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La Matière Manquante

L'Énigme de la Matière Noire Résolue ?

A.Kh. - SCIENCES ET AVENIR N°851 > Janvier > 2018

C'est Maintenant ou Jamais

Les physiciens ont capté, coup sur coup, trois signaux qui pourraient témoigner de la réalité de la matière noire. Après des décennies d'une traque jamais récompensée, c'est la dernier espoir d'élucider enfin le mystère des particules fantômes...

Ils n'en finissent plus d'attendre. Décennie après décennie, au sommet de leurs forteresses expérimentales, ils ne voient toujours rien venir de tangible de ce désert des Tartares qu'est devenu pour eux l'Univers. Pas la moindre trace de cette énigmatique composante de la matière dont l'existence est postulée depuis 80 ans. Pourtant, tout - le mouvement des étoiles, des galaxies, des amas de galaxies, et même les fluctuations de la soupe de particules née du big bang - indique qu'il existe une matière invisible qui baigne l'Univers, une masse qu'on ne voit pas, qui compte à elle seule pour 82 % du contenu de la matière. Masse que les spécialistes, depuis le milieu des années 1980, imaginent débusquer sous la forme de particules inconnues et interagissant très faiblement avec la matière ordinaire. Au milieu du désert, trois signes sont venus troubler le silence. Certes, trois signes ténus, disparates, voire contradictoires, mais qui indiquent que cette grande quête de la "matière noire" est désormais rendue à un moment critique de son histoire.

99,8 % DE CHANCES...

Le premier signal est venu d'une tentative de détection directe de ces particules l'expérience CDMS, dont les détecteurs sont enfouis au fond d'une ancienne mine, dans le Minnesota, afin de les protéger de tout "bruit" parasite (photons, rayons cosmiques, radioactivité naturelle...). Or, via leurs dernières données, obtenues grâce à des détecteurs d'une précision hors pair, les scientifiques sont parvenus à la conclusion qu'ils avaient peut-être capté trois particules de matière noire (courbe ->). Il y à 99,8 % de chances que le signal détecté soit le fait de particules de matière noire. Pourrait-il s'agir du grondement lointain des premiers Tartares ? Pour Fabrice Piquemal, directeur du Laboratoire souterrain de Modane, "avant de se persuader que ce pourrait être un signal, il faut vérifier qu'il ne s'agit pas d'un bruit de fond mal contrôlé. Les physiciens de CDMS sont d'ailleurs d'une extrême prudence". Mais, souligne Gilles Gerbier, responsable de l'expérience Edelweiss, concurrente de CDMS : "Les premiers indices d'un signal de matière noire ressembleront typiquement à ça".
Le second signe vient d'une tentative de détection indirecte : le détecteur AMS, à bord de la Station spatiale internationale, vient de confirmer avec une précision sans précédent un excès de positons mis en évidence par le satellite PAMELA en 2008 dans les rayons cosmiques. Or, d'après les théoriciens, ces quelques antiparticules surnuméraires pourraient bien être les produits de l'annihilation les unes avec les autres de particules de matière noire. "A se stade, il est impossible d'exclure une source astrophysique, en particulier des pulsars, admet Sylvie Rosier-Lees, au Laboratoire d'Annecy-le-Vieux de physique des particules. Mais la bonne surprise est que les données correspondent de façon tout à fait remarquable à ce que prévoient les modèles d'annihilation de matière noire".

"INVITATION À POURSUIVRE"

