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Gravitation : elle ne Serait qu'une Illusion

 Pas de Gravité dans ce Monde ?

Si la gravitation n'est pas une force fondamentale, c'est toute la réalité, des pommes qui tombent aux planètes qui tournent, qui est remise en question.

Accrochez vos ceintures, le sujet de couverture de ce numéro de S&V va vous conduire aux plus hauts sommets de la réflexion de la physique fondamentale. Trop haut, trop difficile ? Nous prenons le pari du contraire. Notre ambition n'est pas de faire de chacun de nos lecteurs un prix Nobel en puissance, mais de parvenir à expliquer aux esprits curieux, et en termes aussi simples que possible, les raisonnements des plus éminents spécialistes pour penser le monde. Venons-en au fait.
En ce monde, chaque chose a une masse qui, sujette à la gravité, pèse incontestablement de tout son poids. Un poids variable selon que l'on se trouve sur le plancher des vaches (tout y est plus lourd), au sommet des montagnes (la gravité y est moindre), ou ailleurs. Tout le monde le sait depuis toujours, ou presque, et mieux encore depuis que Newton l'a théorisée en termes on ne peut plus formels : la gravité s'impose à tout et à tous, des pommes qui chutent aux planètes qui tournent, avec une force inversement proportionnelle au carré de la distance des corps qui s'attirent immanquablement. Gravité oblige. Voilà qui est dit et bien dit. Personne ne trouvera d'ailleurs à y redire, pas plus Einstein avec sa relativité que tous ceux qui tenteront de représenter le monde au sein d'un modèle unifié : la gravitation est inscrite au cour de la matière qui lui est congénitalement liée. Fermez le ban.
Tout irait pour le mieux dans cet élégant ballet cosmique si les derniers développements de la physique ne demeuraient pas incapables d'intégrer cette mystérieuse force dans une vision cohérente du monde. Faut-il s'en affranchir ? L'un des plus éminents théoriciens vient de franchir le pas. Au nez et à la barbe de ses illustres prédécesseurs, il soutient que la gravitation n'émane pas de la matière, n'a pas d'existence en elle-même et que l'on se trompe en la considérant comme une force fondamentale. Les conséquences ? Elles sont énormes. Oubliez la gravitation et vous verrez alors le monde se désagréger devant vos yeux. Vous n'aurez alors plus accès qu'à son image, à la manière des hommes enchaînés dans la caverne imaginée par Platon. Un voyage vertigineux qui conduit au-delà du réel.

SCIENCE & VIE > Septembre > 2010

 Gravitation : elle ne Serait qu'une Illusion

La conception radicalement nouvelle de la gravitation que vient de proposer un chercheur néerlandais tonne comme un coup de tonnerre dans la physique théorique : elle rompt avec tout ce qui a été imaginé depuis 350 ans ! La force qui fait tomber les pommes ne serait-elle qu'un mirage ? Voilà de quoi ranimer le vieux débat houleux sur le rapport entre physique et la réalité.

"Pour moi, la gravitation n'est pas une force fondamentale". Elle fait tomber les pommes et tourner les planètes. Elle nous fait sentir pesant, les pieds sur terre, en prise avec le monde qui nous entoure. En ce cens, quoi de plus robuste, de plus réel pourrait-on dire, que la gravité ? Depuis la naissance de la science moderne, au XVIIe siècle, les physiciens n'ont d'ailleurs jamais cessé de décrire cette force comme faisant partie des fondements de notre monde. Certes, le concept a varié au cours des siècles. Mais, entre la théorie universelle d'Isaac Newton, la théorie de la relativité générale d'Albert Einstein et la théorie des cordes, en vogue depuis trente ans, la gravitation n'a jamais cessé d'être considérée comme une interaction réelle et fondamentale, l'émanation irréductible de la matière qui constitue notre monde.

