En Combien de Temps un Photon atteint-il la Vitesse de la Lumière ? |

M.G. - SCIENCE & VIE N°1201 > Octobre > 2017 |
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La Lumière dans tous ses États |
Des physiciens suisses ont réalisé la première photo où la lumière apparaît simultanément sous forme d'onde et de flux de particules.
Ils ont envoyé des électrons vers un nanofil baigné de lumière laser.
Puis ils ont photographié l'onde lumineuse et détecté l'interaction des électrons avec des photons de cette même onde.
LA RECHERCHE N°499 > Mai > 2015 |
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Pourquoi le Photon n'a Pas de Masse et juste une Énergie ? |
Dire qu'un photon n'a pas de masse mais qu'il a une énergie, alors que la théorie de la relativité démontre l'équivalence entre les deux grandeurs (E=mc²), voilà qui peut en effet sembler illogique.
Pourtant, rien n'empêche d'attribuer une "masse" au photon à partir de l'équation d'Einstein : celle-ci serait tout simplement égale à son énergie divisée par c²... Mais ce qui est exact au regard des mathématiques perd son sens en physique. La difficulté tient à la définition même de la masse. Au sens classique, celui de Newton, il s'agit de la qualité intrinsèque d'un objet, mesurant sa quantité de matière et invariable quel que soit son mouvement.
LE PHOTON NE S'ARRÊTE JAMAIS
Newton a montré que c'est la masse qui fait accélérer un objet lorsqu'il est placé dans un champ de gravité ; qui le fait "peser" lorsqu'il ne peut bouger ou qui oblige à utiliser une force pour le mettre en mouvement. Une force d'autant plus intense que ladite masse est importante... La théorie de la relativité a intégré ce concept newtonien sous le terme de "masse au repos". Or, un photon n'a pas de masse au repos car il n'est jamais au repos : sa vitesse, qui vaut 299.792.458 mètres par seconde (c), est constante quelle que soit son énergie (couleur). Il ne sera ni accéléré ni freiné par un champ de gravité ; celui-ci modifiera son énergie mais pas sa vitesse. Enfin, quand on parle d'un photon qui "tombe" dans un trou noir, cela est dû à la courbure de l'espace-temps aux abords du trou et non à l'effet de l'attraction gravitationnelle au sens classique. Bref, le photon échappe à tous les phénomènes qui témoignent de la présence d'une masse au sens classique, ce en dépit des tentatives expérimentales menées pour la détecter. Donc, jusqu'à preuve du contraire, le photon n'a pas de masse, sans que cela contredise sa nature énergétique. Remarquons néanmoins que si on trouvait une masse au photon, cela ne mettrait pas à mal la théorie de la relativité : la célèbre "vitesse de la lumière" (c) demeurerait une constante universelle indiquant une limite physique indépassable - qu'il faudrait alors songer à rebaptiser puisque la lumière, si elle a une masse, se déplacerait alors nécessairement à une vitesse inférieure à c...
R.I. - SCIENCE & VIE > Février > 2011 |
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L'Expérience Ultime qui a Défié le Photon |
En poussant la dualité onde-particule de la lumière dans ses ultimes retranchements, des physiciens ont montré que sa nature échappe définitivement au sens commun. Sidérant.
C'est l'exemple le plus frappant de la rupture qui règne entre la physique et le sens commun. L'un des premiers vertiges que procure la mécanique quantique lorsqu'on commence à s'y intéresser. Ce concept, c'est la dualité onde-particule. L'idée insensée que la lumière (mais aussi, en réalité, toute la matière à petite échelle) est à la fois" onde et particule. C'est-à-dire qu'elle est constituée de grains qui suivent une trajectoire (comme des boules de billard), mais qu'elle peut aussi se comporter comme une onde qui se propage (comme le son). Les physiciens jonglent couramment avec les deux concepts dans leurs expériences : s'ils décident d'observer un photon avec des instruments de mesure d'onde, ils détecteront une onde, s'ils cherchent à le mesurer en tant que particule, ils détecteront bien une particule.
Pourtant, Jean-François Roch, de l'Ecole normale supérieure de Cachan, Philippe Grangier et Alain Aspect, de l'lnstitut d'optique d'Orsay, viennent de réaliser une expérience, imaginée dans les années 70, mais restée jusqu'à présent purement spéculative, et qui pousse plus loin que jamais cette notion de dualité. Une expérience destinée à vérifier que même lorsqu'on lui tend un piège, le photon défie encore et toujours le sens commun. Afin de tenter de "surprendre" le photon, ils sont parvenus à lui poser la question "de quelle nature es-tu ?", après qu'il avait déjà choisi son camp !
