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Radiofréquences : Les Dessous d'une Interminable Polémique

Officiel : l'Afsset a validé 11 études décrivant des effets biologiques liés aux ondes. Et préconise une réduction des expositions. Ce que réfutent les Académie des sciences... Sur la foi de ces mêmes études !

Réduire l'exposition aux ondes des antennes-relais n'est pas justifié scientifiquement." Le 17 décembre 2009, cette déclaration des Académies de médecine, des sciences et des technologies a semé la pagaille. Car, deux mois plus tôt, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) recommandait, sur la base d'un nouveau rapport d'expertise, une réduction des expositions aux radiofréquences dès lors qu'elle est envisageable. Dans le débat sur les éventuels dangers de la téléphonie mobile, voilà qui n'aide certes pas à y voir plus clair. D'autant que les académiciens fondent leur avis sur le même rapport d'expertise validé par l'Afsset et dont ils approuvent "sans réserve" les conclusions. Cherchez l'erreur...
En fait, les académiciens ont voulu adresser à l'Afsset un reproche : celui d'avoir adopté un ton alarmiste dans le communiqué présentant le rapport et d'avoir mis en avant de manière exagérée certaines études. Pas n'importe lesquelles : 11 études qui, étant pour la première fois dûment validées par un collège d'experts, démontrent l'existence d'effets biologiques liés à la téléphonie. Oui, mais outre qu'elles ne représentent qu'une infime partie des travaux pris en compte (infographie ->), si elles mettent en évidence des effets sur certaines fonctions cellulaires, il s'agit de faibles modifications, "loin de montrer des effets pathologiques ou sanitaires", reconnaît lui-même Dominique Gombert, chef du département des expertises en santé, environnement et travail de l'Afsset. Pour les académiciens, il n'y aurait. donc pas de quoi s'inquiéter. "Si les politiques fondent leurs mesures sur l'opinion publique et non sur la science, ils accroissent une inquiétude diffuse, l'angoisse l'emporte sur la rationalité", commente Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences.

TERRAIN MINÉ : En initiant cette expertise, l'Agence savait qu'elle avançait en terrain miné. "C'est un sujet d'incertitude scientifique majeur. Jusqu'à présent, les arguments utilisés pour réfuter les risques tenaient au manque de fiabilité des études alléguant des effets. Le fait de disposer d'une dizaine d'études robustes, non critiquables, permet de faire avancer le débat, estime Dominique Gombert. C'est également un vrai sujet de préoccupation pour la société civile. "Il est vrai que les technologies radiofréquences sont en plein boum, notamment avec l'apparition de nouvelles fonctions pour la téléphonie mobile, des technologies sans fil (Bluetooth, wi-fi, WiMAX...), des clés 3G, etc.
C'est dans ce contexte que les ministères en charge de la Santé et de l'Environnement ont demandé à l'Afsset d'actualiser son précédent avis, qui datait de 2005. Etendu à l'ensemble du domaine des radiofréquences (qui couvre aussi la radiodiffusion et la télédiffusion, les puces RFID, l'aéronautique, etc.), ce travail ambitieux se voulait exhaustif. "Nous avons examiné les publications intervenues depuis 2005 dans le domaine des sciences expérimentales et nous avons pris en compte les travaux antérieurs pour les fréquences qui n'avaient pas encore été étudiées", explique le cancérologue Jean-François Doré (Inserm), président du groupe d'experts mandaté par l'Afsset en 2008. Avec un enjeu de taille : estimer si les différents types d'exposition entraînent une réponse biologique en l'absence d'échauffement des tissus, puisqu'un tel échauffement n'est pas observé en conditions normales.

