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À la Conquête des Astéroïdes

Astéroïde mon Ami

Il y a tout juste un an, le 4 novembre 2009, un géocroiseur d'une dizaine de mètre de long frôlait la Terre de très près, ce qui n'est pas si courant. Mais c'est dans une indifférence à peu près générale et d'ailleurs bien compréhensible qu'il s'est contenté de traverser l'azur à 14.000 kilomètres d'altitude.

Ces douze derniers mois, ils furent une borne dizaine à s'immiscer dans le petit ballet bien rodé que s'offrent la Terre et la Lune, croisant l'une, l'autre, ou filant au milieu des deux. Mais aucun d'entre eux n'a brutalement percuté la Terre. Ne mesurant que quelques mètres, et donc condamnés à se désintégrer au contact de l'atmosphère, ces astéroïdes n'auraient de toute façon pas provoqué des gros dégâts. Un peu de poussières supplémentaires, quelques poignées de gravillons projetés à terre à vive allure... Rien de bien méchant.
Rien à voir avec ce qui s'est passé en Sibérie centrale dans la matinée du 30 juin 1908. À quelques kilomètres au-dessus de la rivière de Toungouska, une boule de feu explose dans le ciel. Le souffle anéantit la forêt alentour sur des dizaines de kilomètres. Du jamais-vu de mémoire d'homme. Dans les jours qui suivirent et dans toute l'Europe, il se dit que les nuits rayonnaient de lueurs verdâtres. On pense à un astéroïde de plusieurs dizaines de mètres...
Beaucoup plus rare encore, et aussi bien plus ancien, c'est vraisemblablement un spécimen de dimensions autrement plus imposantes encore qui s'est abattu il y a 65 millions d'années, plongeant durablement la Terre dans une nuit nucléaire, bouleversant climat et écosystèmes, provoquant extinctions d'espèces en masse, dinosaures compris.
Voilà qui légitime l'inquiétude que, depuis quasiment toujours, les astéroïdes nous inspirent. Les Anciens ne craignaient-ils pas que le ciel ne leur tombe sur la tête ? Sauf que les astéroïdes ne sont pas qu'une menace ! C'est à eux que la Terre doit très probablement toute son eau et l'émergence de la vie. En vestiges des premières heures du système solaire, ils renferment des informations du plus grand intérêt scientifique. En voyageurs de l'espace, ils nous offrent la possibilité de nous projeter bien au-delà de la Lune. Et tandis que les ressources terrestres n'ont jamais semblé aussi limitées, les astéroïdes regorgent de trésors, de métaux d'ores et déjà précieux, ou qui le deviendront. Une ressource dont nous pourrions avoir cruellement besoin demain... Autant de raisons de ne plus voir dans les cailloux célestes des ennemis de l'humanité, mais, au contraire, un nouvel eldorado qui lui tend les bras.

SCIENCE & VIE > Novembre > 2010

Un Tremplin idéal pour Voyager dans l'Espace

Alors que la Lune a déjà été visitée et que les autres planètes restent hors de portée, les astéroïdes constituent une aubaine pour que l'homme foule enfin d'autres mondes. Et cela dès 2025.

En avril dernier, le président américain Barack Obama prenait date : en 2025, l'homme aura accompli un nouveau "grand pas" en touchant... un astéroïde géocroiseur, un de ces petits corps rocheux qui se rapprochent de temps à autre de notre planète. Exit donc la Lune, déjà visitée plusieurs fois. II s'agit désormais d'être plus ambitieux, en s'aventurant sur des mondes encore largement méconnus. Et les astéroïdes représentent une aubaine pour relever ce défi. Parce qu'en termes de distance, les géocroiseurs, qui orbitent entre Mars et la Terre, sont les premiers objets accessibles du système solaire, avant même les planètes. Et en étant plus lointains que la Lune et vierges de toute exploration, ils n'en sont que des cibles plus excitantes. Des cibles qui constituent aujourd'hui la nouvelle frontière de l'exploration spatiale. Longtemps ignorés, voire moqués, les partisans de cette nouvelle conquête spatiale jubilent, répétant que les géocroiseurs sont plus faciles d'accès que la Lune elle-même. "Parce que la gravité est quasi nulle à leur surface, il est plus simple de visiter ce genre d'objet qu'un corps massif comme notre satellite", explique Daniel Adamo, consultant pour la Nasa. En clair, inutile de déployer beaucoup de force, ni pour y arriver ni pour en repartir. Un gain d'énergie crucial puisqu'il permet de diminuer d'autant le stock de carburant et, dès lors, simplifie le développement de la mission.
Cet argument avait d'ailleurs déjà fait des émules en 1966, en plein programme Apollo. L'ingénieur Eugene Smith avait alors proposé d'envoyer six hommes sur l'astéroïde Eros en "recyclant" le même lanceur et le même vaisseau que ceux utilisés pour explorer la Lune. Mais, l'idée avait été vite abandonnée, le voyage devant durer 18 mois et envoyer les hommes à 22 millions de kilomètres de la Terre. Depuis, le thème avait été enterré à la Nasa.

