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Comment Signaler la Présence de Déchets Nucléaires dans 10 000 ans ?

Dans une centaine de siècle, certains des déchets radioactifs ou toxiques que nous enfouissons aujourd'hui présenteront encore un danger mortel. Comment prévenir alors de la menace les générations futures ? Quelle signalétique utiliser, quel monuments bâtir sur les sites de stockage ? Un casse-tête sur lequel planchent des dizaines de chercheurs...

D'où vient ce symbole ? Le pictogramme de la radioactivité a été esquissé en 1946, à Berkeley. Mais son inspiration fait encore débat. S'agissait-il de représenter un atome irradiant des rayons ? Pas si sûr.

Certains chercheurs y voient plutôt un drapeau de combat japonais utilisé lors de la Seconde Guerre mondiale. Pour d'autres, son modèle serait un panneau utilisé par le Centre d'essais naval de Berkeley, avisant qu'une hélice tourne. Au final, ce symbole est peu intuitif et mal connu du grand public.

Cet été, les maires de 3 115 communes françaises reçoivent un même courrier de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). La lettre les informe que la géologie de leur site s'avère apte à accueillir le prochain projet d'enfouissement de l'Agence, et que les villes peuvent postuler jusqu'au 31 octobre. A priori une aubaine pour les communes, qui, si elles sont sélectionnées, auront de quoi remplir les carnets de commandes des industriels locaux jusqu'en... 2040 ! Seulement voilà, la brochure de l'Andra a omis un détail... Un détail à propos duquel les représentants de l'industrie nucléaire ne cherchent même plus à masquer leur embarras.
Pour comprendre, il faut remonter... en 1991. Un matin de cet été-là, un groupe de chercheurs de tous horizons visite la mine de sel de Los Modanos, à 655 mètres sous terre. Linguistes, anthropologues, archéologues, ingénieurs matériaux et même auteurs de science-fiction... Que font ces brillants personnages à jouer les apprentis spéléos sous le désert du Nouveau-Mexique, à 42 kilomètres de Carlsbad, ville la plus proche ? Quelques mois plus tôt, ils ont tous reçu l'appel d'un ponte du ministère de l'Energie américain, les invitant à participer à un groupe de réflexion, autour d'un projet... étonnant. Au fond de la cavité, un officiel explique qu'en fait de mine de sel, l'endroit est éminemment stratégique : ce site, appelé Waste Isolation Pilot Plant (WIPP), accueillera bientôt les déchets issus du programme américain de fabrication d'armes nucléaires. C'est que, depuis les débuts du projet Manhattan en 1942 (projet de la première bombe atomique), se sont accumulés des milliers de machines-outils, de récipients et de combinaisons de techniciens contaminés au plutonium ou à l'américium. Toutes sortes d'objets qu'il ferait bon ne pas côtoyer avant plusieurs dizaines de milliers d'années, le temps que s'estompent leurs émissions de rayons alpha. Une fois la mine remplie de 176.000 m³ (environ 7 % du volume de la Grande Pyramide) de ces rebuts, vers l'an 2033, le puits sera rebouché. Et les experts garantissent que la matrice de sel jouera son rôle protecteur pendant au moins 250 000 ans.
Sauf que cette première mondiale d'enfouissement radioactif soulève un vrai cas de conscience : et si, sans le vouloir, l'un de nos lointains descendants venait à percer ce dangereux réservoir ? On pense à l'archéologue suréquipé des années 9.000, intrigué par les traces laissées par les bâtiments de surface du WIPP. Et puis la région est connue pour ses carrières de potasse, et son sol recèle des poches d'hydrocarbures non exploitées, ce qui pourrait bien attirer des prospecteurs du futur... Autant d'éventualités aux conséquences potentiellement catastrophiques. Et qui ont ainsi conduit l'administration américaine à légiférer une responsabilité a priori insensée : celle d'avertir nos descendants du danger qu'il y a à creuser et à forer sur ce bout de désert de 630 mètres sur 780 mètres durant... les dix mille prochaines années, du moins pour commencer !

LE DÉFI : RÉSISTER À CENT SIÈCLES D'OUBLI !

