Depuis qu'à la Renaissance Copernic a redessiné notre système solaire, les astronomes n'ont eu de cesse de le replacer dans un grand Tout : étoiles, galaxies, amas... et au-delà ? La cosmologie tente de le décrire dans sa globalité, pourtant la prochaine révolution se joue ailleurs : notre univers n'est peut-être pas unique ! L'an 1512 et la Terre cessa d'être le centre du monde... En rédigeant en secret sa théorie de l'Univers, Copernic savait qu'il faisait plus que défier son temps : c'est l'homme lui-même qu'il destituait.
Pour aller au-delà de ce qu'autorise l'astronomie, il a fallu de nouveaux outils : trois principes fondamentaux sous-tendent notre vision du cosmos. Copernic, pour construire une nouvelle représentation du cosmos, avait postulé que le Soleil, et non la Terre, en était le centre. Et que les déplacements observés dans le ciel étaient dus, pour partie, aux mouvements propres de notre planète. Deux principes audacieux mais puissants, qui permettaient de bâtir des cosmologies épurées et - grâce à Kepler, un siècle plus tard - plus efficaces pour rendre compte des observations. Les cosmologistes modernes ont poursuivi dans cette voie : si de nombreuses questions sur la forme et la constitution précises de notre Univers restent sans réponse, ils se sont accordés sur trois grands principes qui sous-tendent leurs visions du cosmos. Trois hypothèses fondamentales qui, mises ensemble, déterminent les modèles "scientifiquement acceptables" d'univers. Chacune s'appuie sur des observations qui rassurent sur leur bien-fondé, ou est une conséquence directe et nécessaire de la relativité générale, seule théorie disponible aujourd'hui (mais jamais prise en défaut) pour décrire le cosmos dans sa globalité. Ensemble, ces trois principes forment un cadre à l'intérieur duquel les cosmologistes peuvent déployer librement leurs équations pour créer de nouvelles images fécondes du grand Tout.
Relativité, mécanique quantique et théorie des cordes s'accordent pour envisager l'existence de multiples univers. Une nouvelle révolution ? Et si notre Univers n'en était qu'un parmi une infinité d'autres ? Après avoir accepté l'idée que la Terre n'était qu'une planète autour du Soleil et que celui-ci n'était qu'une étoile banale en banlieue d'une galaxie elle-même quelconque, sommes-nous à l'aube d'une nouvelle révolution copernicienne plus radicale encore ? Les cosmologistes sont nombreux à le penser. Et pour cause : les grandes théories sur lesquelles ils s'appuient, la relativité générale, la mécanique quantique et la théorie des cordes, conduisent à l'existence d'univers multiples, des "multivers". "Tout ce qui est possible, tout ce qui ne viole pas les lois de la physique doit donc advenir quelque part", en déduit Aurélien Barrau, cosmologiste au laboratoire de Physique subatomique et de cosmologie de l'université Joseph-Fourier de Grenoble, qui imagine des univers lointains dans lesquels des clones de nous-mêmes lisent cet article. Dans un de ces univers, le clone arrête de lire ; dans un autre, il continue. Puisque les deux scènes sont physiquement possibles, elles ont forcément lieu là où la bonne configuration d'atomes est réalisée. Après avoir dû accepter d'habiter un endroit quelconque de l'Univers, voici donc que nos propres existences ne seraient qu'une copie, parmi d'autres, d'existences multiples répétées à l'identique dans des lieux immensément éloignés de l'espace-temps. ... TOUS VIDES ET MORNES ? Cette théorie a besoin de dimensions supplémentaires (les 4 de notre espace-temps étant insuffisantes), que les physiciens imaginent, puisque nous ne les voyons pas, recourbées sur elles-mêmes à des échelles trop petites pour être perçues. Or, il y a un nombre faramineux de façons de recourber ces dimensions supplémentaires, chacune d'elles aboutissant à des lois physiques différentes. Résultat : chaque univers bulle créé par l'inflation pourrait, selon la façon dont se sont recourbées les différentes dimensions, avoir des lois physiques propres. "On aurait donc l'inflation qui crée des univers bulles décorrélés les uns des autres, et la théorie des cordes, qui les structurerait avec des lois physiques différentes", résume Aurélien Barrau. Si l'inflation telle qu'on la conçoit a bien eu lieu lors du big bang, et si la théorie des cordes décrit correctement notre monde, il devient difficile de nier l'existence d'univers bulles qui ne sont que les conséquences mathématiquement nécessaires de ces théories. D'autant qu'ils résolvent l'une des questions les plus épineuses de la cosmologie : pourquoi les lois physiques sont-elles si bien ajustées pour permettre l'émergence d'une physique et d'une chimie complexes dont nous sommes finalement issus ? "Si on fait varier presque n'importe quel paramètre fondamental du modèle standard d'une toute petite valeur, on obtient un univers morne, essentiellement vide, comportant au mieux un peu de gaz ou de lumière", relève Aurélien Barrau.
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