Monde ANIMAL - Eucaryotes - Invertébrés : Bilateria
Protostomia, Lophotrochozoa, Mollusca (env 80.000 es), Céphalopodes (829 es)

Le Monde des Calmars Volants
Decabrachia, Oegopsida (25 genres, env 300 espèces), Ommastrephidae (11 genres)

Ça Plane pour Eux : Le Calamar Bondissant (Todarodes pacificus)
Genre Todarodes (4 espèces)


ÇA M'INTÉRESSE N°497 > Juillet > 2022

Le Calmar, ça Plane pour Lui

Certains calmars naviguent aussi bien en mer que dans les airs. Ils se propulsent vers l'avant en expulsant de l'eau par la cavité de leur manteau.

La force de ce jet permet la nage sous-marine ou, pour certains membres de la famille des Ommastrephidae, une remontée rapide vers la surface de l'océan. Une fois en l'air, le calmar éjecte le reste d'eau, puis déploie ses nageoires et ses bras pour rester en suspension, en prenant soin de changer de position pour réduire le frottement et accroître sa portance.

On estime que cette stratégie lui permet de voler sur plus de 30 m en trois secondes - et d'échapper ainsi à des prédateurs comme les thons et les dauphins - avant de replonger doucement dans l'océan.

A.F. - NATIONAL GEOGRAPHIC N°183 > Décembre > 2014

Vol de Calamars

Attention, calamars volants ! Longs d'environ 20 cm, les calamars volent sans doute hors de l'eau pour échapper à des prédateurs qui les chassent, comme les phoques.

Des scientifiques japonais, qui les ont étudiés et photographiés dans l'océan Pacifique, ont découvert que ces cousins des seiches décollaient en éjectant derrière eux un jet d'eau (les lignes de bulles sur l'image).

Et une fois en l'air ? Leurs nageoires et leurs tentacules déployés agissent comme les ailes d'un avion ! Du coup, ils filent comme des fusées : 30 m en 3 s ! Plus rapide que le champion du monde du 100 m Usain Bolt !

SCIENCE & VIE DÉCOUVERTES N°174 > Juin > 2013

Les Calmars Volants

Les premiers témoignages de l'existence des calmars volants remontent à 1892, mais je suis sans doute la seule personne à ne les avoir jamais vu voler en laboratoire.

Je suis tombé dans le monde des céphalopodes aériens à la fin des années 1970, quand certains événements prémonitoires m'ont poussé à épier les calmars dans l'obscurité. Cela ressemble a un rêve un peu effrayant et psychédélique, mais c'est la réalité. Tout a commencé lorsque le Département des pêches et des océans du Canada m'a demandé d'étudier le comportement des calmars, dont on faisait à l'époque des pêches miraculeuses le long des côtes atlantiques de l'Amérique du Nord. Alors, j'ai emmené un groupe d'étudiants au centre de recherches marines Aquatron de l'université Dalhousie à Halifax, au Canada. Nous sommes allés de nuit chercher des calmars vivants rapportés par les pêcheurs d'un village voisin, et nous les avons placés dans une grande piscine d'eau de mer. Le lendemain, deux calmars gisaient sans vie sur la margelle du bassin. Seule explication possible : ils s'étaient eux mêmes propulsés hors de l'eau. Nous avons immédiatement fait baisser la hauteur d'eau d'un mètre, afin que les autres calmars ne subissent pas le même sort. Puis, nous avons éteint les lumières afin de savoir si l'obscurité pouvait provoquer ce comportement. Immédiatement, nous avons vu les animaux se précipiter en l'air dans un fracas d'éclaboussures. À cette époque, nous ne nous intéressions pas spécialement à la machinerie de ces aérocalmars. Afin de les empêcher de se blesser, nous avons juste laissé nos piscines légèrement éclairées en permanence, et ce comportement a cessé. Mais dans les années suivantes, nous avons pris connaissance d'observations anciennes et récentes de ces calmars volants, et nous avons réalisé que nous avions été témoins d'um phénomène très rarement observé.

