L'Épiderme, la Peau de l'Homme

L'Interstitium est le plus Grand Organe

C.G. - SCIENCES ET AVENIR N°855 > Mai > 2018

4 Découvertes sur la Couleur de la Peau
GÉNÉTIQUE

F.G. - SCIENCE & VIE N°1205 > Février > 2018

La véritable Histoire des Couleurs de la Peau
GÉNÉTIQUE

N.G. - POUR LA SCIENCE N°482 > Décembre > 2017

On Comprend mieux pourquoi on se Gratte
NEUROLOGIE

Contact avec une ortie, piqûre d'insecte on eczéma, le résultat est le même : il nous vient soudain une irrépressible sensation de démangeaison.

Mais comment, de la peau, cette information remonte-t-elle jusqu'au cerveau pour, en retour, initier l'action de se gratter ? Santosh Mishra et Mark Hoon, biologistes au National Institute of Health de Bethesda (Etats-Unis), ont répondu à cette question. Ils ont identifié le neurotransmetteur qui, chez certains neurones sensitifs, constitue le premier messager de l'information urticante. Son nom ? Le "Nppb", pour polypeptide natriurétique de type B. "Il a été découvert il y a longtemps, mais sa seule fonction connue était de contrôler le sodium sanguin. Ce fut donc une surprise de mettre au jour une toute nouvelle fonction, qui plus est dans la système nerveux", explique Mark Hoon. Et d'ajouter : "Il y a seulement cinq ans, nous pensions que l'information urticante était détectée par des neurones sensitifs indifférenciés et que c'était le cerveau qui faisait le tri entre des sensations de douleur, de brûlure ou de démangeaison. Nos travaux montrent le contraire : il existe un circuit propre à la démangeaison.

C.H. - SCIENCE & VIE > Août > 2013

Pourquoi la Peau est-il le Seul de nos Organes à sé Régénérer ?

En fait, aucun organe de mammifère ne se régénère au même titre que la queue du lézard, qui repousse apres avoir été coupée.

Dans son cas, à l'extrémité coupée, des cellules spécialisées sont capables de "rajeunir". Elles redeviennent des cellules souches, prolifèrent et se différencient à nouveau en cellules de muscles, de peau, d'os... Notre peau, elle, se contente de se réparer et de se renouveler. Comme la majorité de nos organes, elle est en effet dotée d'une certaine capacité de cicatrisation qui, après une blessure, conduit à la formation d'un nouveau tissu, différent de l'original. Mais à y regarder de près, notre peau est bel et bien en perpétuel renouvellement. C'est une particularité commune à tous les épithéliums, ces couches de cellules qui recouvrent la peau... mais aussi d'autres organes. Ainsi, la muqueuse interne de nos intestins et de nos poumons se renouvelle sans cesse. Comme notre sang. Un renouvellement rendu possible grâce à l'existence de cellules dites progénitrices : situées entre le derme et l'épiderme, elles ont une capacité importante de prolifération et se différencient ensuite en plusieurs lignées de cellules bien précises. Mais le fonctionnement de celles de la peau reste encore assez mystérieux. Pourtant, élucider les mécanismes moléculaires, génétiques et mécaniques qui contrôlent le renouvellement cellulaire est un enjeu scientifique et médical de taille. A la clé, ce serait la possibilité de produire en laboratoire une peau bien vivante pour soigner les grandes brûlures ou le psoriasis, caractérisé par un renouvellement trop rapide de l'épithélium cutané.
Le seul organe de mammifère capable d'une forme de régénérescence élémentaire, c'est-à-dire de se reconstituer à l'identique, est le foie. Bien qu'hyperspécialisées, ses cellules ont une capacité unique el exceptionnelle de prolifération qui leur permet, alors qu'elles sont adultes, de se diviser à l'identique. Ainsi, si l'on ôte les deux tiers du foie d'un rat, celui-ci retrouve une taille normale en à peine dix jours ! Chez l'homme, cette reconstitution prend de trois à quatre mois. Si la majeure partie du foie est détruite ou que le mécanisme habituel ne fonctionne pas, un renouvellement comparable à celui de la peau peut intervenir, comme l'indique la découverte de cellules progénitrices hépatiques. Mais on est loin de la régénération simultanée de tissus du lézard ou de la salamandre.