LA GRAVITATION SELON LA THÉORIE DE NEWTON - Dans sa théorie universelle de la gravitation publiée en 1687, Isaac Newton postule que tout corps matériel est un "centre de pesanteur" qui soumet l'ensemble des autres corps à une force dirigée vers lui. L'intensité de cette force de gravitation varie suivant la masse des corps et le carré de la distance qui les sépare.
...OUI, MAIS - Plusieurs questions ne cesseront de préoccuper les contemporains de Newton et leurs successeurs pendant plus de 200 ans. La théorie du savant anglais ne précise en effet aucunement le support physique permettant à cette force de se propager d'un corps à un autre, ni comment elle fait pour agir instantanément, quelle que soit la distance séparant les corps matériels.
LA GRAVITATION SELON LA THÉORIE D'EINSTEIN - Les difficultés soulevées par la théorie newtonienne sont résolues en 1916 par la relativité générale d'Albert Einstein. Cette théorie indique que toute matière déforme la trame de l'espace-temps, un peu à la manière d'un poids qui creuse le drap sur lequel il est posé. La force de gravitation se confond alors avec cette déformation spatio-temporelle, qui impose aux corps qui la traversent une modification de leur trajectoire.
...OUI, MAIS - Les physiciens se rendent rapidement compte que cette nouvelle théorie de la gravitation n'est pas compatible avec la mécanique quantique, la théorie de l'infiniment petit découverte durant les années 1920. La relativité générale est donc incapable de décrire les phénomènes gravitationnels microscopiques, ainsi que ceux ayant cours dans un trou noir où s'étant produits au moment du big-bang.
LA GRAVITATION SELON LA THÉORIE DES CORDES - La théorie des cordes, qui prend son véritable essor au début des années 1980, réussit à intégrer les exigences de la relativité générale et de la théorie quantique. Elle postule que les particules médiatrice de la force de gravitation émanent des vibrations de minuscules cordes dans un espace-temps particulièrement tordu. C'est en échangeant ces particules que deux corps s'attirent mutuellement.
...OUI, MAIS - Tout en offrant un cadre un gigantesque pour décrire tous les types de forces, cette théorie des cordes n'en décrit pour l'instant aucune précisément. Par ailleurs, aucune expérience ne permet d'accréditer l'existence des cordes.

CASSE-TÊTE POUR THÉORICIENS

Le pavé que vient de lancer Erik Verlinde dans la mare de la physique n'en est que plus énorme. D'après ce chercheur de l'Institut de physique théorique de l'université d'Amsterdam, il serait temps de repenser notre vision de la gravité. Spécialiste mondialement reconnu de la théorie des cordes, il considère aujourd'hui que la physique fait fausse route et propose un changement de perspective doublement radical. Non, la gravitation n'est pas une force fondamentale : à l'instar de la force de pression au sein d'un ballon, qui n'a d'existence qu'à notre échelle, en tant que propriété collective des atomes du gaz enfermé, mais qui s'évanouit dès que l'on s'aventure dans l'intimité moléculaire de cette matière, la gravité serait la manifestation macroscopique de phénomènes microscopiques sous-jacents. Pis encore ! Alors que la pression résulte de chocs mécaniques entre particules matérielles, la gravitation ne serait plus que l'avatar d'une abstraction quasi immatérielle, le résultat émergent d'un flux de phénomènes se déroulant à un niveau plus profond que ce que nous appelons la réalité. Pour Erik Verlinde, la force qui fait tomber les pommes ne serait donc pas loin d'être une vaste illusion...
Délirant ? Pas si on se souvient que la force de Newton et d'Einstein, si familière soit-elle, reste un véritable casse-tête pour théoriciens. Comme l'indique Emilian Dudas, au Centre de physique théorique de l'Ecole polytechnique, à Palaiseau, "les trois autres forces, l'électromagnétisme et les interactions nucléaires faible et forte, sont bien décrites comme des interactions fondamentales, associées chacune à un quanta de force, dans le cadre unifié du modèle standard. La gravitation, elle, est plus mystérieuse". Le problème est de trouver une description de cette gravitation qui intègre à la fois les exigences de la relativité générale et de la mécanique quantique, indispensable pour décrire les phénomènes microscopiques. Autrement dit, il faut trouver une théorie de la gravitation valable dans l'infiniment petit. Hervé Partouche, au même laboratoire, ajoute : "Historiquement, la logique a toujours consisté à unifier les forces fondamentales dans un cadre unique. L'idée de départ était donc d'appliquer à la gravitation le même programme que pour les autres forces : quantifier et unifier. Mais jusqu'ici sans résultat réellement probant".