Une brochette de scientifiques a donc été conviée à descendre dans la mine pour réfléchir au moyen de signaler le site, en concoctant un message lisible et compréhensible pour les 400 prochaines générations, quels que soient les savoirs et la culture de celles-ci. Or la tâche va très vite se révéler un épouvantable casse-tête, même en évacuant l'hypothèse que le monde sera dominé d'ici là par des robots. Oui, mais "il en va de la santé des intrus, ainsi que de celle des générations ultérieures et de leur environnement, que la perte d'intégrité du confinement pourrait mettre en péril", justifie aujourd'hui Tom Peake, qui dirige la mission de l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA), chargée de vérifier la conformité du WIPP. Près de deux décennies plus tard, si le WIPP reste le seul stockage géologique de déchets radioactifs opérationnel dans le monde, la plupart des pays nucléarisés planchent sur l'option de l'enfouissement, dont la France, comme en témoignent les 3 115 lettres envoyées cet été par l'Andra. Et malgré mille précautions sur le choix des sites, situés bien à l'écart des ressources que nous convoitons au jourd'hui, tous se voient confrontés au même défi de résister à l'oubli ! Défi qui pourrait concerner bien plus que la vingtaine de projets de cavernes bourrées de radionucléides. Car les rebuts toxiques d'incinérateurs ou les accumulations de métaux lourds sur nos sites industriels sont eux aussi problématiques en termes de durée de la nocivité. Or à des millénaires d'écart, la vigilance des organismes de contrôle ou des industriels se sera sans doute évanouie. La mémoire des institutions a d'ailleurs été historiquement évaluée. Verdict : au gré de l'histoire, elle ne dépasse pas... 500 ans. Certes, il y a bien les huit siècles d'archives tenues par le Vatican, mais ils ne pèsent pas lourds au regard de la signalétique exigée au-dessus du WIPP, censée durer au moins cent siècles ! À vrai dire, très peu de traces humaines soutiennent la comparaison.
Néanmoins, au fil des années de recherche d'une petite communauté de scientifiques, plusieurs solutions se sont esquissées. Dès les premières réunions en 1991, certains proposent, face à l'ampleur de la tâche, de ne rien faire ! Après tout, ne pas signaler le site ne serait-il pas plus efficace ? "Cela se défend, car la capacité à l'oubli fait partie, à l'origine, des prérogatives d'un stockage géologique profond : l'idée de départ étant justement d'échapper aux instabilités sociétales", argumente Patrick Charton, adjoint au directeur sûreté, qualité et environnement de l'Andra. Mais la plupart des acteurs considèrerit la stratégie de l'oubli irresponsable envers les générations futures. "L'humanité aime creuser, soutient Maureen Kaplan, archéologue à l'Eastern Research Group, membre du groupe de réflexion. Et puis, il restera nécessairement d'infimes traces en surface signalant le WIPP : nous devons donc informer sur ce que contient le réservoir." Mais comment ?

STIGMATISER UN SITE... SANS EXCITER LA CURIOSITÉ

Très vite, tout le monde s'accorde sur un point : "Pour que l'emplacement du site saute encore aux yeux de nos lointains descendants, il faudra faire les choses en grand", résume Steve Casey, ingénieur chargé de superviser le marquage du WIPP. Ainsi le périmètre du réservoir pourrait-il être indiqué, en surface, par une grande butée de terre de 10 m de haut pour 30 de large, conçue pour résister à l'érosion. Seule, cette colline manifestement artificielle ne signifiera rien. Mais elle pourrait être le cadre d'un dispositif servant à repousser des centaines de générations, pensent alors les chercheurs. Comment rendre un lieu impossible à vivre ?

