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Le Bestiaire du Cosmos

NGC 6357"Des nébuleuses aux galaxies en passant par les amas, l'Univers n'est qu'étoiles. Ce sont même elles qui, dans leur fournaise nucléaire, ont enfanté l'essentiel de la matière présente dans l'Univers. Revue de détail des astres qui peuplent le cosmos.
A 8 000 années-lumière de la Terre, la nébuleuses NGC 6357 a donné naissance à l'amas d'étoiles Pismis 24, dans la constellation du Scorpion (->).

Des étoiles par milliards, par milliers de milliards, par milliards de milliards... Depuis son origine dans le flash du big bang, il y a 13, 7 milliards d'années, l'Univers est une immense machine à fabriquer des étoiles... Ainsi, tandis que vous lisez ces lignes, à chaque seconde qu'égrène votre montre, il nait, quelque part dans l'Univers, dix mille étoiles, tandis que des milliers d'autres s'éteignent.
Le rôle des étoiles dans l'évolution cosmique est fondamental : si les galaxies, véritables "grumeaux" dans le gaz homogène qu'était l'Univers à ses débuts, ont rassemblé, condensé, la matière originelle, ce sont les étoiles qui l'ont structurée, transformée, enrichie. Les premières sont apparues quelques dizaines ou centaines de millions d'années après le big bang, dans des conditions encore inconnues, au sein des premières galaxies en formation. Tout au plus peut-on affirmer qu'à l'époque, les gigantesques masses de gaz qu'étaient les galaxies naissantes se sont effondrées sur elles-mêmes, sous l'effet de la force de gravitation, et se sont fragmentées en nuages minuscules. Ceux-ci se sont alors contractés jusqu'à former les sphères de gaz denses et chaudes que sont les étoiles...
"Avec les étoiles est venue la lumière, l'Univers est sorti de ,"l'âge des ténèbres". Pourquoi brillent-elles ? Pour le comprendre, il faut s'enfoncer au cœur de l'une d'entre elles, le Soleil, par exemple. Au centre de l'astre, la température et la pression sont telles que la matière est littéralement écrasée. Dans ces conditions extrêmes, les atomes de gaz, perpétuellement en collision les uns avec les autres, fusionnent spontanément. Ainsi, la fusion de quatre noyaux atomiques d'hydrogène produit un atome d'hélium. Cette fusion atomique s'accompagne d'une énorme libération d'énergie, traduite par la célébrissime formule d'Einstein, E=mc². Les étoiles sont de véritables alchimistes : elles transmutent progressivement la matière primordiale créée lors du big bang. C'est à elles que l'on doit, excepté l'hydrogène et l'hélium primordiaux, tous les éléments chimiques présents dans la nature. Dans leur fournaise nucléaire, elles ont créé l'or, bien sûr, mais aussi le plomb, l'oxygène, le carbone, l'azote, le fer, ces atomes complexes que les astronomes appellent "éléments lourds". "Tu es poussière", affirme l'Ecclésiaste. "Oui, mais de la poussière d'étoiles", ajoute l'astronome qui nous apprend que chaque atome qui nous compose a été fabriqué jadis à l'intérieur d'une étoile.
Les éléments lourds proviennent des étoiles les plus massives du cosmos, celles qui l'enrichissent le mieux et le plus vite. Ces étoiles géantes, de dix à cent fois plus massives que le Soleil, ont une espérance de vie très courte, quelques millions d'années tout au plus. Au cours de leur vie éphémère, elles créent une grande quantité d'éléments lourds, que sont incapables de fabriquer, faute d'une température et d'une pression suffisantes, les petites étoiles comme le Soleil. Puis les géantes, dont le cœur peut dépasser 100 millions de degrés, explosent brutalement et expulsent dans l'espace une quantité gigantesque de gaz enrichi... Ce gaz se recondense ailleurs dans l'espace, mêlé à la matière d'autres étoiles mortes, et le cycle recommence : de nouvelles étoiles et leur cortège planétaire apparaissent.
Les étoiles naissent au sein de gigantesques nuées de gaz interstellaire, les nébuleuses. Ces immenses nuages cosmiques qui s'étendent sur des dizaines d'années-lumière contiennent d'énormes quantités d'hydrogène et d'hélium, suffisantes pour donner naissance simultanément, à des centaines d'étoiles. Les nébuleuses sont dynamiques, elles s'effilochent sous le souffle puissant des étoiles supergéantes, elles se condensent sous l'effet de la gravitation. En leur cœur, le gaz, compressé, devient plus dense et, lentement, la gravitation se met en œuvre.