MOTEUR À EAU : Des photos nous ont permis d'en percer en partie le mystère. Non seulement les nageoires des calmars fonctionnent comme une aile à l'avant, mais leurs tentacules à l'arrière se disposent en éventail pour former une deuxième aile. Elles fournissent à l'animal suffisamment de portance pour planer sur une distance dépassant largement les 10 m. Le navigateur norvégien Thor Heyerdal, qui traversa le Pacifique sur un radeau en 1947, rapporte avoir vu des calmars voler sur plus de 50 m. Ces animaux semblent aussi contrôler remarquablement leur trajectoire aérienne. C'est probablement parce qu'ils "planent" sous l'eau de la même manière, ce qui signifie que voler est le prolongement d'un comportement préexistant, plutôt que quelque chose d'entièrement nouveau. On a même vu les calmars de récifs des Caraïbes déployer leurs tentacules vers l'arrière retombant ensuite brutalement à l'eau. De plus, au contraire des poissons volants, le vol des calmars est propulsé, au moins au début.
En effet, ces animaux respirent en pompant de l'eau dans leur "manteau" puis en la rejetant à travers un court siphon (voir schéma ->). Ce mécanisme fait aussi fonction de système de propulsion : les calmars nagent grâce à la force du jet d'eau qu'ils expulsent. Il fonctionne aussi parfaitement en l'air. Un film extraordinaire tourné en 1964 montre un calmar de Humboldt de 1,20 mêtre de long et 40 kg se propulser hors de l'eau de cette manière. Non seulement l'animal décolle, mais il accélère en vol. Vu son poids, il n'est pas allé très loin. Mais de plus petits calmars peuvent utiliser ce système pour gagner de la vitesse et de la hauteur - jusqu'à 6 m - avant de planer

ÉCONOMIE D'ÉNERGIE : Mais pourquoi volent-ils, au juste ? Souvent parce qu'ils ont été effrayés par des bateaux, ou parce qu'ils cherchent à fuir un ennemi. Ainsi, on voit fréquemment les jeunes calmars de Humboldt voler pour échapper aux calmars adultes qui veulent les dévorer. Mais je soupçonne qu'il y a d'autres raisons. En effet, avec mes collègues, nous avons examiné une séquence d'images montrant le vol d'un calmar, et nous avons pu mesurer sa vitesse, son accélération et l'énergie consomnée pour le vol. Nous avons remarqué que le calmar peut aller jusqu'à cinq fois plus vite dans l'air que dans l'eau, et planer sur une distance assez longue sans dépenser davantage d'énergie. Conclusion : voler est le moyen le plus économique de voyager. En rapprochant ces observations du comportement de nos calmars dans le noir, nous avons réalisé que le vol de nuit était une bonne solution pour éviter le regard des prédateurs diurnes comme les oiseaux ou les gros poissons. Cette économie d'énergie peut aussi être vitale lors des migrations de calmars, parce que ceux-ci ont de faibles réserves de graisse. Or, ils parcourent de longues distances, du Newfoundland (nord-est du Canada) aux côtes de Floride. La vitesse moyenne à laquelle un calmar nage durant une telle migration est d'environ 1,2 à 1,5km/h, et jusqu'à 2,3 km/h pour les plus rapides. Comment y parviennent-ils ? Probablement en volant une partie du temps.

BALISES À ULTRASONS : Pour autant, il n'est pas certain que toutes les espèces de calmars volent durant leurs migrations. Nous espérons le prouver en implantant sur certains individus des balises contenant des accéléromètres tels qu'on en trouve dans les smartphones. Comme les calmars accélèrent davantage dans l'air, cela permettrait de dire à quel moment ils décollent. Ce système sera testé dans les piscines de l'Aquatron avant d'être mis en ouvre en mer.
L'Ocean Tracking Network (Réseau de suivi de l'océan) basé à Dalhousie nous aidera alors à déterminer l'ampleur des migrations de calmars et la fréquence de leurs vols. Ce réseau utilise des hydrophones qui détecteront les ultrasons émis par les balises. Il est déjà développé dans la région de migration des calmars et, au fur et à mesure qu'il s'étend, permettra de suivre de nouvelles espèces. Alors, on en apprendra peut-être davantage sur la vie de ces merveilleux calmars volants avec leurs drôles de machines.

Ron O'Dor est chercheur en biologie marine à l'université Dalhousie à Halifax, au Canada, et responsable scientifique du programme Recensement de la vie marine.

J.-F.H. et R.O'D. - LE MONDE DES SCIENCES N°4 > Août-Septembre > 2012
 

   
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