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Mystérieuses Supernovæ

Supernova Atypique

S.B. - POUR LA SCIENCE N°529 > Novembre > 2021

Les Mille et Une Morts des Étoiles

A.Ho. - POUR LA SCIENCE N°525 > Juillet > 2021

L'Étoile qui Défie la Mort

B.R. - SCIENCE & VIE N°1205 > Février > 2018

Des Supernovæ d'Exception qui Confirment la Règle

En scrutant d'autres galaxies, les astronomes observent de plus en plus d'étoiles à l'origine de supernovæ. Si leurs premières données confirment leurs théories sur ces explosions stellaires, elles indiquent aussi quelques exceptions bien mystérieuses.

À quoi ressemble une étoile massive juste avant qu'elle n'explose en supernova ? Pour repondre à cette question, les astronomes avançaient jusque-là l'hypothèse suivante, basée sur des simulations numériques et quelques observations préliminaires : arrivé en fin de vie, un astre massif enfle jusqu'à 1500 fois sa taille initiale. Il se transforme alors en supergéante rouge. En théorie, donc, les étoiles massives ne doivent exploser qu'une fois atteint ce stade. Restait à confronter ce scénario à des observations fiables.
Une tâche à laquelle se sont attelées deux équipes de chercheurs : celle de Maund, de l'Institut Niels Bohr à l'université de Copenhague d'une part, et celle d'Avishay Gal-Yam, de l'Institut Weizmann des sciences à Rehovot (Israël) d'autre part. Avec pour résultat la détection des étoiles - on les appelle les progéniteurs - à l'origine de trois supernovæ de type II. Problème : les deux équipes n'aboutissent pas aux mêmes conclusions. Les travaux danois montrent que les progéniteurs de SN 2003gd (à g. ->) et SN 1993J sont des supergéantes rouges, conformément à la théorie. Les résultats israéliens montrent, eux, que le progéniteur de SN 2005gl (à d. ->, Le numéro correspond à l'année d'observation de la supernova), une supernova qui a explosé dans la galaxie NGC 266, est une étoile lumineuse bleue variable (LBV), de la famille des hypergéantes bleues ! Une vraie curiosité qui n'a été observée que sur un autre cas de supernova très connu : SN 1987A (<-). Sanduleak 69-202, l'astre à l'origine de cette explosion visible à l'oil nu en 1987 dans le Grand Nuage de Magellan, était une supergéante bleue. Autrement dit : une étoile se trouvant à un stade moins avancé que la supergéante rouge, et qui n'aurait justement pas dû exploser en supernova...
Pour aboutir à ces deux résultats, il a fallu aux chercheurs de la détermination, de la minutie et beaucoup de temps. "Trouver les progéniteurs de supernovae est difficile", assure Justyn Maund. Pour cela, on procède en trois étapes. Première étape : photographier des champs entiers d'étoiles en espérant que l'une d'entre elles soit sur le point d'exploser. On ne se contente pas de regarder dans notre galaxie. Le taux de supernovæ y est faible : la dernière, vue par Kepler, remonte à 1604. La plus récente, observée dans le Grand Nuage de Magellan, date quant à elle de 1987. Pour obtenir un echantillon correct de supernovæ, il faut aller les chercher très loin, dans d'autres galaxies. Afin de distinguer les étoiles les unes des autres, il est nécessaire d'observer ces galaxies avec des instruments puissants comme le télescope spatial Hubble, ou les télescopes au sol Keck (10 m) et Gemini (8 m) situés à Hawaï, ou le VLT au Chili. Deuxième étape : quand une supernova apparaît enfin, les chercheurs la mitraillent avec la même armada d'engins afin de déterminer précisément sa position par rapport aux autres étoiles du champ. Une fois cette position connue, ils examinent les images obtenues avant l'explosion dans le but de découvrir qu'elle étoile se trouvait en lieu et place de la supernova. Les astronomes avaient déjà franchi ces deux premières étapes. À l'emplacement précis des supernovæ, ils avaient détecté des supergéantes rouges, d'où notamment l'élaboration de la théorie. "Mais on était loin d'être certains alors qu'il y avait vraiment une correlation entre ces supergéantes rouges et les supernovae, poursuit Justyn Maund. À de si grandes distances, il est difficile de savoir par exemple si l'étoile repérée est une étoile simple ou bien si l'on a affaire à un groupe d'étoiles, auquel cas le progéniteur se confond parmi ses congénères toutes proches".
Manquait donc une troisième étape : examiner le champ stellaire plusieurs années après l'explosion, une fois la supernova disparue. "Si l'étoile qui se trouvait à la position de la supernova sur les images pré-explosion a disparu du champ sur les images post-explosion, alors il n'y a aucun doute : il s'agit bien du progéniteur, explique le chercheur. De même, si la luminosité de l'étoile diminue, c'est que nous avions affaire à un couple ou un groupe d'étoiles dont l'un des membres a disparu". C'est cette troisième étape que les deux équipes viennent de franchir.
La découverte de supergéantes bleues en guise de progéniteurs remet-elle en question le scénario d'évolution des étoiles massives, pourtant appuyé par les travaux de Justyn Maund ? Pas vraiment. Car leur courbe de luminosité indique que SN 2005gl et SN 1987A font figure d'exception dans le vaste bestiaire des supernovae. "SN 2005gl est une supernova de type IIn, soit bien plus lumineuse que les supernovæ de type II classiques, explique Justyn Maund. La théorie actuelle considérait que son progéniteur devait être une étoile Wolf-Rayet et non une étoile LVB. Le travail d'Avishay Gal-Yam remet donc en cause les modèles d'évolution stellaire uniquement pour ce type, rare, de supernovae". Quant à SN 1987A, elle est plus exotique encore et n'entre dans aucune "case". "Il est possible que son progéniteur, Sanduleak 69-202 ait d'abord atteint le stade de supergéante rouge, avant de revenir à celui de supergéante bleue après avoir perdu beaucoup de masse, propose Nicolas Prantzos, de l'Institut d'astrophysique de Paris et auteur de l'ouvrage Les Soleils éclatés. Cela peut se produire par exemple si elle était en couple et que sa compagne, devenue naine blanche ou étoile à neutrons, lui a arraché son enveloppe externe". Alors que le scénario classique des supernovae de type II se renforce, le doute plane toujours plus sur l'origine des supernovæ rares.