ABSTRAIRE LE MICROSCOPIQUE

De là à rayer la gravitation de la liste des interactions fondamentales ? Après tout, une telle solution ouvrirait une piste nouvelle pour aborder ce problème d'incompatibilité : si la gravitation devient une force émergente, il n'y a plus de raison de vouloir quantifier la relativité générale. Celle-ci décrivant alors un phénomène collectif macroscopique, il est en effet possible qu'elle achoppe bien avant la frontière du monde quantique.
Pour le théoricien néerlandais, voici en fait une quinzaine d'années que des indices théoriques plaident en ce sens. Ainsi, en 1995, dans un article demeuré célèbre, Ted Jacobson, au département de physique de l'université du Maryland, a montré que la relativité générale présente une similitude frappante avec la thermodynamique. Plus précisément, l'équation d'Einstein qui relie la courbure de l'espace-temps à son contenu matériel peut être interprétée comme un type d'équations bien connu des thermodynamiciens, les "équations d'état". A la base du succès de la thermodynamique, elles décrivent les propriétés de tout système physique en faisant abstraction de ses détails microscopiques. C'est en effet en oubliant qu'un gaz est une assemblée de molécules bougeant en tous sens que ces équations peuvent relier sa pression, son volume et sa température, autant de paramètres qui n'émergent qu'au niveau macroscopique. Cette ressemblance n'invite-t-elle pas alors à repenser la gravitation comme un phénomène émergent et non comme une force fondamentale ? Cette analogie a du reste été poussée plus avant depuis 2002 par Thanu Padmanabhan, au Centre interuniversitaire d'astronomie et d'astrophysique, à Pune, en Inde, qui ajoute : "En 2002, lorsque j'ai commencé à m'intéresser à cette problématique, je pensais que l'analogie entre thermodynamique et relativité générale n'était probablement qu'un accident formel. Mais désormais, je pense qu'elle traduit un lien profond".
Si ces indices permettent de comprendre comment Erik Verlinde en est venu à contester le caractère fondamental de la gravitation, pourquoi remettre en question son lien avec notre monde matériel ? Le théoricien s'inscrit ici dans la lignée de travaux entrepris au début des années 1970 sur la thermodynamique des trous noirs. Cette première rencontre entre la thermodynamique et la gravité mena à un résultat tout à fait étonnant : en tâchant de comprendre ce que devient la matière absorbée par ces monstres gravitationnels, des physiciens aussi prestigieux que Jacob Bekenstein et Stephen Hawking ont été conduits à montrer que la quantité d'informations engloutie dans un trou noir est toujours proportionnelle à l'aire de son horizon, cette région au-delà de laquelle plus rien, pas même la lumière, ne peut échapper à son attraction. Autrement dit, ce qui est contenu dans ce volume d'espace est intégralement décrit à sa surface.

COMME UN HOLOGRAMME

Étrange découverte ! L'horizon d'un trou noir ressemblerait donc à un hologramme : à l'instar de ces images que l'on croit tridimensionnelles mais qui ne sont que les reflets d'un objet à deux dimensions, tout ce qui se passe à l'intérieur est inscrit sur son enveloppe. Ce résultat a par la suite été considéré comme si fondamental que Gerard Hooft, à l'université d'Utrecht, en 1993, et Leonard Susskind, à l'université de Stanford, en 1995, ont proposé d'en faire un principe, le "principe holographique". Celui-ci postule que la description complète de tout système physique occupant une région de l'espace peut être donnée par une théorie définie sur la seule frontière de cette région. Même si cela va à l'encontre du bon sens - comme si on pouvait tout connaître de l'intérieur d'une maison en n'inspectant que ses murs -, les théoriciens aiment aller au bout de la logique imprimée par leurs équations, aussi étrange soit-elle.
Cette vision fut précisée dès 1997, à travers une retentissante démonstration mathématique. Juan Maldacena, de l'Institut des études avancées de Princeton, montra que, dans certains univers théoriques simplifiés, tous les effets que l'on pourrait attribuer à la force de gravitation peuvent également être décrits comme se déroulant sur la frontière de ces univers, où il n'y a pourtant aucune trace de gravitation ! En s'exonérant des conditions restreintes qui ont permis d'établir cette correspondance, il est alors tentant d'étendre ce résultat à notre propre monde. De faire comme si notre Univers n'était qu'un hologramme. Et d'interpréter notre bonne vieille attraction terrestre comme le résultat d'événements se déroulant sur le vaste écran bidimensionnel qui nous enveloppe, où il n'y a nulle trace de gravité.
Pour Erik Verlinde, tous ces signes indiquent qu'il est temps de revoir de fond en comble la théorie de la gravitation. Il exhorte à en finir avec l'idée de partir d'hypothétiques corpuscules fondamentaux censés produire cette attraction. Et à accepter que ce qui fait tomber les pommes est un phénomène d'ordre à la fois émergent et holographique. Concrètement, que propose-t-il ? De partir tout d'abord, d'un écran contenant des informations sur la constitution de notre Univers. Quelle est la nature de cet écran ? Comment sont codées les informations ? Quid de son contenu précis ? Aucune importance ! Seule compte l'idée issue du principe holographique selon laquelle cette quantité d'information est proportionnelle à l'aire de l'écran. A cela, il ajoute l'existence de notions très générales sur le temps, l'énergie, la masse, l'énergie. Il assemble ensuite ces ingrédients sous la forme de quelques équations à la portée d'un étudiant de master, d'où il fait finalement découler le plus naturellement du monde... les équations newtoniennes de la gravitation. Cela ressemble à un tour de magie : alors que la gravité ne faisait, a priori, pas partie de la liste de ses ingrédients, il la trouve présente à la fin de sa recette ! Et, cerise sur le gâteau, elle est accompagnée de l'autre grande équation de la dynamique newtonienne, la relation fondamentale de l'inertie reliant l'accélération d'un corps à la force qui lui est appliquée.
Plutôt que de suivre ces calculs dans le détail, Erik Verlinde invite à embrasser cette nouvelle perspective, où des perturbations dans les informations contenues sur son écran se traduisent par une force de gravitation entre masses au sein de notre Univers. "Mon argumentation est fondée sur l'hypothèse qu'il existe des paramètres, peu importe lesquels, évoluant dans un espace abstrait et encodant une certaine quantité d'information, tente-t-il de résumer. Et que cette information est influencée par un changement de position des objets possédant une masse. Par réaction aux modifications de l'infonnation dans l'espace des paramètres est associée une force. Le challenge est de monter qu'elle prend la forme de la force de gravité."
Comment se représenter concrètement un tel effet ? Comment imaginer qu'une force se déploie sans ressort matériel ? Pour le comprendre, Verlinde propose une analogie empruntée à la physique des polymères. La thermodynamique nous explique qu'à l'équilibre, cette longue molécule en forme de spaghetti adopte la forme d'une pelote : ni complètement ratatinée, ni complètement allongée. Pourquoi ? Parce que de toutes les configurations microscopiques qu'elle peut adopter, une majorité écrasante conduit à cette allure générale. Les themodynamiciens disent qu'elle maximise son entropie, ou son désordre. Mais que se passe-t-il si l'on tire sur ce polymère, l'éloignant de sa forme d'équilibre ? Il réagit en opposant une force, qui a tendance à le ramener à l'état de pelote. Or une telle force, dite entropique, n'a pas d'autre raison d'être que la tendance du polymère à retourner vers ses configurations microscopiques les plus probables. Pour Erik Verlinde, la gravité serait semblable à cette force entropique : "Comme en thermodynamique, la gravitation surgit de la tendance du système à retourner vers son état d'équilibre."

