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Les Terres Rares

Les Terres Rares flambent sur fond de Tensions Sino-Américaines

E.G. - LES ÉCHOS > 3 Juin > 2020

D'où vient le Nom de Terres Rares ?

TOUT COMPRENDRE N°108 > Septembre > 2019

Les Terres Rares : Un enjeu Géo-Économique

Stratégie : Les "terres rares" sont un groupe de 17 métaux dont les propriétés sont indispensables aux technologies de pointe (lasers, radars, etc.).

Exploitation : Très présentes sur la surface du globe, leur extraction est difficile, car elles sont peu concentrées et parfois mélangées avec des minerais radioactifs.

Monopole : La Chine assure 97 % de la production mondiale, mais établit des quotas d'exportation conduisant à une guerre commerciale entre Pékin, les États-Unis, l'Europe et le Japon.

La répartition des réserves (c'est-à-dire la part des ressources connues exploitables avec les moyens technologiques actuels ->) montre une forte concentration en Asie et Amérique. 80 % des réserves de tantale se trouvent en République démocratique du Congo, sous la forme d'un minerai appelé coltan. Son exploitation y entretient les conflits les plus sanglants depuis 2000.

ANTIMOINE (Sb) : métalloïde, se trouve sous forme d'oxyde ou de sulfure naturels. L'ajout d'antimoine permet de retarder l'inflammation des matières plastiques. La Chine a le monopole de son offre sur le marché mondial.

COBALT (Co) : métal de transition associé aux gisements de cuivre ou de nickel. Le cobalt est utilisé dans les batteries au lithium, en superalliage et dans les moteurs d'avion. Une meilleure exploitation des gisements en République démocratique du Congo (RDC) pourrait augmenter l'offre et assagir le marché.

GALLIUM (Ga) : métal liquide à la température ambiante, sous-produit du zinc et associé à l’extraction de l'alumine de la bauxite. Le gallium est de plus en plus utilisé dans l'industrie des semi-conducteurs, les puces électroniques pour les hautes fréquences et les LED (les diodes électroluminescentes).

GERMANIUM (Ge) : métalloïde, sous-produits du zinc ou du charbon, s'utilise dans les fibres optiques, les composants électroniques, l’optique infrarouge et les futurs films minces des cellules photovoltaïques. L'offre est essentiellement en Russie mais la production diminue d’année en année.

HAFNIUM (Hf) : il fait partie des métaux de transition. C'est un métal gris argenté qui présente une résistance exceptionnelle à la corrosion et un grand pouvoir d'absorption des neutrons rapides. Il est utilisé dans les alliages de tungstène pour la fabrication de filaments de lampes à incandescence et dans les réacteurs nucléaires, comme barre de contrôle de réactivité.

INDUIM (In) : métal principalement utilisé dans les écrans plats. Mais grâce au recyclage, la perspective d'une pénurie n'est plus d'actualité. Les chercheurs japonais ont trouvé un matériau de substitution à l'indium à base de niobium et oxycle de titane, mais en attendant sa généralisation, l'indium a encore de beaux jours devant lui. D’autant qu'il entre aussi dans la fabrication des nouvelles cellules photovoltaïques.

RHÉNIUM (Rh) : métal de transition, sous-produit de la molybdénite, elle-même sous-produit de l’exploitation du cuivre. Le rhénium entre dans la composition d'un superalliage qui est utilisé dans la fabrication des réacteurs d'avion. Le cours du rhénium a atteint 5000 dollars (3500 €) le kilo.

TANTALE (Ta) : métal de transition, il sert principalement à fabriquer les condensateurs des appareils électroniques portables. De petite taille et difficiles à exploiter, les gisernents africains sont souvent sous forme d’un minerai mixte de tantale et de niobium appelé coltan. En 2000, à cause du boom mondial des téléphones portables, le prix du tantale est passé de 20 à 400 dollars (14 à 280 €) le kilo.