Les idées ne manquent pas : forêt de hautes épines de béton, énorme bloc de pierre sculpté de façon à générer sous le vent un son désagréable, esplanade de pavements noirs rendant insupportable la chaleur dans ce coin de désert... Un concours d'artistes organisé en 2002 pour marquer à vie le stockage de déchets nucléaires civils de Yucca Mountain (Nevada), a livré d'autres intéressants concepts d'épouvantail (->). Des yuccas d'un bleu intense, génétiquement modifiés, suggérant les risques de mutation, ou encore un volcan artificiel constamment en éruption !
Propositions qui n'ont réussi, pour l'heure, qu'à exaspérer les ingénieurs de l'administration américaine, obnubilés par la simplicité de l'ouvrage, gage de durabilité... Quitte à ce que l'installation perde son caractère effrayant ! "Les plus vieux monuments qui nous sont parvenus, même s'ils ne dépassent pas l'âge de 5000 ans, sont des modèles à suivre", pense Tom Peake. En la matière, le mégalithe de Stonehenge, dressé il y a quatre millénaires, remporte tous les suffrages : durable, consommant peu de matériel - à la différence d'une pyramide - et redondant. D'où l'idée initiée par Maureen Kaplan et qui est retenue pour l'instant : marquer le site du WIPP par un champ d'une cinquantaine de monolithes gravés d'avertissements, technique d'écriture la plus durable. "Si nous mettons autant de marqueurs, c'est pour que le message puisse encore être reconstitué dans plusieurs millénaires", précise Steve Casey. "Bien plus que l'épreuve du temps, ce sont les hommes qui, dans plus de 99 % des cas, font disparaître les monuments à des fins de recyclage, avertit toutefois Dieter Ast, chercheur au laboratoire de sciences des matériaux de l'université Cornell, et membre du groupe de travail. En plus des dimensions imposantes des monolithes (8 mètres de haut, 105 tonnes), il nous faudra donc utiliser des matériaux facilement disponibles dans cette région, afin de ne tenter personne". Le granite et le grès pourraient être de ceux-là. Le basalte, qui a fait ses preuves de durabilité à travers le code Hammurabi - ce recueil juridique mésopotamien gravé en 1750 avant J.-C. et parvenu jusqu'à nous -, devrait, lui aussi, laisser de marbre les pillards.

QUELLE SIGNALÉTIQUE POUR DIRE "DANGER" ?

Mais durer n'est pas tout : ce n'est pas le monument qui compte, mais le message qu'il contient... "A l'Andra, nous butons sur un point : les générations futures ont-elles une chance de comprendre le sens des messages gravés sur un monument ?", s'interroge Patrick Charton. Il ne s'agirait pas que le mégalithe du WIPP suscite les mêmes incertitudes sur sa fonction que... Stonehenge, justement ! Une chose est sûre : pour éclaircir la nature du danger, graver le symbole de la radioactivité ne suffira pas. D'abord, d'ici plusieurs siècles, l'industrie nucléaire aura probablement disparu faute de réserves d'uranium (puis de thorium). Du coup, ce sigle a d'autant moins de chance d'être compris ! Pis : avec ses faux airs d'hélice de bateau ou de symbole "peace and love", le trèfle radioactif risque d'être sujet à de mauvaises interprétations. Du coup, certains ont proposé d'y accoler une tête de mort ; mais là encore, c'est insuffisant, voire... dangereux. "Au fil de l'histoire, la tête de mort a eu bien d'autres significations que celle que nous lui prêtons : le repentir, l'éternité, la réssurection, le souvenir, souligne Michel Pastoureau, historien des symboles à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Dans ce domaine, tout est culturel, donc aucune signalétique intelligible destinée à nos très lointains descendants ne me paraît possible !"
Un avis que l'anthropologue David Givens, spécialiste en communication non verbale et dépêché au chevet du WIPP, ne partage pas. Son idée : représenter un visage humain saisi d'effroi, sachant que la peur est une émotion qui traverse les millénaires et faisant l'hypothèse que la morphologie de l'homme n'aura que peu changé. Des gravures, dignes du fameux Cri peint par Edward Munch, seront-elles correctement interprétées ? "Pour s'en assurer, nous allons tester ces pictogrammes un peu partout, de New York aux populations isolées de l'île de Bornéo", explique David Givens, bien conscient qu'après ce premier avertissement du danger, il faudra s'expliquer bien plus en détail. La belle affaire ! Car bien malin celui qui pourra dire comment les langues actuelles évolueront sur 1 0 000 ans !

UN MESSAGE EN SIX LANGUES ET UNE BD...