ENTHOUSIASME ET... SCEPTICISME

Si, pour le profane, la sauce est indigeste, force est de constater que les idées de Verlinde ont déjà fait le tour du monde, chaque spécialiste des interactions fondamentales ayant au minimum entendu parler de son article. Et pour cause. Comme l'indique Costas Bachas, au Laboratoire de physique théorique, à l'Ecole normale supérieure, à Paris, "il est évident que Verlinde n'est pas quelqu'un qui spécule sans réfléchir profondément aux choses". Ce qui n'empêche pas les spécialistes d'osciller entre enthousiasme, respect prudent et un certain scepticisme. Comme Ted Jacobson, qui affirme simplement : "Je ne comprends pas son papier". D'autres, comme Renaud Parentani, du Laboratoire de physique théorique, à Orsay, émettent des réserves : "Verlinde a-t-il exploré l'ensemble des conséquences nécessaires si on prend au sérieux ses hypothèses ?, s'interroge le physicien. Ne va-t-il pas être confronté à des prédictions qui les mettent à mal ?" Sans compter que dans sa version actuelle, ce travail se contente de redécouvrir les lois de Newton, supplantées depuis presque 100 ans par celles d'Einstein. D'aucuns ne manquent pas aussi de faire remarquer que Jacobson avait redécouvert la théorie einsteinienne de la gravité à partir de la thermodynamique, sous-entendant que Verlinde n'apporte pas grand-chose de nouveau.
Pour légitimes que soient ces critiques, d'autres physiciens préfèrent insister sur le souffle nouveau véhiculé par les idées de Verlinde. C'est le cas de George Smoot, cosmologiste et lauréat du prix Nobel de physique 2006, qui explique : "Lorsque vous lisez les travaux de Jacobson, ce dernier semble impressionné de dériver la relativité générale des lois de la thermodynamique. Verlinde assume directement une connexion profonde et essaie de montrer que l'on peut obtenir tout ce que l'on souhaite sur la gravité et les lois du mouvement de la sorte". Carc'est bien là le point central : Verlinde ne prétend pas proposer clé en main une théorie cohérente et précise. Mais un nouveau chemin dont il s'agira de montrer qu'il mène bien au-delà des lois de Newton, qu'il évacue l'incompatibilité entre la relativité générale et la mécanique quantique, voire qu'il résout des problèmes cosmologiques jusqu'ici insolubles (encadré). Un chemin qui rejoint celui tracé depuis un siècle et demi par quelques physiciens qui veulent faire de la notion d'information le concept fondamental de toute la physique théorique (voir article suivant).