Histoire de vérifier que, même quand il n'a aucune possibilité d'anticiper la question "es-tu une onde ?" ou "es-tu une particule ?", le photon trouve toujours le moyen d'y répondre par l'affirmative... À l'origine de cet intrigant concept de dualité onde-particule, il faut remonter à 1900, lorsque Max Planck émet l'hypothèse ("hypothèse désespérée" selon ses propres termes) que les mécanismes d'absorption et d'émission de rayonnement lumineux se font sous forme d'échanges d'énergie quantifiés, des "quantas".
C'est Albert Einstein qui signe, cinq ans plus tard, l'acte de naissance du photon, en formalisant le concept de Planck et en énonçant que la lumière est composée de particules. Une interprétation qui stupéfait alors la communauté scientifique, habituée à raisonner sur la nature ondulatoire de la lumière. Pourquoi serait-elle composée de particules, alors que les équations ondulatoires introduites par Maxwell au XIXè siècle permettent d'interpréter la quasi-totalité des phénomènes lumineux observés ?
L'idée que les deux approches sont valables, et que l'on est face à une "dualité quantique", est énoncée pour la première fois par Louis de Broglie en 1924. Elle réconcilie les deux hypothèses, mais éloigne encore un peu plus la physique quantique de notre intuition. Cependant, la lumière en tant qu'onde et particule à la fois gagne petit à petit les esprits. À tel point que dans les années 70, le physicien théoricien John Wheeler imagine une expérience de pensée pour défier le photon. Celle-là même qui vient d'être réalisée dans les sous-sols de l'Institut d'optique ! Wheeler imagine pouvoir étudier le comportement d'un photon unique (pur fantasme à l'époque !) dans un interféromètre. Cet appareil, abondamment utilisé dès le XIX' siècle, est conçu pour témoigner sans ambiguïté de la nature ondulatoire de la lumière. Le principe ? Envoyer un rayon lumineux sur une lame semi-réfléchissante, qui va laisser passer une partie du faisceau tandis que l'autre sera réfléchie. Les deux faisceaux suivent ensuite deux trajets différents, mais qui les conduisent tous deux, grace à des miroirs, sur une même seconde lame semi-réfléchissante leur permettant de fusionner à nouveau sur un même trajet. Elles forment alors des interférences, c'est-à-dire des figures constituées de zones brillantes à l'endroit où les ondes s'additionnent et de zones sombres là où elles s'annihilent. Pour Wheeler, la dualité onde-particule pourrait en théorie s'observer dans toute sa splendeur avec un tel appareil si l'on envoyait un photon unique et que l'on se donnait la possibilité d'oter la deuxième lame : quand elle serait absente, on observerait un unique photon à l'issue d'un seul des deux trajets, comme s'il était une particule et n'avait donc emprunté qu'un seul des deux chemins possibles. Et quand la deuxième lame serait en place, on observerait des interférences, "preuve, selon le théoricien, que chaque quantum de lumière est arrivé par les deux trajets". En effet, le photon se comporterait dans ce cas en onde, empruntant à lui seul les deux chemins possibles à la fois ! Là où l'expérience de pensée de Wheeler compliquait la donne, c'est qu'il imaginait pouvoir retarder le moment où l'on "formule la question", en admettant que la deuxième lame puisse être ôtée après l'entrée du photon dans l'interféromètre ! L'idée est belle.
Mais sa réalisation infiniment complexe. "Toute la difficulté consiste à traiter la lumière photon par photon", explique Jean-François Roch. Car la moindre source de lumière émet à chaque seconde des millions de milliards de photons ! Or la chose est aujourd'hui possible, grace aux travaux de Philippe Grangier et Alain Aspect, qui ont mis au point, à l'Institut d'optique d'Orsay, en 1986, la première source de photons uniques à partir d'un diamant.
PHOTON, ES-TU UNE ONDE ?
Une autre difficulté est de réaliser un dispositif dans lequel la question "es-tu une onde ?" ou "es-tu une particule ?" est bien posée au photon après son entrée dans l'interféromètre, c'est-à-dire après seulement qu'il a choisi de se comporter soit en particule (dans un seul des deux chemins), soit comme une onde (dans les deux), sans que l'information puisse exister avant, où que ce soit. Pour cela, deux conditions : d'abord, le trajet dans l'interféromètre doit être suffisamment long pour que le photon ne puisse recevoir aucune information sur ce qui se passe à la sortie de l'interféromètre, au niveau de la deuxième lame. Ensuite, l'électronique du dispositif doit être suffisamment rapide pour "poser la question" pendant que le photon est à l'intérieur de l'interféromètre, et avant qu'il ne s'approche de la sortie. Tout cela sachant qu'il file à une vitesse proche de 300.000km/s...
