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Origine de la Vie : Acide Aminés (Expérience de Miller)

Les Premières Briques à l'Origine de la Vie observées sur Terre

L'ESSENTIEL DE LA SCIENCE N°45 > Mai-Juillet > 2019

Un Acide Aminé formé sans Intervention Biologique

D.D. - LA RECHERCHE N°543 > Janvier > 2019

Une Météorite nous Montre le Sens de la Vie

CIEL & ESPACE N°509 > Octobre > 2012

De Nouvelles Analyses Confirment que la Vie a Pu Naître sur Terre

En 1953, Stanley Miller devenait célèbre pour avoir recréé la vie dans de petites fioles. Avant d'être réfuté. Puis tiré de l'oubli en 2009. À juste titre, semblent indiquer de nouvelles expertises...

Ancien élève de Miller, Jeffrey Bada est le premier à avoir étudié le matériel laissé par le scientifique... et détecté des acides aminés dans une série de fioles : celles remplies de gaz reconstituant l'atmosphère d'une Terre primitive très volcanique (->).

Comment les acides aminés, briques élémentaires à la base ides protéines, sont-ils arrivés sur notre petite planète bleue ? Ont-ils été déversés en masse par des pluies de météorites ou sont-ils nés sur Terre grâce à des réactions chimiques ? Si la première thèse tient depuis longtemps la corde, la seconde revient de plus en plus en force ! En avril 2009 (article suivant ci-dessous), S&V détaillait les résultats d'une analyse qui indiquait que la vie aurait pu naître sur Terre grâce aux gaz libérés par les volcans. Aujourd'hui, une nouvelle mesure vient d'en donner la preuve !

DE NOUVELLES FIOLES : Cette saga, S&V en suit les péripéties presque depuis le début, en 1953. À l'époque, Stanley Miller, un chercheur de l'université de Chicago, devient célèbre, à 23 ans, pour avoir recréé la vie en laboratoire. Dans des ballons de verre remplis d'un mélange de gaz représentant l'atmosphère qui régnait sur Terre il y a 4 milliards d'années, il a fabriqué des acides aminés ! Seulement, quinze ans plus tard, on découvre que le mélange de Miller ne correspond pas à la composition de l'atmosphère primitive, et on en conclut qu'il a fait fausse route... Mais en 2008, Jeffrey Bada et Antonio Lazcano, deux de ses anciens collaborateurs, retrouvent quantité de vieilles fioles oubliées : Miller avait en fait décliné son expérience avec de multiples mélanges de gaz, dont certains correspondent bel et bien aux conditions qui devaient régner sur Terre il y a 4 milliards d'années ! La présence d'acides aminés est repérée dans une série de fioles en particulier, celle qui correspond à une expérience reproduisant grossièrement l'atmosphère d'une Terre primitive fortement volcanique...
Grâce à ses volcans, la Terre aurait-elle donc pu engendrer les briques du vivant ? La réponse est oui ! Car le point d'orgue de ce feuilleton vient tout récemment d'être atteint : les résultats de l'analyse de nouveaux échantillons, publiés en mars dernier, lèvent le doute. Neuf fioles, parmi celles retrouvées en 2008, renfermaient les produits d'une expérience vieille de 50 ans, qui reproduisait une atmosphère de méthane, d'ammoniac, de dioxyde de carbone et surtout de sulfure d'hydrogène. Soit une composition très proche de celle qui, selon les géophysiciens, régnait dans les nuages volcaniques sur la Terre primitive.

23 ACIDES AMINÉS REPÉRÉS : Ne restait plus qu'à ouvrir ces fioles... Et c'est Eric Parker, du Georgia Institute of Technology d'Atlanta (États-Unis), qui est arrivé à des résultats spectaculaires : "Nous avons détecté 23 acides aminés, soit plus que dans toutes les fioles de Miller qui ont été analysées jusque-là, s'enthousiasme le chercheur. Mieux : parmi ces acides aminés se trouvent des composés à base de soufre, comme la méthionine. Or, cette molécule n'avait jamais été mise en évidence dans aucune expérience du genre, alors qu'elle joue un rôle crucial dans la synthèse des protéines et surtout, dans la formation des molécules d'ADN..."
Plus de doute, le volcanisme peut donner naissance aux molécules organiques nécessaires à la vie... Quant au feuilleton de Miller, il n'est peut-être pas fini : des dizaines de fioles attendent encore d'être analysées !

ET DANS LE RESTE DU SYSTEME SOLAIRE ?
"Le volcanisme peut donner naissance à la vie sur la Terre primitive, et partout ailleurs !" : Voilà l'idée d'éric Parker.

Pour la tester, le chercheur à comparer ses résultats de l'analyse des fioles de Miller à ceux de la météorite de Murchison, retrouvée en Australie en 1969 : "on retrouve la même composition. Une synthèse chimique identique a donc donné naissance aux briques de la vie dans la fiole et dans la météorite !" Reste à savoir si les boules de roches ont été arrachées à des planètes volcaniques ou si le sulfure d'hydrogène était déjà présent dans la nébuleuse à l'origine du système solaire...