À LA CLÉ : LES DEUX GRANDS MYSTÈRES DE LA COSMOLOGIE
Pour érik Verlinde, il s'agit de s'attaquer aux deux plus grands mystères de la cosmologie actuelle. Le big-bang, que l'actuelle théorie de la gravitation remplace par une singularité mathématique sans signification physique. Et l'expansion accélérée de l'Univers, découverte en 1998, dont on peut rendre compte en ajoutant aux équations de la relativité générale la "constante cosmologique", mais dont l'origine et la nature restent inconnues. Récemment, le physicien Georges Smoot a montré qu'en considérant l'information holographique stockée sur la frontière de l'univers, cela conduit naturellement à l'apparition, dans les équations, d'un terme ressemblant à s'y méprendre à une constante cosmologique. Terme pouvant s'interpréter comme une force entropique, ainsi que le propose Verlinde pour la gravitation. Comme l'indique le théoricien néerlandais, "tout cela requiert une analyse plus précise de l'histoire de l'expansion de l'univers". Mais il est optimiste : "je suis convaincu que mes idées vont permettre de mieux comprendre ce qui fait que l'univers est ce qu'il est aujourd'hui".

Pour l'heure, il est trop tôt pour prendre cette nouvelle théorie pour argent comptant. Mais, comme ajoute Hervé Partouche : "Verlinde reprend la substance de la logique de Jacobson en termes plus abstraits, plus généraux. Du coup ça semble plus simple, plus évident et donc plus inévitable". Ce à quoi Lee Smolin, à l'Institut Perimeter, au Canada, conclut : "Les arguments de Verlinde élargissent la perspective ouverte par Jacobson".
Reste à voir sur quoi cela débouchera concrètement. Car comme le fait remarquer Costas Bachas, "pour un physicien, on ne peut parler de révolution qu'à partir du moment où l'on se trouve en face de quelques équations très précises prédisant quelque chose de nouveau. Pas si on se contente de réécrire en des termes différents quelque chose de connu. Pour l'heure, il y a quelques idées. Nous verrons si elles feront partie d'une histoire plus complète à l'avenir."
Si tel est le cas, la force qui fait tomber les pommes perdrait son statut d'interaction fondamentale pour devenir la manifestation, dans notre Univers, des évolutions d'une information encodée Dieu sait où ! C'est alors toute la physique qui en serait bouleversée. Censée décrire les évolutions d'entités bien réelles, aussi petites soient-elles, elle deviendrait le moyen de constater que la matière, les galaxies, les atomes, l'homme... n'ont peut-être par d'autre réalité que l'information qui les décrit. Et notre vision du monde en sortirait métamorphosée : ce que nous prenons pour la réalité ne serait finalement qu'un gigantesque hologramme, projeté par un immense écran qui enveloppe notre Univers... Le vertige ne fait que commencer.

M.G. - SCIENCE & VIE > Septembre > 2010

 Quand la Physique cherche à s'Affranchir de la Réalité...

Depuis le XIXè siècle, des physiciens francs-tireurs ont défendu l'idée que l'information est le concept fondamental de la physique théorique. Retour sur un débat de plus en plus brûlant.

"It from bit". Les travaux de Verlinde qui font sortir la gravitation d'une sorte d'écran d'hologramme semblent vouloir concrétiser la célèbre formule du physicien américain John Archibald Wheeler, selon laquelle "tout provient de l'information". Plutôt qu'une force fondamentale d'origine matérielle, Erik Verlinde propose en effet de considérer que la force de gravité émerge d'un maelstrom d'informations crépitant sur la frontière de notre univers. La vision est enivrante : à l'instar des mondes virtuels s'affichant à l'écran des ordinateurs, chaque élément du monde - particule, champ, force, espace-temps - émergerait d'un processus de traitement de 0 et 1. Ce que nous prenons pour la réalité, ce monde alentour avec ses planètes qui tournent et ses pommes qui tombent, ne serait qu'une sorte d'hallucination, un mirage issu d'un flot confus d'informations.