E.G. - SCIENCE & VIE > Octobre > 2012

Des Mites Vivent sur notre Peau et dans nos Sourcils

Vrai ! Demodex folliculorum : derrière ce nom digne d'un dino se cache une toute petite bête qui vit tranquillement sur notre corps !

Mesurant de 0,3 à 0,4 millimètres de long, cet acarien est présent en groupe surtout sur notre visage. Près du nez, des cils et des sourcils. Il se nourrit du sébum, une substance produite par notre peau pour empêcher son dessèchement.

Pourquoi peut-on dire que nous avons tous des animaux de compagnie ?

On a tous, des bêtes sur le corps. Des mini-bêtes, microscopiques. Impossible de les voir à l'oil nu. Et à la loupe non plus ! Tu auras beau te frotter, te laver : elles resteront ! Elles se nourrissent ou de ton sang ou de ta peau ! Et parfois elles apportent même des maladies.

SCIENCE & VIE DÉCOUVERTES N°161 et 166 > Mai-Octobre > 2012

Quel est le Rapport entre l'Angoisse et la Transpiration ?

À l'approche d'un événement redouté, des mécanismes comparables à ceux de la peur se mettent en ouvre.

Fruits de l'évolution, ils ont permis à nos lointains ancêtres de se tirer de bien des mauvais pas car ils servent à se préparer à l'action en mobilisant les muscles. La sudation intervient alors pour refroidir la machine corporelle en effervescence.

Tout se joue dans un petit noyau du cerveau, l'amygdale, impliquée dans la régulation des émotions. Elle détecte les stimuli inhabituels et mobilise l'hypothalamus, ce chef d'orchestre de nos réactions involontaires. Celui-ci déclenche une décharge d'adrénaline. La force et la fréquence des contractions du cour augmentent, les organes et les glandes impliqués dans la réponse de fuite - dont les glandes sudoripares - sont mobilisés. Puis, une fois passé l'événement tant redouté, l'amygdale orchestre un retour à la normale et la sudation cesse. Lorsque les angoisses sont chroniques, elles sont parfois accompagnées de troubles de la sudation appelés hyperhidrose.

H.L. - SCIENCE & VIE > Septembre > 2011

Il y a 100 fois Plus d'êtres Vivants à la Surface de notre Peau que d'Humains sur Terre

Comme notre tube digestif, notre peau est peuplée de milliards d'êtres microscopiques : 1 cm² peut abriter jusqu'à 50 millions de bactéries !

Aisselles, ailes du nez, régions pubiennes et annales battent les records de densité ; les zones sèches (pli du coude ou abdomen) sont plus désertiques (100 à 1000 bactéries/cm²). Au total, nos 2 m² de peau servent du gîte et de couverts à 1000 milliards d'habitants ! Mais cette flore résidante, inoffensive, prévient l'installation de bactéries étrangères nocives.

S'y ajoute la flore transitoire, très variée, qui contient souvent des bactéries pathogènes et qui séjourne en particulier sur nos mains.

Une étude menée en 2008 avait révélé la présence de 4700 espèces bactériennes sur les mains de 51 participants seulement !


M.Co. - SCIENCE & VIE > Août > 2010

La Peau des Hommes

À qui la Peau ?

Le microscope électronique révèle l'étrange structure de l'épiderme de certains animaux.

Elle les protège, les aide à se mouvoir ou même leur sert d'oreille.

La peau des hommes : une enveloppe morte mais protectrice.

D.McC. - ÇA M'INTÉRESSE > Novembre > 2009

La Peau : une Frontière bien Vivante

Du corps, on ne voit qu'elle. Mais sait-on qu'elle cache dans sa fine épaisseur mille et une compétences, vitales pour l'organisme ? Plongée au coeur du plus étendue de nos organes.
Couche de cellules de l'épiderme détruites par une exposition prolongée aux ultraviolets (->).