RISQUES RÉELS OU FANTASMÉS ? Les conclusions de l'Agence étaient d'autant plus attendues qu'un rapport du groupe de travail international BioInitiative, coédité en 2007 à l'initiative de deux Américains, la consultante Cindy Sage et l'expert en santé publique David Carpenter, évoque des atteintes à l'intégrité du génome, aux fonctions cellulaires, cardio-vasculaires, immunitaires et cognitives, des risques de cancer, etc.
Des risques réels... ou fantasmés ? Pour faire la part des choses, les experts mandatés par l'Afsset ont scrupuleusement analysé 226 études parues depuis 2005, effectuées sur des culturcs cellulaires, sur l'animal ou, parfois, sur des sujets humains. Résultat : parmi 102 études évoquant des effets, ils n'en ont validé que 11. C'est peu. Surtout que, selon Jean-François Doré, "la grande majorité des études qui ne montrent pas d'effets suivent, elles, une bonne méthodologie". Concrètement, les 91 qui ont été écartées présentaient des lacunes soit dans le domaine de la physique, soit en biologie, la double compétence étant rarement présente au sein d'une même équipe. Sur le plan physique, l'Afsset s'est attachée à vérifier le contrôle des conditions d'exposition et la méthode employée pour définir le DAS (débit d'absorption spécifique, exprimé en W/kg), correspondant à la puissance maximale absorbée localement par un organisme. "L'estimation du DAS réclame une modélisation complexe et exige un niveau d'expertise élevé", souligne Jean-François Doré. Pour la partie biologique, l'Agence a évalué la pertinence des modèles animaux utilisés et la sensibilité des techniques employées. Lorsqu'il s'agissait d'études sur l'animal, elle a vérifié si des dispositions avaient été prises pour limiter leur stress. La taille des échantillons étudiés, la possibilité de répliquer les résultats et la mise en place de contrôles ont aussi été pris en compte.
Au final, les 11 études retenues mettent en évidence des perturbations organiques mineures et hétérogènes, mais aucun impact majeur. Le rapport de l'Afsset conclut donc à une absence d'effets biologiques avérés. L'Afsset ne demande pas une réduction générale de la puissance des antennes, qui ne reposerait sur aucune justification scientifique. "Toutefois, s'inspirant du principe ALARA (As Law As Reasonably Achievable) qui préconise la prudence en matière de radioprotection, elle recommande de réfléchir à la diminution des niveaux d'exposition dans les lieux présentant des valeurs sensiblement plus élevées que le niveau moyen ambiant", nuance Jean-François Doré.
En parallèle des études biologiques, que disent les études épidémiologiques ? Bien que de nombreux travaux pris en compte par l'Afsset aient cherché à corréler l'utilisation régulière du portable à une augmentation du risque de tumeur intracrânienne, on est encore dans le flou, d'autant que les résultats définitifs de l'étude Interphone - la plus vaste étude épidémiologique consacrée à ce sujet, menée dans 13 pays se font attendre... depuis plus de quatre ans ! Toutefois, certains résultats suggéreraient une augmentation du risque de tumeur cérébrale pour une utilisation d'une durée supérieure à dix ans. "Des interrogations demeurent pour les effets à long terme", confirment les experts de l'Afsset, qui soulignent la complexité d'interprétation de ces études très hétérogènes. Quant aux dangers encourus par les enfants, ils sont encore plus difficiles à évaluer, faute de savoir si ceux-ci présentent une vulnérabilité spécifique.

