Monde ANIMAL - Eucaryotes - Vertébrés, Tetrapoda, Mammalia
MAMMIFÈRES (29 ordres, 153 familles, 200 genres, 6495 espèces), Theria, Placentalia, Euarchontoglires, Primates : 4 Sous-ordres, 6 infra-ordres (plus de 500 espèces)
Haplorrhini (147 es), Simiiformes (136 es), Hominidés (4 genres, 8 es), Pan (2 es)

Traits Culturels chez les Chimpanzés (Pan troglodytes)

Les Chimpanzés

Intelligents, sensibles, sociables... des qualités ayant une certaine ressemblance avec celles des humains.

Du point de vue de l'évolution, les chimpanzés et leurs cousins bonobos sont nos plus proches cousins. Pourtant, nous ne sommes pas leurs descendants. Les humains et les chimpanzés partagent un ancêtre commun d'il y a environ 4 millions années. Puis les populations se sont divisées, les humains ayant évolué sur une branche (sans mauvais jeu de mots) et les autres étant devenus l'ancêtre commun des chimpanzés et des bonobos.
Notre corps partage au moins 90 % de son ADN avec les chimpanzés. Alors pourquoi notre apparence est-elle aussi différente ? C'est en partie parce qu'un grand nombre des gènes que nous ne partageons pas sont ceux qui contrôlent le comportement des mécanismes de régulation génétique. Ainsi donc, de très petites différences génétiques peuvent avoir un grand impact sur la façon dont le corps se développe et grandit. Les chimpanzés passent une grande partie de leur temps dans les arbres ; ces primates peuvent également se tenir et marcher debout mais leur squelette n'est pas adapté pour rendre cette posture confortable. Leurs fémurs sont parallèles plutôt que convergents et les articulations des genoux ne permettent pas aux jambes de se redresser entièrement. D'où leur démarche chaloupée, plus lente et moins stable que la nôtre. À l'inverse, des bras plus longs et une colonne vertébrale qui ne se courbe pas en "S" leur rendent faciles de marcher à quatre pattes et regarder vers l'avant dans le même temps. Les chimpanzés marchent debout lorsqu'ils portent quelque chose ou veulent sembler plus grands et menaçants. Si les fruits et les plantes forment l'essentiel de leur alimentation, ce ne sont pas des mangeurs pointilleux et ils dineront aussi bien d'insectes, d'oufs et de viandes. Ils chassent en petits groupes ; leurs mâchoires puissantes et leurs dents pointues les rendent aptes à attraper et tuer une petite antilope. Les chimpanzés ne sont pas au sommet de leur chaine alimentaire : les léopards sont leur prédateur numéro deux, après les humains. Pourtant les léopards n'ont pas toujours la partie facile : les chimpanzés peuvent utiliser des bâtons pour se défendre et lorsqu'ils agissent en coopération, ils peuvent tuer de grands félins.
Les chimpanzés tenteront toujours de fuir les hommes, mais s'ils sont acculés, ils peuvent devenir dangereux ; certains cas ont été rapportés de personnes saisies par les pieds et projetées violemment au sol. Le chimpanzé montre un haut degré d'intelligence, même comparé aux autres grands singes. Des femelles dont l'enfant est décédé peuvent montrer une attitude corporelle s'apparentant à celle du deuil. Le chimpanzé se comporte parfois envers d'autres animaux d'une façon qui semble délibérément cruelle. Par exemple, il peut tuer une tortue en forçant un bâton dans sa carapace, mais il ne la mangera pas. En d'autres occasions, il a été reporté le cas de chimpanzés en train de nourrir des tortues, un peu comme si elles étaient des animaux de compagnie. Bill Wallauer, un vidéaste du Parc National de Gombe String en Tanzanie raconte que lorsque les chimpanzés rencontrent un python, ils se rassemblent autour de lui pour le regarder, partagés entre la peur et la fascination. Un python n'est habituellement ni de la nourriture, ni une menace pour un chimpanzé ; pourtant ils peuvent regarder le serpent durant une demi-heure, se touchant et s'embrassant les uns les autres pour se rassurer, tout comme nous le ferions pendant un film d'horreur. Leur ressemblance avec nous a hélas valu aux chimpanzés d'être largement utilisés comme cobayes pour tester des médicaments et actes médicaux. A priori, seuls les États-Unis et le Gabon en Afrique effectuent encore des recherches médicales sur les chimpanzés, et la plupart de ceux utilisés comme cobayes aux États-Unis ont maintenant été placés dans des refuges. Deux chimpanzés ont été envoyés dans l'espace dans le cadre des premiers programmes spatiaux américains. Ham, un chimpanzé de trois ans, fut le premier, en 1961. Bien que l'engin spatial se soit posé en toute sécurité, il n'a pas eu l'air d'aimer l'expérience, et a refusé de rester dans son siège de vol pour les photos.