L'épreuve du miroir matinal. Les traits tirés, froissés. Cernes accusés, paupières gonflées. Aux grands maux les grands remèdes. Ce visage doit retrouver sa conformité, à l'aune de l'humeur du moment ou d'une certaine idée du bienêtre. La cohorte des cosmétiques entre en scène. La peau sera purifiée, hydratée, exfoliée. Puis gommée, lissée, liftée, raffermie. Enfin le teint pourra parcourir la gamme des roses, s'empourprer, brunir, blanchir. Que n'emploierait-on pas, de crème en masque, pour se reconnaître dans cette devanture du corps : la peau.
À concentrer l'attention sur son aspect extérieur, on oublie pourtant l'essentiel. Les exigences de l'esthétique escamotent les extraordinaires capacités de ce qui constitue l'organe le plus grand du corps, surface enveloppante de deux mètres carrés pour quelque quatre kilogrammes en moyenne. Avant de s'imposer comme sa voyante bannière, la peau offre au corps, en premier lieu, le meilleur des boucliers. Nombre d'insectes, à l'instar des fourmis, ont rangé leurs tissus vitaux à l'intérieur d'une carapace. Une parure indémodable, même après des dizaines de millions d'années de présence sur Terre. De quoi s'étonner qu'une espèce réputée futée, l'homme, se contente d'une pellicule de quatre petits millimètres, au plus, pour isoler squelette, muscles et organes du monde extérieur. Force est de constater, pourtant, que la molle et mince peau remplit admirablement bien son rôle protecteur. Le secret d'un tel succès ? Une structure en mille-feuille imperméable, résistante et souple, peuplée d'organites spécialisés dans l'alerte, la défense ou la réparation.

UNE BARRIÈRE BIEN GARDÉE : Plongeons dans les abysses du tégument humain. Sa frontière la plus profonde sépare le derme de l'hypoderme. Ce dernier ne constitue pas à proprement parler une couche de la peau, mais il lui sert d'appui. Riche en cellules adipeuses, regorgeant de lipides, il fait à la fois office de coussin amortisseur, d'isolant thermique et de réserve énergétique : il abrite environ la moitié des graisses stockées par l'organisme.
Dirigeons-nous peu à peu vers la surface. Juste au-dessus de l'hypoderme, le derme forme la première et la plus épaisse des couches véritables de la peau. équivalent du cuir des animaux, c'est en son sein que les fibres de collagène et d'élastine, responsables respectivement de la fermeté et de l'élasticité de la peau, sont renouvelées en permanence. Sa vascularisation importante en fait la nourrice de l'épiderme. Derme et épiderme s'épousent tout au long d'une zone dans laquelle se serrent des "papilles", petites excroissances où se répartissent sang et terminaisons nerveuses. Au niveau des doigts, les crêtes et les vallées formées par les papilles modèlent la surface même de l'épiderme : ce sont les empreintes digitales (->).