TROUVER LE GÉOCROISEUR IDÉAL

Mais à l'été 2006, un petit groupe de fervents défenseurs d'une mission habitée vers un astéroïde ressort le projet et planche sur la faisabilité d'un tel périple. Cette fois, ils envisagent un voyage de six mois maximum à quelques millions de kilomètres de notre planète, une durée à la portée des astronautes, déjà habitués à de tels séjours dans la Station spatiale internationale.
Or, sur la liste des géocroiseurs connus - on en compte aujourd'hui plus de 7200 -, plusieurs candidats paraissent envisageables pour un premier galop d'essai. Mieux : ce large réservoir d'objets permet d'imaginer plusieurs missions sur différents astéroïdes dont la distance irait crescendo. Bref, difficile d'imaginer meilleur marchepied pour des destinations de plus en plus lointaines dans notre système solaire. Comme l'explique Paul Abell, l'un des pères du projet à la Nasa, "l'idée est de procéder par étapes en visant d'abord un astéroïde pour une mission de moins de six mois, puis un deuxième pour un voyage plus long encore, avant le but ultime : un atterrissage sur Mars. Les géocroiseurs nous servent ainsi de formidable tremplin pour des missions d'exploration de plus en plus difficiles". On comprend alors pourquoi l'idée réunit autour d'elle de plus en plus d'adeptes, jusqu'à devenir l'une des recommandations majeures du rapport Augustine, remis à Obama fin 2009. Depuis, les supporters des astéroïdes ont peaufiné leur scénario et établi avec plus de précision encore la carte d'identité du géocroiseur parfait. Pour être atteint au cours d'un aller-retour de moins de six mois, celui-ci devra orbiter dans le même plan que celui de la Terre et passer à moins de 7,5 millions de kilomètres de notre planète. Autre condition, l'objet idéal devra mesurer au moins quelques dizaines de mètres, une taille minimale mais suffisante pour en faire un "terrain de jeu" intéressant pour les astronautes, et assurer un "retour scientifique" (mesures sur place, prélèvement d'échantillons) digne de ce nom.

PRÉPARER LA MISSION HABITÉE

L'ennui, c'est que 3 astéroïdes seulement réunissent à l'heure actuelle tous les critères, et un seul permet un lancement en 2025 : l'astéroïde baptisé 1999 AO10. Un aller-retour vers ce rocher de 50 m de diamètre nécessiterait 5 mois, avec la possibilité de passer 2 semaines sur place (infographie ->) sans trop s'éloigner de la Terre. "Cet objet nous sert pour le moment de scénario de base pour la mission, mais ce ne sera certainement pas lui que l'on visera", confie Paul Abell. Car le candidat idéal devra satisfaire à d'autres critères plus drastiques, qui devront être confirmés par des observations plus poussées depuis le sol et l'espace (ce qui n'a pas été fait pour 1999 AO10) : ne pas tourner trop vite sur lui-même ni posséder de petit satellite autour de lui (un géocroiseur sur six vivrait en couple), sans quoi la navigation à proximité de l'objet deviendra périlleuse.
Enfin, il ne devra pas s'agir d'une comète éteinte susceptible d'entrer à nouveau en activité ! Mais Paul Abell est confiant. "L'entrée en service des télescopes Pan Starrs (<-) et LSST (à l'horizon 2015), spécialisés dans la traque des petits astéroïdes, fera rapidement grimper à plusieurs centaines, voire milliers, le nombre de cibles potentielles."