DES PHYSICIENS FIÉVREUX

On comprend que cette proposition fasse quelques remous parmi les spécialistes des théories de la physique fondamentale. D'autant que, si tout le monde comprend intuitivement ce qu'est de l'information, personne n'a pu jusqu'ici la définir clairement. De quoi est-elle faite ? Qui l'émet ? Qui la transporte ? Qui la reçoit ? Même ces questions élémentaires font polémique ! Pour les uns, aussi mal définie soit-elle, l'information est un paramètre essentiel de la physique qu'il faut intégrer au plus vite aux théories fondamentales comme la mécanique quantique et la relativité générale. Pour les autres, plus sceptiques, si le concept est vague, c'est justement qu'il n'a pas d'existence... ailleurs que dans l'esprit (mal tourné) des premiers, et qu'il faut l'exclure à tout prix de la physique, censée parler du monde réel.
Derrière ce débat, il est cependant un phénomène que nul ne conteste : depuis cent cinquante ans, un courant "informationnel" se répand dans tous les domaines de la physique. Comment une entité aussi mal taillée a-t-elle pu envahir cette science dure ? C'est l'effet d'un long combat, de prises de bec et de coups de génie.
Dès sa première manifestation, à la fin du XIXè siècle, cette notion a donné la fièvre aux physiciens. A l'époque, on ne parlait pas "d'information", mais c'était tout comme. Le mot était alors "probabilité" et c'est James Clerk Maxwell qui l'a prononcé le premier : en 1859, alors que la physique nageait en plein newtonisme - du type "tout phénomène physique doit être expliqué par une cause physique bien déterminée" -, le savant écossais se met à reformuler la thermodynamique sur la base de la théorie des probabilités. Pour lui et pour l'Autrichien Ludwig Boltzmann, qui achèvera cette refondation dans les années 1870, la température d'un gaz est liée aux probabilités de mouvements des particules qui le composent.
"Cela a terriblement choqué, souligne Anouk Barberousse, chercheur à l'Institut d'histoire et philosophie des sciences et technique de Paris-I. Car pour la majorité des savants de l'époque, les probabilités étaient un concept purement subjectif reflétant l'ignorance du physicien face à la nature". En physique classique, en effet, la probabilité d'un phénomène exprime non pas son existence réelle mais sa possibilité de survenue, étant donné les informations dont dispose le physicien. Par exemple, si un astronome dit qu'il y a 1 % de chances qu'une grosse météorite heurte la Terre d'ici à 2100, c'est qu'il ne détient pas assez d'informations pour avoir une certitude : cette probabilité est liée à son ignorance. La météorite, elle, nous heurtera à 100 % ou ne nous heurte pas - "elle nous heurte à 1 %" n'est pas une option du monde réel. Or, aux yeux des contemporains de Maxwell et Boltzmann, leur interprétation des équations thermodynamiques semble dire le contraire : la température d'un gaz, propriété bien palpable, serait liée à l'état d'ignorance du physicien...

ÉREINTÉ PAR LES ATTAQUES

C'en est trop ! De nombreux physiciens s'insurgent contre cette atteinte intolérable à leur exigence d'objectivité. Mais Maxwell et Boltzmann persistent : "L'idée de la dissipation de l'énergie est relative à l'extension de nos connaissances", ose le premier, tandis que le second, sûr de lui mais éreinté par les attaques se suicide en 1906 son attachement aux probabilités lui vaudra l'inscription de sa formule sur le marbre de sa pierre tombale.
Cette interprétation statistique de la thermodynamique finit cependant par s'imposer au début du XXè siècle, avec la démonstration de l'existence des atomes : pragmatiques, les physiciens reconnaissent que les probabilités sont le seul moyen pour raisonner sur des milliards de particules à la fois. "Mais la dispute sur la nature subjective ou non des probabilités ne s'est pas tarie, souligne Anouk Barberousse. On la retrouve aujourd'hui avec l'information." Car à partir des années 1930, "des physiciens comme Léo Szilard, puis Léon Brillouin, lient les concepts de probabilité et d'information dans une équation, explique Gilles Cohen-Tannoudji, ancien physicien du CEA. Ils définissent l'information contenue par un système physique en fonction des probabilités des états de ses constituants microscopiques". Voilà donc les deux concepts mariés. Et l'information hérite de la polémique...

THÉORIE "INCOMPRÉHENSIBLE"

Mais le débat ressurgit violemment avec l'entrée en scène, dans les années 1930, de la plus formidable théorie du XXè siècle : la physique quantique. Cette théorie, qui s'exprime en termes de probabilités, "est incompréhensible, comme le reconnaît le "quanticien" Michel Le Bellac, professeur émérite à l'université de Nice, même si l'on sait parfaitement l'appliquer et qu'elle n'a jamais été prise en défaut". Que dit-elle ? Qu'avant toute mesure, l'état d'une particule est intrinsèquement indéterminé : elle est représentée sous la forme de plusieurs états, définis chacun par une probabilité (de position, de vitesse, d'énergie, etc.). Le mot qui fâche est à nouveau lâché... Les querelles reprennent !
D'un côté, avec Einstein, on agite l'argument d'ignorance : si la théorie parle de probabilités, c'est qu'elle donne des informations imparfaites sur la réalité. "Je suis fermement convaincu, écrit-il, que le caractère essentiellement statistique de la théorie quantique est seulement dû au fait qu'elle opère avec une description incomplète des systèmes physiques". Pour les tenants de cette position réaliste, il faut donc chercher à la compléter, et ne pas s'arrêter à cette description vague due à notre méconnaissance. De l'autre côté, avec Niels Bohr, la position est plus exotique - mais elle s'imposera : "Il n'y a pas de monde quantique" écrit Bohr, il y a seulement une description quantique abstraite. Il est erroné de penser que la tâche de la physique est de savoir ce qu'est la Nature. La physique s'occupe de ce que nous pouvons dire sur la Nature". La physique décrit-elle le monde en soi ou ce que l'on en sait ? Entre les années 1930 et 1950, les pro-Einstein et les pro-Bohr s'affrontent ouvertement... jusqu'au dégoût - "Je n'aime pas la mécanique quantique, je suis désolé, je n'ai jamais eu rien à voir avec elle", dira même ironiquement Erwin Schrodinger, l'un de ses fondateurs. La dispute est tellement exténuante et stérile qu'elle est enterrée à l'approche des années 1960 : "Taisez-vous et calculez", aurait dit l'Américain Richard Feynman, élève de Wheeler, devenu l'un des physiciens les plus influents.
Las ! L'information - et le débat qui va avec - se réinvite au début des années 1970 dans un domaine inatterdu : en montrant que la taille de la frontière d'un trou noir est proportionnelle à l'information contenue dans la matière qu'il a ingurgitée, Stephen Hawking et Jacob Bekenstein - lui aussi élève de Wheeler - introduisent le virus informationnel dans les sciences du cosmos. Et dans les années 1980, on se met à y croire fermement. "Il n'est pas déraisonnable d'imaginer que l'information siège au cour de la physique, de la même manière qu'elle siège au cour d'un ordinateur", suggère Wheeler. Ce qui pousse certains de ses étudiants, comme l'Américain Seth Lloyd, à voir en l'Univers un gigantesque ordinateur manipulant 1090 bits simultanément...
Si on commence à parler ouvertement de bit dans la physique théorique, c'est en fait à la suite de la rencontre entre l'informatique et la mécanique quantique, à la fin des années 1980. Une rencontre qui va faire revenir le débat sur le tout devant de la scène. Alors que les ordinateurs envahissent notre quotidien, les physiciens se rendent en effet compte que les lois de l'infiniment petit permettent de manipuler l'information d'une façon radicalement différente. Ils se passionnent alors pour l'ordinateur quantique, la cryptographie quantique, la téléportation quantique...