MÉNAGER LA CHÈVRE ET LE CHOU : Autre sujet sensible : l'hypersensibilité aux émissions des antennes-relais ou wi-fi. "On ne peut contester la réalité du vécu des personnes qui attribuent leurs symptômes à l'exposition aux radiofréquences", notent les experts. Mais, selon eux, aucune étude n'apporte la preuve qu'ils soient liés aux expositions. Ménageant la chèvre et le chou, l'Afsset insiste sur la nécessité de poursuivre les recherches dans tous les domaines car précise Dominique Gombert, "le fait que les effets ne soient pas mis en évidence ne signifie pas qu'ils n'existent pas". Et préconise de s'intéresser aussi aux fréquences inférieures à 400 MHz (appareils à induction, écrans cathodiques, etc.), car des résultats préliminaires suggèrent qu'elles sont susceptibles d'engendrer des malformations morphologiques mineures chez l'animal et d'agir sur les systèmes cardio-vasculaire ou nerveux. Par ailleurs, l'Agence conseille de développer l'utilisation de téléphones à faible DAS, mais sans remettre en cause les limites actuelles d'exposition aux antennes-relais (40,2 V/m pour le GSM 900 et 56,8 V/m pour le GSM 1800), alors que les associations demandent de les abaisser à 0,6 V/m. "C'est une fausse bonne idée, estime même Jean-François Doré. Cela conduirait à augmenter le niveau de radiation des mobiles". Les associations répondent qu'il reste possible d'améliorer les portables et qu'il suffit d'utiliser une oreillette pour réduire l'exposition, alors que l'on subit les antennes-relais. La balle est dans le camp du comité opérationnel lancé dans la foulée du Grenelle des ondes du printemps 2009. L'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques a formulé de nouvelles recommandations, dont l'instauration d'un permis de construire pour les antennes-relais et d'une taxe sur les téléphones mobiles pour financer la recherche. La montagne semble bien avoir accouché d'une souris !

DES EFFETS PHYSIOLOGIQUES SUR LE CERVEAU

Pour préconiser une réduction de l'exposition aux ondes, l'Afsset s'est basée sur 11 études démontrant pour la première fois des effets biologiques liés aux radiofréquences.

Parmi elles, deux études in vivo sur des rats indiquent un impact sur le développement cérébral et une gliose (prolifération de la glie, tissu de soutien du cerveau).
Étude 1 : Effets sur le Développement Cérébral
Étude 2 : Effets sur les Tissus Cérébraux
CE QUI A ÉTÉ ÉVALUÉ
L'utilisation accrue des téléphones portables par les enfants pose la question des effets d'une exposition chronique importante sur le développement du cerveau. Dans une étude publiée en 2007, l'équipe finlandaise de Timo Kumlin a évalué ces effets sur de jeunes rats. Elle a recherché des modifications de la morphologie cérébrale et a soumis les rongeurs à des tests comportementaux pour détecter un éventuel impact sur leurs fonctions cognitives.

LA NATURE DE L'EXPOSITION
Trois groupes de 24 rats âgés de 21 jours ont été constitués. Le premier a été exposé pendant 5 semaines à un signal de type GSM 900, avec un DAS de 0,3 W/kg, 2 h par jour, 5 jours par semaine. Les deuxième et troisième groupes ont été exposés dans les mêmes conditions à un signal plus fort (DAS de 3 W/kg) et à un signal fictif (groupe témoin).

RÉSULTATS
L'analyse des tissus cérébraux, qui a porté sur 6 animaux dans chaque groupe, n'a pas révélé de modification de la morphologie cérébrale ni du nombre de neurones morts ou nouvellement formés. La barrière hémato-encéphalique, qui contrôle le passage dans le cerveau de substances issues du sang, n'est pas altérée. Les tests de comportement réalisés sur les autres rats mettent paradoxalement en évidence une légère amélioration de l'apprentissage et de la mémoire chez les animaux exposés aux radiofréquences, un résultat à mettre en regard d'autres études suggérant une tendance à de meilleures performances des adolescents. L'effet serait ici bénéfique. Ces études mériteraient d'être approfondies.
CE QUI A ÉTÉ ÉVALUÉ
La prolifération de la glie s'observe dans de nombreuses situations pathologiques (processus inflammatoires, maladies dégénératives...). L'équipe de Mohamed Ammari (Ineris, France) a voulu savoir si l'exposition aux radiofréquences provoquait ce type d'altération des tissus cérébraux chez les rats. Cette étude de 2008 a mesuré, grâce à des méthodes de marquage, l'expression d'une protéine produite par les cellules gliales, la GFAP (acide protéique fibrillaire glial).

