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Les 9 Anomalies du Modèle Standart

Anomalies dans l'Univers

Elles sont au nombre de 9. Neuf anomalies qui ne collent pas avec le modèle standard, la théorie qui decrit l'Univers. Neuf anomalies qui concernent aussi bien les étoiles que les planètes, l'émission de rayons X que les galaxies. Neuf anomalies indubitables car observées de visu. Neuf anomalies qui, paradoxalement, sont une fantastique aubaine ! Car loin d'embarrasser les cosmologistes, ces 9 anomalies pourraient les sauver... en leur révélant les failles du modèle standard. Or, celui-ci est miné de l'intérieur par 2 énigmes : l'énergie noire et la matière noire. Ce dont la moindre anomalie pourrait justement rendre compte. La preuve par neuf ?

Décidément, quelque chose cloche. Peut-être pas dans l'Univers, mais plutôt dans la théorie censée le décrire, du big bang à la naissance des planètes - ce qu'on appelle le modèle standard. Ces derniers temps, les cosmologistes attendaient fébrilement les conclusions de l'analyse des données du télescope spatial Planck, qui a photographié avec la précision maximale la première lumière de l'Univers, émise 380.000 ans après sa naissance. Les résultats sont tombés en janvier dernnier. "La précision du modèle standard est incroyable, réagissait Hervé Dole, membre de La collaboration Planck, à la veille de leur publication. Toutes ses prédictions sont exactement vérifiées". C'est là tout le problème. En forme de paradoxe insoluble. Car ce medèle standard qui vient d'être confirmé avec une précision éclatante... est bancal. C'est sûr, certains parmi vous connaissent l'affaire par cour. Voilà des années qu'elle rythme nos pages. Oui, il s'agit encore et toujours de ce problème de matière et d'énergie noires.
Nous le racontions 1986, en 1990, en 1998, en 2004, en 2011... Depuis qu'ils ont découvert, dans les années 1980, la vitesse trop élevée des étoiles dans les galaxies, les astronomes sont contrains de postuler l'existence d'une matière invisible, censée être omniprésente dans notre Univers ! Et depuis qu'ils ont mesuré l'accélération de l'expansion de ce dernier, ils s'obligent à penser qu'une forme d'énergie inconnue remplit l'espace. Matière et énergie noires, donc. Deux entités que personne n'a jamais vues et dont on ne sait rien, mais qui comptent pour 95 % de la densité dea l'énergie de l'Univers ! Si bien qu'elles sont devenues indispensables au modèle standard : les cosmologistes parlent désormais de modèle Lambda CDM, la lettre grecque lambda représentant l'énergie noire et CDM étant l'acronyme anglais de "matière noire froide". Et voilà comment la théorie de l'Univers, qui ne reposait que sur deux piliers fondateurs des plus solides - la relativité générale d'Einstein, qui décrit la façon dont l'espace et le temps pliant sous l'effet de la gravité, et le modèle standard de la physique des particules, qui détaille le bestiaire de la matière -, a été rafistolée. Et comment deux anomalies ont déséquilibré la plus rodée des machineries.
Tout le paradoxe vient de là : le plus grand triomphe du modèle standard est vécu comme un échec. L'Univers vient d'être validé par le plus précis des télescopes, et il n'en devient que plus inaccessible. Les deux substances avec lesquelles les astronomes ont badigeonné leur théorie sont aujourd'hui encore un peu plus impalpables. Et maintenant ? Les astronomes n'ont d'autre choix que de relever la tête vers les étoiles, à la recherche du plus pertit indice. N'importe quoi, pourvu que ce soit inattendu. Et de ressortir des affaires non résolues, pour y traquer la présence de ces deux noires entités - ou même des signes indiquant un moyen de s'en passer. Une strategie payante ! Car des trucs qui clochent, il y en a dans le ciel. Et ils sont même légion !