LA PEAU DANS TOUTE SA PROFONDEUR
Le derme forme la couche la plus profonde de la peau
. Il occupe aussi la majeure partie de son épaisseur, variable selon les individus et les régions du corps. Il associe une matrice gélatineuse composée essentiellement de collagène - qui participe à l'hydratation de la peau en fixant les molécules d'eau - à des fibres d'élastine, protéine conférant sa souplesse à notre enveloppe. à l'origine de ces deux éléments constitutifs, les fibroblastes, véritables cellules "architectes" du tégument, fusiformes ou étoilées. Un riche réseau de fibres nerveuses, de vaisseaux sanguins et lymphatiques, irrigue le derme. Celui-ci héberge aussi les follicules pileux - les racines nourricières des poils -, les glandes sébacées (productrices du sébum), les glandes sudoripares (qui sècrètent la sueur), ainsi que des macrophages, mastocytes et globules blancs, cellules impliquées dans la réponse immunitaire. On y trouve aussi deux sortes de capteurs. Tout au fond, les corpuscules de Pacini, ovoïdes, permettent de ressentir les vibrations. Un peu plus haut, les corpuscules de Ruffini sont sensibles à la chaleur. Enfin, juste sous l'épiderme, se tiennent les corpuscules de Meissner, impliqués dans le tact. Ces derniers occupent en fait les replis supérieurs du derme, là où il rencontre la couche "basale", strate la plus profonde de l'épiderme. Cette zone, riche en bouquets capillaires et terminaisons nerveuses, sensibles à la température et à la chaleur, forme des reliefs accidentés. Ceux-ci affectent une géométrie singulière au niveau des doigts, qui se répercute à la surface de la peau : les empreintes digitales. C'est un tapis de cellules mortes empilées, les kératinocytes, qui forme les trois quarts de l'épiderme, et rendent sa surface étanche. Nées dans la profondeur de la peau, elles sont renouvelées régulièrement. Leur vie commence au sein de l'unique strate cellulaire de la couche basale, où elles se divisent à un rythme élevé. Elles migrent alors vers la surface, formant successivement la couche "à épines" et la couche "granuleuse" de l'épiderme. Au fil de ce périple, elles perdent en vitalité ce qu'elles gagnent en rigidité, en accumulant la kératine, résistante protéine fibreuse. Elles croiseront sur leur route les cellules de Langerhans, sentinelles immunitaires, et les mélanocytes, cellules sécrétrices du pigment de la peau, la mélanine. On trouve les premières de la couche basale à la couche cornée, les secondes dans la couche basale.

Les mains se distinguent, outre ce dessin propre à chaque individu, par un supplément d'épaisseur. Comme sur la plante des pieds, l'épiderme s'y empile en cinq couches au lieu de quatre partout ailleurs. La première, dite basale, est contiguë à la zone papillaire du derme. Les kératinocytes (->), cellules maîtresses de l'épiderme, y naissent et s'y divisent en un fin tapis. Puis ils migrent vers la surface, croisant les "cellules à épine", la couche granuleuse et la couche claire. À mesure qu'ils s'éloignent du derme nourricier, leur vitalité s'amenuise. Ils passent d'une conformation cylindrique à une structure aplatie, pendant que s'accumulent, en leur sein, des fibres rigides d'une protéine caractéristique de la peau, la kératine.
Ils meurent avant d'atteindre la couche ultime de l'épiderme, dite couche cornée, où ils forment un empilement compact. Le moindre interstice est comblé par un cordon de lipides, qui rendent le pavage étanche. Ou presque. Certains solvants organiques et métaux lourds, quelques gaz et hormones réussiront pourtant à s'infiltrer. "Cette accumulation de cellules mortes confine les fluides, et forme une barrière. Mais c'est, en même temps, un lieu sans cesse renouvelé", fait remarquer Jean-Paul Escande, professeur de dermatologie à l'hôpital Cochin. L'épiderme dans sa totalité se régénére en effet tous les 35 à 45 jours. Avant de rendre l'âme - les pellicules ne sont rien d'autre que leur dépouille - les kératinocytes auront encaissé griffures, vents froids et chauds, liquides plus ou moins agressifs, épargnant ainsi des dessous autrement moins résistants.
Auront aussi défilé sur la peau des colonnes de bactéries et autres micro-organismes indésirables. Contre eux, l'épiderme commence par miner le terrain avec un bactéricide : le sébum. Une substance huileuse sécrétée dans le derme par les glandes "sébacées", chargée aussi de lubrifier poils et couche cornée. Les rescapés de ce premier piège auront peu de temps pour savourer leur chance. Ils tomberont sur des sentinelles intraitables : les cellules de Langerhans dans l'épiderme, les macrophages dans le derme. Ces deux vigies cellulaires "encerclent" les micro-organismes avant de les présenter aux cellules spécialisées du système immunitaire, qui les neutraliseront ou les détruiront.
Organes et muscles peuvent travailler en paix, la peau veille donc au grain. À condition d'échapper, elle-même, à une forme d'attaque aussi violente que d'apparence anodine : celle du soleil. Les ultraviolets ont la fâcheuse capacité de traverser l'épiderme, jusqu'à, pour partie, plonger dans le derme. Leur énergie menace le noyau même des cellules. Parade de la peau : bronzer ! En cas d'exposition prolongée, les pigments présents dans l'épiderme (la mélanine) se multiplient, et s'agglutinent autour des noyaux. Grâce à cette ombrelle, la structure de l'ADN échappe à l'assaut des radicaux libres produits par les ultraviolets. à l'ombre, à l'abri des chocs, au sec et au chaud : difficile d'imaginer meilleur emballage que la peau. D'autant que cet écrin de première classe ne manque pas de tact, puisqu'il dote le toucher, sens essentiel, de 55 centimètres de nerfs et 230 récepteurs sensoriels par centimètre carré... en moyenne.