LA NATURE DE L'EXPOSITION
Les rats ont été exposés de façon chronique à un signal de type GSM 900, soit avec un DAS de 1,5 W/kg, 45 min par jour, 5 jours par semaine pendant 24 semaines, soit avec un DAS de 6 W/kg, 15 min par jour, 5 jours par semaine pendant 24 semaines. L'évolution de la glie a été vérifiée 10 jours après l'exposition.

RÉSULTATS
L'étude met en évidence une augmentation significative de l'expression de la protéine GFAP dans différentes régions du cerveau chez les rats soumis à un signal de 6 W/kg. Ce qui n'est pas le cas des rats ayant subi une exposition chronique à 1,5 W/kg. Cette comparaison suggère une altération des tissus de soutien, plus précisément la prolifération de la glie (aussi nommée gliose réactionnelle) en réponse à une exposition chronique seulement lorsque celle-ci se situe bien au-delà des limites réglementaires (2 W/kg pour les téléphones portables). Ces premiers résultats doivent encore être confirmés par d'autres études similaires.

DES EFFETS SUR L'APOPTOSE

L'apoptose est un processus de "suicide" cellulaire que la cellule déclenche en réponse à un dysfonctionnement, au stress ou au vieillissement.

Trois études sur les 11 retenues par l'Afsset relient ce phénomène à l'exposition aux radiofréquences : l'une met directement en évidence une hausse du taux d'apoptose, la seconde signale une augmentation de l'activité d'une enzyme participant au processus, la troisième montre quant à elle une variation de l'expression de gènes impliqués.

Étude 1 : Effets sur le taux d'apoptose
Étude 2 : Effets sur la caspase 3
Étude 3 : Effets sur l'expression des gènes clés de l'apoptose
CE QUI A ÉTÉ ÉVALUÉ
Vanessa Joubert et ses collaborateurs de l'université de Limoges ont étudié le taux d'apoptose sur des cultures de neurones embryonnaires de rats exposées aux radiofréquences, au début de l'exposition, puis 24 h après. Ils ont également cherché à préciser, dans cette situation, quel mécanisme est impliqué dans le déclenchement de la mort des cellules. Les résultats ont été publiés en 2008.

LA NATURE DE L'EXPOSITION
Exposition de neurones à un signal de 900 MHz en ondes continues (différentes des ondes GSM transmises sous formes d'impulsions toutes les 4,6 min), pendant 24 h, à un DAS de 2 W/kg (maximum autorisé pour les portables).

RÉSULTATS
Dans les cellules exposées aux radiofréquences a été observée une hausse du taux d'apoptose accompagnée d'une élévation de la température de 2°C (de 37°C à 39°C). L'augmentation du taux d'apoptose (d'un facteur 2 environ après 24 h) ne semble pas strictement due à la température car elle ne se produit pas dans une culture témoin maintenue à 39°C. Ces résultats ne sont pas faciles à interpréter, parce qu'ils sont en contradiction avec d'autres obtenus en 2006 par la même équipe et avec ceux d'études menées sur des cellules cérébrales humaines, et parce que le mécanisme de mort cellulaire n'est pas identifié. Les auteurs n'excluent pas l'induction de l'apoptose par des effets thermiques locaux (non observés dans des conditions physiologiques normales). Il faut poursuivre les recherches.
CE QUI A ÉTÉ ÉVALUÉ
En 2008, l'équipe italienne de R. Palumbo (Naples) a examiné par différentes techniques les effets de l'exposition aux radiofréquences sur le processus de l'apoptose, sur la survie et sur les modifications du cycle cellulaire de cellules immunitaires (lymphocytes). Elle a en particulier mesuré l'activité de la caspase 3, une enzyme qui joue un rôle clé dans le déclenchement de l'apoptose en induisant la dégradation de protéines dans les cellules.

