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Mangez sain en protégeant la planète |
Choisir les fruits et légumes bio protège des pesticides |
Chaque Français consomme 112 g de fruits et 110 g de légumes par jour, (Credoc 2003). Si l'intérêt nutritionnel des produits bio est encore discuté, leur mode de culture les rend moins toxiques pour l'homme et l'environnement. Le marché des fruits et légumes bio affiche une croissance de 10% par an en France. Le stockage détruit les vitamines : il faut veiller à la fraîcheur des produits.
Mangez 5 fruits ou légumes par jour !, martèle le plan nutrition-santé du gouvernement. Conseil louable. Encore faut-il que ceux-ci soient goûteux, gorgés de soleil et non de produits chimiques. Or depuis cinquante ans, l'agriculture industrielle a favorisé une production de masse, rapide et mécanisée, à grand renfort d'engrais chimiques et de pesticides (un pommier peut recevoir 27 traitements chimiques). Les variétés sont sélectionnées pour leur rendement plus que pour leur qualité. Dans ce marché, ni le consommateur ni la planète ne sont des priorités. Peu à peu, pourtant, un public soucieux de sa santé ne se satisfait plus de produits calibrés, colorés mais insipides... Préoccupé par l'environnement, il s'inquiète de la pollution due à l'agriculture, grosse émettrice de gaz à effet de serre. Et se demande quel est le prix à payer, par nous et pour la planète, pour déguster en toute saison des produits fades qui ont peut-être fait le tour du monde avant d'arriver dans nos assiettes. Le bio est tentant : mais comment sont produits ces fruits et légumes, et quel est leur intérêt réel ?
Au rayon bio, les fruits et légumes tiennent le haut du pavé : ils totalisent, selon un sondage CSA-Agence Bio, 77 % du bio consommé, loin devant les produits laitiers et les œufs. Pour les trouver, le choix est large. Si la majorité des achats (45 %) se font sur les marchés, les supermarchés suivent avec 24 %, et fidélisent leurs clients avec des marques maison. Même le hard discount s'y met. Mais du bio de grande surface, est-ce encore du bio ? "Oui, explique Dominique Marion, président de la Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France (Fnab), car le cahier des charges est respecté. Mais pour l'empreinte écologique, c'est autre chose" ! En effet, les grandes surfaces, qui recherchent le meilleur prix, le trouvent souvent à l'étranger, générant des transports peu écologiques. Les magasins spécialisés (12 % des achats) sont eux tenus de donner la priorité aux produits locaux. Et avec la récolte directe à la ferme (13 % des achats) le problème est résolu ! Enfin, de plus en plus d'agriculteurs se regroupent pour vendre directement sur Internet des paniers certifiés AB.
Le label AB garantit des cultures sans pesticide ni OGM. Pour éliminer parasites, maladies et mauvaises herbes, le fermier bio ne doit utiliser aucun produit polluant, mais choisir des plantes adaptées à la région et introduire des protecteurs naturels, comme les coccinelles. Il répand des engrais naturels (fumier, compost) et pratique la rotation des cultures, qui rompt le cycle de reproduction des mauvaises herbes et des parasites, et fertilise le sol. Au-delà de ce cahier des charges, il doit favoriser le recours aux énergies renouvelables ou la plantation d'arbres et de haies qui empêchent l'eau de ruisseler et limite donc l'irrigation. Il entretient enfm la diversité biologique, en choisissant des espèces anciennes que la culture intensive avait fait oublier. Ainsi le public redécouvre des dizaines de variétés de tomates aux formes et goûts multiples, très à la mode sur les marchés : cœur de bœuf, Liguria, noire de Crimée...
Dans le contexte de crise actuel, ce bio est-il condamné par son surcoût de 20 à 30 % ? Sûrement pas ! Même si 16 % de Français seulement (deux fois moins qu'en 2004) se disent prêts à payer plus chers des produits obtenus de façon écologique, le bio affiche 10 % de croissance par an. L'enseigne Monoprix vend 3 à 4 % de ses fruits et légumes en bio et dépasse allègrement cette moyenne : "L'augmentation des ventes est
nette : plus 27 % en 2008 dans nos magasins. Le bio est l'un des seuls secteurs qui conserve des croissances à deux chiffres", explique Fabienne Prouvost, directrice du développement durable de l'enseigne.
