Monde ANIMAL - Eucaryotes - Invertébrés : ARTHROPODES, Hexapoda, Insecta
Près de 1,3 million d'espèces (et près de 10.000 nouvelles espèces inventoriées par an).

Les Ailes des Insectes

Les Ailes d'Insectes Tuent les Bactéries

M.A. - SCIENCE & VIE N°1233 > Juin > 2020

Les Ailes d'Insectes livrent le Secret de leurs Motifs
ÉVOLUTION

Comment les ailes de tant d'espèces de mouches se sont-elles trouvées couvertes de dessins parfois complexes ?

En s'intéressant aux taches sombres présentes chez certaines espèces, Nicolas Gompel et Benjamin Prud'homme, biologistes à l'université d'Aix-Marseille, ont éclairé le procédé à leur origine... et montré qu'il touche aux mécanismes les plus intimes de l'évolution ! Les motifs observés sont généralement dus à deux types de gènes : ceux qui commandent la production de pigments ; et ceux, dits "architectes", qui les coordonnent et leur disent où agir. L'histoire évolutive reconstituée par les chercheurs dévoile que pour créer de nouveaux motifs, nul besoin de nouveaux gènes : un petit "bricolage" moléculaire suffit ! Ils ont en effet découvert des mutations qui ont permis à des gènes liés à la production de pigments d'être "recrutés" par des architectes auxquels ils étaient jusqu'alors insensibles. En l'occurrence, passé sous la houlette de "Dll", architecte actif au niveau des ailes de drosophile, le gène "yellow" y a entraîné l'apparition d'une tache sombre il y a 15 millions d'années. Au fil du temps, Dll a à son tour muté, entraînant l'altération de la tache chez diverses lignées de mouches. Un procédé qui pourrait se retrouver ailleurs dans le génome et concerner l'évolution de beaucoup d'autres caractères morphologiques.

E.R. - SCIENCE & VIE > Mai > 2013

Insectes : leurs Ailes Cachent de Lumineux Messages

Personne n'y avait songé ! En plaçant sur un fond noir des mouches, des guêpes ou n'importe quel insecte volant, voici que les ailes révèlent de magnifiques motifs colorés qui font office de moyens de communication et même de marqueurs d'espèces. Ce que nul ne soupçonnait jusqu'ici.

Mouches, abeilles, moustiques, fourmis volantes... Qui pourrait croire que les minuscules ailes de ces insectes on ne peut plus communs, pour incolores et ternes qu'elles paraissent de prime à bord, sont en réalité aussi chatoyantes que des plumes de paon ? C'est pourtant ce que vient de révéler Ekaterina Shevtsova et de collègues de l'université de Lund, en Suède, avec l'aide d'un biologiste de l'université de Pennsylvanie, aux États-Unis. Observés sur fond sombre, ces organes transparents se parent en effet de mille feux. Plus fort : leurs couleurs laissent apercevoir des motifs stables, déterminés par l'espèce et le sexe de l'animal ! Au point qu'elles pourraient aider à identifier les insectes et à comprendre leur mode de communication ! Ébahis, les scientifiques découvrent un monde qu'ils ne soupçonnaient même pas alors qu'il n'a jamais cessé d'être sous leurs yeux.
Comment les ailes des insectes ont-elles pu garder si longtemps leur secret ? En 1843, l'entomologiste Claude Charles Goureau avait bien remarqué qu'elles pouvaient refléter des teintes arc-en-ciel. "Les ailes membraneuses, nues, diaphanes et incolores des insectes présentent à l'oil, lorsqu'on les regarde obliquement sous un certain jour, des nuances de couleurs verte et rouge, quelquefois accompagnées d'orangé, de violet et de bleu, diversement répandues sur leur surface", écrivait-il dans son Mémoire sur l'irisation des ailes des insectes. Mais ce phénomène est vite assimilé à ce qui se produit à la surface d'une bulle de savon : les couleurs sont supposées changer en fonction de l'angle de vue, fruit du hasard en somme.
Les scientifiques n'y ont donc pas davantage prêté attention et, avec le temps, ils les ont même presque oubliées, tant leurs méthodes de travail ne permettaient pas leur observation. Dans les collections des musées, les innombrables spécimens sont systématiquement punaisés... sur fond blanc. "Dans les laboratoires de recherche et sous le microscope, ajoute Ekaterina Shevtsova, nous avons pris l'habitude d'examiner ces ailes si petites sur un fond lumineux, imbibées d'alcool ou noyées dans une substance huileuse". Soit, à chaque fois, précisément l'inverse de ce qu'il faut faire. Pour rendre aux ailes leur parure, il convient, au contraire, de disposer un animal vivant ou sec sur un fond noir. Des générations de scientifiques sont ainsi passées à côté d'une donnée capitale : non seulement ces couleurs ne changent pas mais, en plus, elles dessinent des motifs réguliers.