LE MONDE À FLEUR DE PEAU : La pulpe des doigts, qui rend la lecture aux aveugles quand ils parcourent un texte imprimé dans l'alphabet de Braille, pousse la sensibilité à 2.500 récepteurs par centimètre carré. Chaque doigt discrimine ainsi des reliefs distants d'à peine un millimètre. Comment ? En couplant plusieurs informations, délivrées par des organites spécialisés. L'indentation de la peau, lorsqu'elle entre en contact avec un objet, est enregistrée par les disques de Merckel, couplés à des cellules éponymes par des liaisons nerveuses. La sensation immédiate du toucher, le tact, est, elle, prise en charge par les corpuscules de Meissner, situés dans les papilles dermiques. Dernière stimulation mécanique : les vibrations. Si l'on a parfois l'impression de ressentir la musique jusque dans sa chair, c'est grâce aux corpuscules de Pacini (photo), mécanorécepteurs sphériques situés dans le derme.
Restent le chaud, le froid et la douleur. Un assortiment de fibres nerveuses à terminaison "libre" disséminées dans le derme et l'épiderme, ainsi que les corpuscules de Ruffini localisés dans le derme, en rendent compte à chaque instant. Pratique, pour retirer à temps la main d'un plat un peu trop chaud. Mais éviter brûlures et gelures ne suffit pas. Le corps ne maintient ses fonctions que dans une fourchette de températures très restreinte, centrée sur l'optimum des 37°C. Le métabolisme général de l'organisme et l'exercice musculaire garantissent l'indispensable apport de chaleur. La peau appuie le processus, en limitant la circulation sanguine dans le derme en cas de froid trop prononcé : les déperditions caloriques s'en trouvent limitées. Mais qu'il s'agisse de refroidir le corps, et le rôle du tégument devient, pour le coup, prépondérant. Dans le derme se logent 100 glandes sudoripares par centimètre carré. Leur rôle ? évacuer le trop-plein calorique. Elles sécrètent pour cela un liquide composé d'eau à 99 %, d'anticorps, de déchets métaboliques et d'acide lactique : la sueur. Cette solution parcourt une sorte de serpentin débouchant, après avoir traversé l'épiderme, dans un des pores de la peau. En s'y évaporant, elle refroidit le corps. En temps normal, 500 millilitres de sueur évaporée suffisent à assurer la thermorégulation. Par une chaude et sportive journée, le débit pourra monter jusqu'à douze litres ! Pourtant, dans ce cas, "la sueur, à partir du moment où elle coule à la surface de la peau, est un phénomène de dépassement, qui ne participe pratiquement pas à la thermorégulation : nous ne sommes pas des geysers !", s'amuse Jean-Paul Escande. Et pas plus que la sueur "n'évacue les toxines" - reins et poumons s'y prêtent mieux -, elle n'a d'odeur par elle-même. Si les vestiaires des gymnases ne sentent pas la rose, c'est le fait des bactéries vivant à la surface de la peau qui produisent, à partir des débris organiques, des molécules à l'odeur musquée.

AUX RACINES DU POIL
Autour des poils, à la surface de l'épiderme, les cellules de la couche cornée s'organisent de façon concentrique (à g.). Trois couches de kératine forment poils et cheveux : la moelle, le cortex et la cuticule. Cette dernière empile les cellules comme des tuiles, et confère a ux cheveux leu r résistance (à d.).