ÉTOILES DISPARUES : Par exemple, la mystérieuse disparition d'étoiles mortes. On devrait en voir des milliers, tout près, au cour de notre galaxie. Or, les télescopes n'en distinguent qu'une seule ! La matière noire aurait-elle détruit les autres ? Et ces amas de galaxies énormes, formés alors que l'Univers commençait tout juste à se structurer, ont-ils été rassemblés par l'énergie noire ? Et cette lumière ultraviolette baignant le cosmos, qui ne provient pourtant d'aucune étoile ? Ces géantes rouges qui oscillent trop fort ? Ces mouvements galactiques trop rapides ? Ces galaxies plates ? Ces galaxies satellites alignées en rang d'oignons ? Ces bouffées d'ondes radio et de rayons X ? Ces bizarreries cosmiques sont aujourd'hui les seuls indices que l'Univers a pu laisser pour permettre à l'homme de percer ses ultimes secrets. Certaines pistes ne mèneront à rien. Mais l'une d'entre elles cache peut-être la brèche qui, au final, conduira tout droit à la vérité. Laquelle ? Neuf sont actuellement en lice.

Matière noire et énergie noire : elles détiennent la clé du modèle standard
La matière noire a été imaginée dans les années 1980 après l'observation par Fritz Zwicky et Vera Rubin que les galaxies tournaient trop vite. Pour l'expliquer, il a fallu postuler une nouvelle particule massive, très petite, qui se déplace lentement par rapport à la vitesse de la lumière et qui n'interagit pas, ou très peu, par interaction faible. L'énergie noire a été ajoutée après qu'en 1998, Adam Riess, Saul Perlmutter et Brian Schmidt ont mesuré que l'Univers accélère son expansion. Dans le modèle standard, les théoriciens décrivent l'énergie noire comme un fluide totalement homogène, de densité constante et de pression négative, ayant donc un effet répulsif.

1/ PULSARS

Étrange affaire que celle des pulsars manquants. Au centre de la Voie lactée, ou ils sont censés fourmiller, on n'en trouve pas la moindre trace. II n'y a qu'à la périphérie de notre galaxie que les astronomes en ont observé quelques milliers. Des pulsars ? Au commencement, il s'agit d'étoiles géantes qui, trop vieilles pour supporter leur propre poids, ont explosé en supernovae, laissant derrière elles des étoiles à neutrons minuscules - 20 km de diamètre - mais contenant entre 1,4 et 3,2 fois la masse du Soleil. Leur densité record les protège des ravages du temps, qu'elles traversent comme des pierres funéraires, témoignant qu'un jour, une étoile a vécu là. Certaines tournent très vite sur elles-mêmes : ce sont les fameux pulsars. Lesquels balaient l'espace de rayons X comme des phares dans la nuit, visibles à des milliers d'années-lumière de distance.

Un seul signal détecté : Le cour de la Voie lactée grouille d'étoiles massives. On pensait donc que le lancement, dans les années 2000, de télescopes spatiaux à rayons X exhumerait un cimetière de centaines de pulsars. Mais non, rien. Pas une seule détection dans un rayon de 80 années-lumière autour du centre galactique. Au vrai, la couche de poussières, de gaz et d'étoiles au cour de notre galaxie semble si opaque que même les rayons X ne parviennent pas à la percer. Du moins, c'est ce qu'ont conclu les astronomes au début des années 2010, résignés à l'idée que le cimetière de pulsars resterait plongé dans le brouillard.
C'était avant que le télescope spatial Nustar découvre, en mai 2013, un signal X d'une periode de 3,76 secondes à moins de 0,3 année-lumière du centre de la galaxie. Un pulsar ! Baptisé SGR J1745-29, celui-ci concentre aussitôt l'attention des astronomes : s'ils peuvent le voir si nettement, pourquoi ne voient-ils pas tous les autres ? "C'est là que le problème des pulsars manquants est devenu particulièrement excitant, raconte Tim Linden, de l'université de Chicago. Car ce pulsar nous a permis de mesurer l'effet de brouillage du gaz au centre de la galaxie. Or, il est plus faible qu'on le pensait". Conclusion : si l'on ne voit aucun autre pulsar au cour de la Voie lactée, ce n'est pas parce qu'ils sont cachés... c'est parce qu'il n'y en a pas ! Différentes hypothèses tentent de l'expliquer : les étoiles massives auraient pu exploser de manière non symétrique, expulsant leurs restes à la péripherie de la galaxie ; ou bien un trou noir invisible aurait pu nettoyer le centre de ses jeunes pulsars...