COMMENT ÇA MARCHE N°29 > Novembre > 2012

La Conscience de la Mort n'est Pas Propre à l'Homme

On a longtemps pensé que les animaux n'avaient pas conscience de la mort. Mais deux études publiées cette année révèlent que les chimpanzés ne sont pas insensibles à la disparition de leurs proches.

Observés dans une réserve située en écosse, des primates ont été filmés lors des dernières heures d'une femelle âgée. Le groupe s'est d'abord montré silencieux et très attentionné envers la mourante, lui prodiguant de nombreuses caresses. Puis il s'est éloigné après le décès, refusant de retourner sur les lieux pendant cinq jours ; seule la fille aînée de la défunte est revenue pour veiller toute une nuit près du cadavre. Par ailleurs, dans la forêt de Guinée, les scientifiques ont remarqué deux mères continuant à porter la dépouille de leurs petits, victimes d'une infection respiratoire. Elles les ont même gardés et choyés si longtemps - 19 et 68 jours - que leurs corps ont finis par se momifier (photo).


R.B. - SCIENCE & VIE > Août > 2010

La Richesse Culturelle des Chimpanzés

L'homme n'a pas l'apanage de la culture ! Des scientifiques ont observés des animaux sauvages, notamment plusieurs groupes d'individus d'une même espèce : les chimpanzés. On a relevé 39 traits culturels chez les chimpanzés. Ce qui témoigne de la richesse culturelle chez nos cousins.

L'observation des animaux sauvages dans leur milieu révèle aux scientifiques des différences comportementales entre groupes d'individus d'une même espèce. Certains de ces "variants comportementaux" constitueraient une preuve que la culture existe en dehors de l'espèce humaine.
Ainsi, pas moins de sept groupes distincts de chimpanzés répartis dans toute l'Afrique équatoriale ont fait ces dernières années l'objet d'études d'éthologie à long terme. Au total, les scientifiques qui ont dirigé ces études ont dénombré 65 "variants comportenientaux" dans ces communautés, c'est-à-dire comportements observés au moins une fois chez un individu de l'un des sept groupes. Le fait de se servir - ou pas - de feuilles mâchées comme d'une éponge pour récupérer l'eau dans les interstices des troncs d'arbres constitue, par exemple, un premier variant. De même que dormir la nuit sur le sol ou dans les arbres, chasser les mouches en agitant une branche ou en se servant de sa main, se peigner avec le pétiole d'une feuille ou avec les doigts, pécher les fourmis à l'aide d'une fine brindille ou de n'en rien faire, casser des noix entre un "marteau" et une "enclume" de bois ou de ne pas les consommer, disposer de grandes feuilles sur le sol ou non avant d'y poser son séant...
Pour autant, ces comportements ne méritent pas tous de se voir décerner le label de "variant culturel". En effet, leur présence dans le groupe doit pour cela être le résultat d'une transmission sociale. Les auteurs de l'étude ont par conséquent fait le tri.

UN NÉCESSAIRE CRIBLAGE

Les scientifiques ont éliminé les comportements "marginaux" ainsi que les comportements qui, bien que largement partagés dans le groupe, sont susceptibles de résulter d'une réponse individuelle aux contingences de l'environnement. Le fait de s'abriter dans les arbres au lieu de dormir sur le sol, par exemple, n'est observé que dans les populations de chimpanzés dont l'aire de répartition coïncide avec celle de lions ou de panthères. Bien que ce comportement soit homogène dans le groupe, il est donc raisonnable de penser que chaque individu l'a adopté individuellement.
À l'issue de cet écrémage, 39 traits comportementaux sur les 65 initialement comptabilisés ont été retenus. Trente-neuf traits culturels pour une même espèce, c'est une première dans le monde de l'éthologie. "Ces résultats témoignent de la richesse culturelle d'un de nos plus proches cousins", concluent les scientifiques.
D'autres exemples de variants culturels sont toutefois connus dans le règne animal. Toujours chez les primates, l'anthropologue Marc Hauser de l'Université Harvard a observé une vieille femelle vervet (un singe d'Afrique) tremper durant plusieurs minutes une cosse d'acacia dans une petite flaque qui s'était formée dans une cavité. En seulement neuf jours, trois membres de sa famille ainsi qu'une autre femelle adulte non apparentée s'étaient eux aussi mis à tremper des cosses. Finalement, sept des dix membres du groupe ont appris ce comportement. Un autre exemple de culture simiesque provient de l'île de Koshima, au Japon. Des chercheurs qui distribuaient des patates douces à un groupe de macaques japonais pour les amadouer ont eu un jour la surprise d'apercevoir une jeune guenon tremper un tubercule dans l'eau de mer. Cette "innovation" a ensuite été transmise à sa mère, puis aux jeunes de son âge, avant de gagner le reste du groupe. Et aujourd'hui, bien après la mort de cette guenon, ce comportement est toujours présent dans le groupe de macaques. Des éthologues ont également relevé que les méthodes de chasse sont différentes d'une meute de loups ou d'une bande d'orques à l'autre. "Il existe des centaines d'exemples bien documentés de variation culturelle chez les espèces non humaines", assurent les anthropologues américains Robert Boyd et Johan B. Silk.

