Index des SCIENCES -> PHYSIQUE -> FONDAMENTALE 
   
 
Le Laser Sonore

L'équivalent du Laser pour les Sons est à l'étude

Peut-être disposerons-nous bientôt de sasers, les équivalents acoustiques des lasers.

Des chercheurs britanniques et ukrainiens viennent de montrer qu'on pouvait amplifier des ultrasons, de la même manière qu'on amplifie le rayonnement lumineux dans les lasers. Pour cela, ils ont fabriqué un "milieu amplificateur" composé de fines couches de semi-conducteurs. Les ultrasons qui traversent ce milieu transmettent de l'énergie à ses électrons, Qui eux-mêmes engendrent un grand nombre de nouvelles vibrations acoustiques, toutes identiques.
Les applications potentielles des sasers : les phonons, particules de son, pourraient transporter les données des ordinateurs, ou être utilisés en médecine pour détruire des calculs rénaux.

C.M. - SCIENCE & VIE > Août > 2006

SASER : Le Laser Sonore est né

50 ans après l'invention du laser, un rayon amplifié du son a enfin été mis au point ! Un exploit plein de promesses. La puissance de sortie de ce "mille-feuille" cristallin est de 20 nanowatts.

Dans la famille des rayons Aser, acronyme anglais pour "amplification by the stimulated emission of radiation", il y eut d'abord, en 1953, le père, baptisé Maser car il était basé sur les micro-ondes (d'où le M de Maser). Puis vint, en 1957, le fils prodige, dit Laser puisque s'appuyant sur la lumière. Aujourd'hui, la famille Aser est heureuse d'annoncer l'arrivée d'un petit demier, dont une équipe anglo-ukrainienne vient de présenter un prototype. Son nom ? Saser. Et pour cause : il s'agit d'un phénomène d'amplification par émission stimulée de rayonnement basé sur le... son. Soit un rayon de nanovibrations appelées phonons, l'équivalent sonore des photons, à la fréquence très élevée : de l'ordre de mille milliards de cycles par seconde ! Un superbe exploit de laboratoire, qui ouvre déjà de mirobolantes perspectives pour sonder la matière.

GRÂCE AUX SEMI-CONDUCTEURS

Les émissions stimulées ont été annoncées dès 1916 par Albert Einstein (1879-1955) dans son célèbre article consacré à l'émission et l'absorption des ondes régies par la mécanique quantique. Le premier appareil expérimental, le maser (émetteur d'un faisceau de micro-ondes), a été construit en 1953 par le physicien Charles Townes à l'université de Columbia (New York). Le laser (un maser émettant de la lumière visible) en découle directement.

Le saser, les scientifiques y pensaient depuis un demi-siècle. "Dès qu'on a pu bénéficier des lasers, on s'attendait à produire le même effet avec le son", confirme Anthony Kent, professeur de physique à l'université de Nottingham et coordinateur des travaux. Et de fait, laser et saser fonctionnent selon le même principe (->) : l'énergie lumineuse (laser) ou mécanigue (saser) est issue d'un phénomène de désexcitation d'électrons amplifié via des réflecteurs, l'un d'eux étant à moitié transparent de façon à laisser échapper un faisceau. Dit comme cela, cela semble facile... Sauf que "si la lumière se propage dans l'air, ce milieu s'avère en fait trop pauvre en atomes pour véhiculer le son à très haute fréquence, intervient Bernard Perrin, directeur de recherche à l'Institut des nanosciences de Paris. Même dans les solides, les vibrations sont absorbées sur une dizaine de microns - et encore, en refroidissant à l'extrême (-270°C) pour limiter l'agitation thermique des atomes du matériau qui absorbe le son. De sorte que, si l'on parvenait bien à amplifier le signal sonore recherché, il était jusqu'à présent impossible de l'extraire de sa source". Voilà qui condamnait au succès d'estime les prototypes à base de rubis et de verre expérimentés à la fin des années 90 à Utrecht par le Néerlandais Jaap Dijkhuis et à Paris-Orsay par le Français Jean-Yves Prieur...
Après avoir entamé ses recherches sur les phonons en 1984, Anthony Kent s'est dirigé, au début des années 90, vers une source de vibration différente des cristaux et verres : celle des semi-conducteurs. Il est vrai que ces matériaux présentent de multiples avantages. D'abord, leur élaboration, au dixième de na nomètre près, repose sur des méthodes éprouvées, empruntées à la microélectronique. Ensuite, le système, relativement compact, est simplement alimenté par du courant, ce qui augure d'une industrialisation future. Surtout, ces matériaux affichent des caractéristiques quantiques telles qu'Anthony Kent a eu l'idée d'élaborer un "superréseau" émetteur - en fait, une alternance de couches nanométriques de cristaux semi-conducteurs parfaitement planes -, parfaitement soudé avec une base, ou substrat, de même nature. De quoi assurer la continuité du matériau et, dès lors, extraire le signal tant recherché ! Restait à le démontrer.
S'appuyant sur le travail théorique de l'équipe de Borys Glavin, de l'Institut Lashkarev de physique des semiconducteurs de Kiev (Ukraine) et sur des technologies d'expérimentation très récentes, comme des lasers hyperrapides capables d'analyser précisément les propriétés des matériaux, Anthony Kent a construit son prototype en 2003. Trois ans plus tard, il touchait au but. Deux capteurs installés sous le substrat ont permis de le vérifier : seul celui placé exactement en dessous du supperréseau a capté le signal à haute fréquence recherché, preuve de l'existence d'un faisceau concentré : un faisceau saser ! Le Graal est-il enfin conquis ? Pas tout à fait... "Il nous reste encore à démontrer que tous les phonons du rayon partagent bien les mêmes énergies, phase et direction, caractéristiques fondamentales des émissions stimulées", admet Anthony Kent. Cependant, en dépit des difficultés qui l'attendent, personne ne nie le tour de force réalisé par l'équipe anglo-ukrainienne.

