, piégé et serait un excellent producteur de chaleur et ainsi d'électricité. Pourquoi s'en priver ? En se fondant sur l'analyse de l'empreinte écologique (calcul de la surface nécessaire à la production d'une ressource et l'absorption des déchets générés), des études démontrent que la consommation de petites quantités de viande est une solution plus écologiquement efficace que le végétarisme strict. L'avenir est donc au flexitarisme. Furieusement tendance outre-Atlantique, devenir flexitarien ne suppose pas d'adopter de nouveaux dogmes alimentaires, mais au contraire d'être flexible sur son régime, végétarien ou végétalien (sans aucun produit animal, ni lait ni ouf), en général avec, occasionnellement, de la viande ou du poisson.
Quelle est la quantité admissible pour un écocitoyen ? Selon les calculs de l'épidémiologiste Colin Butler, de l'Université nationale australienne à Canberra, si chaque humain se contentait de 80 à 85 g de viande rouge et blanche (soit 20 g de protéines animales) par jour d'ici à 2050, le niveau d'émissions de gaz à effet de serre dû à viande se stabiliserait à celui de 2005. Il faudrait donc faire un peu mieux pour sauver la planète, sans pour autant réduire les apports en protéines.

D'un point de vue santé, le petit steak de Butler est suffisant. Les recommandations pour une personne de moins de 60 ans, non obèse et non sportive, sont de consommer entre 0,83 et 22,2 g de protéines par kilo de poids et par jour, soit environ 50 g minimum pour un individu pesant 60 kg, ces protéines représentant 10 à 27 % des apports énergétiques. Au-delà, nos cellules hépatiques, transformant l'azote des protéines en urée, n'ab sorberaient pas le trop-plein. En France, selon l'étude Incal, les apports en protéines sont corrects (105 g/jour en moyenne pour un homme, 82 pour une femme) mais 65 % sont d'origine animale. Il serait facile de réduire cette proportion avec des végétaux à forte teneur en protéines.
Quant au choix des animaux consommés, certains sont préférables pour leur faible coût environnemental. Ainsi, en termes d'émissions de gaz à effet de serre, produire un kilo de poulet industriel représente 3,6 kg de CO2 contre 11,2 pour du porc et 28,1 pour du bouf. Mais le coût environnemental d'une viande dépend des conditions d'élevage et du type d'alimentation. La diminution du nombre d'animaux d'élevage qu'entrainerait le végétarisme à temps partiel doit-elle porter sur ceux nourris à l'herbe ou au grain ? Les spécialistes en débattent. Certains sont favorables à l'élevage traditionnel qui, idéalement, dispense de pesticides, fertilisants et autres antibiotiques. D'autres comme Walter Falcon, économiste de l'agriculture à Stanford, donnent la préférence à l'élevage intensif qui dégage deux fois plus de méthane par tête mais permet de produire de la viande et du lait avec un rendement supérieur. La meilleure solution est sûrement ailleurs, dans un mode d'élevage à inventer, intégré à l'écosystème et, pour l'instant, il est sûr qu'il nous faudra bientôt réduire notre consommation de viande.

UN RÉGIME SANS VIANDE ET SANS CARENCES ?

C'est assez simple si l'on conserve produits laitiers et oufs au menu (végétarien ou ovolactovégétarien), plus compliqué si l'on s'en tient exclusivement aux produits végétaux (végétalien). Cependant, en diversifiant ces produits, un régime végétalien strict peut être suivi sans carences, surtout pas en protéines. Les aliments riches en protéines végétales apportent aussi des fibres qui facilitent le transit, des glucides complexes qui rassasient et, contrairement aux viandes, peu de graisses.
Un régime sans produits animaux peut donc même être hyperprotéiné. Pour preuve, on peut être culturiste et végétalien. Pas facile certes de développer de gros muscles sans consommer aucun produit d'origine animale. Pour trouver, en quantités suffisantes, la vingtaine d'acides aminés composant les protéines, ces adeptes de la gonflette au naturel ingurgitent des compléments protéinés dérivés du chanvre, des noix et cacahuètes, de légumes et légumineuses, mais aussi des plâtrées de riz aux haricots. En effet, l'association céréale complète-légume sec (telle que riz-lentilles, semoule-pois chiches...) optimise la valeur nutritive d'une alimentation sans viande et c'est la base de sustentation de bien des pays pauvres. Attention cependant, une grande consommation de céréales complètes apporte beaucoup de phytates qui réduisent l'assimilation de zinc, un effet exacerbé dans une alimentation riche en calcium. Pour éviter une carence en zinc, indispensable notamment à l'immunité, la reproduction et la cicatrisation, ajoutez à votre régime du germe de blé, des graines de sésame, de courge et de lin, et du cacao. Les légumes secs, surtout si vous avez pris la précaution de les faire tremper avant cuisson, sont aussi de bonnes sources de fer et de zinc qui peuvent faire défaut dans un régime végétalien déséquilibré. On en trouve également dans les fruits secs, pistaches et amandes, les petits fruits rouges, le cresson, le pissenlit et les épinards. Complétez-les d'agrumes pour leur vitamine C qui augmente l'assimilation de fer, moins importante que celle du fer d'origine animale. La suppression du poisson expose à d'autres déficits : oméga-3, iode, sélénium et vitamine D. Vous pouvez les éviter en consommant des noix, du soja et de l'huile de colza qui contiennent des précurseurs d'Oméga-3, des algues (pour l'iode et le flueor), du thé (pour le fluor), des oufs et de la levure de bière (pour le sélénium).
Cependant, le risque majeur de carence pour les végétaliens est celle de vitamine B12 et se traduit par une anémie et des troubles neuropsychiatriques. Cette vitamine est apportée principalement par les produits d'origine animale, en particulier les abats et les crustacés mais également les oufs et les produits laitiers qui protégent les végétariens de cette carence. Mais sa forme active est quasiabsente des végétaux et les végétaliens stricts doivent envisager une supplémentation. La vitamine B12 étant indispensable non seulement au fonctionnement mais également au développement du système nerveux, son absence dans l'alimentation est particulièrement délétère durant la grossesse et chez l'enfant. Les petits, comme nous en principe, sont omnivores !

M.L. - Photos Y.ARTHUS-BERTRAND - ÇA M'INTÉRESSE HS N°7 > Avril-Mai-Juin > 2012
 

   
 C.S. - Maréva Inc. © 2000 
 charlyjo@laposte.net