Des trous noirs ? Mais Tim Linden reste sceptique. En avril 2014, il évoque le sujet avec son collègue Joseph Bramante, à l'université Notre-Dame (Indiana). Qui lui suggère une tout autre explication : et si les pulsars avaient accumulé de la matière noire et, surchargés, avaient eux-mêmes explosé en trous noirs, devenant invisibles ? Car les trous noirs ne "pulsent" pas : ils sont souvent indétectables à une si grande distance. Ce qui impliquerait que la matière noire existe, qu'elle peut s'accumuler sur la matière baryonique (ou "ordinaire" : la notre), qu'elle n'est pas sa propre antiparticule (sinon elle s'annihilerait à son propre contact)... et bien d'autres contraintes qui renseigneraient sur sa nature.

2/ POUSSIÈRES INTERSTELLAIRES : elle émettent un mystérieux rayon X

Tout a commencé par une observation de routine. Esra Bulbul, chercheuse à Harvard, étudiait la composition atomique d'un panel de 73 amas de galaxies à partir de leur spectre lumineux, enregistré par XMM-Newton, le télescope spatial à rayons X de l'Agence spatiale européenne. Rien à signaler... si ce n'est un étrange excès d'intensité à l'énergie de 3550 électronvolts (eV). En général, un tel pic correspond à l'émission de photons par des atomes, et signe la presence d'un élément chimique précis. Oui, sauf que celui-ci ne semble correspondre à aucun élément connu... L'astronome et son équipe plongent dans les données du satellite Chandra de la Nasa et retrouvent le même pic, jusque-là passe inaperçu. Aucun doute, ils ont levé un lièvre. Ils publient leurs résultats en février 2014, suivis une semaine plus tard par l'équipe d'Alexey Boyarsky, de l'université de Leyde (Pays-Bas), qui confirme l'existence du pic dans l'amas de Persée, et annonce l'avoir aussi trouvé dans la galaxie d'Andromède. Depuis, c'est la ruée. Une centaine d'articles ont été publiés, qui proposent chacun leur interprétation de ce pic mystérieux.

Réponse en 2016 : Pourquoi une telle effervescence ? Parce que cette anomalie pourrait signer la désintégration spontanée de neutrinos stériles, des particules élémentaires dont l'existence est suggérée depuis une quinzaine d'années mais que personne n'a encore détectées. Autre piste : elle pourrait trahir l'excitation des particules de matière noire. Yann Mambrini, du Laboratoire de physique théorique d'Orsay, opte pour une troisième option : le signal à 3,5 keV serait dû à l'annihiiation de particules de matière noire suite à des collisions dans les amas de galaxies. "Elles produiraient des particules de même nature que le boson de Higgs, qui se désintègreraient chacune en deux photons dont l'énergie correspondrait au pic mesuré", précise-t-il. Pour l'heure, impossible de départager ces hypothèses, d'autant qu'il y en a bien d'autres. Les astronomes devront attendre les données du télescope à rayons X japonais Astra-H. Ce ne sera pas long : il ciblera l'amas de Persée en 2016.

3/ GÉANTES ROUGES : elles oscillent beaucoup trop dans la Voie lactée

"C'est une étude que nous avions entamée il y a 10 ans et qui n'avait jusqu'ici posé aucun problème", se souvient Olivier Bienaymé, de l'Observatoire astronomique de Strasbourg. Elle consistait à mesurer la vitesse verticale des étoiles de notre région de la Voie lactée. Car les étoiles qui tournent ensemble auteur du trou noir central n'ont pas une trajectoire plane. Comme les chevaux de bois d'un manège, elles montent et descendent de part et d'autre du disque galactique, qui fait plutôt office de roue voilée.

UNE ÉTRANGE AMPLITUDE : Une première fournée de 500 étoiles n'avait rien donné de spécial. Mais quand les chercheurs étudient un échantillon plus fourni de 4600 géantes rouges, c'est le choc : les étoiles les plus éloignées du plan galactique oscillent avec une amplitude 2 fois trop grande ! Les premières mesures effectuées sur les 500 étoiles s'accordaient avec les modèles cosmologiques : la Voie lactée était vue comme enroulée dans un halo de matière noire d'une densité de 5 milliardièmes de gramme par km³... Mais il en faudrait 2 fois plus pour expliquer les données issues de l'échantillon élargi. Dès lors, deux possibilités. Soit le halo de matière noire ne s'organise pas comme prévu : il pourrait être aplati aux pôles, ce qui concentrerait la matière noire près du disque, ou bien renforcé à l'équateur, formant une sorte de bouée. Resterait alors à expliquer la formation de ces structures. Soit ce halo n'existe pas et les lois de la gravitation sont à revoir. Une théorie de la dynamique newtonienne modifiée, connue sous l'acronyme anglais Mond, semble ainsi prédire la bonne vitesse verticale pour les étoiles de l'échantillon. "Le satellite Gaïa, lancé en 2013, est en train de mesurer les distances et vitesses précises d'un grand nombre d'étoiles dans un rayon de 12 000 années-lumière autour de nous, précise Olivier Bienaymé. Nous devrions en savoir plus d'ici 18 mois".

