L'étude de l'ADN des spores issues de la fécondation nous en apprend un peu plus sur la truffe mâle, encore jamais retrouvée dans le sol. Les spores de la truffe contiennent les cellules issues de la fécondation. Un nouveau protocole permet d'analyser leur ADN.

La reproduction de la truffe noire, Tuber melanosporum, conserve aujourd'hui encore une part de mystère. C'est pourtant le fruit de cette reproduction qui enchante le palais des gourmets. La truffe est en effet issue de la rencontre entre une femelle, formée d'un enchevêtrement de filaments souterrains - le mycélium - qui vit en symbiose avec les racines des arbres et porte le fruit, et d'un mâle. jusqu'ici peu connu. Aucune étude n'a permis d'en retrouver la trace. C'est en étudiant le génome de spores - sortes de petits sacs renfermant les cellules produites après la fécondation - extraites à partir de 950 échantillons de truffes récoltés sur cinq ans dans le Languedoc-Roussillon, qu'Élisa Taschen, de l'université de Montpellier, et ses collègues ont levé une partie du voile. «C'est une première ! Nos travaux étaient jusqu'ici focalisés sur les individus femelles, souligne Claude Murat, de l'Inra de Nancy-Lorraine et spécialiste des truffes. Grâce à un protocole élaboré par des collègues italiens, il est maintenant possible d'isoler les spores et d'en extraire l'ADN. Et en connaissant l'ADN du tissu maternel, on peut alors en déduire l'ADN paternel.» (1)

VIE SOUTERRAINE : L'analyse de l'ADN des spores montre que les individus mâles sont souvent génétiquement très proches des femelles et rarement retrouvés d'une année sur l'autre (2). «Notre hypothèse est que les mâles sont issus de la germination de spores, libérées à proximité des femelles, et ne subsistent que le temps de l'accouplement», explique Élisa Taschen. Un mode de reproduction en accord avec la vie souterraine de la truffe. Contrairement aux champignons dont le fruit pousse sur le sol et les spores sont dispersées dans les airs, les spores de la truffe sont libérées à l'intérieur du sol. Lorsque les fruits ne sont pas récoltés, ces spores sont ingérées par de petits animaux qui les rejettent dans leurs fèces, sur de courtes distances. «Cette étude montre l'intérêt des spores pour la reproduction, note Claude Murat. Mais les trufficulteurs n'ont pas attendu les résultats de la science pour le comprendre puisqu'une pratique courante consiste à disperser des fragments de truffes, et donc de spores, au pied des arbres. On comprend à présent mieux pourquoi elle porte ses fruits.» L'étude révèle aussi que la diversité génétique entre les truffières plantées par l'homme et celles qui se développent spontanément reste la même. Or, comme la domestication entraîne normalement un appauvrissement génétique, cette proximité indique qu'il y aurait un enrichissement externe des truffières domestiques. Preuve qu'il existe aussi un apport de spores ayant voyagé sur de plus longues distances, potentiellement amenées par de plus gros mammifères ou par la main des trufficulteurs.
(1) F. Paolocci et al., Applied and Environmental Microbiology, 72, 4, 2006. (2) E. Taschen et al. Molecular Ecology, 25, 22, 2016.