P L A N È T E  G A Ï A 
 
   
   
 Index ASTRONOMIE -> SYSTÈME SOLAIRE -> PLANÉTOLOGIE 
   
 
Leur Climat Nous Intéresse

Les Pluies dans le Système Solaire

F.N. - SCIENCES ET AVENIR N°892 > Juin > 2021

Les SuperTempêtes du Système Solaire



TOUT COMPRENDRE N°108 > Septembre > 2019

Des Saisons sur Toutes les Planètes

NATIONAL GEOGRAPHIC N°172 > Janvier > 2014

La Limite de Roche : Cercle d'Équilibre

SCIENCES ET AVENIR N°793 > Mars > 2013

Les Bonnes et les Mauvaises Raisons d'y Aller

Observer le temps qu'il fait ailleurs pour mieux comprendre celui qu'il fait ici : tel est le credo des "astroclimatoloques". Car que ce soit sur Vénus, Mars, Saturne ou encore Triton, les conditions particulières qui y règnent sont autant d'enseignements permettant d'affiner les modèles climatiques de notre planète. En cinq étapes planétaires, voici la première moisson d'un nouvel état d'esprit, où quitter la Terre permet d'en rendre mieux compte.

La tête dans les nuages, les pieds sur terre et... les yeux rivés sur les autres planètes. C'est dans cet état d'ubiquité très particulier que se trouvent aujourd'hui les spécialistes du climat et de la météorologie. À la fois focalisés sur les circonvolutions de l'atmosphère terrestre et portant leurs regards vers des contrées aussi lointaines et exotiques que Vénus, Triton, Saturne, on ne sait plus trop s'ils sont climatologues ou astronomes. Jusque-là, c'était la Terre qui servait de base pour expliquer les extravagances des astres et les astronomes qui utilisaient les modèles des climatologues ; or, pour ces "astroclimatologues", c'est la fureur climatique des planètes et des lunes qui est maintenant appelée à la rescousse pour comprendre la tempérance météorologique de la planète bleue. Ils y voient le seul moyen de dépasser le cas particulier, et d'atteindre l'objectif ultime : le modèle climatique planétaire universel, le seul apte à prédire l'avenir de la Terre.
Les pieds sur terre... car les modèles climatiques ont beau prendre en compte des effets toujours plus complexes, leur maillage toujours plus fin ont beau explorer dans les moindres détails le plus petit des tourbillons... ils n'en demeurent pas moins élaborés sur, pour et à partir du seul cas de la Terre. Une limite d'ailleurs brandie en étendard par ceux qui doutent de l'existence d'un réchauffement d'origine humaine : comment être sûr qu'un modèle est bon puisqu'il a été façonné pour décrire un cas particulier ? "Cette limite est d'autan plus cruciale dans le contexte du réchauffement climatique, convient François Forget, climatologue au laboratoire de météorologie dynamique de Paris. Pour prévoir un environnement différent, les modèles doivent s'affranchir de méthodes trop empiriques issues des observations actuelles, et se baser sur des équations physiques universelles. Il est donc utile de les appliquer aux autres planètes pour les valider".
Or, les monceaux de mesures ramenées depuis trente ans par les dizaines de sondes spatiales qui ont observé dans leurs moindres détails les autres atmosphères du système solaire offrent un nouveau point de vue. Les climatologues l'ont adopté avec une méthode implacable : trouver chez les voisines de la Terre une variante extrême d'un phénomène dont il est difficile d'évaluer l'effet, l'intégrer ensuite comme une condition initiale au modèle et se livrer alors à des comparaisons. "Le système Terre est très complexe et l'effet de chaque phénomène peut être à isoler, détaille ainsi Anni Maattanen, météorologue au Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales, à Guyancour. Sur les autres planètes un des effets peut dominer, on peut donc mieux le comprendre, et revenir appliquer ce qu'on a appris sur Terre. Et cela peut révéler des éléments négligés ou des théories trop simplifiées". Nos astroclimatologues regardent donc les tornades qui s'enroulent sur le sol de Mars pour mieux comprendre la naissance des nuages, ils foulent la banquise de Triton pour prédire l'évaporation future de notre calotte glacière, ils plongent dans la fournaise vénusienne pour évaluer l'impact de la stratification de l'atmosphère, ils gravitent autour de Saturne pour comprendre le vortex de l'Antarctique, ils naviguent dans les fleuves de Titan pour tester le cycle de l'eau terrestre (voir modules).

LES RÉSULTATS SONT DÉJÀ LÀ

Et les résultats commencent à tomber. "Il y a quelques semaines, le célèbre planétologue Bill Hartmann saluait la capacité des modèles climatiques à prédire la formation des glaciers martiens se félicite François Forget. Le même modèle marche pour Mars et pour la Terre, c'est signe qu'il est réaliste. À l'inverse, nous avons découvert que la théorie de condensation, souvent utilisée pour simuler les nuages sur Terre, n'est pas applicable aux nuages de C02 martiens, détaille Anni Maattanen. Cela montre qu'il y a quelque chose que nous n'avons pas encore compris".
On se rappellera que cette démarche a déjà porté ses fruits : en 1982, c'est en voyant des poussières en suspension sur Mars absorber la lumière du Soleil que le célèbre Carl Sagan sut convaincre l'humanité de la menace d'un hiver nucléaire. Aujourd'hui, s'ajoute celle du réchauffement, qu'il s'agit d'établir et de prévoir. Et comme leur prédécesseur, les astroclimatologues ont à nouveau les yeux rivés sur les autres planètes. Avec les pieds bien sur Terre. La preuve en images dans les pages qui suivent.