LA NATURE DE L'EXPOSITION
Les auteurs ont exposé les cellules pendant 1 h à un signal de type GSM à 600 MHZ, avec un DAS de 1,35 W/kg. Un contrôle de la température et une étude de dosimétrie numérique ont été réalisés.

RÉSULTATS
Cette étude a mis en évidence une augmentation de l'activité de la caspase 3, qui s'observe uniquement dans les cellules lorsqu'elles sont en cours de prolifération, qu'elles soient tumorales ou non. Cette hausse est significative 6 h après que les cellules ont été exposées. En revanche, aucun effet sur le cycle cellulaire ni sur le taux d'apoptose n'a été observé. Des études complémentaires sont donc nécessaires afin de confirmer cette augmentation de l'activité de la caspase 3 induite par les radiofréquences. Elles devront permettre de comprendre si cette augmentation correspond à une réponse de type apoptose avortée ou à un autre mécanisme biologique qui ferait intervenir la dégradation de protéines.
CE QUI A ÉTÉ ÉVALUÉ
Dans une lignée de cellules humaines du système nerveux exposées aux radiofréquences, l'équipe de l'université de Bari (Italie) conduite par M. Buttiglione a observé l'expression de différents gènes qui interviennent dans la cascade d'événements aboutissant à l'apoptose. La même étude cherchait à évaluer l'effet direct des radiations sur l'apoptose et sur le taux de croissance cellulaire.

LA NATURE DE L'EXPOSITION
Les expositions ont été réalisées avec des signaux utilisés dans les systèmes de communication sans fil à 900 MHZ, avec un DAS de 1 W/kg, pendant de durées courtes (5, 15 et 30 min) ou longues (6 h et 24 h).

RÉSULTATS
Les chercheurs ont noté un effet transitoire (avant 30 min) et faible sur l'expression des gènes Egr-I, connus pour être liés à l'apoptose induite par l'exposition à des radiations ionisantes, telles que les rayonnements ultraviolets. Sur le long terme (exposition de 24 h), ils ont observé un ralentissement du cycle cellulaire ainsi que la diminution de l'expression de gènes inhibiteurs de l'apoptose (notamment celui de la survivine, dont le nom évoque bien la fonction). La faiblesse de ces effets ne permet pas de conclure que les radiofréquences induisent l'apoptose. Ces résultats vont à l'encontre de ceux de nombreuses études, ce qui pourrait tenir, selon les auteurs eux-mêmes, aux limites méthodologiques de leur étude. Ils proposent d'en réaliser d'autres pour confirmer ou pour invalider leurs résultats.

DES EFFETS SUR LES MÉCANISMES CELLULAIRES
Parmi les 11 études quatre réalisées in vitro montrent des modifications de l'activité des cellules (souvent issues de lignées tumorales, plus faciles à maintenir en culture) exposées aux radiofréquences.

Deux portent sur l'endocytose, processus qui permet à une cellule de capturer des molécules du milieu environnant. Une autre concerne la vulnérabilité des neurones au stress oxydatif. La dernière a trait à l'apparition d'un marqueur de stress.
Étude 1 et 2 : Effets sur l'endocytose
Étude 3 : Effets sur le stress oxydatif
Étude 4 : Effets sur les indicateurs de stress
CE QUI A ÉTÉ ÉVALUÉ
En 2005, l'équipe de Nawel Mahrour (Institut Gustave ROUSSY, CNRS) a étudié l'incorporation de composés fluorescents par des cellules soumises aux radiofréquences. Des travaux complétés en 2009 par sa collaboratrice Mihaela Moisescu, qui a utilisé des inhibiteurs bloquant l'entrée de molécules pour préciser l'action des radiofréquences.

