Les Reflets Colorés des Bulles de Savon |
Pour quelle raison les bulles de savon se parent-elles à leur surface de reflets colorés ? Belle question qui nous invite à comprendre d'où la bulle tire sa magie...
Une bulle de savon, comme une eau savonneuse ou huileuse, revêt une irisation à sa surface : des teintes multicolores s'entremêlent, une ébauche de spectre lumineux apparaît. Car le mince film qui en constitue la sufface est en fait composé de deux couches de molécules de savon, pétrole ou autres corps gras aux propriétés tensioactives, soit qui ne se mélangent pas à l'eau, entre lesquelles vient donc s'immiscer une fine tranche de molécules d'eau. Un sandwich de quelques millièmes de millimètres qui suffit à bouleverser le comportement de la lumière !
En effet, une partie des rayons qui viennent frapper cette bulle est réfléchie par la paroi externe de la fine tranche d'eau, l'autre partie par sa paroi interne. Or ces deux faisceaux réfléchis se superposent et interagissent, ou "interfèrent". C'est d'ailleurs en observant les couleurs d'une bulle de savon que Thomas Young, un célèbre médecin et physicien anglais, comprend en 1800 que ces deux ondes refléchies interagissent. Il nomme ce phénomène "interférence" et confirme l'aspect ondulatoire de la lumière.
Car, il ne faut pas l'oublier, la lumière est un ensemble de milliers d'ondes qui se propagent, chacune d'entre elles étant caractérisée par la distance entre deux crêtes consécutives : la longueur d'onde. À chaque longueur d'onde correspond une couleur. Les plus courtes sont bleues et les plus grandes, rouges entre les deux, une gamme de couleurs d'une infinie vanété. Ces différentes valeurs expliquent pourquoi seules certaines nuances apparaissent à un endroit de la sufface de la bulle de savon. Tout dépend en fait de l'épaisseur de la bulle : une fine paroi sera porteuse d'une couleur bleue terne et une paroi épaisse donnera des couleurs rouges. Ce sont donc les irrégularités de la paroi de la bulle qui conduisent à ces irisations multicolores. Ceci nous permet de comprendre pourquoi les interférences sont utilisées comme moyen de mesure ou témoin de certains défauts. Les industriels du verre les utilisent ainsi pour contrôler la qualité et détecter des irrégularités dans un double vitrage. En astronomie, les irisations peuvent témoigner de la mauvaise qualité d'une lentille. Mais les bulles de savon ont encore d'autres applications... Les irisations ont ainsi récemment offert un outil de mesure pour l'étude d'un phénomène qui monopolise les chercheurs depuis les années 20 : les turbulences.
L'IRISATION AIDE LA RECHERCHE
Les turbulences apparaissent par exemple lorsque l'on mélange du lait à du café : il se met à tourbillonner de manière chaotique dans toutes les directions et à toutes les échelles. Ce comportement complexe, que l'on retrouve dans l'air, est extrêmement difficile à étudier et à modéliser. En 2005, Hamid Kellay et Yacine Amarouchene, du Centre de physique moléculaire optique et hertzienne de Talence, ont étiré un film de savon sur 2 à 3 m de long. En étudiant le comportement turbulent de l'eau qui s'écoule entre les deux couches de savon et les variations de lumière des ondes, ils ont ainsi pu établir les statistiques des turbulences.
Tout dépend de l'épaisseur de la paroi de la bulle
La paroi de la bulle de savon est formée de deux couches de molécules de savon prenant en sandwich une pellicule d'eau. La lumière blanche est réfléchie en deux temps : à l'entrée, puis à la sortie de cette pellicule. Ce léger retard provoque un déphasage des ondes. En fonction de l'épaisseur de la paroi, elles s'additionnent ou s'annulent. Selon l'emplacement, la paroi de la bulle est plus ou moins large. La lumière est donc diffractée différemment, donnant naissance à des reflets aux nuances variées. |
V.G. - SCIENCE & VIE > Juin > 2007 |
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