Nos Cellules Souches Survivent à notre Décés

De récents travaux remettent en question ce que l'on savait du mécanisme de la mort cellulaire. Des chercheurs ont découvert sur un cadavre des cellules souches vivantes qui ont pu être réactivées 17 jours après le trépas.

Dix-sept jours après le décès, toutes les cellules d'un cadavre ne sont pas mortes (->)... Ces cellules souches musculaires ont pu être reveillées alors qu'elles ne présentaient plus aucun signe d'activité métabolique.

Notre numéro d'il y a six ans consacrait sa une à la mort. Loin de percer tous les secrets de cet insondable mystère, notre dossier montrait néanmoins comment l'évolution de la médecine avait permis de définir plus précisément à quel moment survient cette issue fatale, et quelles sont les mécaniques cellulaires qui président à la mort de nos cellules. Des mécaniques dont certaines cellules semblent pourtant être parvenues à franchir...

CERTAINES CELLULES ENTRENT EN HIBERNATION...

Ainsi, dans les tissus musculaires de personnes décédées pour certaines depuis 17 jours, Fabrice Chrétien et Shahragim Tajbakhsh, chercheurs à l'Institut Pasteur, à Paris, ont eu la surprise de découvrir des cellules souches encore bien vivantes et, chose encore plus étonnante, capables, une fois remises en culture, de régénérer du tissu musculaire ! "Des expériences avaient déjà montré une survie de cellules souches fotales 32 heures post-mortem. Mais 17 jours, qui plus est dans des tissus adultes de personnes par ailleurs relativement âgées, c'était inespéré", s'enthousiasme Fabrice Chrétien. Et de préciser "qu'il s'agit de cellules satellites, des cellules souches spécifiques des muscles, accolées aux fibres musculaires. Lorsque le muscle est abîmé, elles sont alors capables de régénérer le tissu musculaire". Il n'est donc, en soi, pas étonnant qu'elles résistent à un environnement hostile, à savoir la nécrose des cellules qui les entourent, puisque celle-ci concourt à former un milieu acide et pauvre en oxygène contre lequel elles doivent se prémunir pour assurer leur fonction.
Mais ce qui surprend les chercheurs, c'est surtout l'état de quiescence (repos) profond dans lequel ces cellules se plongent, une sorte "d'hibernation". "On savait les cellules souches capables de ralentir leur activité. Mais là, elles n'en ont aucune. L'absence de toute activité métabolique était quelque chose de connu chez les bactéries, mais pas chez des cellules de mammifères", précise Fabrice Chrétien.

ET NE S'ÉTEIGNENT QUE PROGRESSIVEMENT

Les chercheurs ont plus particulièrement montré que les mitochondries disparaissent. Ces organites cellulaires ont un double rôle. Ils sont à la fois bénéfiques (ils permettent aux cellules de produire de l'énergie), et néfastes (ils fabriquent des radicaux libres, connus pour favoriser la mort cellulaire). Il semble donc que de leur point de vue, les cellules souches musculaires aient davantage gagné à les voir disparaître qu'à leur maintien. Reste désormais à identifier les signaux qui induisent cette entrée en hibernation.
Si cette découverte offre un nouveau gisement de cellules souches à visées thérapeutiques, elle interroge aussi, de façon plus conceptuelle, sur le frontière entre la vie et la mort. 'La mort d'un individu reste un phénomène brutal ; la mort cellulaire est, elle, bien plus progressive', conclut Fabrice Chrétien... qui n'exclut pas trouver des cellules survivantes bien au-delà de ce record de 17 jours. Longtemps après la signature de notre acte de décès, nous vivons donc encore un peu...

QUAND PEUT-ON DIRE D'UNE PERSONNE QU'ELLE EST MORTE ?
Respiration, circulation sanguine et fonctionnement cérébral sont les trois fonctions considérées comme vitales et dont l'arrêt signe notre mort
. Jusque dans les années 1950, les médecins recouraient aux deux premières pour décréter le décès. Le pouls était mesuré et un miroir placé devant la bouche pour vérifier qu'aucune condensation ne s'y formait. Mais depuis l'invention du respirateur artificiel et de machines capables d'assurer la circulation sanguine, c'est la mort cérébrale qui fait foi.

C.H. - SCIENCE & VIE > Août > 2012
 

   
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