On le peigne, on le teint. On le rase, on l'épile. Tenace, résistant, il finit pourtant par revenir. éternel indiscipliné, le poil joue les Phénix. Pousse, puis meurt avant de renaître quelque temps plus tard. Pendant quatre ans en moyenne, les cheveux vont ainsi croître d'un ou deux millimètres par semaine. Ils passeront par une phase de repos de quelques mois. Comme ce cycle n'est pas synchrone d'un cheveu à l'autre, nous perdons environ 90 cheveux par jour, sur les quelque 100.000 qui couvrent la tête. Cils et sourcils dépendent d'une périodicité plus courte : ils se mettent en sommeil tous les trois à quatre mois. C'est heureux : nous aurions autrement les cils aussi longs que les cheveux ! C'est, précisément, le follicule pileux, véritable usine du poil, qui alterne ces temps d'activité et de repos. Affleurant à la surface de l'épiderme, il peut plonger jusqu'à l'hypoderme, dans le cas des cheveux. Dans sa partie supérieure, il ressemble à une sorte de sac cylindrique constitué de deux gaines de tissus. Il se transforme en un bulbe à son extrémité la plus profonde. à la "pointe" inférieure de ce bulbe ne subsiste plus qu'une couche de cellules basales de l'épiderme. Enfermé dans sa gaine, le poil puise, grâce à la vascularisation de la papille dermique hébergeant le follicule, les nutriments nécessaires à sa croissance. Celle-ci procède par accumulation. Les cellules de la matrice du poil - au centre du bulbe pileux - se divisent par mitose et sécrètent de la kératine. Elles repoussent les cellules plus anciennes. Ainsi croissent, d'abord, la moelle, couche centrale du poil formée de grosses cellules. Viennent ensuite, vers l'extérieur, le cortex et la cuticule. Le premier empile plusieurs couches de cellules kératinisées plates. La seconde reprend le principe du toit de tuiles : une seule couche de cellules plates, plus dures, se chevauchent les unes les autres, assurant rigidité et résistance à l'abrasion. Selon la forme de la tige ainsi formée, le poil sera crépu (tige en forme de ruban), ondulé (tige ovale) ou raide (tige ronde). Quel que soit son type ; chaque poil a tendance à se présenter selon une trajectoire oblique par rapport à l'épiderme. Mais qu'un effroi survienne, et il se redressera, grâce aux muscles arrecteurs, qui s'insèrent juste sous la surface de l'épiderme pour rejoindre la gaine du follicule pileux. Sa couleur dépend, quant à elle, du type de mélanine contenue dans l'épiderme. Les mélanocytes la distribuent aux différentes couches de la racine au niveau du bulbe. Elle donnera alors, en s'insérant dans les cellules migrant vers la pointe du poil, toutes les nuances de couleurs, du blanc éclatant au noir de jais. Avec l'âge, la couverture pileuse pourra tendre vers l'éclaircissement, tant en volume qu'en pigmentation. Vers la quarantaine, les cycles de régénération, en particulier pour les cheveux, ralentissent. Ces derniers deviennent plus clairsemés, pendant que l'activité des mélanocytes s'amenuise. Rien de comparable aux alopécies (pertes de poils), dont la calvitie est la plus connue. Là, des facteurs hormonaux, des infections ou des carences dans l'alimentation entrent en jeu, de même que le stress et, parfois, les chocs émotionnels. Dans ces cas, il est possible d'intervenir, pour rétablir, au moins en partie, une croissance normale de la pilosité. Mais que la calvitie soit d'étiologie génétique, et les lotions et autres gélules n'auront pas grand effet.

