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Enzymes et ADN

Cette Enzyme répare l'ADN en un clin d'oil

Une nanoseconde suffit à la photolyase pour réparer un ADN lésé par le soleil ! Comment ? Un biologiste américain lève le voile sur ce mécanisme. Au contact de la photolyase (en bleu et rouge), l'ADN se reconstitue (en jaune) ->.

Une réparation de l'ADN en moins d'une nanoseconde avec un taux de réussite de 90 % ! Grâce à une observation à très haute résolution temporelle, le biochimiste Dongping Zhong, de l'université de Columbus (Ohio), vient de dévoiler les détails de la performance de l'enzyme photolyase sur l'ADN cellulaire endommagé par l'exposition aux rayons ultraviolets du soleil. L'accident est connu : un photon UV pénètre à l'intérieur de la cellule, touche la molécule d'ADN et provoque la liaison de deux bases thymine adjacentes (deux lettres T qui se suivent dans le code génétique).

Un accrochage a priori bénin, mais qui peut empêcher cette macromolécule de se répliquer correctement et provoquer des mutations génétiques. D'où l'intérêt d'avoir sous la main l'enzyme photolyase : excitée par la lumière visible, elle s'attache à l'ADN endommagé et lui transfère un électron. Ce transfert impose un réarrangement atomique de l'ADN et entraîne la rupture des liaisons indésirables. Une fois la configuration originelle de l'ADN retrouvée, l'enzyme récupère son électron. Cette réparation express ne profite malheureusement qu'aux plantes, insectes et oiseaux, car les mammifères (sauf quelques marsupiaux d'Australie) ont perdu la faculté de synthétiser cette enzyme il y a environ 170 millions d'années. Les scientifiques pourraient néanmoins mimer ce mécanisme pour traiter des cancers de la peau chez l'homme.

;B.B. - SCIENCE & VIE > Novembre > 2005


C'est une Enzyme qui Recolle ses Brins

Pour se diviser ou accéder à l'information génétique, la cellule doit séparer les deux brins de la molécule d'ADN. Si le processus est bien connu des biologistes, la compréhension du recollement impeccable des brins d'ADN leur échappait jusqu'à présent. Des chercheurs viennent d'observer qu'une enzyme est à l'origine de ce phénomène. Une découverte fortuite, qui révèle un nouvel aspect de la machinerie cellulaire.

L'ADN, cette fameuse molécule porteuse du patrimoine génétique, les biologistes la connaissent bien. On a tous entendu parler de sa structure en double hélice formée de deux longs brins composés de l'enchaînement de quatre éléments, les bases. Ces deux brins sont soudés l'un à l'autre via les bases qui s'attirent par paires, dites complémentaires. Moins connu est le fait que pour se diviser, la cellule utilise des enzymes - les hélicases - qui séparent les deux brins d'ADN, chacun servant alors de matrice à la formation d'un brin complémentaire dans les cellules filles. Par ailleurs, lorsque la cellule a besoin d'utiliser un gène, ses enzymes écartent les deux brins afin de "lire" l'information génétique donnée par l'enchaînement des bases.

UNE "HÉLlCASE D'HYBRIDATION"

