Les particules de lumière, les photons, se croisent sans jamais interagir. Mikhael Lukin (Havard) et Vladan Vuletic (MIT) ont obligé deux photons à interagir si intensément qu'ils en ont formé une molécule, un peu comme 2 atomes d'hydrogène penvent former une molécule de dihydrogène. "La possibilité existait sur le papier, rapporte Vladan Vuletic. Mais personne n'avait la moindre idée du milieu où réaliser pareil assemblage". Les expérimentateurs ont expédié deux photons, à la longueur d'onde bien choisie, au sein d'un gaz d'atomes de rubidium refroidis à quelques degrés du zéro absolu (-273,15°C). Converti partiellement en une excitation atomique, le premier photon modifie les propriétés optiques du gaz derrière lui. Avec pour conséquence d'obliger le second photon, demeuré une authentique particule, à voyager au plus proche de lui. "Ainsi, les deux photons interagissent intensément au point de former un état lié semblable à une molécule, explique le physicien. Nous essayons de créer des molécules avec trois photons. En principe, des molécules constituées de nombreux photons devraient exister". De quoi, peut-être, envisager une chimie de la lumière !
C'est à l'université de Bonn que l'équipe de Martin Weitz a réussi à concentrer des particules de lumière, jusqu'à former un "super-photon". Une nouvelle source de lumière sculpteur a peut-être les circuits électroniques du futur... Actuellement, ce sont des lasers qui taillent le silicium pour faççonner les puces, leur finesse dépendant de la petitesse de la longueur d'onde du laser. Or, "on ne sait pas fabriquer de lasers qui produisent de courtes longueurs d'onde, comme des ultraviolets par exemple, explique Martin Weitz. Notre dispositif pourrait en revanche émettre dans n'importe quel domaine est donc graver des circuits plus performants !" Martin Weitz et son équipe ont en effet carrément inventé une toute nouvelle source de lumière grâce à un "condensat de Bose-Einstein". Derrière ce nom pompeux se cache un état de la matière bien connu : lorsque des atomes sont refroidis et concentrés, ils se lient les uns aux autres jusqu'à se comporter comme un seul gros atome. Sauf qu'ici, pour la première fois, ce sont des particules de lumière que les physiciens allemands ont réussie à concentrer. "On pensait que c'était impossible, car les photons ont tendance à disparaître dès qu'on essaie de refroidir le milieu dans lequel ils sont plongés", précise Martin Weitz. Mais les chercheurs sont parvenus à les piéger dans une minuscule cavité remplie d'un liquide coloré dont ils ont abaissé peu à peu la température. Ils se sont alors condensés jusqu'à former un "super-photon". Un laser, mais en mieux est né.
Selon la mesure qu'on en fait, il change de caractère : à peine vu, il disparaît. Pourtant, des physiciens ont réussi à le coincer. La collision entre un proton et un photon (centre droit de l'image) vue dans une "chambre à bulle", l'ancêtre des détecteurs actuels : au passage de chaque particule créée lors de cette collision, il se forme un chapelet de bulles qui dessinent des lignes (en bas de l'image) plus ou moins incurvées en fonction de la masse et de la charge de la particule. "La vision du photon comme un petit grain de lumière est bien commode - cela évite de se poser des questions métaphysiques lorsqu'on allume la lumière -, mais c'est une description très imparfaite", sourit Jean-Michel Raimond, spécialiste du sujet à l'Ecole normale supérieure (ENS) à Paris. Mais si un photon n'est pas seulement une particule élémentaire de lumière, qu'est-ce alors ? "Une excitation quantique élémentaire d'une onde classique", répond le chercheur. Voilà qui ne nous avance guère, mais souligne tout de même le fait que la lumière s'échange sous forme de "paquets d'énergie", qu'elle est quantifiée. Le plus simple est sans doute de la considérer tantôt comme une onde électromagnétique, tantôt comme une particule, selon la manière dont on la regarde. VERS L'ORDINATEUR QUANTIQUE Lorsqu'il est détecté, le photon disparait, absorbé par un atome dont il altère l'énergie. Cette altération nous informe sur sa propre énergie, ce qui revient à connaitre sa couleur. Car la différence d'énergie entre deux niveaux atomiques correspond à une longueur d'onde et donc à une couleur : bleu ou rouge pour des photons dans le domaine visible, ultraviolet, X ou micro-onde pour d'autres parties du spectre de la lumière. Un photon ne peut donc être détecté qu'une seule fois en révélant l'information qu'il contient. Cette destruction n'est pourtant pas inéluctable, ainsi que l'a montré l'équipe de Serge Haroche et Jean-Michel Raimond à l'ENS. Ils ont pu en piéger un dans une boîte suffisamment longtemps (plus d'un dixième de seconde) pour constater à plusieurs reprises sa présence avant qu'il ne soit absorbé par un atome des parois de la cavité. Reprenant cette expérience avec un mélange de plusieurs photons, ils ont pu voir comment ce mélange voit son caractère quantique perturbé par interaction avec son environnement, lorsque les photons "cognent" les parois de la cavité par exemple. Le but est maintenant de parvenir à corriger cette "décohérence", ce qui est indispensable pour fabriquer des dispositifs plus efficaces utilisant des états quantiques comme élément de base du calcul. Par exemple, un ordinateur quantique qui pourrait factoriser de très grands nombres en une poignée de secondes.