LE BON CALIBRE POUR EXPLOSER
Dixit les modèles d'évolution stellaire, seules les étoiles de gros calibre, supérieures à 8 fois la masse du Soleil, sont susceptibles d'exploser en supernovæ
. Pourtant, d'après les mesures de Justyn Maund et Stephen Smartt, SN 2003gd (->) est de seulement 7 masses solaires. "Mais de récentes simulations numériques montrent au contraire que les progéniteurs des supernovæ telle SN 2003gd devraient être plus massifs encore qu'on ne l'avait imaginé, explique Justyn Maund. "Il y a actuellement une forte controverse sur le calibre des progéniteurs de supernovæ, controverse qui donne lieu à des débats houleux lors des conférences !"

É.M. - CIEL & ESPACE > Juin > 2009

Supernova : l'Explosion qui Défie la Théorie

Repérée dans la constellation de Persée, l'explosion de l'étoile SN 2006gy restera dans les annales : non seulement sa lumière fut fantastique, mais elle dura 3 mois ! Ce qui contredit la théorie...

Le spectacle offert par la supernova SN 2006gy, à quelque 240 millions d'années-lumière, restera dans les annales. Certes, les étoiles disparaîssent rarement sans un dernier coup d'éclat : arrivées en fin de vie, elles explosent souvent dans un feu d'artifices de lumières... une supernova. Mais jamais une aussi lumineuse et énergétique n'avait été détectée : à l'automne dernier, SN 2006gy a illuminé sa galaxie hôte NGC 1260 comme plus de 50 milliards de Soleil ! Soit cinq fois plus que la plus brillante supernova observée jusqu'alors, en 2005. Un phénomène exceptionnel...
C'est à une équipe menée par Nathan Smith de l'université de Californie à Berkeley, ainsi qu'à des astronomes de l'université du Texas, à Austin, que l'on doit la dernière interprétation des données. Selon eux, seul un astre pesant pas moins de 150 fois la masse de notre Soleil est capable d'avoir créé un tel cataclysme. Soit un phénomène cosmique approchant dangereusement la masse limite que pourrait atteindre une étoile... SN 2006gy est donc une véritable aubaine pour les astrophysiciens : ils n'auraient jamais pu observer la mort en direct d'un tel monstre galactique. L'intérêt ? Simple : ces étoiles très massives ne sont plus légion dans notre univers actuel, alors qu'elles faisaient florès lorsque l'Univers n'était âgé que d'un petit milliard d'années. SN 2006gy doit donc permettre d'en savoir plus sur la fin de vie des astres primitifs. Le problème, c'est que cette supernova, par son ampleur ne correspond à aucun des scénarios décrivant la mort des étoiles. À tel point qu'il pourrait finalement s'agir d'un tout nouveau type de supernova !

"CHANDRA" SÈME LE TROUBLE

Une luminosité et une durée exceptionnelles Autant par sa durée que par le pic de sa luminosité, SN 2006gy s'avère la plus puissante des plus puissantes supernovae observées à ce jour. À noter que SN 2005gi et SN 2002ic semblent être du même type que SN 2006gy...