Puis les deux brins se ressoudent. Comment ? Les biologistes pensaient qu'ils se recollaient spontanément, par réappariement des bases complémentaires de chaque brin... Seulement voilà, en voulant percer à jour le rôle d'une molécule impliquée dans une maladie rare, la dysplasie immuno-oseuse de Schimke, des chercheurs ont découvert une nouvelle actrice dans le ballet de la machinerie du noyau de la cellule. Une actrice nullement mineure, "puisque, quand il y a des défauts dans sa structure, cela entraîne la mort de l'être humain", insiste James Kadonaga, chercheur à l'université de San Diego (États-Unis) et codécouvreur avec Timur Yusufzai de cette harpnouvelle activité. Autant dire que cette molécule est vitale ! Pourtant, il ne s'agit pas d'une inconnue : découverte en 2000, elle a été baptisée HARP (Hep-related protein). Mais sa fonction restait énigmatique. Ce qu'ont trouvé les scientifiques, c'est que HARP est capable de réapparier deux brins d'ADN complémentaires, comme une fermeture Éclair. Un rôle totalement inattendu, qui éclaire d'un nouveau jour la manière dont les brins d'ADN se recollent et qui vaut à cette enzyme d'être désormais appelée "hélicase d'hybridation".
Comment le rôle de cette molécule, qui semble si crucial, n'a-t-il pas été mis en lumière plus tôt ? Simple ! "Avant, nous ne nous posions même pas la question : pour nous, les deux brins se refermaient de façon naturelle. Il n'y avait donc aucune raison pour que les scientifiques cherchent une telle enzyme", admet Marcel Méchali, directeur de l'Institut de génétique humaine à Montpellier et chercheur à l'origine de découvertes essentielles sur la réplication de l'ADN. "Finalement, cela paraît maintenant logique que, face aux enzymes qui déroulent l'ADN, il y en ait qui fassent le contraire afin d'équilibrer le tout", estime a posteriori James Kadonaga.

UNE GARDIENNE DU GÉNOME ?

Mais avant d'arriver à cette conclusion, le chercheur s'est également égaré, prenant lui aussi HARP pour une hélicase comme les autres. Il faut dire qu'elle utilise la même source d'énergie pour alimenter le "moteur" qui lui permet de se déplacer le long de l'un des brins à partir de la fourche de réplication, c'est-à-dire de l'endroit où l'ADN double brin se sépare en ADN simple brin. Sauf qu'à la différence des autres hélicases, elle ne scinde pas les brins, mais les réapparie.
Voici donc découvert un nouvel outil cellulaire. Reste maintenant à en savoir plus sur son rôle exact. Car ce que les chercheurs savent de cette enzyme s'est révélé in vitro. Qu'en est-il in vivo ? En particulier, "on ne sait pas encore si elle agit dans les processus normaux de réplication ou plutôt dans la réparation de l'ADN, quand les deux brins d'ADN se désapparient de façon accidentelle", s'interroge Marcel Méchali.
Dans ce dernier cas, il s'agirait alors d'une protéine gardienne du génome, comme les biologistes en connaissent déjà plusieurs. Leur mission : assurer l'intégrité du matériel génétique en évitant les erreurs ou les cassures pendant la réplication. Oui, mais des erreurs peuvent également apparaître en dehors de la réplication. Car l'ADN est sans cesse soumis à des tensions. Prenons l'image d'une fermeture Eclair : fermée, les différents maillons s'imbriquent de façon parfaite. Cependant, dans certaines circonstances - torsion, étirement - des maillons sautent. C'est la même chose dans le noyau cellulaire. On appelle ces accidents des "bulles" d'ADN simple brin et ils peuvent altérer la réplication, mais aussi mener à des erreurs génétiques. "Comme les bulles qui se forment pendant la réplication sont rapidement 'éliminées' par l'armée des enzymes de la réplication, je pense que HARP joue plutôt un rôle prépondérant dans les cellules qui se divisent rarement", avance James Kadonaga. C'est le cas des ovocytes, qui restent dans les ovaires des dizaines d'années et dont le génome est soumis pendant ce temps à de nombreuses ouvertures. Marcel Méchali va jusqu'à proposer des pistes de recherche : "Il serait intéressant de voir si HARP est prépondérante dans les ovocytes". Par ailleurs, le chercheur français se demande si une telle enzyme existe dans les organismes plus primitifs, comme les levures et bactéries, ou bien si ce système de sécurité est apparu avec la complexification des organismes au cours de l'évolution. De leur côté, convaincus que HARP ne peut être la seule dans son genre, James Kadonaga et Timur Yusufzai se sont déjà mis en quête d'autres hélicases d'hybridation...
La découverte de HARP montre que, même si la mise en lumière de son rôle marque indéniablement une étape clé dans la compréhension du fonctionnement cellulaire, la cellule, pourtant la plus petite entité vivante, n'a pas fini de livrer ses secrets.

M.C. - SCIENCE & VIE > Mars > 2009

 

   
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