TUNGSTÈNE (W) : métal de transition. Le carbure de tungstène est un matériau extrêmement dur qui peut être employé dans différents outils, instruments de coupes industriels ou encore pour le confinement de réactions explosives. La Chine détient le monopole de la production et la hausse du prix du tungstène justifie l’exploitation d'anciennes mines au Canada et en Tasmanie.

L'ORIGINE CHIMIQUE DES MÉTAUX RARES

Le tableau périodique des éléments de Mendeleïev présente 118 éléments chimiques, dont les 92 premiers existent à l'état naturel sur Terre. Les plus lourds que l'uranium (92) ont été obtenus artificiellement. Quatre processus différents sont à l'œuvre : l'hydrogène (H), l'hélium (He) et une partie du lithium (Li) - c'est-à-dire les noyaux les plus légers - ont été fabriqués peu après le Big Bang. Il s’agit des éléments les plus abondants, l’Univers étant formé à 75 % d'hydrogène et à près de 25 % d'hélium. Une partie du lithium, bore (B) et béryllium (Be) provient de l’action des rayons cosmiques sur des noyaux de carbone (C) et d'azote (N). La formation des éléments plus lourds que le carbone jusqu'au fer (F) est liée aux réactions nucléaires qui ont lieu au cœur des étoiles. Dans la fournaise stellaire 2 éléments légers fusionnent pour former un noyau plus lourd. Puis certaines étoiles en fin de vie explosent en supernova et, ce faisant, éjectent dans le milieu interstellaire leurs enveloppes superficielles et une partie de leur cœur : la violence de l'explosion est à l'origine des processus nucléaires (capture de neutrons par exemple) qui assurent la formation des éléments plus lourds que le fer, jusqu’à l'uranium (U). Ce processus plus complexe explique la moindre abondance de ces éléments. Mais il s’agit de la composition moyenne de l'Univers. Les planètes telluriques concentrent les silicates ferromagnésiens ; ainsi 99 % de la masse terrestre sont formés de 8 éléments : O, Si, Fe, Mg, Al, S, Ni, Ca. Enfin, la composition chimique moyenne de la Terre n'est pas représentative de la croûte : au cours du lent refroidissement de la Terre primitive, les éléments les plus lourds, comme le fer et le nickel, ont migré vers le centre tandis que les éléments les plus légers (O, Si) ont formé la croûte terrestre.
Les métaux (en orange) se distinguent par le fait que leurs électrons superficiels sont délocalisés -, c'est-à-dire qu'ils passent facilement d'un atome à l'autre. Cela explique qu'ils sont de bons conducteurs d'électricité. Ce caractère est atténué pour les métaux de transition qui sont souvent des semi-conducteurs - et absent chez les non-métaux.

SCIENCES ET AVENIR N°743 > Janvier > 2009

Le Japon se découvre une Mine de Terres Rares

C'est une île japonaise de 1,5 km² au nom poétique de l'île des Oiseaux du Sud - Minamitorishima – qui pourrait changer la donne sur le marché des terres rares. Le commerce de ces 17 métaux indispensables aux filières de haute technologie est contrôlé à plus de 95 % par la Chine.

Au large de cette langue de terre située au point le plus à l'est du pays du Soleil Levant, sur le plateau continental (qui fait partie de la zone économique exclusive du Japon), l'équipe du géologue Yasuhiro Kato, de l'école d'ingénierie de l'université de Tokyo, a découvert des gisements très riches en terres rares telles que le néodyme, le dysprosium ou l'yttrium. L'examen de 2000 échantillons prélevés sur 78 sites révèle des teneurs supérieures au 0,1 % mesuré en moyenne. En tout, 6,8 millions de tonnes de ces précieux métaux semblent reposer à 5 ou 6 km sous la mer. La consommation japonaise de terres rares a atteint 30 000 tonnes en 2010, soit un quart du total mondial. Si les estimations sont exactes, le Japon peut donc envisager avec sérénité ses approvisionnements pour les deux siècles à venir. Reste que l'extraction sera difficile et coûteuse, avertit un océanographe de l'université de Hawaï, dans la revue Nature, commentant cette découverte. Mais sera-t-elle rentable ? Les industriels du monde entier ont les yeux tournés vers le Japon : depuis 2010, la Chine a drastiquement diminué ses exportations, asséchant le marché et déclenchant une plainte de l'Union européenne, des Etats-Unis et du Japon auprès de l'Organisation mondiale du commerce. Tokyo a désormais peut-être de quoi remettre en question le quasi monopole chinois.