Cela n'empêche pas la France de rester le mauvais élève de l'Europe. Le nombre de producteurs stagne depuis 2003, et le bio ne totalise que 2 % des surfaces cultivées, contre 13 % en Autriche, 5 % au Royaume-Uni, et 4 à 5 % en moyenne en Europe ! Par ailleurs, la France est le premier consommateur européen de pesticides (et le troisième mondial), avec 80 000 tonnes par an. Résultat : près de la moitié de nos fruits et légumes classiques contiennent des pesticides (lire Santé ci-dessous). Et, selon l'Autorité européenne de sécurité des aliments, 8 % dépasseraient la limite maximale de résidus autorisée. Exemple : les laitues sont, contaminées à 68 % dont 7,2 % au-dessus de
la limite. Le raisin à 81 % dont 18,9 % au-dessus de la limite ! Du coup, pas de surprise : le panier bio est moins toxique que le classique. Il est quasi exempt de pesticides, et les légumes bio contiendraient deux fois moins de nitrates, issus des engrais azotés, que les légumes classiques.
Et l'intérêt nutritionnel ? Les produits bio n'en auraient pas plus que les autres, si l'on en croit une étude anglaise de juillet, qui a, compilé 162 publications sur le sujet depuis cinquante ans. Mais selon quels critères ces 162 publications ont-elles comparé bio et
non bio ? "Sur la période étudiée, les standards du bio ont énormément changé, et varient aussi selon les pays, tempère Stéphane Bellon, de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra). Et l'étude souligne bien qu'en plus du mode de production, sans doute le plus important, d'autres facteurs influent sur les teneurs en nutriments : type de sol, climat, variations annuelles, délai entre récolte et mise
en marché, etc". Le débat reste donc ouvert. L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), note, elle, dans le bio un supplément d'antioxydants, actifs contre le vieillissement des cellules. Ainsi que plus de matière sèche et moins d'eau dans les légumes, mais pas dans les fruits. Pour les vitamines, c'est la fraîcheur qui importe. Bio ou pas, une fois cueillis, les épinards perdent toute leur vitamine C en
quatre jours à température ambiante. Au frigo, ils en perdent 65 % en trois jours. Quant aux OGM, dont on ne connaît pas les effets à long terme sur la santé et l'environnement, les agriculteurs bio les jugent incompatibles avec le respect des équilibres naturels, et les écartent totalement.
Pour ce qui est du goût, le fruit bio, arrivé naturellement à maturité, aurait un vrai goût de fruit contrairement à ceux obtenus par la culture intensive. Lors d'une dégustation réalisée par l'Institut suisse de recherche de l'agriculture biologique (FiBL), les pommes bio, plus fermes, ont récolté de meilleures notes (+15 %). Mais ici aussi, la fraîcheur du produit, ainsi que la façon dont il a été transporté, importent. Un fruit mûr dégusté au jardin sera toujours imbattable !
Au-delà de tous ces aspects, c'est la planète qui est la vraie gagnante de la culture bio, pour son eau et pour son air. Sans engrais ni pesticides chimiques, pas de pollution. Or, il y a des progrès à faire : en 2005, l'Institut français de l'environnement (Ifen) trouvait des pesticides dans 91 % des points de mesure en rivière, et 55 % dans les eaux souterraines. Et il faut économiser le précieux liquide : l'irrigation engloutit 68 % de la consommation totale en France. La culture bio favorise les espèces locales, moins gourmandes. Même avantage pour les rejets de gaz à effet de serre. Lors du colloque "Agriculture biologique et changement climatique" de Clermont-Ferrand, en avril 2008, les scientifiques ont montré que la contribution aux GES par hectare est de 20 % à 50 % plus faible en bio qu'en conventionnel. Raisons ; le bio n'utilise pas d'engrais azotés de synthèse générateurs de N2O (protoxyde d'azote), dont le pouvoir de réchauffement global est 310 fois plus élevé que celui du CO2. Ensuite, le bio séquestre davantage de carbone dans le sol que le conventionnel. Une autre étude, de l'institut suisse FiBL, conclut qu'un hectare de bio produit 32 % de moins de gaz à effet de serre qu'un hectare conventionnel utilisant des engrais minéraux.