4/ GALAXIES : elles se déplacent bien trop vite

Leur vitesse devrait approcher les 350.000 km/h. Or, les mesures des télescopes indiquent entre 900.000 et 1.400.000 km/h ! Richard Watkins et son équipe de l'université Willamette (Etats-Unis) ont compile les données de toutes les campagnes d'observations afin de calculer la vitesse moyenne des galaxies. Et alors qu'on pensait qu'elles ralentissent à mesure que l'échelle augmente, les chercheurs ont découvert qu'au contraire, elles semblent maintenir un rythme effréné. "Si, comme le prévoit le modèle standard, l'Univers est homogène et isotrope (ses propriétés sont les mêmes dans toutes les directions), la vitesse moyenne des galaxies devrait tendre vers zéro à grande échelle", précise Richard Watkins. L'anomalie avait été découverte en 2008 : les astrophysiciens trouvaient alors 1.500.000 km/h. Dans la foulée, une dizaine d'études basées sur des observations différentes donnaient des résultats contradictoires, certaines confirmant l'anomalie, d'autres concluant à des erreurs. Aujourd'hui, le débat est tranché : "il y a bien un probleme", affirme Mike Hudson, membre de l'équipe. Et les théoriciens affûtent leurs crayons, car cette vitesse à grande échelle est directement liée à l'énergie noire qui accélère l'expansion de l'Univers. M.F.

5/ CENTRES GALACTIQUES : la plupart n'ont pas un bulbe imposant

Normalement, les galaxies devraient ressembler à un ouf sur le plat, avec un bulbe central proéminent au milieu et un disque galactique plat autour. Le modèle standard prévoit en effet qu'elles se forment par fusions successives de galaxies plus petites. Et qu'à chaque fusion, le bulbe augmente en proportion... Les simulations les plus précises montrent même que la halo de matière noire invisible qui entoure les galaxies les précipite les unes sur les autres, en s'entremêlant dès qu'elles se frôlent d'un peu trop près. Au fil de ces fusions, les galaxies actuelles devraient toutes arborer un bulbe imposant... "Or, les deux tiers n'en ont pas du tout, rélève Francoise Combes, de l'Observatoire de Paris. Cette anomalie a été pointée en 2002, lorsque les données en proche infrarouge se sont accumulées. On a alors pu faire des statistiques sur des milliers de galaxies et isoler les bulbes". Les premières galaxies de l'Univers, qui commencent à être observées dans le champ profond du télescope Hubble depuis 1995, prennent carrément la forme d'amas d'étoiles sans cour organisés en 3 ou 4 blocs bien distincts.

Et sans halo ? Depuis ces découvertes, les astronomes tentent de corriger leur modèle en révisant la masse des galaxies ou la température du gaz, en affinant les paramètres de la matière noire... Francoise Combes propose quant à elle une alternative radicale : considérer le problème dans le cadre de la théorie Mond, cette théorie de la dynamique newtonienne modifiée dans laquelle la matière noire n'existe pas. "S'il n'y a pas de halo, la friction qui ralentit les galaxies lorsqu'elles se frôlent est beaucoup moins importante, explique l'astronome. Elles finissent tout de même par fusionner, mais après s'être tournées autour 5 à 10 fois. Cela allonge considérablement le temps de la fusion, et réduit d'autant l'occurrence de ces événements dans le passé". Les simulations s'améliorent. Bientôt, elles permettront de traiter le gaz de façon encore plus réaliste, de préciser le taux de fusion des galaxies et de dire si celles-ci sont nues ou enroulées dans un halo de matière noire.