LE PLUS BEAU DES CADEAUX

Une fois la cible choisie, comme lors du programme lunaire, une sonde automatique partira en reconnaissance, quatre ans environ avant l'arrivée des hommes. Objectifs : photographier et cartographier le corps rocheux sous toutes ses coutures, mesurer son champ de gravité et analyser les principaux constituants à sa surface. Histoire de faciliter l'arrivée de l'équipage et d'identifier les régions à explorer en priorité. Sur place, après un vol de six mois environ et de quelques 8 millions de kilomètres, le vaisseau spatial, probablement une capsule
Orion améliorée - seule rescapée du programme Constellation lancé en 2004 par George Bush -, et ses trois astronautes, mettra encore à profit l'absence de gravité de l'objet. Sans attraction de la part du géocroiseur, l'engin, qui calera sa vitesse et sa trajectoire sur celle de l'astéroïde, stationnera à quelques centaines de mètres de ce dernier. C'est là un autre avantage de cibler les astéroïdes : pas besin de développer d'atterrisseur, cher et complexe.
Pour le "débarquement", le vaisseau s'approchera doucement et laissera sortir deux hommes sécurisés par un filin, qui devront se cramponner solidement à la surface de l'astéroïde, faute de quoi ils flotteraient sans fin juste au-dessus. Ils devront alors remplir leur seconde mission, scientifique cette fois-ci : récolter des dizaines de kilos de cette roche céleste et offrir ainsi aux planétologues le plus beau des cadeaux. "L'homme n'a pas son pareil pour choisir les roches les plus intéressantes, les prélever à différentes profondeurs et dans différentes zones", souligne Patrick Michel, spécialiste des astéroïdes à l'observatoire de la Côte d'Azur. Les astronautes installeront également une station sismique, afin de connaître la structure interne de l'objet, une donnée importante si on veut un jour dévier un géocroiseur qui risque de percuter la Terre... Et ils mettront en place des expériences de forage, dans la perspective éventuelle d'exploiter un jour les ressources minières de ces gros cailloux de l'espace. Bref, autant d'objectifs alléchants et inaccessibles aux missions robotisées, mais qui ne seront pas une partie de plaisir. Car si l'absence de pesanteur facilitera l'arrivée et le départ de la capsule spatiale, elle posera un véritable cassse-tête aux astronautes, incapables de prendre appui sur l'objet. Imaginez que le simple fait de donner un coup de marteau sur une roche suffirait, par réaction, à vous éjecter dans l'espace ! "Le plus grand challenge sera de maintenir les astronautes à la surface", reconnaît Paul Abell. Pour cela, la Nasa imagine plusieurs solutions. Notamment celle de munir les astronautes de petits propulseurs fixés dans leur dos, ou de les faire descendre au bout d'un bras robotisé attaché au vaisseau, voire de harponner, sur la surface de l'astéroïde, une sorte de filet sur lequel il sera possible de s'accrocher. Les ingénieurs devront se creuser la tête pour mettre au point de nouveaux systèmes. Et pas seulement pour que les astronautes puissent garder les pieds sur l'astéroïde. lis devront aussi être protégés des dangereuses radiations solaires - inexistantes à proximité de la Terre car stoppées par son bouclier magnétique -, et disposer d'un module d'habitation spacieux pour pouvoir emporter suffisamment de réserves en oxygène, en eau et en nourriture. Enfin, il s'agit de concevoir des systèmes de propulsion et de communication avec la Terre beaucoup plus efficaces. Aujourd'hui, à l'exception de la capsule Orion, dont la mise au point a commencé, tout reste à faire. À conmencer par le lanceur, qui n'existe que sur le papier. Mais on peut parier qu'avec des enjeux aussi excitants, le projet devrait déboucher rapidement sur de nouvelles technologies. Paul Abell en est persuadé : "Les astéroïdes sont une occasion rêvée de tester grandeur nature notre nouvelle architecture et de l'améliorer d'une mission à l'autre. C'est un passage obligé si on veut un iour se poser sur Mars."
Car même si poser un vaisseau habité sur la planète rouge comporte encore bien plus d'embûches (à commencer par une gravité bien plus forte - égale au tiers de celle de la Terre -, et un voyage aller-retour de dix-huit mois contre six pour l'astéroïde), certaines contraintes sont les mêmes, notamment celles du retour : il s'agit de faire rentrer dans l'atmosphère terrestre un engin qui frôlera les 12 km/s, une vitesse jamais atteinte par un véhicule spatial. Même le retour sur Terre n'est pas gagné... Mais quelle émotion, lorsque les cow-boys de ce premier rodéo céleste reviendront sur notre bonne vieille planète. Dès lors, les astéroïdes auront cessé de n'être qu'une menace pour l'homme : ils seront devenus de véritables alliés pour pousser encore plus loin son avancée dans le système solaire.

