La Mort, C'est...

5 pistes pour retarder l'heure fatidique

Chacun peut-il agir individuellement pour prolonger sa vie ? Si la pilule miracle n'est pas pour demain, la recherche explore de multiples voies : alimentation, activité physique, médicaments... Tour d'horizon des travaux les plus prometteurs.

Les progrès spectaculaires réalisés ces derniers siècles pour augmenter notre espérance de vie pourront-ils se poursuivre indéfiniment ? La question fait débat, mais le "club des grands seniors" fait incontestablement recette : l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) dénombre aujourd'hui quelque 6000 centenaires rien qu'en France, et en prévoit jusqu'à 150.000 en 2050. Des centenaires qui meurent de plus en plus vieux.
Quel est le secret de leur longévité ? Le mystère demeure. L'enquête "à la recherche du secret des centenaires" menée à l'initiative de la Fondation Ipsen en 1990, et dont les résultats ont été livrés en 2000, n'a pas permis, hélas, de le lever. Tout au plus peut-on dresser un portrait-robot du centenaire type : il s'agit d'une femme qui a travaillé toute sa vie, est plutôt gaie, optimiste, confiante en l'avenir, ouverte sur le monde, est dotée d'un sacré caractère, d'une bonne dose d'humour, et qui vit sans excès... mais sans pour autant se priver. Un profil plutôt banal, en somme.
La génétique, aussi, aurait un rôle à jouer. En 1994, les chercheurs Daniel Cohen et François Schachter du Centre d'études du polymorphisme humain (CEPH) ont en effet découvert, en étudiant 300 centenaires, que le variant E4 du gène codant pour l'apolipoprotéine E était plus rare parmi cette population. Or on sait que cet allèle est associé à un risque accru de maladie d'Alzheimer et de pathologies cardiovasculaires... En 2008, deux équipes de chercheurs à New York et à Los Angeles ont également montré, chez des centenaires juifs ashkénazes, que ces derniers présentaient des mutations qui rendaient les récepteurs de l'hormone IGF1 (Insulin-Like Growth Factor 1) moins efficaces. Tandis qu'une équipe d'Honolulu constatait, en février 2009, que des centenaires vivant à Hawaï et au Japon étaient tous porteurs du gène FOX03A, qui participe à l'élimination des cellules endommagées ou âgées.

DES FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX

On serait donc loin d'être égaux, dès la naissance, face aux outrages du temps. Mais quelle est l'influence, ensuite, du mode de vie ? La question est bien sûr complexe. Mais une combinaison d'études ayant porté sur 20.000 jumeaux nés dans trois pays nordiques - Danemark, Suède et Finlande - a établi, après quelques savants calculs, que les gènes ne pèseraient finalement qu'à hauteur de 25 % sur la longévité. Le reste étant dû à des facteurs environnementaux (alimentation, hygiène de vie, activité professionnelle, etc.). Il n'est donc pas inutile de mener une vie saine. Loin de là ! Selon une étude de l'université de Cambridge et du Medical Research Council publiée en 2008, ne pas fumer, boire avec modération, avoir une activité physique et manger cinq portions de fruits et légumes par jour allongerait l'espérance de vie de... quatorze ans ! Vivre vieux est donc avant tout affaire de bonnes pratiques. Reste à trouver lesquelles. La science, dans ce domaine, avance à pas mesurés. Elle est certes encore loin de pouvoir proposer avec certitude des règles simples permettant à chacun de rallonger sa vie. Différentes pistes semblent néanmoins prometteuses.

1/ ÉQUILIBRER SES APPORTS ANTIOXYDANTS

Nos cellules renferment l'un des acteurs prindpaux du vieillissement, les mitochondries. Ces organites brûlent de l'oxygène pour fournir de l'énergie. Mais ce processus produit des substances toxiques, notamment des radicaux libres. Il s'agit d'atomes ou de molécules ayant un électron libre dans leur couche externe. Ils sont donc très instables et se stabilisent en "volant" immédiatement un autre électron à n'importe quelle molécule alentour. Ils provoqueraient ainsi un déclin des cellules, voire des cancers et autres maladies. L'organisme les élimine à l'aide d'antioxydants naturels, et apportés par l'alimentation (minéraux, enzymes et vitamines).