Oil de chatUN COCON GAZEUX

Les nébuleuse planétaires sont des coquilles de gaz expulsées par les vieilles étoiles. Ici, la bien nommée Œil de chat (->).

Par endroits, de petits nodules de gaz et de poussières se forment. Mesurant quelques jours-lumière, semblables à des œufs, ils s'effondrent sur eux-mêmes sous l'effet de leur propre poids. Des embryons d'étoiles se forment, sphères gazeuses qui, en se contractant sous l'effet de la gravitation, deviennent de plus en plus denses et chaudes. À son tour, l'embryon stellaire s'effondre jusqu'à ce que le gaz, dans son cœur, atteigne une température de plusieurs millions de degrés. À ce stade, les réactions thermonucléaires s'enclenchent, dégageant une énergie fantastique, sous forme de rayons gamma, X, ultraviolets, infrarouges, et, bien sûr, de lumière. L'étoile est née...
L'énergie prodigieuse qu'elle produit permet à l'étoile de se dégager de son cocon, son puissant rayonnement évacue le gaz qui l'entoure et l'expulse dans l'espace. Et le cycle se poursuit. Car la fertilité des nébuleuses est contagieuse : en soufflant le gaz qui les a fait naître autour d'elles, les jeunes étoiles ensemencent l'espace et précipitent la genèse de nouvelles étoiles... Une étoile qui naît seule dans l'espace, cela n'existe pas : les astres naissent par groupes de dizaines ou de centaines, formant dans l'espace, une fois tout leur cocon gazeux expulsé autour d'elles, d'éphémères amas, qui vont progressivement se disperser. Rien ne ressemble plus à la vie d'une étoile que la vie d'une autre étoile : toutes passent leur existence à fabriquer des éléments lourds à partir d'éléments légers, en produisant une colossale quantité d'énergie pendant ce processus de fusion nucléaire.
Mais si leur naissance et leur mode de vie sont toujours identiques, tous ces astres ne se ressemblent pas. Par convention, les astronomes prennent toujours notre propre étoile, le Soleil, comme référence stellaire. Le Soleil est effectivement une étoile typique... Température, diamètre, masse : notre étoile est partout dans la moyenne. Une étoile banale en somme. Mais le ciel est peuplé d'étoiles bien différentes. Les plus petites sont quinze fois moins massives que le Soleil : ces naines rouges brillent d'ailleurs cent mille fois moins que lui mais leur prudente consommation énergétique leur offre une espérance de vie de 100 milliards d'années ! Certains astres, encore moins massifs, ne méritent plus le nom d'étoile car ils se révèlent incapables d'atteindre la température d'ignition de la fusion nucléaire : on les appelle les "naines brunes".
De l'autre côté du spectre, les étoiles supergéantes sont 100 fois plus massives que le Soleil, 1000 fois plus grandes que lui et 100 000 fois plus brillantes ! De tels monstres sont rarissimes. On en compte une pour un million d'étoiles naines rouges. Leur espérance de vie est extrêmement courte : entre 1 et 10 millions d'années seulement, soit mille fois moins que le Soleil. Pourtant, ce sont les astres les plus importants de l'Univers : les supergéantes produisent à un rythme effréné les éléments les plus complexes dans leur cœur nucléaire, dont la température atteint un milliard de degrés. Puis, brusquement, elles explosent, offrant au cosmos la matière qu'elles ont créée.
C'est la masse des étoiles qui détermine leur destin. Les moins massives d'entre elles peuvent brûler leur combustible nucléaire durant une centaine de milliards d'années. La fin des étoiles de masses comparables à celle du Soleil est plus tumultueuse : après une dizaine de milliards d'années de bons et loyaux services, leur centrale nucléaire, en manque de combustible, a des ratés... Faute d'hydrogène, le réacteur de l'étoile remplace ce combustible par de l'hélium. Problème : la fusion de l'hélium est moins efficace, l'étoile doit donc augmenter sa pression et sa température centrales. Pour y parvenir, l'étoile se contracte sur elle-même jusqu'à atteindre le seuil d'ignition de l'hélium. Ce faisant, l'équilibre de l'étoile est détruit : si son cœur se concentre, son enveloppe, elle, s'étend. Le "soleil", devenu "géante rouge", est méconnaissable.