Le comportement alimentaire ou culturel diffère d'une population de chimpanzés à l'autre. Si, en Côte d'Ivoire, les primates savent casser des noix, ceux de Tanzanie excellent dans la chasse aux termites ou aux fourmis. Fabrication de boules de neige au Japon. ->
En cotoyant les humains, certains animaux sauvages adoptent une nouvelle manière de vivre qu'ils transmettent à leurs descendants tel les renards en Grande-Bretagne. (Comment ouvrir des poubelles, éviter les humains, les endroits favorables pour leurs terriers...)
Comment naît une variation comportementale ? Chez l'animal comme chez l'homme, elle semble apparaître par le jeu des "personnalités". Après Descartes et ses "animaux-machines", l'esprit rationnel n'a longtemps voulu voir, dans le comportement animal, que des réponses innées ou instinctives. Mais il est aujourd'hui admis, notamment grâce aux études de psychologie comparée, que des grands singes jusqu'aux invertébrés comme les pieuvres ou les seiches, les tempéraments sont variables d'un individu à l'autre. Il y a les peureux et les téméraires, les paisibles et les agressifs et, à situation analogue, ceux qui montrent plus ou moins de débrouillardise... La jeune guenon qui, la première, a trempé une patate douce dans l'eau de mer sur l'île de Koshima a d'ailleurs été vue un peu plus tard "inventant" une méthode pour séparer du blé et des grains de sable qui s'étaient mélangés. En jetant le mélange dans l'eau, elle s'était aperçue que le blé surnageait tandis que le sable coulait au fond. Il ne lui restait plus qu'à recupérer dans sa paume la nourriture flottant à la surface.

OBSERVER ET APPRENDRE

Une fois ces variations comportementales apparues, comment se propagent-elles dans le groupe ? La question du mode de transmission sociale des comportements est d'autant plus débattue que, pour de nombreux scientifiques, c'est là que se cache la nature des différences entre culture animale et culture humaine. "Il existe deux grands types de mécanismes qui peuvent expliquer les différences culturelles entre les populations, résument Robert Boyd et Johan B. Silk. Le premier est la facilitation sociale, le second est l'apprentissage par l'observation encore appelée 'imitation vraie'".
La "facilitation sociale" désigne le fait qu'au sein d'une communauté, les individus apprennent plus facilement un comportement que d'autres exercent déjà. Par exemple, les chimpanzés qui vivent dans un groupe où les adultes cassent des noix entre deux pierres ont souvent des noix et des pierres à portée de regard, ce qui crée des circonstances favorables pour s'exercer à cette activité. Mais dans ce contexte, ils doivent se débrouiller seuls pour acquérir la maîtrise du cassage de noix par "essais et erreurs". C'est pourquoi dans le cas d'un apprentissage par facilitation sociale, les deux arthropologues considèrent qu'un individu qui améliore sa technique gardera son innovation pour lui. "Seul l'apprentissage par l'observation peut conduire à l'évolution cumulative de comportements qu'aucun individu ne pourrait inventer lui-même", estiment-ils.
Cette autre voie de transmission comportementale consiste à reproduire une séquence gestuelle complète après l'avoir vu faire par un autre individu. Quelques exemples de ce processus ont été rapportés chez des chimpanzés.

LEÇON D'UNE MÈRE

Dans la forêt de Taï, en Côte d'Ivoire, une pratique répandue consiste à ouvrir des noix de palmier à huile en les frappant au moyen d'une pierre sur une grosse racine. Or, le primatologue allemand Christophe Boesch rapporte qu'une femelle immature s'y essayait sans succès quand sa mère, qui observait la scène depuis cinq bonnes minutes, s'est dirigée vers elle. La plus jeune lui a alors tendu la pierre dont elle se servait. Non seulement sa mère lui a montré comment la tenir, mais elle lui a ouvert plusieurs noix et a partagé le contenu avec elle avant de repartir. La jeune guenon s'est alors remise à l'ouvrage et a enfin réussi à ouvrir des noix toute seule.

M.L. - SCIENCE & VIE HS > Mars > 2005
 

   
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