A.Kh. - SCIENCES ET AVENIR N°788 > Octobre > 2012

Terres Rares : l'Usine qui Divise la Malaisie

Tranquillement installé dans son hamac abrité du soleil par la tôle de son cabanon, Syed, pêcheur de crabes, se redresse, mi-inquiet mi-intéressé, quand il comprend, en ce début de mois de mars, que les visiteurs qui marchent sur son ponton sont des militants "anti-Lynas". Autrement dit, des opposants à la gigantesque usine d'extraction de terres rares, quasi terminée, en amont de "sa" rivière.

Au terme d'un processus industriel qui, en Chine, s'est révélé une calamité pour l'environnement, l'usine de la compagnie minière australienne Lynas déversera, une fois en service - en principe d'ici à juin -, 500.000 litres d'eau par heure dans la Sungai Balok, le tranquille cours d'eau qui charrie des flots opaques rougis par l'acidité naturelle des sols. L'estuaire est juste là, à quelque 300 m à l'est, devant le ruban turquoise de la mer de Chine. Comme les autres pêcheurs du lieu, Syed sait surtout de cette usine qu'elle sera "radioaktif", comme on dit en malais. Il n'est pas allé à la grande manifestation d'opposition du 26 février parce que, dit-il, ce sujet a divisé tout le monde ici.

Pour lui, la situation n'a fait que se dégrader depuis la création de la zone industrielle de Gebeng, à proximité. Il ne pêche plus qu'après la marée haute quand la rivière a été "nettoyée" par la mer. Un jour, les poissons sont apparus morts à la surface. Depuis une vingtaine d'années, tourbières et mangroves ont peu à peu cédé la place à des usines de pétrochimie hypersophistiquées, dont on voit les entrelacs rutilants de tuyaux, de citernes et de cheminées derrière des clôtures de haute sécurité. Malgré sa taille imposante - 10 hectares -, le site de Lynas, lui, est presque invisible. On l'aperçoit de la grand-route qui longe la côte est de la Malaisie, à mi-chemin entre Kuantan, capitale de l'état de Pahang, et le Club Med de Cherating. Nos demandes de visite et d'interviews ont été déclinées, tant par Lynas que par la haute commission australienne à Kuala Lumpur.
Lynas est propriétaire en Australie-Occidentale du plus riche gisement au monde de terres rares, Mount Weld. Le "business plan" consiste à faire venir à Kuantan le minerai sous une forme concentrée. Les oxydes de terres rares importés en Malaisie contiendront alors 40 % de terres rares, qu'il faudra broyer puis passer dans divers bains d'acides à très haute température. L'usine consommera 500 m³ d'acide sulfurique et 750 m³ d'acide chlorhydrique par jour. Lynas a indiqué que l'opération coûterait 75 % moins cher en Malaisie, qu'il s'agisse des 350 futurs employés que des matières premières nécessaires à l'extraction. La Malaisie a en outre offert à l'entreprise australienne douze années d'exemption d'impôts dans le cadre d'une politique d'incitation aux investissements étrangers dans les secteurs dits "pionniers". Ce cadeau a choqué un peu plus les opposants au projet qui ne voient que des risques dans cette affaire sans aucune réelle contrepartie.