Vitamines, zinc, polyphénols

Parmi ces bienfaiteurs, les vitamines E (huiles végétales, noisettes, noix, beurre, poissons gras...), C (cassis, persil frais, poivrons, kiwi, fraises, oranges...) et A (foie d'animaux, beurre, oufs cuits, fromages et sous forme de carotènes et caroténoïdes dans les fruits jaunes, les carottes, les épinards, le brocolis...), les polyphénols (raisin, thé vert...), le zinc (poisson, abats, céréales complètes, lentilles...) et le sélénium (céréales complètes, oignons, légumineuses...). En captant les radicaux libres (à g. ->), ils les neutralisent. D'où l'idée d'apporter des antioxydants à l'organisme en quantité importante pour ralentir le vieillissement. C'est ce qu'a testé l'étude SU.VI.MAX réalisée entre 1994 et 2002 en France. Pendant huit ans, 13.000 volontaires de 35 à 60 ans ont pris, chaque jour, une gélule renfermant bêtacarotène, vitamines C et E, zinc et sélénium (la moitié ne recevant, sans le savoir, qu'un placebo). Résultat : chez les hommes, la prise quotidienne de ces suppléments a permis de réduire de 31 % le nombre de cancers et de 37 % celui des décès. En revanche, ces compléments n'ont eu aucun effet sur les femmes, dont l'alimentation est naturellement plus riche en fruits et légumes. Ce qui prouve que la prise d'antioxydants à haute dose n'a pas forcément d'effets. De fait, plusieurs études réalisées sur des animaux en bonne santé ont montré que l'administration d'antioxydants n'augmentait pas leur durée de vie. Une déception que les chercheurs expliquent de deux façons : soit ces antioxydants n'ont pas pénétré dans les mitochondries, soit l'organisme réduit sa propre production d'antioxydants naturels lorsque ces demiers sont présents dans le régime alimentaire.

Une découverte paradoxale

Dans ce dernier cas, ce serait donc bien la carence en antioxydants qu'il faudrait éviter si l'on veut vivre le plus vieux possible. A contrario, l'exposition à un stress oxydatif modéré serait bénéfique. L'organisme se trouverait ainsi mieux protégé lors d'une exposition plus forte. Un paradoxe mis en évidence par le chercheur Trey Ideker et ses collègues de l'université de San Diego (Californie). Cette découverte pourrait expliquer pourquoi des diètes prolongées accroissent la durée de vie. Jusqu'à présent, on pensait que manger en dessous de ses besoins diminuait le niveau de radicaux libres. En réalité, la restriction calorique augmenterait au contraire ce niveau, ce qui protégerait par la suite des doses aiguës d'oxydants.

2/ SE METTRE À LA DIÈTE

C'est l'une des rares observations qui fassent réellement consensus : manger moins permet de vivre plus longtemps et en meilleure santé. C'est ce qu'ont montré plus de 2000 études, réalisées pour la plupart sur des rongeurs, et quelques résultats préliminaires obtenus sur des macaques. Les bêtes sous-alimentées à l'âge adulte, mais sans mal-nutrition, vivent entre 20 et 50 % plus longtemps que celles qui ont été normalement nourries. La restriction calorique agit à de multiples niveaux. Elle réduit la glycémie (taux de sucre dans le sang) et l'insuline, une hormone liée au vieillissement. Elle augmente la protection vis-à-vis du stress oxydatif. Par ailleurs, sans que l'on sache pourquoi, les animaux moins nourris ont des enzymes de réparation de l'ADN plus robustes. Cela provoquerait également une augmentation de l'apoptose, ce processus qui permet de détruire et d'éliminer les cellules anormales. La sous-nutrition modifierait en outre l'expression des gènes favorisant le cancer. Et elle ralentirait la cadence de division cellulaire, ce qui retarde la puberté et augmente la longévité.

Économie d'énergie

Chez les animaux à la diète, toutes les hormones sont diminuées à l'exception des corticostéroïdes, qui renforcent la résistance de l'organisme au stress. Résultat : les bêtes sous-nutries présentent moins de maladies cardiovasculaires et de tumeurs que celles alimentées normalement, et leur niveau d'activité motrice baisse moins avec l'âge. Cerise sur le gâteau, leurs performances d'apprentissage et de mémoire seraient meilleures. Dernière observation : la quantité totale de nourriture consommée au cours de la vie par les animaux en restriction calorique est à peu près la même que celle des animaux nourris normalement. En effet, les premiers consomment par jour environ les deux tiers de la nourriture donnée aux seconds, mais vivent une fois et demie plus longtemps. Cela s'accorde avec l'idée selon laquelle les cellules vivantes sont des moteurs qui s'usent avec la consommation d'énergie plus qu'avec le temps. Une expression ne dit-elle pas "que l'on creuse sa tombe avec les dents ?"