FORMALISATION MATHÉMATIQUE

Et, là, surprise ! "La théorie de l'information quantique que les physiciens ont commencé à développer au début des années 1990 s'est révélée être un langage mieux adapté que celui des années 1920 pour décrire et comprendre certains phénomènes quantiques", résume Alexei Grinbaum, du Laboratoire des recherches sur les sciences de la matière du CEA. L'interprétation défendue par Bohr est alors prise au pied de la lettre : et si la mécanique quantique ne parlait pas d'onde ou de corpuscule, mais seulement d'information ? Et si la difficulté à interpréter ce corpus tenait au fait que ses équations ne concernent pas le monde, mais les informations que l'on peut lui soutirer ? Ce point de vue ne tarde pas à être formalisé à travers des résultats mathématiques impressionnants : à partir des années 2000, divers théoriciens, comme Jeffrey Bub, de l'université du Maryland, Christopher Fuchs, des laboratoires Bell-Lucent Technologies, ou Alexei Grinbaum, démontrent comment tout ou partie de l'étrange attirail quantique peut être déduit de cette simple posture informationnelle.
Le travail de Verlinde va assurément dans ce sens. Jeffrey Bub le juge "fascinant et très pertinent". Christopher Fuchs "sent vraiment une résonance entre la nouvelle orientation de Verlinde et son propre programme". Alexei Grinbaum, lui, compte publier une analyse philosophique de la proposition de Verlinde et réserve ses commentaires.
Alors ? L'information va-t-elle révolutionner la physique ? Nul ne le sait encore. Car la querelle n'est pas finie. D'un côté, les promoteurs de la révolution vantent l'élégance de leur point de vue, les lois liées aux flux d'informations permettant d'engendrer une grande partie du corpus théorique de la physique fondamentale. De l'autre côté, ceux qui rejettent ce concept d'information soulignent le manque de clarté et de précision de leurs contradicteurs. Car, disent-ils, parler d'information, c'est implicitement mettre en scène un observateur qui la reçoit. "Qu'est-ce que cet observateur ?, demande Jean Bricmont, professeur de physique théorique à l'université catholique de Louvain, en Belgique. C'est une notion vague, qui semble référer à l'esprit humain", lequel est du ressort des sciences cognitives et non physiques.

UN DÉBAT À SON PAROXYSME

Après un siècle et demi de polémiques, le débat atteint aujourd'hui son point d'orgue. Malgré l'aversion qu'elle suscite, malgré le flou qui l'entoure, la notion d'information a réussi à s'immiscer successivement dans le monde infiniment complexe de la thermodynamique, dans celui, infiniment petit, de la mécanique quantique, et dans celui, infiniment grand, de la cosmologie. Or, avec Verlinde, la voilà maintenant qui débarque dans notre monde infiniment familier, où l'on voit des pommes tomber... Il va donc bien falloir que les physiciens se résolvent à affronter sereinement la question, toute simple, autour de laquelle ils tournent depuis si longtemps : le monde décrit par les théories physiques est-il réel ? Ou ces pommes ne sont-elles qu'une illusion ?