L'extraction de terres rares est une activité hautement toxique et polluante en raison de certains composés radioactifs et cancérigènes comme le thorium et l'uranium, associés en bloc aux autres minerais recherchés. La Malaisie en a elle-même fait les frais sur un site fermé dans les années 1990, BukitMerah, où la contamination a été mise en évidence par un nombre anormal de nouveau-nés mal formés à proximité de l'usine. À plein régime, Lynas devrait fournir 22.000 tonnes de terres rares par an. Le régulateur malaisien "Malaysian Atomic Energy Licensing Board" a accordé fin janvier son permis d'opérer à Lynas, en lui donnant dix mois pour proposer une stratégie précise sur l'avenir des montagnes de déchets résiduels, 280.000 tonnes par an, dont une partie "faiblement radioactive". Canberra a précisé qu'il était hors de question pour l'Australie de les récupérer. Lynas a lancé une campagne publicitaire nationale pour indiquer que les déchets ne seront pas nuisibles à la santé. L'entreprise a d'abord proposé de stocker sur place ses déchets, mais ni l'espace disponible ni la nature géologique du terrain ne favorisaient cette option. Le premier ministre malaisien Najib Razak a donc décidé de mettre les déchets "ailleurs", sans préciser où, accusant l'opposition de diaboliser le projet pour galvaniser ses troupes à quelques mois des élections générales.
C'est en effet la députée d'opposition Fuziah Salleh qui a été la première à dénoncer les risques et les incohérences du projet. Selon elle, si Lynas a choisi de faire cette usine en Malaisie, alors même que le groupe avait obtenu de longue date la permission d'extraire les terres rares sur son site désertique en Australie, c'est bien pour ne pas devoir se soumettre aux 41 conditions de respect de l'environnement imposées en Australie. "Ici, on est au bord de la mer, sur une tourbière, dans un climat de mousson : les risques de contamination sont immenses. Mais comme la Malaisie est moins chère et moins exigeante sur la protection de l'environnement, Lynas s'installe chez nous ! On est des rats de laboratoire", s'insurge la députée. À l'une des tables d'une petite cantine locale à Gebeng, un ingénieur d'une usine voisine affirme connaître plusieurs histoires "de l'intérieur" qui discréditent le sérieux du projet sur le plan technique. Il les tient de collègues qui y travaillent. Selon lui, le réseau d'approvisionnement d'eau a cassé à cause de l'instabilité du sous-sol et il y a un gros problème de perméabilité dans les citernes qui contiendront l'acide. Le bulletin spécialisé Critical Metals Report de mars rapporte que "Lynas a été accusé de manière crédible de chercher à faire des économies à tout prix". Deux actions en justice ont été lancées pour tenter d'empêcher l'ouverture de l'usine. L'autre espoir des opposants est de voir l'opposition gagner les prochaines élections, car elle s'est engagée à faire avorter le projet. "C'est fondamentalement une question de morale", estime l'ancienne présidente du barreau Sambiga Sreenevasan. "Comment l'Australie peut-elle permettre à une de ses entreprises de faire chez nous ce qu'elle n'aurait pas le droit de faire chez elle ?"

Florence de Changy - LE MONDE > 15 Mars > 2012

Pourquoi la Chine restreint ses Exportations de Terres Rares

Les États-Unis, l'Union européenne et le Japon ont porté plainte, mardi 13 mars, contre la Chine auprès de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) pour ses pratiques "déloyales" sur les exportations de métaux appelés "terres rares".

Les États-Unis ont requis de l'OMC des "consultations" avec Pékin concernant les restrictions imposées sur le commerce international "des terres rares", ces 17 métaux indispensables à la fabrication de nombreux produits de haute technologie : ampoules basse consommation, disques durs, téléphones portables, éoliennes, voitures hybrides... Les terres rares sont également des composants essentiels de l'industrie de la défense, ce qui inquiète particulièrement les États-Unis. En 2009, les États-Unis, l'Union européenne et le Mexique avaient déjà déposé plainte contre la Chine à l'OMC pour entrave à l'exportation sur plusieurs produits miniers. Le 1er février dernier, le géant asiatique, qui avait été jugé coupable en 2011, a vu sa condamnation confirmée en appel, ce qui a incité les pays gros consommateurs à s'attaquer, cette fois, aux terres rares.