DE GÉANTE ROUGE À NAINE BLANCHE

Une fois son gaz expulsé, la vieille étoile géante rouge se diluera progressivement dans l'espace. Ici, la nébuleuse IC 4593 (->).

Les géantes rouges sont rares dans le ciel, car ce stade de la vie stellaire est très court : quelques centaines de millions d'années seulement. Court et chaotique : les étoiles parvenues au stade de géantes rouges ne retrouvent jamais l'équilibre qu'elles avaient lorsqu'elles consommaient prudemment leur hydrogène. Elles commencent lentement à pulser, se refroidissant et se réchauffant tour à tour, tandis que leur atmosphère extérieure s'échappe progressivement, à chaque oscillation trop forte de l'étoile. Lorsqu'une grande partie de leur gaz a été expulsée dans l'espace lors de ces respirations de plus en plus fortes et profondes, les géantes rouges à bout de souffle disparaissent à leur tour, s'éteignant progressivement. Elles ne laissent dans l'espace que leur cœur mis à nu, une brûlante et minuscule braise appelée naine blanche que voilera bientôt le velours noir de la nuit.
Alors que l'espérance de vie d'une étoile comme le Soleil atteint 10 milliards d'années, l'existence des étoiles supergéantes - 10, 50, 100 fois plus massives que notre étoile - est flamboyante et éphémère. En moins d'une minute, elles dépensent l'énergie que le Soleil produit en un an ! Dans leur cœur, la température et la pression du gaz sont tellement formidables que les réactions nucléaires ont lieu dans plusieurs couches successives, de plus en plus chaudes au fur et à mesure que l'on se rapproche de la fournaise centrale. Dans la première couche de gaz, portée à plus de dix millions de degrés, brûle de l'hydrogène qui crée de l'hélium. En dessous, c'est l'hélium qui, au-delà de cinq cents millions de degrés, se transforme en oxygène, en carbone, en azote. Encore plus près du cœur, porté à plus d'un milliard de degrés, se créent du sodium, du magnésium, du soufre, de l'argent, du nickel, du silicium. Enfin, au cœur de l'étoile même, des atomes de fer commencent à se former, à partir du silicium. Lorsqu'elle arrive, au bout d'un à trois millions d'années, à ce stade de la fusion du silicium, l'étoile supergéante rouge n'a plus que quelques jours à vivre. En effet, l'atome de fer est lui-même incapable de fusionner pour créer un nouvel élément ! De fait, lorsque le cœur de l'étoile est suffisamment riche en fer, il cesse de produire l'énergie nécessaire pour contrebalancer la force de gravitation : l'étoile s'effondre sur elle-même, avant d'exploser brutalement.
Si la matière de l'Univers est essentiellement concentrée en étoiles, en revanche, elle est distribuée dans une entité de taille supérieure, la galaxie, immense agglomération d'étoiles... Ces "univers-îles", selon l'expression inspirée du philosophe Emmanuel Kant, ont condensé, à l'aube du monde, il y a 13,7 milliards d'années, le gaz primordial créé par le big bang. Emportées par l'expansion universelle, elles recyclent indéfiniment cette matière, modelant chacune à son rythme l'hydrogène des nébuleuses pour voir naître, s'épanouir et mourir des étoiles dans leurs disques.
Il existe deux grandes familles de galaxies, les elliptiques et les spirales (->) : ces dernières, à l'image de la Voie lactée, ressemblent à de grands disques, plus épais dans leur partie centrale. Les spirales sont des galaxies actives, encore riches en gaz, qu'elles transforment en étoiles. C'est dans la belle structure spirale dessinée élégamment dans leur disque que naissent les étoiles. Le gaz des nébuleuses est compressé par les explosions d'étoiles supergéantes, et se condense en étoiles, parmi lesquelles quelques supergéantes, qui explosent à leur tour et compressent le gaz des nébuleuses. Et ainsi de suite : la formation stellaire se propage tout au long de la spirale, entraînée par le disque galactique en rotation.
Les galaxies elliptiques, elles, n'évoluent pratiquement plus. Certaines d'entre elles, dites elliptiques géantes, sont les astres les plus grands du cosmos : sphériques ou ovales, ces étourdissantes agglomérations stellaires peuvent compter dix mille milliards d'étoiles ! Leur influence gravitationnelle s'étend à des millions d'années-lumière ; de fait, elles sont généralement auréolées d'un halo de petites galaxies qu'elles vont absorber, augmentant encore leur taille et leur masse. Elles sont peuplées d'étoiles très vieilles, naines blanches, naines rouges et géantes rouges, mais dénuées de gaz, qu'elles ont jadis intégralement converti en étoiles. Ces vénérables témoins de l'origine du monde (galaxies elliptiques) n'ont pas connu de nouvelles naissances d'étoiles depuis des milliards d'années...