Mais attention au bio qui voyage... et produit beaucoup de CO2 ! Cerises d'Argentine (18 000 km), haricots verts du Kenya (6 000 km), asperges du Pérou (10 000 km) : un produit importé en France par avion consomme, selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, 10 à 20 fois plus de pétrole que le même acheté localement. Car si la France est autosuffisante en bio pour les œufs, volailles ou bovins, elle importe au moins 60 % des fruits et légumes !
Le "non bio" local, produit proprement, ne vaudrait-il pas mieux que le bio venu du bout du monde ? C'est en tout cas ce que proposent les Amap (Association pour le maintien de l'agriculture paysanne), où les produits sont cultivés selon un mode écologique, sans être forcément estampillés AB. La production, prépayée par le client, a lieu à moins de 50 km de son lieu de vie, est récoltée et livrée le jour même. Dans le même esprit, de plus en plus de grandes surfaces proposent des "produits du terroir". Certaines cueillettes à la ferme, comme Chapeau de paille, choisissent l'agriculture raisonnée. Moins stricte que le biologique, elle limite au minimum pesticides et désherbants, et impose économie d'eau et tri des déchets.
SANTÉ : Rinçage et épluchage au menu
52,1 % des fruits et légumes analysés en France en 2007 contenaient des pesticides. Il faut impérativement les laver avant de les consommer. Une seule chose est sûre : il faut toujours rincer à grande eau fruits et légumes afin d'éliminer au maximum les pesticides qui se trouvent sur la peau. On peut aussi les éplucher mais cela revient souvent à détruire les vitamines et minéraux principalement présents dans la pelure. De fait, et c'est regrettable, la majorité des fruits et légumes présentent des traces de pesticides. Selon le dernier rapport publié en janvier 2009 par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), 52,1 % des fruits et légumes analysés en France en 2007 en contenaient ; 7,6 % des 5412 échantillons étudiés dépassaient même les limites maximales de résidus (LMR). Mauvais élèves : le raisin, les mandarines, poires, fraises et oranges, pour ce qui concerne les fruits. Poivron et piments, céleri branche, tomates, poireaux, laitues et épinards pour les légumes. Moins contaminés : les pêches, pommes, bananes et kiwis ; les carottes, pommes de terre, endives et concombres. En Europe, pas moins de 354 pesticides différents ont été retrouvés en quantité mesurable mais avec 3,99 % de dépassement de LMR, ce qui montre que la France pourrait beaucoup mieux faire. Bien sûr, les fabricants de produits phytosanitaires relativisent les effets possibles sur la santé de ces traces de pesticides. On connaît les risques des fortes doses, comme celles auxquelles sont souvent soumis les agriculteurs, et qui peuvent perturber la fonction de reproduction, créer des troubles neurologiques ou provoquer des cancers. On mesure très mal, en revanche, les effets à long terme de faibles doses ingérées. Sans compter l'ignorance sur les interactions possibles entre les 354 pesticides, les calculs de doses admissibles étant effectués sur des molécules isolées. En juillet, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) a voulu inciter à la prudence, en déclarant que " la part de l'environnement est substantielle dans la genèse des cancers" et en plaidant pour une réelle politique de réduction de l'exposition des hommes aux produits chimiques.