DES RAISONS ÉCOLOGIQUES ET STRATÉGIQUES

Depuis 2006-2007, la Chine a en effet intensifié le contrôle sur la production de ces métaux si précieux. D'abord pour des raisons écologiques : leur exploitation est très polluante, elle libère des matières radioactives et de l'acide. "Pendant trente ans, la Chine ne s'est pas souciée des conséquences environnementales, mais depuis quelques années, la situation évolue, et les autorités sont en train de mettre en place des normes encadrant cette industrie", estime John Seaman, chercheur à l'Institut français des relations internationales, spécialiste de la politique énergétique en Chine et des terres rares. "Mais les raisons principales de ce resserrement des exportations sont stratégiques. Le dernier plan quinquennal chinois montre une très forte volonté de développer des industries de plus en plus sophistiquées, des produits à haute valeur ajoutée", analyse Christian Hocquard, spécialiste des terres rares au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). La Chine se considère trop dépendante aux exportations, elle veut favoriser sa consommation intérieure, qui ne représente que 30-40 % de son PIB (contre 70 % aux États-Unis). Et la pression de la société chinoise pour que les salaires augmentent est forte.

95 % DU MARCHÉ JUSQU'EN 2015

"Les Chinois ne veulent pas augmenter la production de terres rares, or ils prévoient d'en consommer une part croissante. Les quantités disponibles pour l'exportation vont donc diminuer, analyse Christian Hocquard. Il n'y aura peut-être plus d'entrave à l'exportation, puisqu'il n'y aura plus d'exportation. La procédure de l'OMC va durer des années, et la Chine pourra encore faire appel. D'ici là, peut être que la plainte n'aura même plus lieu d'être", estime l'économiste. "Il y a des réserves de terres rares un peu partout dans le monde, mais seuls les Chinois ont compris l'importance de ces matériaux, et ce dès les années 1980", estime John Seaman. Les autres pays ayant des réserves ont longtemps considéré qu'il était moins cher - et moins polluant - de se fournir en Chine. Or, la chaîne de production est longue à développer : il faut réaliser des études géologiques, mettre en place les règles environnementales, etc. En 2012, seules deux nouvelles mines devraient ouvrir, une en Australie et une aux États-Unis, mais aucune des deux ne va produire les 17 métaux des terres rares. Elles ne produiront que les composants les plus légers, qui sont les plus communs. Jusqu'en 2015, la Chine jouira ainsi d'un quasi-monopole, avec un tiers des réserves accessibles et plus de 95 % du marché.

Anne-Gaëlle Rico - LE MONDE > 14 Mars > 2012

Les Terres Rares Abondent au Fond du Pacifique

Les terres rares le sont de moins en moins !

Yasuhiro Kato et ses collègues de l'université de Tokyo (Japon) viennent de mettre au jour d'immenses gisements dans l'océan Pacifique, entre 3500 et 6000 m de fond, de ces minerais indispensables aux industries de haute technologie (écrans plats et voitures électriques en dépendent). Plus de 2000 échantillons de sédiments marins, issus de 78 sites de forage, ont été analysés. Résultat ? Les teneurs en terres rares de ces boues des profondeurs sont comparables, voire supérieures, à celles des gisements à terre. L'activité hydrothermale de la ride médio-océanique explique ces concentrations élevées : les terres rares sont adsorbées sur des particules d'oxyhydroxyde de fer libérées au niveau des évents (cheminées sous-marines), puis dispersées par les courants avant de se déposer sur le fond. Et la taille de ces réserves dépasserait celle des gisements connus en surface. "Un seul kilomètre carré entourant l'un de ces sites pourrait produire un cinquième de la consommation mondiale annuelle de ces éléments", écrivent les chercheurs. Si exploiter cet eldorado sera compliqué, cette découverte revêt un intérêt géostratégique majeur à l'heure où la Chine jouit d'une position de quasi-monopole dans la production de ces éléments précieux.