Un phénomène paradoxal, en effet, quand on sait qu'à peine un photon a-t-il frappé un objet qu'il disparaît instantanément, en cédant à la matière toute son énergie. Et pourtant, quand cette insaisissable particule rencontre un miroir, elle semble rebondir. Sauf que ce n'est là qu'une apparence ! Car un photon ne rebondit pas à proprement parler : il est absorbé par un atome du miroir, qui va réémettre un autre grain de lumière quasi simultanément. Ce n'est donc pas le même photon qui paraît se réfléchir ! Pour comprendre, il faut savoir que lorsque lumière et matière se rencontrent, deux modes d'interaction entrent en compétition dans le matériau : l'absorption et la diffusion. Et la réflexion n'est qu'une interprétation macroscopique de cette dernière. Pour qu'il y ait absorption d'un photon, son énergie doit correspondre exactement à la fréquence de ce qu'on appelle la résonance de l'atome. En clair : ce dernier exploite cette énergie pour faire passer un de ses électrons de l'état fondamental à un état excité. Oui, mais l'atome cherche aussitôt à retourner dans son état le plus stable, souvent en dissipant ce trop plein d'énergie dans le matériau sous forme de chaleur, qui n'est autre que le rayonnement lumineux. C'est ainsi que l'absorption donne la couleur aux objets. En effet, la lumière blanche du soleil contient toutes les couleurs visibles ; lorsqu'elle tombe sur une pomme, par exemple, celle-ci absorbe toute la lumière bleue, ainsi que du vert et du jaune, mais le reste, c'est-à-dire le rouge, est renvoyé vers notre oil. La pomme nous paraît donc rouge. Les objets réfléchissants, eux, n'absorbent aucune couleur particulière. Mettez au soleil une pomme et un miroir : la première chauffe beaucoup plus que le second, parce que le miroir est recouvert d'une fine couche d'argent qui, comme tous les métaux, n'absorbe pas la lumière. LE NUAGE D'ELECTRONS OSCILLE Pourtant, cela n'empêche pas les objets réfléchissants d'interagir. De fait, l'arrivée des photons met en oscillations forcées le nuage électronique des atomes métalliques. Lesquels, en réponse, émettent instantanément chacun un nouveau photon, de même énergie que celui qu'ils ont reçu, mais dans une direction aléatoire. Ce phénomène semble continu car ce sont des milliards de photons qui frappent l'objet à chaque instant. Au final, tout se passe comme si l'atome émettait des photons tout autour de lui, créant une onde sphérique, comme un caillou jeté dans l'eau. Or, si le milieu est assez dense, les différents atomes seront si proches que ces ondelettes vont interférer. Elles pourront donc, par définition, soit s'ajouter, soit s'annihiler. Concrètement, à la surface d'un matériau réfléchissant, elles s'annulent dans toutes les directions, excepté celle qui correspond à la réflexion. Si la surface est assez lisse, toutes les ondelettes sont même réfléchies de manière à ce que l'angle d'incidence soit égal à l'angle réfléchi. On retrouve ainsi à l'échelle microscopique la première loi de la réflexion en optique géométrique ! Il suffit donc de polir une pierre ou une pomme pour y distinguer son propre reflet. Les photons "rebondissent" d'autant mieux que les atomes de la surface qu'ils rencontrent sont bien ordonnés et forment un matériau conducteur. Ils diffusent alors la totalité de la lumière, sans absorber et dissiper en chaleur le moindre photon.
Rappelons tout d'abord qu'une ombre est une zone créée par un corps opaque qui intercepte les rayons d'une source lumineuse. Cette question revient donc à savoir si un photon pourrait intercepter un autre photon. Eh bien... ça dépend ! Si l'on s'en tient aux lois de l'électromagnétisme classique, la réponse est non. Parce que, dans ce cas, les photons sont des particules de lumière qui, si elles viennent à se croiser, ne se "voient" pas. Pour une bonne raison : les photons sont les vecteurs de l'interaction électromagnétique, une force qui agit sur les particules chargées ; or, un photon est neutre. Insensible à l'interaction électromagnétique, il ne peut donc interagir avec un congénère. Ainsi, il ne lui fait pas d'ombre. UN PAS DANS LE QUANTIQUE Pour ajouter à cette réponse de Normand, précisons que ce qui vient d'être dit convient à des photons "classiques", peu énergétiques. Or, les photons peuvent stocker une énergie considérable, dépassant le cadre de la physique classique. Dans ce cas, on entre dans le domaine de l'électrodynamique quantique. Cette théorie, développée par l'Américain Richard Feynman dans les années 50, prévoit que deux particules peuvent, si leur énergie le permet, engendrer d'autres particules lorsqu'elles s'entrechoquent. Ainsi, si deux photons totalisent assez d'énergie, leur interaction laissera des traces : la lumière se sera transformée en matière ! Nécessitant des photons gamma d'une énergie phénoménale, une telle situation n'a été créée pour la première fois que dans les années 90, dans l'accélérateur géant de l'université de Stanford. Et pour coller à cette question, pas de doute que dans ces conditions, deux photons se font de l'ombre.
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