Pour écarter les doutes, beaucoup choisissent aujourd'hui de consommer des fruits et légumes bio. Avec des bénéfices nutritionnels discutés. Il n'y aurait pas vraiment de différence en matière de vitamines et d'oligoéléments entre fruits et légumes bio et ceux issus de l'agriculture conventionnelle, assure ainsi une analyse de 55 études (American Journal of Clinical Nutrition. 162 études ont été analysées par des chercheurs de l'Ecole d'hygiène et de médecine tropicale de Londres. Le rapport sur : www.food.gov.uk/news/newsarchive/2009/jul/organic/). Mais ces résultats
ont été vivement critiqués comme biaisés, notamment parce que nombre d'études favorables aux produits bio avaient été écartées de cette analyse. Etrangement, le rapport qui a servi de base à l'article incriminé conclut même, à l'inverse, à une meilleure teneur en oligoéléments des produits bio. Il rejoint ainsi les résultats préliminaires du programme européen Quality Low Input Food (www.qlif.org) qui seront publiés cet automne. Il a regroupé 31 organismes nationaux, universités et sociétés agroalimentaires pour mesurer pendant cinq ans l'intérêt environnemental, qualitatif et alimentaire des produits bio. Les chercheurs ont notamment voulu relier les pratiques agricoles (rotation des cultures, choix des semences et des engrais, absence de pesticides) avec des différences organoleptiques. Résultat : des niveaux significativement plus importants d'antioxydants et de vitamines ont été constatés dans les choux, les laitues, les pommes de terre et les tomates bio ! L'alimentation différente des bovins élevés en bio explique également des teneurs plus fortes en acides gras, en vitamines et en antioxydants dans le lait.
Au-delà des vertus alimentaires, il est indéniable que cette façon de cultiver engendre une moindre pollution de l'environnement, et un moindre danger pour la santé. "Manger bio, sage précaution", résume ainsi le cardiologue et chercheur au CNRS Michel de Lorgeril dans Le Monde du 13 août. Encore que l'absence de pesticides ne soit pas toujours garantie. La DGCCRF en a retrouvé des traces dans 20 % des produits bio qu'elle a analysés, des produits en majorité importés et contaminés involontairement ou pollués par des défaillances de la chaîne d'approvisionnement. L.C.
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Nos conseils
• Vérifiez la provenance des produits labellisés bio. En 2010, le label bio européen, qui existe déjà chez nous et a l'avantage d'unifier tous les labels de l'Union, remplacera le « AB » français.
• Consommez au rythme des saisons en consultant le calendrier des produits disponibles sur le site www.consoglobe. com/pgz52-pgz_manger-mieux. htm 1.
• Préférez les produits locaux, sauf s'ils ont poussé sous serre chauffée, énergivore. Pour en savoir plus sur l'agriculture raisonnée, www.farre.org
• Limitez les intermédiaires, en optant pour les marchés, les Amap et les ventes à la ferme. Deux sites où trouver des fournisseurs: www.alliancepec.free.fr pour les Amap et www.chapeaudepaille.fr pour la cueillette à la ferme.
• Acheter en petites quantités : cela évite le gâchis (en Europe, un aliment sur trois est jeté sans être mangé ! et le stockage, qui détruit les vitamines et fait migrer les pesticides de la peau vers l'intérieur du fruit.
Pour en savoir plus
- Le baromètre de consommation bio CSA/Agence Bio :
http://www.agencebio.org/upload/pagesEdito/fichiers/Barametre _2008_ VP.pdf
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Une intéressante étude britannique sur le bio : http://www.food.gov.uk/multimedia/pdfs/organicreviewappendices.pdf
- Une publication sur "La qualité des produits de l'agriculture biologique" de Denis Lairon, Inra : www.critt-iaa-paca.com/
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Un point sur les pesticides dans l'alimentation :
www.efsa.europa.eu:80/cs/BlobServer/Report/EFSA_2007_Annual_Report_Pesticide %20Residue_en,O.pdf?ssbinary=true
- Les développements du colloque Inra sur "Agriculture biologique et changement climatique" en 2008 :
www.pradinra.inra.fr/prodinra/pinra/data/2008/06/PROD-2008b4e9a848_20080612032309849.pdf
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3/ Choisir les fruits et légumes bio protège des pesticides |
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Sylvie Buy - Sciences & Avenir > Octobre > 2009 |
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