6/ AMAS GALACTIQUES : certains ont une taille démesurée

Il y a d'abord eu la découverte du Bullet Cluster en 2002. Puis celle de MACS J0025. 4-1222 en 2008. Puis d'El Gordo et AS 1063 en 2012. "On en compte aujourd'hui une vingtaine", précise Vincent Bouillot, astrophysicien à l'université du Cap (Afrique du Sud). Une vingtaine de paires d'amas étranges, trop gros et trop anciens. Car le modèle standard prédit que les amas de galaxies se forment lentement : ils sont censés s'agréger petit à petit, fusion de galaxies après fusion de galaxies. Or, le Bullet Cluster, situé à 3,8 milliards d'années-lumière, est composé de 2 amas tombant l'un sur l'autre, et pesant respectivement 1014 et 1015 fois la masse du Soleil. El Gordo pèse lui aussi 1015 fois la masse du Soleil, et s'est formé il y a plus de 5,7 milliards d'années. "L'existence de couples d'amas de cette taille est très improbable à ce stade de l'évolution de l'Univers", précise Vincent Bouillot. D'autant que les astronomes trouvent que ces couples tombent beaucoup trop vite l'un sur l'autre. "Le Bullet Cluster tombe à 3000 km/s. On attendrait plutôt 1000 à 2000 km/s, précise le chercheur. Cette vitesse élevée signifie que les deux amas qui composent le Bullet sont nés tout près l'un de l'autre, plus près que ne l'autorise le modèle standard". Des astrophysiciens ont déjà commencé à comparer ces données avec les prédictions de modèles cosmologiques alternatifs : elles pourraient vouloir dire que le pouvoir de l'énergie noire varie dans le temps. M.F.

7/ GALAXIES NAINES : elles sont bizarrement alignées

La Voie lactée devrait être entourée d'une nuée sphérique de centaines, voire de milliers de petites galaxies satellites. Problème : on n'en observe que 25, toutes étroitement confinées dans un plan d'environ 70.000 années-lumière de largeur. Une anomalie soupçonnée des 1976 par Donald Lynden-Bell (Cambridge), alors qu'on ne connaissait qu'une dizaine de ces galaxies naines, et confirmée par la suite. Pis, en janvier 2013, l'équipe de Rodrigo Ibata, de l'Observatoire de Strasbourg, découvre que notre galaxie n'est pas la seule à présenter cette bizarrerie. En jetant un oil à notre voisine Andromède et à ses 27 galaxies satellites, les astronomes découvrent que 15 d'entre elles occupent pareillement un plan de 40.000 années-lumière d'épaisseur. En 2014, observant un échantillon de 380 galaxies, ils trouvent, chez 22 d'entre elles, 2 galaxies satellites placées symétriquement par rapport au centre galactique. Et dans 20 cas, leurs vitesses sont opposées - comme si elles tournaient dans un même plan. C'est trop pour être dû au hasard...

La gravitation à revoir : Comment expliquer cet étrange alignement ? Ces naines pourraient être des morceaux de la galaxie centrale qui auraient été éjectés et continueraient de tourner autour de la galaxie mère dans un plan, un peu à la manière des systèmes planétaires. "Mais dans ce cas, elles devraient manquer de matière noire, précise le chercheur. Or, elles en contiennent énormément". Autre hypothèse : l'alignement pourrait être commandé par les filaments, ces gigantesques fleuves de matière noire qui tissent l'Univers, charriant les galaxies et leurs satellites. "Sauf que le plan orbital des galaxies est épais de quelques dizaines de milliers d'années-lumiére... et les filaments de dizaines de millions", objecte Benoit Famaey (Observatoire de Strasbourg). Plusieurs chercheurs considèrent plutôt que ces alignements prouvent qu'il n'y a pas de matière noire, mais une gravitation différente de celle formulée par Newton, suivant la théorie Mond. "Cette théorie a de nombreuses failles, mais elle fonctionne particulièrement bien à l'échelle des galaxies", souligne le chercheur. Avec ses collègues, il a lancé une campagne d'observations au Very Large Telescope (Chili) pour doubler l'échantillon de galaxies. Les résultats, attendus d'ici 1 à 2 ans, seront pour le modèle standard une pierre ou une brèche supplémentaire.