"Qui comprend aujourd'hui couramment le latin employé en l'an 1 000 dans les écrits en France ?, souligne Thierry Delcourt, directeur du département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France. Même le français du XVIIè' siècle est assez différent du nôtre". Cependant, tout n'est pas perdu. En effet, les chercheurs américains comptent sur le caractère singulier du monument du WIPP pour attiser la curiosité d'universitaires futurs, mieux à même de décrypter le texte ! Pour augmenter leurs chances de réussite, les inscriptions seront reproduites dans les six langues officielles des Nations unies, à savoir l'anglais, le français, l'espagnol, l'arabe, le chinois et le russe. De plus, nos descendants seront invités à reproduire, sur cette "pierre de Rosette" moderne, la teneur du message dans leur langage. Rien de très sophistiqué pour commencer : "Danger, ici déchets radioactifs toxiques. Ne pas forer ou creuser". Sous ce premier avertissement limpide et court, donc rapide à traduire, la complexité des explications ira crescendo. "À la différence des messages volontairement alamlistes qui étaient utilisés pour éloigner les pilleurs des tombeaux, nos avertissements ne présenteront que des informations confirmables, sans exagération de la menace", tient à préciser David Givens. Ceux qui croiront encore qu'il s'agit d'une vague superstition pourront toujours se rendre dans une des trois "chambres d'informations" réparties sur le site (voir infographie).

Le projet actuellement retenu pour le site du WIPP
L'idée retenue pour l'instant pour le site WIPP s'inspire de Stonehenge, et indique le danger à plusieurs niveaux : Attention, cet édifice est artificiel ! La butée de terre et de sel de 10 m de haut qui matérialise le site dangereux comprend 128 réflecteurs qui lui donneront une signature radar, comme un avion. Elle comportera aussi des aimants, créant une anomalie magnétique. Objectif : montrer qu'il s'agit bien d'une construction artificielle. Attention, danger ! Sur les 48 monolithes, seront gravés des sigles de la radioactivité, mais aussi des visages humains pris d'effroi, et d'autres pris de nausée (réflexe compris de tous). Des milliers de tablettes d'argile portant les mêmes avertissements seront enterrées à 2 mètres de profondeur, comme les premières tablettes d'écriture de Mésopotamie. Attention, ne pas creuser ni forer ! Inscrit lui aussi sur les monolithes, en hauteur, un message plus long, dans les six langues officielles des Nations unies, informant que des déchets toxiques sont enterrés ici. Attention, prenez-nous au sérieux ! Trois "chambres d'information" sont prévues, l'une à ciel ouvert, les deux autres semi-enterrées, à l'abri du temps et des vandales. On y lira plusieurs détails : un schéma expliquant les radiations, les risques encourus par l'homme, la date de l'enfouissement...
Pour les déchets à vie courte, un papyrus moderne
Pour informer durablement sur les 527.214 m³ de rebuts à vie plus "courte" (de trois à cinq siècles) stockés depuis 1994 au Centre de stockage de la Manche, l'Andra a opté... pour le papier ! Pas question en effet de choisir un support numérique : CD et DVD n'auront sans doute pas de meilleur sort que les "disquettes" des années 80, obsolètes aujourd'hui. Même chose pour les microfiches, qui nécessitent un appareil de lecture. Au final, c'est donc un papier spécial qui a été sélectionné. Fabriqué à partir de pure cellulose, ce "papier permanent" est beaucoup plus durable que le papier industriel actuel fait à base de pâte de bois qui s'acidifie et "s'autodétruit" en moins d'un siècle. Les informations couchées sur "papyrus moderne" sont ensuite stockées dans des conditions de sécheresse, de température et de faible luminosité qui rappellent celles des pyramides d'Égypte. Dans un premier temps, c'est ce dispositif qui devrait accompagner les déchets à vie longue stockés à Bure. Des essais de vieillissement sont en cours pour savoir si le couple encre/papier permanent peut passer le cap du millier d'années. Resterait ensuite à trouver le moyen de motiver les scribes du futur susceptibles de prolonger la vie de ces informations.