DES AMÉLIORATIONS À PRÉVOIR

En outre, les chercheurs veulent améliorer leur dispositif : un matériau plus pur, des interfaces plus planes permettraient, selon eux, de multiplier par dix la puissance de sortie du dispositif, actuellement de 20 nanowatts. Mieux, une nouvelle voie, explorée depuis le début de l'année, vise à remplacer le courant électrique qui "amorce" les électrons par un rayon laser. "On pourra ainsi mieux maîtriser les réactions dans le matériau, explique Anthony Kent. Et un dispositif de ce type nous permettra également de mieux observer les effets de seuil qui sont la signature incontestable des émissions stimulées." Pour autant, un problème majeur subsiste : il reste à trouver comment faire passer le rayon saser du substrat à d'autres matériaux. "C'est loin d'être évident", reconnaît le chercheur...
Mais le jeu en vaut la chandelle, et pas seulement pour la performance académique. Car les applications apparaissent déjà nombreuses et alléchantes! À commencer par l'imagerie : en générant des ondes sonores dans les matériaux à la fréquence exceptionnelle du térahertz (1012hertz), ce qui correspond à une longueur d'onde de l'ordre du nanomètre, le rayon saser permettrait de visualiser la matière à l'échelle atomique et dans son épaisseur, comme les ultrasons permettent de sonder l'intérieur des métaux à l'échelle du millimètre pour en analyser l'intégrité. "Grâce aux matériaux piézo-électriques, qui vibrent lorsqu'on leur applique un courant et vice versa, on dispose certes déjà de sources térahertz concentrées comparables au saser, intervient Bernard Perrin. Mais un saser véritable laisse envisager des faisceaux 10.000 fois plus énergétiques. Assez pour arracher des atomes ? On ne sait pas encore, mais c'est passionnant. On peut aussi imaginer des dispositifs de contrôle pour les composants électroniques, des sonars nanométriques, des commutateurs optiques à haute fréquence pour les télécoms et l'infonnatique... "
Anthony Kent évoque, quant à lui, la possibilité de construire des sources compactes pour les émetteurs de "rayons T" : plus efficaces que les rayons X et inoffensifs pour l'homme, ces rayons T (pour térahertz) vont jouer un rôle capital dans l'imagerie médicale, la sécurité ou la spectroscopie mais les sources actuelles restent coûteuses et très encombrantes. Qui sait quels usages inédits les premiers sasers vont faire naître dans le cerveau des ingénieurs ? En 1960, le laser était considéré comme une curiosité sympathique. Aujourd'hui, l'industriel japonais Mitsubishi Electric fabrique 15 millions de lecteurs laser pour DVD. Par mois.

R.B. - SCIENCE & VIE > Juillet > 2007
 

   
 C.S. - Maréva Inc. © 2000 
 charlyjo@laposte.net