DEUX SONDES ONT DÉJÀ TOUCHÉ UN ASTÉROÏDE
Se poser sur un astéroïde est un exercice périlleux. La surface irrégulière de l'objet conjuguée à un très faible champ de gravité et à une rotation rapide sur lui-même rend la manouvre délicate. À ce jour, seules deux sondes automatiques ont réussi cette prouesse. Le 12 février 2001, après un an en orbite autour d'Eros, la sonde américaine Near conclut sa mission en atterrissant sur cet astéroïde de 35 km de long, révélant pour la première fois une surface parsemée de poussière et de blocs rocheux. Le 19 novembre 2005, c'est la sonde japonaise Hayabusa, laquelle ne devait pourtant qu'effleurer l'astéroïde Itokawa pour tenter d'y prélever pour la première fois des échantillons, qui se pose à sa surface pendant trente minutes à la suite d'une erreur de pilotage. Hayabusa est revenue sur Terre le 13 juin dernier et des analyses sont en cours pour savoir si elle est parvenue à ramener des échantillons exploitables.

J.B. - SCIENCE & VIE > Novembre > 2010

Une Chance pour élucider nos Origines

Comment la vie est-elle apparue sur Terre ? Les astéroïdes, véritable mémoire du système solaire, promettent de livrer des réponses. Surtout si ce sont eux qui ont fécondé notre planète.

Chaque jour, des débris d'astéroïdes pleuvent sur la Terre, décrochés de la ceinture entre Mars et Jupiter. Heureusement, ils sont en général si chétifs que personne ne s'en aperçoit. Mais ce n'est pas toujours le cas : il y a 65 millions d'années, la chute d'une météorite de 10 km de diamètre dans ce qui n'était pas encore le Mexique engendra une cascade de perturbations climatiques qui, in fine, provoqua l'extinction des dinosaures et d'innombrables autres espèces. De là, l'affreuse réputation des astéroïdes et le péril qu'ils font planer sur nous. Oui, mais pour les astrobiologistes, ces pluies célestes sont d'abord de précieuses alliées de l'espèce humaine. Et pour cause : avant de menacer la Terre, ce serait elles qui y auraient amené l'eau, voire la vie. Sans ces débris de l'espace, nous ne serions même peut-être pas là et, du coup, les étudier offre une chance inespérée de percer le secret de nos origines.
Pour comprendre, il faut savoir que les astéroïdes sont des objets qui n'ont pas pu s'agglomérer en planète lors de la formation du système solaire et qui, depuis, n'ont presque pas changé. Ils sont donc des témoins de temps très anciens, grâce auxquels on peut remonter le temps jusqu'à la naissance du système solaire. Et lever par là même le voile sur l'histoire de notre planète dans ses plus grands événements fondateurs. Une histoire commencée il y a plus de 4,5 milliards d'années : à cette époque, la Terre n'est encore qu'un vaste désert brûlé au feu du jeune Soleil. L'eau, si elle faisait partie des ingrédients d'origine de sa formation, s'est totalement vaporisée dans l'espace. La surface terrestre est aussi sèche et hostile que l'est aujourd'hui celle de la Lune.

QUEL ÂGE A LE SYSTÈME SOLAIRE ?
Issues d'astéroides dont la composition chimique n'a jamais varié, les météorites sont idéales pour déterminer l'âge du système solaire. En août dernier, deux chercheurs de l'université d'Arizona, l'ont ainsi réévalué à 4 ,5682 miliards d'années. Pour ce faire, ils ont mesuré dans une météorite trouvée au Maroc les teneurs en plomb 206 et 207, deux isotopes produits de la désintégration de l'uranium 235 et 238, et dont les proportions relatives permettent une datation précise. "Comme on connaît la vitesse de désintégration de chaque isotope de l'uranium, explique Audrey Bouvier, on peut calculer combien de temps il a fallu pour obtenir les proportions de plomb retrouvées aujourd'hui dans la météorite. Et donc établir la date à laquelle elle s'est formée." B.R.