DES TABLEAUX DE MAÎTRES

Ekaterina Shevtsova ne sait plus très bien comment elle s'en est rendu compte en travaillant sur des mouches pour sa thèse de doctorat. "C'est difficile à expliquer : un jour, on tient dans sa main un spécimen, que l'on a sûrement examiné plusieurs fois auparavant, et on remarque soudain sur ses ailes un motif, un peu comme un magnifique tableau de maître, trop parfait pour être ignoré". Ses collègues sont sidérés. "C'est comme si le monde que je connaissais s'écroulait, déclare le biologiste Jostein Kjaerandsen. Un système de signes totalement nouveau clignotait sur les ailes des mouches que j'étudiais depuis des années sans jamais l'avoir noté". Forte de ce surprenant constat, l'équipe a comparé méthodiquement plusieurs ailes d'hyménoptères (abeilles ou fourmis, ils sont dotés de deux paires d'ailes) et de diptères (mouches ou moustiques, ils sont dotés d'une seule paire d'ailes). Les rangées de petits tableaux multicolores ont alors décliné une incroyable palette dans laquelle seul manque à l'appel le rouge, que beaucoup d'insectes, justement, ne voient pas. Les chercheurs en déduisent qu'à l'image de celles des papillons, ces ailes pourraient constituer des signaux visuels, notamment lors de l'accouplement, puisque mâles et femelles possèdent des motifs différents. "On avait bien remarqué plusieurs comportements bizarres, comme le fait que des insectes se promènent avec les ailes à la verticale, mais sans comprendre pourquoi, souligne Mathieu Joron, du Muséum national d'histoire naturelle de Paris, qui découvre ces couleurs. Ils étaient peut-être simplement en train de communiquer".
L'équipe suédoise a également montré que ces couleurs sont le résultat de la superposition de deux ondes lumineuses, réfléchies par les faces supérieure et inférieure de la membrane de l'aile. Elles dépendent donc de l'épaisseur de cette membrane et varient peu au sein d'une même espèce et par genre. Ces motifs structuraux pourraient ainsi constituer un nouveau critère pour classer les insectes, notamment dans les cas dits "cryptiques", où les individus sont morphologiquement semblables bien qu'appartenant à deux espèces différentes.
Autant dire que les ailes des mouches, fourmis et autres abeilles, qui n'avaient jamais vraiment attiré l'attention, ne devraient plus rester transparentes bien longtemps !

CONTEXTE
Il est possible de reconnaître la majorité des 17.000 espèces de papillons grâce aux motifs colorés de leurs ailes. Il pourrait en être de même des hyménoptères et des diptères, deux ordres d'insectes qui rassemblent au moins vingt fois plus d'espèces !

EN SAVOIR PLUS
http://wipbarcode.com, le site de l'équipe d'Ekaterina Shevtsova (en anglais).

R.B. - SCIENCE & VIE > Avril > 2011
 

   
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