TRITON

L'évaporation de sa calotte polaire préfigure les effets du réchauffement.

Triton n'est même pas une planète... mais elle préfigure l'avenir de la Terre. Car ce petit corps glacé issu des confins du système solaire, cette insignifiante lune neptunienne possède une atmosphère et une calotte d'azote gelée qui ne cessent d'échanger de la matière... tout comme notre petite planète bleue. "Sur Terre, l'évaporation de la calotte polaire peut contribuer à une augmentation de la pression atmosphérique, confirme François Forget, au Laboratoire de météorologie dynamique, à Paris. L'effet est aujourd'hui très léger mais, on sait qu'il ne va cesser de s'accentuer à mesure que la quantité de dioxyde de carbone augmentera". Aussi les climatologues se servent-ils déjà des mesures réalisées sur la petite lune pour calibrer leurs modèles de réchauffement et, surtout, en évaluer les résultats.

SATURNE

Son gigantesque vortex nourrit la théorie générale des tourbillons.

Les climatologues avaient besoin d'un cyclone extrême pour améliorer leur théorie générale des tourbillons et modéliser précisément la circulation de l'atmosphère... et ils ont trouvé le monstre qu'ils cherchaient dans l'atmosphère de la géante aux anneaux. Ci-contre, sur cette incroyable image prise par la sonde Cassini le 27 novembre dernier, on voit seulement l'oil du cyclone et il couvre déjà 9 millions de kilomètres carrés : le pôle Nord de Saturne est pris dans un gigantesque tourbillon formé par des vents de 700 km/h, réplique, en plus intense, du vortex qui s'enroule au-dessus du pôle Sud de la Terre. Or, s'il se fait discret - il est quasi invisible sur les images des satellites - le vortex de la Terre est d'une importance cruciale sur le climat : il détermine les échanges de chaleur entre la région polaire et tout le reste du globe. En s'appuyant sur les données collectées sur Saturne, Aymeric Spiga, au Laboratoire de météorologique dynamique, à Paris, est en train, pour la première fois, d'en modéliser le climat global dans l'espoir qu'en reproduisant son gigantesque vortex il comprenne enfin son petit frère terrestre.

VÉNUS

Ces conditions climatiques extrêmes révèlent des phénomènes mal connus.

Vénus est à la fois un cauchemar et une aubaine pour climatologues : 93 bars de pression, 470°C en surface, des nuages géants d'acide sulfurique et des vents de plusieurs centaines de kilomètres par heure qui font le tour de la planète plus vite qu'elle ne tourne sur elle-même... Vénus est un monstre climatique, idéal pour les simulations. "Les modèles terrestres qui, tous, donnent à peu près le même résultat lorsqu'ils sont appliqués à la Terre, conduisent à des solutions différentes appliqués à Vénus, ce qui, nous permet de révéler certains défauts", explique François Forget, au Laboratoire de météorologie dynamique (LMD), à Paris. En rendant visibles des effets qui sur Terre seraient noyés dans la masse des complexes rétractions du climat, les conditions de la petite planète permettent de s'attaquer aux petites causes qui pourraient avoir de grands effets... comme la stratification de l'atmosphère.

MARS

Ses petites tornades de poussières expliquent la formation des nuages.

Mars est le laboratoire idéal pour étudier les mouvements de l'atmosphère. Du contraste entre son air sec et froid et son sol chauffé par le Soleil naissent en permanence des tourbillons de poussières. De petites tornades tellement généralisées qu'elles ont été vues par toutes les sondes qui ont approché la planète rouge depuis Wking Orbiter, en 1978... Au point que comme l'indique Aymeric Spiga, au Laboratoire de météorologie dynamique (LMD), à Paris, "le phénomène est bien mieux documenté sur Mars que sur Terre". Une chance car justement, ces circonvolutions d'air sont une illustration extrême de l'un des phénomènes les plus difficiles à modéliser : ce mouvement d'air de bas en haut qu'on appelle convection. "Parce qu'elle est à l'origine de la formation des nuages, la convection est une problématique centrale pour le développement des modèles climatiques fiables", ajoute le chercheur. Et à l'aide des données martiennes, les climatologues espèrent le reproduire avec plus d'exactitude.

TITAN

Son méthane confirme le cycle de l'eau.

"Notre prédiction du climat de Titan avec un modèle initialement conçu pour la Terre est l'un des plus grands succès de la climatologie", assène François Forget, du laboratoire de météorologie dynamique (LMD), à Paris. Des fleuves, des lacs, de la pluie, des nuages... à peine avait-on découvert les paysages de cette énorme lune qui gravite autour de Saturne via les caméras de la sonde Cassini qu'on l'avait qualifiée de jumelle de la Terre. "À ceci près qu'à la place de l'eau, sur Titan, il pleut du méthane, précise Sébastien Lebonnois, au LMD. Les deux cycles sont très ressemblants, mais ils présentent des schémas différents". Aussi les climatologues ont-ils eu l'idée de tester leurs modèles terrestres sur Titan... Bien leur en a pris : ils ont prédit la naissance de nuages avant même qu'ils n'apparaissent sur les détecteurs de Cassini.

M.F. avec M.G. - SCIENCE & VIE > Février > 2013
 

   
 C.S. - Maréva Inc. © 2000 
 charlyjo@laposte.net