3/ PRATIQUER UNE ACTIVITÉ PHYSIQUE

Pour vivre vieux, une recommandation fait l'unanimité auprès des chercheurs et des médecins : faire du sport. Selon une étude menée pendant huit ans par le Dallas Institute for Aerobies Research (Texas), le taux global de décès des personnes pratiquant une activité physique moyenne est inférieur de 60 % à celui des sédentaires. Et la mort par maladie cardio-vasculaire chez les hommes est diminuée de plus de deux tiers. Cette étude a porté sur 13.344 participants répartis en cinq catégories, des individus sédentaires à ceux disposant d'une bonne condition physique (marche ou course d'au moins 30 km par semaine). Dans une autre étude sur le vieillissement, EPESE, réalisée chez 8.600 Américains de plus de 65 ans suivis pendant six ans, le gain d'années attribuable à une activité physique est de 5,2 ans chez l'homme et de 5,7 chez la femme.
La raison ? Le sport réduit le risque de plusieurs types de cancer (côlon, prostate, sein, etc.), la pression sanguine, le stress, et aide à combattre la dépression et les troubles du sommeil. En outre, il augmente la force des ligaments et des tendons et renforce les os, aidant à prévenir l'ostéoporose. Sans oublier qu'il améliore l'apparence physique et la confiance en soi...

4/ MANGER CRÉTOIS OU JAPONAIS

"L'alimentation sera ta première médecine", disait Hippocrate. Mais que manger précisément ? Depuis "l'étude des sept pays" (États-Unis, Finlande, Pays-Bas, Italie, ex-Yougoslavie, Grèce, Japon) initiée dans les années 1950, on sait que le japon et la Crète sont les deux régions du monde où la longévité est réellement la plus élevée. Or, les habitudes alimentaires de ces deux régions, pourtant très éloignées, présentent des similitudes. Les Crétois et les Japonais, à condition qu'ils aient gardé une alimentation traditionnelle, se nourrissent beaucoup de légumes verts, de légumes secs, de céréales peu transformées. Ils consomment régulièrement du poisson, mais ont des apports en viande et en sucres limités.

Les fameux oméga 3

Pourquoi leur régime alimentaire est-il si vertueux ? Les légumes en abondance fournissent des fibres et des antioxydants, tout comme le thé, pour les japonais, ou les fruits pour les Crétois. L'alimentation apporte aussi, de part et d'autre, des acides gras indispensables dans de bonnes proportions. Le poisson et l'huile de colza ou de noix contiennent en particulier de grandes quantités d'acide alpha-linolénique (oméga 3). Or on sait qu'un rapport de 1 pour 5 entre oméga 3 et oméga 6 - trop présent dans l'alimentation occidentale - limite les risques de maladies cardiovasculaires, d'arthrose, d'allergies et de cancer.

5/ S'AIDER DE LA CHIMIE

Autant le dire tout net : la pilule miracle, qui offrirait la jeunesse éternelle, n'existe pas. Toutefois, certaines substances permettent de ralentir le vieillissement. Parmi elles, le resvératrol. Contenu dans certains fruits comme le raisin, les mûres, ou les cacahuètes, ce nutriment possède un pouvoir antioxydant. Présent dans le vin, il constituerait l'un des ingrédients responsables du "French Paradox", qui désigne l'apparente contradiction entre l'alimentation riche en graisses des Français, notamment des habitants du Sud-Ouest, et leur mortalité par infarctus plus faible que dans les autres pays industrialisés. De nombreuses études ont révélé qu'en plus d'être un puissant antioxydant et un anti-inflammatoire, le resvératrol aurait aussi des propriétés anticancéreuses et protégerait les neurones du stress oxydatif. Permet-il également de retarder le vieillissement ? On n'en est encore chez l'homme qu'au stade des hypothèses. Mais cette molécule augmenterait bien la longévité... chez la levure (->), un organisme unicellulaire étroitement apparenté aux animaux et à l'homme. En 2003, des chercheurs de la Harvard Medical School ont en effet observé que le resvératrol aidait le champignon unicellulaire à vivre de 60 à 80 % plus longtemps. Des expérimentations complémentaires sur des cellules humaines irradiées par des rayons gamma ont montré que le resvératrol permettait à 30 % d'entre elles de survivre contre 10 % pour les cellules non traitées. D'autres expériences encourageantes ont été réalisées sur des mouches, des vers, des poissons et des souris. Suite à tant de résultats prometteurs, des laboratoires se sont empressés de commercialiser des gélules renfermant la précieuse substance. Or aucune étude n'a pour l'instant démontré qu'elle augmentait effectivement la longévité humaine.