Qu'est-ce que l'information ?
De façon générale, tout le monde d'accord pour dire qu'une information et ce qui donne la possibilité de répondre à une certaine question par oui ou non (ou par 0 ou 1). Mais c'est en rentrant dans le détail que les avis des physiciens deviennent vraiment partagés. Pour une partie d'entre eux, comme Gilles Cohen-Tannoudji, c'est "une entité physique, même si ce n'est pas une particule. Cela pourrait se rapprocher plutôt du concept de champ ou de force : une grandeur abstraite mais bien physique". Certains, comme Alexei Grinbaum, pensent plutôt que c'est un langage, qui n'a pas de substance physique, mais "qui pourrait être un moyen pour résoudre les blocages théoriques auxquels nous sommes confrontés". Pour d'autres, l'information est, comme le dit Michel le Bellac, "un concept mathématique des sciences informatiques et algorithmiques qui sert au calcul", autrement dit, un concept informatique matérialisa de par des appareils physiques comme les ordinateurs. Et d'autres, enfin, comme Jean Bricmont, soutiennent que la formation n'existe que dans l'esprit des hommes et qu'il faut donc "l'exclure de la physique, censée décrire un monde indépendant de l'esprit".


Qui émet la formation ?
Cette question toute simple, là encore, partage des physiciens. Pour certains, les informations sont émises par une réalité sous-jacente que la physique se doit de décrire. C'est ce que pensent les tenants d'une physique réaliste, à la suite d'Einstein, pour qui la théorie quantique restituée de manière incomplète les informations sur cette réalité, en les formalisant sous forme de probabilité. Le problème est qu'il leur faut alors tordre les caractéristiques de cette réalité pour qu'elle puisse se fondre dans les étrangetés quantiques, en imaginant par exemple que des univers massivement parallèles apparaissent à chaque événement aléatoire. Les tenants de l'autre école, à la suite de Bohr, sont plus agnostiques : ils partent du principe qu'il est impossible de savoir s'il y a une réalité physique sous-jacent. C'est ce que voulait signifier Bohr en déclarant que "tout ce que nous nommons réalité est fait de choses qui ne peuvent être considérées comme réelles". Dans ce cadre, la seule réalité indiscutable est l'information qui apparaît quand on fait une mesure. Et il est vain de se poser des questions sur l'émetteur de cette information : la question de ce qui existe réellement devient une croyance des physiciens. Or, la science ne doit pas dépendre des croyances... De là émerge un point de vue radical : la réalité démarre avec l'information. C'est le sens du "it from bit" de John Archibald Wheeler...

Qui la transporte ?
De deux choses l'une. Soit on découvrira que l'information est une substance en soi, que l'on peut isoler et qui peut donc être transmise directement, sans passer par un support physique externe (électrons, photons, ondes radio, etc.). Soit, comme le soutient la théorie de l'information physique, il n'existe pas de bit physique d'information à l'état pur. "Selon cette théorie, dit Michel le Bellac, pour que de l'information puisse être transmise, il faut un support physique qui la porte : des ondes électromagnétiques (lumière) ou des ondes acoustiques (air) ou l'état quantique d'une particule... Sans support, il ne peut y avoir de transmission d'information". Cela n'empêche pas que l'information soit une grandeur transportable, comme la température. En effet, bien qu'il n'existe pas d'atomes de température (elle n'est définie que pour une grande quantité de particules), nul ne met en question que cette grandeur, parfaitement définie à l'échelle macroscopique, est transportée dans les matériaux, l'air et même le vide.

Qui la reçoit ?
L'observateur, bien sûr, et ses détecteurs naturels ou construits. Mais son rôle dans la constitution de la notion d'information reste confus. Tout phénomène physique observé donne des informations à celui qui l'observe : quand une étoile brille, elle renseigne l'astrophysicien sur sa structure, sa température, etc. Mais que deviennent ces informations sans l'astrophysicien ? Est-ce que la lumière émise "dit" quelque chose sur la structure de l'étoile s'il n'y a personne pour interpréter cette lumière à l'aune d'une théorie ? Et si l'observateur est un appareillage qui analyse ces données et inscrit le résultat sur du papier : ces inscriptions sont-elles autres choses qu'un amas aveugle de particules s'il n'y a personne pour en tirer des informations ? Cela conduit Jean Bricmont à dire "qu'il n'y a qu'un lieu où l'information devient vraiment physique, c'est le cerveau : un cerveau qui reçoit de l'information est le siège de processus physiques à partir desquels l'observateur peut être vu comme ayant acquis de l'information... Mais on n'est plus dans le domaine des sciences physiques". La seule manière de s'affranchir de l'allusion au cerveau serait de décrire l'observateur dans le langage de la physique... Ou dans celui de l'information.

R.I. - SCIENCE & VIE > Septembre > 2010

 

   
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