Le Monde du Tiare

Il faut Sauver la Blanche Tiare

Sa belle blanche déploie ses 5 pétales sur seulement la moitié de sa corolle. Une particularité qui lui a valu son nom tahitien de tiare apetahi : "la fleur qui regarde d’un seul côté".

Longtemps considérée comme sacrée, elle n’était cueillie que par les chefs et la reine de l'île. Mais la tradition s'est perdue... D'après le dernier inventaire réalisé en 2009, il ne subsisterait que quelques centaines d’individus d'Apetahia raiateensis contre plusieurs milliers en 1995.
Tous les plants poussent sur les 320 ha des 3 plateaux volcaniques de l’île de Raiatea (Polynésie française) où l'espèce est endémique et protégée. Son taux de disparition atteindrait malgré tout 8 % par an ! Une étude récente, publiée dans La Terre et la Vie - Revue d’écologie met en évidence le rôle direct des rats (qui attaquent les branches et les fruits de la plante) sur cette extinction en cours. Un facteur sous-estimé jusqu’alors. L'homme a aussi sa part de responsabilité. Quand les randonneurs ne cassent pas des rameaux accidentellement (le cas le plus fréquent), ils peuvent être tentés par la cueillette. "Vendue au marché noir, la fleur peut atteindre 5000 francs Pacifique (42 €), voire plus, explique Frédéric Jacq, ingénieur écologue et coauteur de l’étude. Toutefois, on la cueille surtout pour l'offrir à sa famille ou pour prouver son passage sur ce plateau difficile à atteindre". Les autorités polynésiennes ont lancé un plan de conservation pour tenter de sauver cet emblème. Des essais de dératisation sont en cours, ainsi qu'une campagne de sensibiiisation par une association locale. Les scientifiques, eux, ont réussi à planter in situ de nouveaux individus. Un succès d'autant plus encourageant que la rareté de cette espèce et la fragmentation de son aire pourraient entraîner des problèmes de consanguinité.

RECHERCHE POLLINISATEUR DÉSESPÉRÉMENT

Qui est (sont) le(s) pollinisateur(s) d'Apetahia raiateensis ?
D'après la morphologie de la fleur, les spécialistes penchent pour un insecte à longue trompe, capable d'aller chercher le nectar au fond du tube de la corolle. Un sphinx ou une mouche de la famille des Bombyliidæ ? À moins qu’il ne s'agisse d'un passereau à long bec désormais disparu de l'île ?
Pour trancher, les chercheurs ont installé une caméra afin de surprendre tout visiteur potentiel. Sur certaines plantes, ils utilisent aussi des poudres fluorescentes pour observer les transferts de pollen d'une fleur à l'autre, ainsi que les traces de passage d'un papillon. Enfin, un inventaire de l'ensemble des pollinisateurs présents sur le plateau a été lancé. La traque a commencé...

Céline Lison avec Benoît Fontaine

NATIONAL GEOGRAPHIC N°160 > Janvier > 2013
 

   
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