LA PRÉSENCE D'EAU CERTIFIÉE : Or, force est de constater que notre planète s'est, depuis, largement nimbée de bleu... D'où viennent donc ses mers et océans ? Si ce n'est de ses entrailles bouillantes, c'est du ciel, fatalement. Et même de cet anneau d'astéroïdes gravitant entre Mars et Jupiter, les scientifiques en sont aujourd'hui convaincus. Deux équipes américaines, celle d'Andrew Rivkin, de l'université Johns Hopkins, et celle d'Humberto Campins de l'université de Floride Centrale, ont en effet pointé le Nasa Infrared Telescope Facility d'Hawaï vers 24 Thémis, l'un des plus gros astéroïdes de la ceinture avec ses 200 km de long. Et leurs analyses, annoncées en mai dernier, indiquent qu'il est recouvert de glace. Les scientifiques s'en doutaient, mais c'est : la première fois qu'ils obtiennent une preuve aussi tangible. Et ce ne serait que la partie "émergée" de l'iceberg... "À la distance où se trouve 24 Thémis du Soleil, la glace ne peut pas rester plus de quelques millions d'années à la surface d'un objet dépourvu d'atmosphère, explique Humberto Campins. Or l'astéroide en compte 4,5 milliards..." Seule explication possible : l'astéroïde cacherait un réservoir souterrain de glace (ou d'eau liquide, mais les chercheurs en doutent) qui alimenterait en permanence la surface en eau.
Reste que tant que l'on observera les astéroïdes depuis la Terre, il sera difficile d'en savoir plus. L'idéal serait d'en posséder un échantillon, étudiable à loisir. En juin dernier, tous les regards étaient ainsi tournés vers la capsule de la sonde japonaise Hayabusa, retombée au milieu d'un terrain d'essais militaires en Australie. Même si sa manouvre de prélèvement d'échantillon sur l'astéroïde Itokawa, cinq ans plus tôt, avait échoué, peut-être avait-elle quand même attrapé quelques poussières intéressantes au passage. Las, la capsule ne contenait que quelques particules, dont on ne sait toujours pas si elles proviennent réellement d'Itokawa.

AVANT LES HOMMES LES SONDES RAMÈNERONT DES ÉCHANTILLONS
Dans leur quête des origines du système solaire, les planétologues ne rêvent qu'à une seule chose : pouvoir analyser un morceau intact d'astéroïde extrêmement primitif, dit "carboné", dont la composition a peu évolué depuis les débuts du système solaire, et donc susceptible de contenir de l'eau et des molécules organiques (les briques de la vie). Or, plusieurs sondes automatiques pourraient bientôt combler leurs attentes, en attendant la mission habitée que prépare la Nasa pour 2025. L'Europe, le Japon et les États-Unis ont en effet chacun leur projet de retour d'échantillons, qu'ils prélèveront sur un géocroiseur différent de celui qui accueillera des astronautes, et ce, pour des raisons de calendrier et de trajectoires. Du côté de l'agence spatiale nippone, Hayabusa 2 pourrait décoller en 2015. Son objectif : rapporter une dizaine de grammes de poussières, concrétisant ce que Hayabusa 1 a tenté en 2005. À la Nasa, Osiris-Rex (->), prévu en 2017, tentera de faire mieux en collectant 2 kg de précieux matériaux. Quant à l'Europe, son projet Marco Polo pourrait fusionner avec l'une de ces deux missions. J.B.

Depuis, les espoirs se portent sur les prochaines missions de prélèvement d'ores et déjà prévues (voir encadré), ainsi que sur Dawn, une sonde lancée par la Nasa en 2007 pour explorer la ceinture d'astéroïdes. Elle devrait arriver l'été prochain à proximité de Vesta, un caillou de 530 km de diamètre. Puis, si tout se passe bien, en 2015, elle rejoindra Cérès, le plus gros objet de la ceinture, dont les 950 km de diamètre lui ont permis d'accéder au club très fermé des planètes naines du système solaire. "Les observations sur place permettront de vérifier si Cérès est, comme on le suppose, rempli d'eau, cachée sous une croûte de glace elle-même couverte de poussière", explique Christopher Russel, le responsable de la mission.
En attendant, et faute de mieux, les scientifiques se tournent vers le stock d'échantillons récoltés à même notre planète : les météorites. En effet, lorsque les astéroïdes de la ceinture s'entrechoquent, ils se brisent en mille morceaux, dont certains sont éjectés droit vers la Terre. Et quand ceux-ci ne sont pas intégralement désagrégés au contact de l'atmosphère, ils se crashent sur sa surface, parfois pour le pire (comme il y a 65 millions d'années), mais aussi pour le bonheur des scientifiques partisans de l'origine cosmique de nos océans. Ainsi, Francis Albarède, de l'Ecole normale supérieure de Lyon, explique : "Certaines météorites primitives, les chondrites carbonées en particulier, contiennent de l'argile et des minéraux qui indiquent qu'elles contenaient de l'eau avant que celle-ci ne soit évaporée au contact de l'abnosphère". Concrètement, en se fracassant au sol, les astéroïdes auraient libéré leur eau sous forme de vapeur dans l'atmosphère. Laquelle vapeur, en se refroidissant, serait retombée sous forme de pluie. Evidemment, pour fournir les 3 milliards de milliards de tonnes d'eau que la Terre comporte aujourd'hui, il aurait fallu un déluge de plusieurs dizaines de millions d'années. Or, les scientifiques estiment que notre planète a essuyé un bombardement continu de corps célestes 600 millions d'années après sa naissance, et ce, pendant une centaine de millions d'années...