Le troisième signe est issu d'une tentative de production : c'est l'absence de découverte de nouvelles particules autres que le boson de Higgs au sein du LHC. Le grand accélérateur de particules européen, en pause depuis début 2013, a pourtant été conçu pour engendrer ces hypothétiques particules de matière noire... Tous ces signes sont contradictoires. Interprétées comme un signal indirect de matière noire, les données d'AMS plaideraient pour une particule dont la masse se situerait au-delà de 300 GeV. Alors que les trois événements de CDMS correspondent plutôt à une particule dont la masse se trouve autour de 10 GeV. Et ce, dans un contexte où d'autres expériences de détection directe n'ont rien vu dans la plage de masse favorisée par l'expérience américaine. Sachant par ailleurs que le LHC semble pour l'instant exclure toute nouvelle particule susceptible d'être candidate au titre de matière noire d'une masse inférieure à 800 GeV...
"La situation expérimentale est incroyablement confuse et la théorie peine à mettre en cohérence l'ensemble des données", résume Marco Cirelli, à l'Institut de physique théorique du CEA, à Saclay. Il existe certes des modèles compatibles avec l'existence de plusieurs particules de matière noire dont les masses sont celles suggérées par AMS et CDMS, mais ils sont compliqués et peu subtils". Mais l'étau s'est resserré sur la particule fantôme, car les trois signaux perçus pourront être validés ou infirmés expérimentalement d'ici cinq ans au plus. "Avec AMS, on va enfin couvrir la plage en énergie la plus probable pour les particules de matière noire", souligne Marco Cirelli. De leur côté, les expériences de détection directe, telle CDMS, ne cessent de gagner en précision et en taille : "Elles ont désormais une sensibilité suffisante pour faire des recherches qui ont du sens", juge Pasquale Serpico, au Laboratoire d'Annecy-le-Vieux de physique théorique. Quant au LHC, il devrait redémarrer en 2015, plus puissant que jamais. "On assiste aujourd'hui au frémissement de signaux un peu partout. Les progrès instrumentaux et certaines ouvertures théoriques invitent clairement à poursuivre", confirme Gilles Gerbier. "Les prochaines années seront donc cruciales", prévient Pasquale Serpico.
Après plusieurs décennies, cette traque arrive en effet aujourd'hui à la croisée des chemins. "Si l'on ne trouve n'en d'ici à 2017 ou 2018, la motivation va devenir extrêmement limitée. J'imagine alors une conununauté réduite d'un ordre de grandeur", prédit Pasquale Serpico. Marco Cirelli enfonce le clou : "Au-delà de 5 à 10 ans, cela finira par confiner à la fixation psychologique". Ce que confirme en des termes plus policés un responsable du CNRS : "Dans une perspective générale de réduction de la voilure, ce type de recherche ne sera probablement plus un objectif prioritaire". Situation paradoxale, alors même que le satellite Planck, observant le fond de l'Univers, vient de confirmer avec une précision record l'omniprésence de la matière noire. "La cosmologie est formelle, on a besoin de matière noire", martèle Sylvie Rosier-Lees. Du haut de leurs forteresses, après plusieurs décennies d'attente, les spécialistes de cette quête savent que c'est la moment ou jamais de voir les Tartares.

ENJEUX : Si, les physiciens ne parviennent pas à détecter leurs partitules de matière noire, ils devront imaginer d'autres solutions : soit chercher des particules encore plus exotiques, comme les "axions", ou les neutrinos dits "stériles", soit légèrement modifier les lois de la gravitation pour faire disparaître le problème. Mais dans tous les cas, il faudra mettre au point des instruments radicalement différents.

M.G. - SCIENCE & VIE > Juillet > 2013

La Matière Noire est à portée de Main

Une énigme historique serait sur le point d'être résolue. Des physiciens pensent avoir détecté deux particules de matière noire. Une avancée susceptible de révolutionner le monde de la physique des particules. La probable détection a été annoncée lors de deux conférences simultanées.

La matière noire existe-t-elle vraiment ? Telle était la question posée par S&V en mars 2004, puis en juillet 2008. Les physiciens n'ont toujours pas officiellement réussi à attraper cette énigmatique matière qui constituerait 85 % de la matière contenue dans l'Univers, mais l'étau s'est franchement resserré : le 17 décembre dernier, lors de deux conférences tenues simultanément à l'université Stanford (Palo Alto) et au Fermilab, à Chicago, a été pour la première fois annoncée la probable détection de deux particules de matière noire, encore appelées wimps.

Précédés par une rumeur euphorique, ces résultats, issus de l'expérience CDMS (Cryogenie Dark Matter Search), étaient attendus avec impatience. "Durant l'intervention à Stanford, l'atmosphère était d'une incroyable intensité", raconte Jay Wacker, de l'université californienne. D'après Bernard Sadoulet, à l'université de Berkeley et coresponsable de CDMS, "statistiquement, il y a 75 % de chances que les deux événements observés soient liés à l'interaction de particules de matière noire avec nos détecteurs". Autrement dit, seulement une chance sur quatre qu'à l'inverse, ils fassent partie de signaux parasites. Il faut dire que la traque de cette matière exotique indispensable pour expliquer les rotations des galaxies ou des superamas n'a rien d'une sinécure : les particules censées la composer interagiraient très peu avec la matière ordinaire. Conséquence : afin qu'un hypothétique signal ne soit pas noyé dans le "bruit" engendré par les photons, les rayons cosmiques ou la radioactivité naturelle, les détecteurs du CDMS sont logés au fond d'une mine, dans le Minnesota. Il a fallu deux années pour capter les deux précieux signaux, plus une troisième pour analyser les données ! Certes, en physique des particules, il n'est pas question de parler de découverte tant que la probabilité de signaux parasites n'est pas inférieure à 0,1 %. Mais d'ici un an, CDMS aura triplé ses capacités de détection, tandis qu'Edelweiss, l'expérience concurrente enterrée entre la France et l'Italie, espère avoir rattrapé son retard. Un peu de patience donc : ce qui deviendrait la plus importante découverte scientifique du nouveau siècle semble donc bel et bien à portée de main.

M.G. - SCIENCE & VIE > Février > 2010
 

   
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