Bouclier mécanique, barrière bactériologique, régulateur thermique... La peau accumule décidément les distinctions. Leur liste ne saurait se clore sans évoquer un phénomène moins manifeste que la sueur, mais tout aussi fondamental : la synthèse de la vitamine D. Sans cette substance, le système digestif s'avère incapable d'assimiler le calcium apporté par l'alimentation et indispensable à l'entretien du squelette. Heureusement, l'épiderme s'improvise, dans une certaine mesure, annexe de l'estomac. C'est en son sein que des molécules de cholestérol modifié seront transformées en vitamine D. Celle-ci sera alors redistribuée dans l'organisme grâce au réseau sanguin qui parcourt le derme. Mais cette réaction chimique ne se produit que si l'épiderme reçoit une dose suffisante de rayons ultraviolets. Curieuse condition, qui fait du soleil un allié, quand les dermatologues mettent en garde contre ses méfaits. Que vaut-il mieux ? Une peau sombre, pour résister aux agressions de l'astre du jour... mais risquer une insuffisance en vitamine D ? Ou une peau claire, généreuse contributrice de la santé osseuse... mais faisant un bien fragile parasol ?
À considérer la répartition des couleurs de peau à la surface de la planète, on serait tenté de répondre que tout dépend de l'ardeur des rayons. Sous les latitudes tropicales, les peaux sombres sont en effet majoritaires, alors que les peaux les plus claires se concentrent dans les régions septentrionales. L'origine évolutive de cette distribution pose question. Née en Afrique, l'espèce humaine a par la suite conquis les territoires du Nord. Selon une hypothèse répandue, des "mutants" génétiques, à la peau plus claire, auraient seuls réussi à s'y maintenir. Les individus à peau sombre, trop bien protégés contre un ensoleillement raréfié, mais incapables de synthétiser la vitamine D en quantité suffisante, auraient péri en couches ou à la chasse : un bassin pas assez calcifié aurait décimé mère et enfant ; des fractures répétées aux jambes, aux bras, auraient laissé courir le gibier et les ventres se creuser.
Séduisante, cette interprétation a posteriori des origines du "melting pot" humain n'en est pas moins parsemée de failles. L'épidémiologie du rachitisme au XIXè siècle montre ainsi que cette maladie infantile - malformations osseuses, fractures, déficits de croissance dus aux carences en vitamine D concernait majoritairement les populations vivant dans les taudis des grandes villes. En Grande-Bretagne, la Window Tax, impôt proportionnel au nombre d'ouvertures pratiquées dans les murs des foyers, incita les citoyens les plus pauvres, de 1696 à 1851, à obturer en partie les fenêtres de leurs logements. Mais pendant que l'ombre régnait en ville, on ne dénombrait que de rares cas de rachitisme en milieu rural. Difficile de comparer le confort d'une mansarde londonienne au temps de la révolution industrielle à l'agrément d'une grotte investie par les premiers Homo sapiens. Mais il est sûr que, même vêtus, nos ancêtres directs vivaient, la plupart du temps, sous le soleil. Et n'avaient donc pas de raison de souffrir particulièrement d'une carence en vitamine D. Pour certains auteurs, la belle saison aurait laissé aux individus à peau sombre le temps de synthétiser et de stocker (dans les muscles et les tissus graisseux) la vitamine D en quantité suffisante pour affronter les jours pâles et froids de l'hiver.
C'est d'ailleurs la température qu'une autre hypothèse considère comme facteur sélectif prépondérant. Elle affirme que les individus à peau claire étaient mieux équipés pour affronter les frimas de l'âge glaciaire. Un raisonnement qui se nourrit des résultats de la cryochirurgie et des rapports médicaux des deux guerres mondiales. D'un côté, la fragilité avérée des mélanocytes, cellules responsables de la pigmentation, aux basses températures. De l'autre, les prévalences plus élevées de gelures aux membres pour les contingents à peau sombre engagés sur les champs de bataille. Quel est le bon modèle ? La température l'emporte-t-elle sur la vitamine D dans la course de l'évolution ? Le plus sage consiste sans doute à considérer que le climat, dans son ensemble, a influencé les distributions de couleur de peau. Il y a des chances, quoi qu'il en soit, que l'histoire évolutive de la pigmentation épidermique reste un éternel débat. Et pour cause. Alors que les os fossiles exhibent le passé du squelette, la peau s'éclipse sans léguer à l'histoire le moindre témoignage. De la part d'un organe doté de si nombreuses compétences, les paléoanthropologues auraient sans doute espéré des adieux moins discrets.

F.L. - SCIENCE & VIE Hors Série > Mars > 2004
 

   
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