LA VIE VIENDRAIT DU CIEL : Surgit alors une question brûlante : et si les astéroïdes avaient parachuté la vie elle-même ? Car les biologistes le savent, la vie s'est formée dans les océans il y a plus de 3,8 milliards d'années, sous la forme de micro-organismes unicellulaires : les cyanobactéries. Ce n'est que bien plus tard, il y a 500 millions d'années, qu'elle colonisa les continents. Or, se pose ici le même problème que pour l'eau : la Terre était à l'origine une fournaise stérile, invivable jusqu'à il y a 4 milliards d'années. Les premières cellules sont donc nées dans les 200 millions d'années d'intervalle, à partir de molécules organiques complexes - des protéines et des acides nucléiques - qui ne pouvaient exister auparavant. "Ces molécules, détruites au-dessus de 150°C, ont forcément été apportées par la suite", juge André Brack, exobiologiste au Centre de biophysique moléculaire d'Orléans. Et justement : les deux équipes américaines qui ont trouvé de la glace sur 24 Thémis y ont détecté de telles molécules organiques ! Quant aux météorites, elles en regorgent. La chondrite carbonée Murchison (->), une météorite de 100 kg tombée près de Melbourne en 1969, a révélé, par exemple, des purines et des pyrimidines, soit les bases de l'ADN, le matériel génétique terrestre. Et grâce aux progrès de la spectrométrie de masse, les chercheurs y ont aussi décelé plusieurs millions de molécules organiques !
Parmi les météorites, ce ne sont pourtant pas les grosses, mais les toutes petites qui intéressent le plus les exobiologistes. "L'hypothèse la plus probable à l'heure actuelle est que ce sont les micro-météorites de 50 à 500 micromètres qui ont apporté les molécules organiques sur Terre, explique André Brack. Elles ne proviennent pas des astéroïdes, mais sont de la poussière issue de comètes. "Sachant qu'elles possèdent, en proportion, davantage de matière organique que les météorites provenant d'astéroïdes, qu'elles sont plus légères (et ont donc été moins altérées par leur entrée dans l'atmosphère), et sont tombées sur le sol en quantité faramineuse : grâce aux collectes de micrométéorites emprisonnées dans les glaces de l'Antarctique, on estime qu'entre -4 et -3,8 milliards d'années, elles auraient livré à la Terre 2,5 x 1022 g de molécules organiques complexes, l'équivalent d'une marée noire de 40 m d'épaisseur sur tout le globe ! "Encore aujourd'hui, on estime qu'il en tombe 20.000 tonnes par an sur Terre, quand on compte 10 tonnes par an de météorites provenant d'astéroides...", annonce André Brack.
Reste qu'une autre hypothèse, la lithopanspermie, met en scène non la poussière des comètes, mais les astéroïdes eux-mêmes dans l'apparition de la vie sur Terre : celle-ci serait née ailleurs dans le système solaire, sous la forme de bactéries, que des météorites auraient ensuite déposé sur Terre. En août dernier, une équipe anglaise de l'Open University a récupéré des cyanobactéries qu'ils avaient laissées à l'extérieur de la Station spatiale internationale 553 jours auparavant. Grâce à leur épaisse paroi cellulaire et à leur grand nombre, les bactéries du centre de l'échantillon ont survécu ! Preuve qu'elles peuvent résister aux rayons cosmiques et aux UV du Soleil !
Pourvoyeur de l'eau terrestre, voire de la vie, lorsqu'on se penche sur eux, les astéroïdes sont donc loin d'être les ennemis de l'humanité. Bien au contraire, nous leur devons peut-être notre existence. De quoi les réhabiliter.

B.R. - SCIENCE & VIE > Novembre > 2010
 

   
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