M.F. - SCIENCE & VIE > Juin > 2011

L'Expérience de Miller refait Parler d'elle

Comment sont apparues sur Terre les premières cellules vivantes, il y a plus de 4 milliards d'années ? La théorie de la panspermie plaide en faveur d'acides aminés provenant de l'espace, après leur découverte dans des météorites. Mais d'autres thèses penchent pour la chimie terrestre, "simulée" par l'expérience de l'Américain Stanley Miller en 1953. Aujourd'hui, une nouvelle analyse de ses travaux livre des résultats inespérés...

L'expérience est finie depuis plus de cinquante ans et pourtant, ce n'est qu'aujourd'hui que les scientifiques viennent d'en saisir toute la portée ! Une portée formidable puisqu'elle montre que la Terre, juste après sa formation, aurait déjà pu engendrer, grâce à ses volcans, des acides aminés, c'est-à-dire les éléments indispensables à l'apparition de la vie. Il ne serait donc pas nécessaire d'invoquer un ensemencement venant de l'espace, comme l'envisage la théorie de la panspermie, pour expliquer comment la vie a réussi à exister sur Terre : le simple jeu de la chimie serait suffisant.
En 1953, cette expérience rendit célèbre Stanley Miller, jeune chercheur américain de 23 ans de l'université de Chicago. Et pour cause : à partir de la simulation en laboratoire des conditions chimiques supposées régner sur la Terre primitive il y a quelque 4 milliards d'années, elle démontra que les acides aminés pouvaient, au fil de réactions, émerger de cette chimie prébiotique. Un succès qui fit de cette expérience une référence... jusqu'à ce que, quinze ans plus tard, des théoriciens révèlent, sur la base de méthodes de calcul plus fines, que les conditions initiales reconstituées par Miller n'étaient pas celles de la Terre primitive. L'atmosphère, en ces temps primordiaux, était moins riche en hydrogène, mais plus riche en dioxyde de carbone qu'on le pensait dans les années 1950. Exit la fameuse "expérience de Miller"...

COMMENT MILLER A RECRÉÉ LA TERRE PRIMITIVE

En 1953, pour sa thèse de doctorat, le jeune Stanley Miller réalise, sous la direction d'Harold Urey (prix Nobel de chimie en 1934), une expérience sur l'origine des molécules organiques. Il recrée in vitro les conditions supposées de la jeune Terre (schéma : Les réactions d'un mélange de gaz soumis aux conditions supposées primitives (décharges électriques, chaleur...) produisent des acides aminés.).

Il souhaite tester l'hypothèse d'Alexandre Oparine et John Haldane, selon laquelle les conditions primitives de la Terre auraient favorisé la synthèse de biomolécules à partir de composés inorganiques. Au bout d'une semaine, il obtient un résidu qui, une fois analysé, s'avère contenir des molécules organiques, notamment treize acides aminés, des sucres, des lipides et des composants d'acides nucléiques (constituant de l'ADN). Ainsi, des biomolécules ont été fabriquées à partir de substances inorganiques.

C'était sans compter les amis du vieux chimiste. Car peu après sa mort, survenue le 20 mai 2007, Antonio Lazcano et Jeffrey Bada, anciens collaborateurs de Miller, se retrouvent lors d'un séminaire organisé au Texas. Jeffrey Bada est alors intrigué par des photographies présentées par Antonio Lazcano pour sa conférence sur l'origine de la vie sur Terre. Y figurent de vieilles fioles qui auraient appartenu à Stanley Miller. Les produits de sa célèbre expérience ? "Une dizaine d'années avant sa disparition, Stanley Miller avait reçu une proposition d'achat du matériel et des produits de son expérience de la part d'un musée britannique, raconte Antonio Lazcano. J'étais présent et je lui ai demandé s'il avait encore ces molécules. Il est alors allé les chercher et me les a offertes. Je possède toujours ces fioles." Jeffrey Bada comprend alors que les échantillons sont toujours disponibles. Or, à l'université de San Diego, à La Jolla (Californie), dans le laboratoire que Stanley Miller occupait à la fin de sa vie, des carnets, mais aussi d'autres fioles sont encore conservés par dizaines. Lui vient alors une idée : s'il était possible de retrouver les notes correspondant aux échantillons de Lazcano, peut-être pourrait-on procéder à une nouvelle analyse... "Nous connaissions l'existence de ces cahiers, mais nous ne les avions jamais consultés, explique Jeffrey Bada. Ce n'est que lorsque nous avons réalisé que nous avions les échantillons que nous l'avons fait. "Or, ce qui n'était qu'une simple curiosité historique va livrer des résultats inespérés.
D'abord, en explorant son laboratoire, les chercheurs proches de Miller (Cleaves, Lazcano, Bada...) découvrent qu'en réalité, il n'y a pas eu une expérience, mais plusieurs. Le chimiste, animé d'une obsession intellectuelle sur les origines de la vie, avait réalisé des variantes de sa célèbre expérience, tombées dans l'oubli. L'une d'elle recélait une surprise de taille...