ANDROMÈDE FONCE SUR LA VOIE LACTÉE

Car pour être aussi massives aujourd'hui, ces galaxies ont dû se former très tôt dans l'histoire de l'Univers, quelques centaines de millions d'années seulement après le big bang. Depuis lors, elles n'ont cessé d'attirer vers elles la matière passant à leur portée : les elliptiques géantes sont, pour la plupart, situées au centre d'immenses agglomérations de galaxies qui tournent prudemment autour d'elles, à plusieurs millions d'années-lumière de distance ou attendent d'être attirées dans leur puits gravitationnel.
Comme les étoiles elles-mêmes, les galaxies évoluent. Elles sont partagées entre deux forces antagonistes : d'un côté, l'attraction gravitationnelle, qui tend à les rapprocher les unes des autres, de l'autre, la puissance irrépressible de l'expansion cosmique, qui tend à les éloigner... La première force compense l'autre, sans pour autant limiter l'expansion de l'Univers. Tout est affaire d'échelle : si l'expansion est spectaculaire à grande échelle - une galaxie située à un milliard d'années-lumière de nous s'éloigne à la vitesse de 20 000km/s - elle est en revanche insensible à l'échelle des galaxies. De fait, depuis le début de leur formation, il y a 10 à 13 milliards d'années pour les plus anciennes, les galaxies interagissent avec leurs voisines. D'abord, elles se rassemblent dans des amas, qui peuvent compter plusieurs milliers de membres - les galaxies isolées dans le cosmos sont rarissimes. Au sein des amas, les galaxies sont proches les unes des autres, et les collisions entre elles, fréquentes. Le choc entre deux d'entre elles peut durer des dizaines, des centaines de millions d'années, et provoquer un bouleversement complet des deux astres. Elles peuvent se traverser mutuellement, elles peuvent se trouver déformées, voire démantelées. Elles laissent alors dans l'espace des fragments de disques, des amas d'étoiles, qui se rassemblent plus loin pour former une nouvelle galaxie, Souvent, les galaxies tournent longuement l'une autour de l'autre, avant de fusionner et de se transformer en une galaxie géante. C'est peut-être ce qui attend notre Voie lactée car sa voisine, la galaxie d'Andromède, nous fonce dessus à plus de 400 000 km/h : la collision est inévitable, elle aura lieu dans deux milliards d'années.
Étoiles, nébuleuses, galaxies... ce n'est qu'à plus grande échelle encore que l'Univers révèle son architecture : le cosmos est cellulaire, il ressemble un peu à de la mousse de savon. Chaque "bulle" est une cellule cosmique d'environ trois cents millions d'années-lumière de diamètre, au volume pratiquement vide. Les parois de ces cellules sont parsemées d'amas de galaxies. Enfin, aux lignes d'intersection des bulles, se trouvent les plus formidables concentrations de galaxies de l'Univers. À cette échelle cosmique, la gravitation ne peut plus rien pour contrecarrer la plus fantastique énergie de l'Univers : l'expansion, qui entraîne les galaxies dans un espace de plus en plus vide, vers un futur que les astronomes cherchent à découvrir.

 SERGE BRUNIER - SCIENCE & VIE Hors Série > Mars > 2008
 

   
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