8/ ÉTOILES À NEUTRONS : elles émettent d'étranges bouffées d'ondes radio

Le signal n'a duré que cinq millisecondes et a déjà donné lieu à 8 ans de travaux... et ce n'est que le début ! "En 2007, nous cherchions dans les Nuages de Magellan des traces de pulsars, quand nous avons repéré ce signal très lumineux", se souvient Duncan Lorimer, de l'université de Virginie-Occidentale. Un pulsar est une étoile à neutrons qui tourne très vite sur elle-même et émet des ondes radio de façon périodique. "Nous nous attendions à retrouver le signal dans les secondes suivantes, mais après des dizaines d'heures il n'y avait toujours rien". Ce n'était donc pas un pulsar. Mais alors quoi ? Une erreur ? Non : 4 ans plus tard, un autre signal est détecté. Puis 4 autres en 2013. Depuis, les hypothèses se sont multipliées. Une évaporation de trou noir ! Non plus : pour qu'on le détecte d'aussi loin, son énergie intrinsèque devrait être bien trop élevée. Une fusion d'étoiles à neutrons ? Elle donnerait naissance à une étoile trop lourde, qui s'effondrerait en trou noir 10 à 100 secondes après sa formation, provoquant une seconde explosion d'energie qui n'apparaît pas dans les données.

Blitzar ou pulsar ? En revanche, comme le signal ressemble à celui d'un pulsar, il y a de fortes chances pour qu'une étoile à neutrons soit impliquée. Les astronomes évoquent donc un blitzar, une étoile à neutrons hypothétique, dont la rotation serait telle que la force centrifuge suffirait à empêcher son effondrement en trou noir. Autre piste : un pulsar tellement magnetisé qu'un tremblement de sa croûte externe pourrait provoquer de gigantesques flambées radio. En décembre dernier, Jim Fuller, du Caltech, a proposé une idée plus exotique : le signal serait du à l'effondrement dramatique d'une étoile à neutrons en trou noir au centre d'une galaxie, à cause d'un excès de matière noire. "Cela générerait une énergie du bon ordre de grandeur, à une fréquence compatible avec les sursauts radio observés", argumente le chercheur. Une piste plausible selon Emily Petroff (université de technologie Swinburne, Australie), bien qu'elle la juge moins convaincante que celle du pulsar magnétisé. Pour trancher, la spécialiste attend de nouvelles détections : "Les futurs radiotélescopes, comme le Square Kilometre Array en Australie, devraient déceler un signal par jour". De son côté, Jim Fuller estime que si le Very Long Baseline Array (Etats-Unis) parvient à surprendre un sursaut, on devrait pouvoir établir de quelle partie précise de la galaxie il provient, et ainsi dévoiler le mécanisme d'origine. En attendant, les étranges sursauts continuent de rythmer les débats. Le dernier a été détecté en janvier. Le onzième en 8 ans.

9/ NUAGES DE GAZ : ils sont beaucoup trop brillants

Chercher la source d'une lumière éblouissante et ne repérer qu'une ampoule basse consommation : voilà ce qu'ont ressenti Juna Kollmeier et son équipe de la Carnegie Institution (Etats-Unis) il y a un an. En mesurant le taux d'ionisation des nuages d'hydrogène qui flottent entre les galaxies, ils ont quantifié le fond ultraviolet, une lumière qui baigne l'Univers... Et ils ont trouvé un signal bien trop puissant. En faisant la somme de tous les quasars, ces trous noirs qui aspirent les étoiles et le gaz alentour, crachant des rayons UV en quantité faramineuse, les chercheurs trouvent en effet qu'ils sont 5 fois trop peu nombreux pour expliquer le fond ultraviolet... Une source inconnue produirait les quatre cinquièmes des photons UV de l'Univers ! Quelle source ? Il pourrait s'agir de jeunes étoiles selon Raghunathan Srianand, spécialiste du sujet à l'université de Pune, en Inde : "C'est un phénomène qu'on connaît mal. Il pourrait remplir 2 ou 3 cinquièmes de l'écart mesuré". Même si c'était le cas, la moitié de la lumière mesurée resterait inexpliquée. Juna Kollmeier soupçonne alors la matière noire : "De nombreux modèles prédisent que des collisions ou des désintégrations de particules de matière noire émettraient des UV". Avec son équipe, elle s'attache en préciser le mécanisme. De quoi peut-être décrire mesuré enfin la matière noire.

B.R. et M.F. - SCIENCE & VIE N°1171 > Avril > 2015
 

   
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