DES VARIANTES INATTENDUES : Et, en bon scientifique, il avait tout répertorié de façon méthodique : à chaque fiole correspondent des notes retraçant le protocole expérimental. Les notes de 1953 et 1954, qui correspondent aux fioles de Lazcano, sont retrouvées. Ainsi identifiés, les échantillons peuvent donc être analysés. Non plus par chromatographie comme à l'époque - méthode qui identifie les molécules en les faisant migrer sur papier avec un solvant -, mais avec un spectromètre de masse hypersensible, une méthode analytique beaucoup plus précise puisque l'identification des molécules s'opère cette fois par détermination de leur masse moléculaire. Et là, première découverte : les résidus de l'expérience historique contiennent nettement plus d'acides aminés que Miller n'en avait décelés. Mais ce sont surtout les variantes de cette expérience qui intéressent les chercheurs. Car celles-ci recréent, non pas un modèle global de la Terre primitive et de son atmosphère erronée, mais des micro-environnements plus spécialisés et locaux qui, eux, ne font plus intervenir la composition atmosphérique !
Si ces travaux sont minutieusement détaillés dans les carnets, ils n'ont été que brièvement cités dans un article en 1955. Eclipsés par l'engouement suscité par la première modélisation, ils étaient tombés dans l'oubli. Pourquoi Stanley Miller n'a-t-il jamais publié ces travaux ? Le mystère, encore aujourd'hui, demeure. D'autant qu'à la fin de sa vie, le vieux chercheur a réitéré sa célèbre expérience avec un modèle d'atmosphère non réducteur, conforme aux nouvelles conceptions sur l'atmosphère primitive.

UN COUP DE POUCE VOLCANIQUE : Cette expérience corrigée fournit une moisson d'acides aminés et ses résultats firent l'objet d'une publication posthume. Mais Miller ne revint pas sur les variantes en question...
Il ne saura donc jamais que l'une d'elles, au regard de nouvelles analyses, s'avère bien plus intéressante que l'expérience qui le rendit célèbre. Il s'agit d'une fiole recréant un environnement dont la composition chimique est proche de certains nuages volcaniques. Or, si on sait par ses carnets que Miller identifia 5 acides aminés dans le produit de cette simulation, les nouvelles analyses révèlent qu'elle en contiendrait en réalité 22 ! Et surtout, la plupart d'entre eux font partie des 20 acides aminés qui sont indispensables à la synthèse des protéines et dont les scientifiques ont établi depuis longtemps qu'ils constituent les 20 briques de base du vivant ! Certes, il en manque pour que le compte soit bon. Oui, mais ceux-ci, tels l'histidine ou le tryptophane, seraient apparus plus tardivement au cours de l'évolution... Ainsi, dans de vieilles fioles et des cahiers poussiéreux, c'est un fabuleux secret qui dormait depuis plus de cinquante ans : la possibilité d'un coup de pouce volcanique dans l'apparition d'éléments essentiels à la vie ! Plus largement, ces expériences montrent que la synthèse des acides aminés a pu se produire assez facilement dans les conditions prébiotiques. Un résultat de première importance, qui n'exclut toutefois pas que ces acides aient aussi pu provenir de l'espace.
Le laboratoire de Stanley Miller abriterait-il d'autres secrets ? "À La Jolla, il y a quelque 200 fioles de diverses expériences de Miller, affirme Jeffrey Bada. Nous venons de trouver les produits d'une expérience de 1958 réalisée à Columbia. Elle non plus n'a jamais été publiée. Nous sommes en train de planifier l'analyse des échantillons". Selon Antonio Lazcano, cette simulation serait riche en soufre et pourrait représenter un autre modèle intéressant d'un micro-environnement volcanique. Les chercheurs vont-ils y découvrir d'autres molécules organiques, confortant ainsi la thèse de l'apparition, sur Terre, d'éléments essentiels à la vie grâce aux volcans ? Stanley Miller n'a peut-être pas fini de faire parler de lui.

LES ÉCHANTILLONS ONT-ILS PU ÊTRE CONTAMINÉS ?
Les produits des expériences de Miller contiennent des acides aminés chiraux. C'est-à-dire des composés dont la structure dans l'espace n'est pas superposable à leur image dans le miroir (comme des mains). Ces formes sont caractérisées par leur capacité à orienter le plan de polarisation de la lumière vers la droite (dextrogyre) ou vers la gauche (lévogyre) lorsqu'elles sont exposées à une lumière polarisée. Or, les acides aminés présents dans les êtres vivants sont lévogyres. Si les échantillons de Miller (qui contiennent des acides lévogyres et dextrogyres) avaient été contaminés par des acides aminés contemporains, ils contiendraient davantage d'acides aminés lévogyres. Ce qui n'est pas le cas...

E.C. - SCIENCE & VIE > Avril > 2009
 

   
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