Mélatonine et rapamycine

D'autres pilules pourraient voir le jour dans les prochaines années, à base, par exemple, de mélatonine. Une équipe du laboratoire Arago de Banyuls-sur-Mer (CNRS/ université Pierre-et-Marie-Curie) menée sur la musaraigne musette a en effet démontré son efficacité. Lorsqu'on administre au rongeur en continu de la mélatonine vers 12 mois, âge où la sénescence débute habituellement chez l'animal, le vieillissement se trouve retardé de trois mois. Il s'agit maintenant de comprendre son mode opératoire sur le vieillissement pour envisager, peut-être, une application à l'homme. Autre produit aux vertus étonnantes, la rapamycine. La molécule était déjà connue pour ses propriétés antifongiques (traitement des mycoses), antibiotiques et antirejet. Voilà qu'elle pourrait aussi ralentir les effets du temps. Des chercheurs du Jackson Laboratory (Maine, États-Unis) et de l'université du Texas ont administré de la rapamycine à environ 2000 souris âgées de 20 mois - l'équivalent de 60 ans chez l'homme -, et ont comparé la durée de vie de ces rongeurs à celle de souris du même âge. Résultat : le traitement a augmenté la durée de vie des mâles de 9 % et celle des femelles de 13 %. D'après les scientifiques, la rapamycine semble agir sur la même voie moléculaire que la restriction calorique ou la réduction des facteurs de croissance. La recherche de molécules anti-vieillissement, elle, n'est donc pas près de prendre une ride.

ET LA DHEA ?
Depuis plus d'une décennie, elle fait régulièrement la une des magazines. Présentée comme une véritable pilule de jouvence, la dehydroépiandrostérone, plus connue sous le nom de DHEA, est une hormone stéroïde, cousine chimique de la testostérone et de l'ostrogène. Son taux atteint un pic chez les jeunes de 20 ans, avant de décroître progressivement à partir de la trentaine. Quels sont ses bénéfices ? Selon le professeur français Etienne-Emile Beaulieu, qui a rendu l'hormone célèbre, la DHEA ne serait pas efficace sur des sujets âgés de moins de 65 ans. Mais pour les plus âgés, ses bienfaits seraient réels : elle diminuerait la formation de graisse, régulerait l'hypertension, améliorerait l'état de la peau et la libido, notamment chez les femmes. C'est ce que semblait montrer l'étude DHEAge, publiée par le même professeur Beaulieu en 2000. Mais dans un rapport rendu le 3 juillet 2001, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) s'est montrée moins convaincue, estimant que les bénéfices observés pouvaient être expliqués par le "simple hasard". En outre, d'après la même étude de Beaulieu et quelques travaux américains, la DHEA présenterait des risques : associée à un traitement hormonal substitutif, fréquent chez les femmes ménopausées, elle augmenterait le risque de cancer du sein et de l'utérus. Chez l'homme, elle pourrait stimuler la croissance de cancers de la prostate. De plus, le risque de développer une maladie cardiovasculaire n'est pas exclu, notamment si le traitement est de longue durée. C'est pourquoi, l'Afssaps en conclut qu'il ne peut être conseillé de prescrire la DHEA dans le cadre de la lutte contre les effets du vieillissement. Tout aussi prudent, le Conseil de l'ordre des médecins recommande aux professionnels de santé de ne pas prescrire de DHEA, "compte tenu des doutes qui planent sur son innocuité".

F.H. - SCIENCE & VIE Hors Série > Septembre > 2009

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F.H. - SCIENCE & VIE Hors Série > Septembre > 2009
 

   
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