Une solution relativement simple pour allonger le trajet des photons aurait pu être de les envoyer dans des fibres optiques enroulées sur elles-mêmes. Mais cette idée n'a pas été retenue par les chercheurs : "Nous avons préféré la solution d'une propagation dans l'espace libre, car elle nous paraissait plus proche de la proposition initiale de Wheeler", raconte Jean-François Roch. Pour cela, il fallait de la place. Les chercheurs ont donc choisi de faire emprunter au photon, sur 48 mètres, le couloir du sous-sol de l'Institut d'optique, qui présentait tous les atouts en termes de stabilité thermique ! Et qui dessert des laboratoires ayant abrité d'historiques expériences de physique quantique.
En pratique, les physiciens laissent entrer un photon unique dans l'interféromètre. Après un délai de 80 nanosecondes, alors que le photon a parcouru environ 24 mètres dans le couloir, un processus aléatoire permettant de choisir au hasard le type de sortie (avec ou sans la deuxième lame) est déclenché. Ce générateur de hasard est conçu à partir d'une simple source de lumière blanche, dont les variations aléatoires sont converties en courant électrique. Si, à l'instant de la mesure, la valeur de ce courant est supérieure sa moyenne, un signal électrique est envoyé vers le dispositif pour que la deuxième lame soit présente ; et si elle est inférieure à sa moyenne, aucun signal n'est envoyé. Le temps de réponse du dispositif électronique étant de 40 nanosecondes, le photon parcourt encore une douzaine de mètres avant que le miroir semi-réfléchissant soit mis ou non sur son chemin. Un dispositif qui permet bien que le photon entre avant que le couperet tombe ! Résultat : dans la configuration "fermée", les physiciens ont observé des interférences presque parfaites. Et dans la configuration ouverte, ils ont détecté à la sortie un unique photon. Autrement dit, l'expérience montre, comme le concluent les chercheurs, que, "une fois encore, on observe que la nature se comporte en accord avec les prédictions de la mécanique quantique, même dans une situation surprenante". En effet, cette expérience dite de "choix retardé", faite alors que le photon entrant ne peut en aucun cas "savoir" quelle expérience sera réalisée (puisqu'aucune information ne peut voyager plus vite que la lumière), semble ni plus ni moins inverser le cours du temps, et de la causalité sur laquelle s'appuient toutes les lois de la physique : l'effet (le choix de se comporter en onde ou en particule) semble dans ce cas précéder la cause (la position de la seconde lame). Comme si le fait de poser la question changeait le cours de l'histoire du photon. C'est du moins ce qui vient à l'esprit lorsqu'on reste sur une vision classique du comportement des photons. La réalité quantique est tout autre, et nous force à concevoir que le "quanton" (c'est-à-dire un photon ou tout autre particule élémentaire) n'est pas "à la fois onde et corpuscule", mais plutôt ni l'une ni l'autre. Il est autre chose, que le cerveau humain ne peut probablement pas comprendre, et qu'il assimile selon les cas aux notions d'onde et de particule, les seuls moyens que l'on a trouvés pour s'en faire une image... La réalisation de l'expérience de Wheeler en est une nouvelle preuve éclatante.
Causalité : il s'agît d'un principe fondamental qui stipule que pour n'importe quel observateur, les événements se déroulent dans le même ordre. Si l'on peut modifier le cours du temps, on ne peut jamais l'inverser. Passé et futur gardent donc un caractère absolu en physique.
C H R O N O L O G I E |
1900 - Max Planck signe la naissance de la physique quantique en stipulant que l'énergie électromagnétique s'échange par petits paquets, qu'il appelle des "quantas".
1905 - Albert Einstein montre que la lumière est constituée de quantas (baptisés "photons" dans les années 20).
1924 - Louis de Broglie affirme que toute la matière est ondulatoire et corpusculaire. La "dualité onde-particule" révolutionne la physique.
1970 - John Wheeler imagine une expérience de pensée où un photon unique devrait choisir son comportement (ondulatoire ou corpusculaire) avant d'étre interrogé sur sa nature.
1936 - Alain Aspect et Philippe Grangier fabriquent la première source de photons uniques.
2007 - Réalisation pratique de l'expérience de pensée de Wheeler. |
Le photon n'est pas "à la fois onde et particule" : il n'est ni l'une ni l'autre. |
Philippe Palot - SCIENCE & VIE > Septembre > 2007 |
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