Tout a commencé le 18 septembre 2006. C'est cette nuit-là, au Texas, qu'eut lieu la première détection de SN 2006gy au Mc Donald Observatory. Or, durant les semaines qui suivent, des observations complémentaires révèlent qu'il s'agit d'un phénomène inédit. Non seulement le pic de luminosité de SN 2006gy est 5 fois plus important que celui de la plus brillante des supernovæ jamais observées ; mais cette luminosité se prolonge pendant plus de trois mois ! Une agonie qui ne colle à aucun scénario existant. Jusqu'ici, en effet, les astronomes retenaient deux scénarios pour décrire l'évolution dramatique des astres qui, parvenus à court de combustible nucléaire, meurent dans une gigantesque explosion. D'un côté, les étoiles qui ressemblent à notre Soleil : elles terminent leur vie avec leur cour mis à nu -on parle alors de naine blanche-, puis explosent, telles des bombes thermonucléaires. Ce sont les supernovæ les plus lumineuses. De l'autre, les étoiles "massives", c'est-à-dire dépassant 8 fois la masse du Soleil : après avoir cessé leurs réactions nucléaires et explosé, elles laissent derrière elles soit un trou noir qui engloutit la moindre particule de matière se trouvant dans leurs parages, soit une étoile à neutrons dont chaque centimètre cube pèse 1 milliard de tonnes ! D'où le cas incompréhensible de SN 2006gy, à la fois extrêmement lumineuse, comme les étoiles de faible masse, mais dont l'interminable agonie fait croire, au contraire, à une masse énorme.
Les astronomes vont d'abord pencher pour une variante de la première hypothèse : l'explosion d'une naine blanche aurait provoqué une gigantesque onde de choc qui serait venue heurter violemment, et donc chauffer, un nuage d'hydrogène très dense entourant l'étoile. Mais le télescope spatial Chandra, spécialisé dans le domaine des rayons X, va venir chambouler ce joli scénario. Car pour produire la quantité d'énergie nécessaire, SN 2006gy aurait dû émettre mille fois plus de rayons X que Chandra en a effectivement observés.
Sachant que c'est la décroissance radioactive du nickel qui est le principal responsable de l'hyperluminosité, les chercheurs vont alors s'appuyer sur la courbe de luminosité de SN 2006gy pour calculer qu'elle aurait produit l'équivalent, en nickel, de 22 fois la masse du Soleil. Soit de 20 à 50 fois plus que dans le cas de l'explosion d'une naine blanche. Une production qui implique que l'étoile ait une masse initiale d'environ 150 masses solaires !
Oui, mais s'il s'agit, contre toute attente, d'une étoile massive, comment expliquer que SN 2006gy n'ait pas laissé derrière elle un trou noir ou une étoile à neutrons ? L'équipe de Nathan Smith va alors ressortir une théorie élaborée il ya une quarantaine d'années, et qui fait intervenir... de l'antimatière ! "Il s'agit d'un mécanisme différent des supernovae normales, explique Nathan Smith. Pour certaines étoiles très massives, on pense que la température du cour est si élevée que leur rayonnement peut se dissiper en créant spontanément des paires particule-antiparticule - en l'occurrence un électron et son double d'antimatière, le positron. Quand la gravité de l'étoile devient plus forte que la pression exercée par son rayonnement, l'étoile s'effondre avant d'exploser. Le nickel radioactif contenu dans le cour est alors expulsé au lieu d'être aspiré dans un trou noir..."