LA NATURE DE L'EXPOSITION
En 2005, trois lignées de cellules (issues de mélanome de souris, de tissu pulmonaire de hamster chinois et de carcinome humain) ont été exposées 5 à 90 min à des ondes de 900 MHz de type GSM (DAS entre 0,6 W/kg et 4,5 W/kg) ou CW (ondes continues), et à des champs électriques reproduisant la composante électrique des ondes GSM. En 2009, des cellules métastatiques de mélanome de souris ont été exposées à des ondes GSM (900 MHz, 3,2 W/kg) pendant 20 min et à des champs électriques.

RÉSULTATS
L'endocytose est en hausse dans les cellules exposées aux radiofréquences et aux champs électriques. Cependant, cette augmentation n'est pas progressive. Elle se manifeste sur un mode "tout ou rien". L'effet apparaît après quelques minutes et au-delà d'un seuil de DAS légèrement supérieur aux niveaux atteints à l'intérieur du corps avec des téléphones mobiles. Ce phénomène pourrait être dû à la composante électrique des ondes, qui augmenterait l'entrée des molécules externes dans les cellules. Il reste à valider ces résultats par des études indépendantes.
CE QUI A ÉTÉ ÉVALUÉ
En 2009, l'équipe de Giovanna Del Vecchio (université de Bologne, Italie) a cherché à vérifier si l'exposition aux radiofréquences pouvait altérer la viabilité, la capacité à proliférer et la vulnérabilité de neurones utilisés comme modèles d'étude in vitro des maladies neurodégénératives.

LA NATURE DE L'EXPOSITION
Deux lignées cellulaires, provenant respectivement de cerveaux embryonnaires de rats et d'un neuroblastome (tumeur d'origine nerveuse) de souris ont été exposées à des ondes de type GSM 900 de manière continue, pendant respectivement 120 h et 144 h. Le DAS de 1 W/kg correspondait à celui d'un téléphone portable. Les chercheurs ont aussi réalisé des coexpositions avec des substances neurotoxiques impliquées dans la perte de neurones de certaines pathologies.

RÉSULTATS
l'exposition aux radiofréquences ne modifie pas la prolifération ni la viabilité des cellules neuronales. En revanche, elle augmente la vulnérabilité des cellules issues de neuro­blastome (mais pas celle des cellules embryonnaires) à l'un des neurotoxiques utilisés, le peroxyde d'hydrogène (H202), un oxydant puissant impliqué dans certains processus neurodégénératifs. Les auteurs en concluent que les radiofréquences peuvent potentialiser un stress oxydatif de cellules neuronales en culture (résultat non extrapolable à l'homme dans l'état actuel des connaissances), dans des conditions qui restent à préciser par d'autres études.
CE QUI A ÉTÉ ÉVALUÉ
En 2005, l'équipe japonaise de J. Miyakoshi a voulu savoir si l'exposition aux radiofréquences induisait la réponse cellulaire spécifique au stress. la production des protéines HSP (Heat Shock protein), qui interviennent en réponse aux chocs thermiques et autres agressions (chimique, manque d'oxygène, inflammation... ) a servi d'indicateurs.

LA NATURE DE L'EXPOSITION
Des cellules issues de gliome humain (tumeurs cérébrales) ont été exposées pendant 2 h à un rayonnement à 1950 MHz (standard ITM 2000 prévu pour succéder au GSM) en ondes continues, avec un DAS de 1,2 et 10 W/kg (DAS des portables inférieur à 2 W/kg). Le temps d'exposition variait de 10 min à 2 h. La présence des HSP utilisés comme indicateurs de stress était examinée après 1 h et 2 h d'exposition. Les chercheurs ont aussi regardé si la prolifération cellulaire était affectée par les radiofréquences).