LES MULTIPLES USAGES DES TERRES RARES
En 2010, l'industrie mondiale a consommé environ 112.000 tonnes de terres rares.
Chacun de ces métaux a ses usages. Le néodyme, par exemple, sert à isoler des composés électroniques, à amplifier la puissance des lasers, et entre dans la composition des aimants qui équipent les éoliennes. On en trouve aussi dans les casques et les enceintes audio haut de gamme, ou encore dans les moteurs des disques durs. Le lanthane, lui, permet de fabriquer des lentilles optiques très performantes pour les appareils photos et les télescopes. Le praséodyme colore les verres de lunettes de soleil, et entre dans la composition d’alliages très résistants, indispensables pour fabriquer les moteurs d’avion. Et le cérium est utilisé dans les pots déchappement des voitures diésel pour réduire les émissions nocives. Quant aux autres métaux, on les trouve aussi bien dans les panneaux solaires que les ampoules à économie d’énergie, les électrodes des batteries ou les appareils à rayons X des hôpitaux.

E.L. - SCIENCE & VIE JUNIOR N°264 > Septembre > 2011

C.H. - SCIENCE & VIE > Septembre > 2011

La Chine n'a Pas Volé ses Terres Rares

La crise est sérieuse mais était évitable. Le reste du monde n'a pas voulu se salir les mains.

Vous avez aimé le choc pétrolier de 1973, lorsque les principaux pays producteurs avaient brutalement fermé les robinets ? Voici venu le "choc des terres rares"..., du nom d'un groupe de 17 minerais métalliques (samarium, europium, néodyme...) remarquables pour leurs propriétés magnétiques, thermiques ou mécaniques. Des propriétés devenues si nécessaires que d'aucuns imaginent le monde trembler autant qu'en 1973 si la pénurie s'installait. La crise est donc sérieuse mais elle était parfaitement prévisible et évitable !

Un comble. Car, comme pour le pétrole, le manque de terres rares peut ébranler notre société. Juste bonnes autrefois à fabriquer de la pierre à briquet, elles sont devenues indispensables à nos technologies. Mine de rien, sans elles, pas ou peu d'appareils électroniques, plus d'ampoules basse consommation ni de voitures hybrides ou d'éoliennes, on en passe. Alarmant, n'est-ce pas ? Or, les terres rares ont une autre particularité : celle d'être produites à... 97 % par la Chine. Et le pire est arrivé fin décembre : la Chine a annoncé une réduction de 35 % de ses exportations au cours du premier semestre 2011. L'indignation est générale. États-Unis, Japon, Europe dénoncent un abus de position dominante. Peut-être... Mais tous oublient qu'ils ont fait preuve d'une passivité coupable en laissant se développer, durant des décennies, cette dépendance édifiante ! Car, au juste, les terres rares ne le sont pas, rares. De fabuleux gisements parfaitement identifiés dorment aux États-Unis, au Canada, en Australie et au Vietnam, sans parler de la Russie. Soyons clairs : le monde pourrait très bien se passer de la Chine ! D'ailleurs, des années 1960 jusqu'au début des années 1990, la première source mondiale de terres rares se situait à moins de 100 km de Las Vegas, à Mountain Pass. Or, depuis dix ans, il ne sort plus rien de cette mine géante... qui est pourtant loin d'être tarie ! Il a juste manqué ici un soupçon de vision stratégique à long terme, quand les dirigeants chinois, informés des perspectives offertes par ces métaux, multipliaient, eux, les programmes de recherche. On connaît la suite. La Chine contrôle toute la filière, de l'extraction à la fabrication des alliages high-tech, en passant par les journaux scientifiques qui leur sont dédiés.
Il y a plus atterrant : cette stratégie lisible a laissé le reste du monde sans réaction en dépit des courbes de consommation affolantes. D'accord, les coûts pratiqués en Chine sont imbattables... Sauf que cette approche financière est discutable : la performance de nos équipements militaires dépend aussi du samarium. Oui, c'est vrai, l'extraction des terres rares est particulièrement sale, elle se pratique à coups d'acides et laisse derrière elle des montagnes de minerai radioactif. Or, on sait limiter les dégâts, mais il faut y mettre le prix. Eh oui, produire des terres rares, c'est laborieux et onéreux... Seule la Chine a voulu mettre les mains dans le cambouis. Et maintenant ? Le réveil s'annonce douloureux vu que la mise en production d'un gisement exige de sept à quinze ans. Mais, cela aussi, on le savait déjà...

Vincent Nouyrigat - SCIENCE & VIE > Mars > 2011
 

   
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