L'hypothèse est séduisante. Sauf que la prédominance du nickel pose un problème, comme le suggère Stéphane Blondin, chercheur au Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics : "La synthèse de nickel radioactif requiert 5 milliards de degrés, température atteinte au cour de l'étoile, et non à sa surface, d'où la luminosité est initialement émise. Il paraît donc difficile d'expliquer la forte luminosité initiale par la présence de nickel". Retour à la case départ ? Nathan Smith pense que non : "Ici, nous sommes en présence d'une explosion très énergétique, qui éjecte plus de nickel qu'une supernova normale car le cour de l'étoile est agité, et ne s'effondre pas en trou noir. Ce mécanisme a théoriquement fait ses preuves, mais dans un univers jeune... La différence avec SN 2006gy, c'est que nous l'observons dans l'Univers actuel, c'est une surprise mais ce n'est pas impossible".

UN COBAYE À PORTÉE DE MAIN

En clair, SN 2006gy serait un nouveau type de supernovæ. À moins que la solution ne soit ailleurs... Pour l'heure, Stéphane Blondin se garde de trancher, préférant rejoindre Nathan Smith dans son attente de nouvelles mesures : "Quoi qu'il en soit, cette supernova offre des perspectives de recherche très intéressantes d'un point de vue théorique et observationnel".
De fait, l'étude de la mort des étoiles massives pourrait rebondir, avec un superbe cobaye à portée de main : dans notre galaxie même. Il s'agit d'Eta Carinae, une étoile de 120 masses solaires, à 7500 années-lumière, et qui menace d'exploser en supernova d'un moment à l'autre. Mais ce n'est pas tout. Car si, comme le pensent les astronomes, l'Univers jeune était peuplé d'étoiles massives, "alors elles doivent mourir de manière similaire à SN 2006gy, s'enthousiasme Nathan Smith. Nous pourrions donc observer leur formidable luminosité grâce au James Webb Space Telescope (JWST) qui prendra la succession de Hubble d'ici à une décennie". Patientons donc jusqu'à la mise en service du JWST, et qui sait, d'ici là, Eta Carinae aura peut-être supplanté SN 2006gy...

ETA CARINAE : un avant goût de supernova dans notre galaxie
Située dans la nébuleuse de la Carène, à environ 7500 années-lumière, on la soupçonne d'être l'étoile la plus massive de notre galaxie, entre 100 et 150 masses solaires. Depuis qu'elle a été cataloguée en 1677 par Edmund Halley, Eta Carinae est régulièrement secouée par des spasmes, dont le plus violent remonte à 1843. Cette étoile qui brille comme 4 millions de Soleil expulsa alors une quantité phénoménale de matière - la moitié du Soleil par an durant une vingtaine d'années -, devenant à l'époque la deuxième étoile la plus brillante du ciel. Depuis, même si ses sursauts ont été moindres, Eta Carinae n'en reste pas moins très instable car elle est en phase "lumineuse-bleue-variable" (LBV), qui serait l'avant-dernière séquence avant l'explosion en supernova quelques milliers d'années plus tard. Mais SN 2006gy est venue jouer les trublions, car il se pourrait que cette dernière ait été une LBV au moment de son explosion. Auquel cas, Eta Carinae exploserait beaucoup plus tôt que prévu. Quand ? Difficile à dire. Ce qui est sûr, c'est que sa mort ne passera pas inaperçue : son éclat ne sera dépassé que par ceux de la lune et du Soleil.

C.B. - SCIENCE & VIE > Août > 2007
 

   
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