Là seront gravés sur une série de murs de pierres moult détails techniques, ainsi que la date de l'enfouissement reprisentée par la carte de la voute céleste correspondante et des explications sur les effets des radiations, invisibles donc difficiles à croire. Une bande dessinée, mode de narration qui a traversé les âges et les cultures, complétera texte et schémas.
Seulement voilà : en dépit de tous ces efforts pour être compris et pris au sérieux, de nombreuses incertitudes demeurent. Comment savoir, par exemple, si des groupes humains avides ou désespérés ne considéreront pas ces marquages comme une stratégie visant à cacher un fabuleux trésor ? Auquel cas, rien ne pourra empêcher une intrusion délibérée. "Si on a peur d'un endroit, on l'abandonne, et les marqueurs signalant le stockage auront moins de chance d'être compris, estime Claudio Pescatore, chargé de la gestion des déchets à l'Agence pour l'énergie nucléaire (AEN) de l'OCDE. Nous pensons, à l'inverse des chercheurs du WIPP, que ces sites doivent faire partie du tissu sociétal : certaines collectivités d'accueil des stockages expriment déjà leur volonté de jouer le rôle de gardiens actifs de la mémoire. Ce qui signifie que leurs descendants pourraient renouveler les marqueurs à mesure que les matériaux se dégradent ou que leur signification évolue! "
Mais comment stimuler ce processus au fil des siècles ? La tâche est bien plus ardue que d'octroyer aux municipalités de généreuses compensations financières pour l'accueil de notre encombrant héritage... Certains chercheurs proposent d'encourager l'écriture de chants, de poèmes, de contes et légendes sur ces sites de stockage ; d'autres la création d'un rassemblement folklorique annuel autour de ces marqueurs ! Propositions jugées trop simplistes. D'autres encore préconisent d'utiliser... la religion, enviée pour sa capacité à transmettre l'information et son influence sur les comportements. La ruse ? Ajouter les sigles de la radioactivité aux symboles saints ! "La symbolique religieuse naît souvent de puissants dilemmes, et rien ne dit que ce sera le cas du nucléaire dans plusieurs milliers d'années", conteste Martin O'Connor, chercheur au Centre d'économie et d'éthique pour l'environnement et le développement (université de Versailles).

UN MONUMENT POUR LES TOURISTES DU FUTUR ?

Si l'on en croit les réflexions menées par l'AEN, installer un lien durable et éclairé avec les communautés d'accueil pourrait se faire beaucoup plus naturellement. Loin de l'atmosphère sans âme dégagée par le mégalithe du WIPP, "nous réfléchissons à faire de chacun de ces monuments d'information un 'emblème', dont la population locale, voire nationale, pourrait tirer de la fierté, mais aussi un maximum d'avantages dans la vie de tous les jours, songe Claudio Pescatore. Ce qui suppose une architecture durable, utile, mais aussi esthétique et originale : on l'imagine à nul autre pareil, un peu comme la tour Eiffel !" D'ici à ce que ces édifices remplissent les critères d'entrée au patrimoine mondial de l'Unesco, il n'y a qu'un pas... que semble vouloir franchir la Suède sur son site d'Oskarshamn ! Objectif affiché : faire de ces installations des lieux appréciés des touristes du futur (partageant ainsi l'information) et qui trouveront leur place dans la tradition culturelle locale, phénomène persistant et se propageant de lui-même. Encore faut-il préciser que certains déchets de haute activité susceptibles d'être enterrés à Oskarsham, tout comme à Bure (en France) et à Yucca Mountain, seront radiotoxiques pendant un million d'années (sauf amélioration des méthodes de retraitement) ! L'exercice a donc ses limites, car personne n'envisage que la mémoire de ces déchets puisse se perpétuer sur de telles échelles de temps.
Sauf à espérer que de futurs paléontologues parviennent à reconstituer les stèles de ces embarrassants dinosaures... Qu'y découvriront-ils ? Les traces éparses d'un ersatz de Stonehenge, d'un musée emblématique destiné à maintenir le savoir sur la radioactivité, d'un temple sur le dieu atome, ou... rien du tout ? C'est en tout cas maintenant que le lien entre population et stockage doit être planifié. C'est pourquoi, à l'initiative de l'Andra, un groupe de travail rassemblant la plupart des pays concernés a été mis en place cette année, dans le but de faire le tri entre les différentes options. Autant de casse-tête en perspective sur la transmission d'informations à nos descendants... sans oublier que le défi le plus important reste de leur léguer le moins de problèmes possibles, tant qu'il est encore temps.

V.N. - SCIENCE & VIE > Septembre > 2008
 

   
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