RÉSULTATS
La prolifération des cellules soumises aux radiofréquences est comparable à celle des cultures témoin. Il n'y a pas de différence d'expression des HSP examinées après 1 h et 2 h. Pour autant, l'exposition à 10 W/kg semble inhiber une modification chimique des protéines dites HSP27 qui serait nécessaire à leurs fonctions de protection. Ces observations restent à approfondir, mais, pour les chercheurs, ce phénomène - probablement un effet thermique au vu de la puissance appliquée - paraît sans conséquences délétères sur les cellules en culture et a fortiori sur l'homme.

DES EFFETS SUR LA CIRCULATION SANGUINE CÉRÉBRALE

Deux des 11 études relient l'exposition aux radiofréquences à des variations du débit sanguin cérébral visualisées par TEP (la tomographie par émission de positons révèle les débits sanguins asservis au métabolisme cérébral et à l'activité cognitive). En partie contradictoires, elles ne disent rien des mécanismes en cause.
Étude 1 : Effets sur les débits sanguins
Étude 2 : Effets sur les débits sanguins
CE QUI A ÉTÉ ÉVALUÉ
En Suisse, l'équipe dirigée par R. Huber (université de Zurich) a observé par TEP, dès 2002, une augmentation du flux cérébral du côté exposé à un signal de type téléphone mobile, par comparaison avec une exposition fictive. En 2005, le même groupe de travail est parvenu à reproduire ces résultats sur 16 volontaires soumis aux émissions de mobiles, et les a complétés en évaluant les effets de l'exposition à un signal de type "station de base".

LA NATURE DE L'EXPOSITION
30 min d'un seul côté de la tête : absence de signal, signal type GSM 900 ou type antenne, avec un DAS de 1 W/kg. Ces expériences étaient réalisées en double aveugle (le sujet et l'expérimentateur ignoraient la nature du signal employé).

RÉSULTATS
L'analyse des images TEP prises 10 min après l'exposition montre une hausse du débit sanguin cérébral dans les régions les plus exposées aux radiofréquences. Ces variations concernent uniquement l'exposition de type téléphone mobile, ce qui suggère qu'elles dépendent du type de modulation du signai. Mais elles ne sont pas de plus grande amplitude que des variations dues au fonctionnement "normal" du cerveau. Il est donc difficile de savoir si elles pourraient avoir des conséquences sur le fonctionnement cérébral, d'autant que le nombre de sujets testés est faible. Il faudrait répliquer cette étude sur davantage de volontaires, et y associer des tests cognitifs.
CE QUI A ÉTÉ ÉVALUÉ
L'équipe de Sargo Aalto (Finlande) a complété en 2006 une étude de 2003 concernant les effets de la téléphonie mobile sur la distribution des débits sanguins dans le cerveau grâce à la TEP. Dans cette étude réalisée en double aveugle, une IRM cérébrale a été effectuée pour s'assurer de l'absence de lésion cérébrale chez les sujets testés. Pendant l'exposition, ils étaient soumis à un test de mémoire simple afin de vérifier si la variation des flux sanguins régionaux était liée à un changement dans l'exécution des tâches cognitives.

LA NATURE DE L'EXPOSITION
Les volontaires ont été exposés d'un côté de la tête seulement à un signal de 902 MHz, proche de celui des téléphones mobiles. Les durées d'exposition variaient jusqu'à 51 min maximum.

RÉSULTATS
Les chercheurs ont constaté une petite diminution du débit sanguin local dans la partie postéro-inférieure du cortex temporal du côté de l'exposition, et une légère augmentation bilatérale du débit sanguin au niveau du cortex préfrontal, sans variation dans la réponse au test de mémoire. Selon eux, les champs électromagnétiques sont susceptibles de modifier les flux sanguins cérébraux régionaux, mais les mécanismes cellulaires à l'origine de ces variations ne sont pas connus. Une fois de plus, l'échantillon testé est faible et il est malaisé d'interpréter ces résultats, qui auraient besoin d'être confirmés par d'autres études.

M.M. - SCIENCE & VIE > Mars > 2010
 

   
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