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Index de MICROBIOLOGIE
   
 
Les 4 Grands Groupes de Microbes

Un Tout Petit Monde

Les microbes sont invisibles. Ils sont partout. Et ils nous gouvernent.

STREPTOCOQUES : Image colorisée de streptocoques photographiés au microscope électronique. S'il peut parfois provoquer des infections mortelles, le streptocoque est en général inoffensif, tout comme des milliers d'êtres hébergés dans notre organisme.

Inspirez. L'air franchit vos narines, emplit votre nez. Votre diaphragme se contracte, poussant l'air au fond de votre poitrine. L'oxygène se répand dans vos alvéoles pulmonaires, voyage dans vos capillaires sanguins, prêt à alimenter chaque cellule de votre corps. Vous êtes vivant. Tout comme l'est cet air que vous venez d'inhaler. Nos marines capturent des millions de particules invisibles à chaque inspiration : poussières, pollens, embruns marins, cendres volcaniques, spores. Ces grains de vie abritent une fourmillante communauté de bactéries et de virus. Dont quelques-uns peuvent provoquer des allergies ou de l'asthme. Il est bien plus rare d'inhaler les agents pathogènes des infections elles-mêmes, comme pour le Sras - ou pneumonie atypique -, la tuberculose ou la grippe.
J'ai passé beaucoup de temps ces 15 dernières années à glisser des tampons de coton dans les orifices les plus divers : nez humains, groins de porcs, becs de volatiles, appendices de primates. Je cherchais les signes révélateurs de ces agents pathogenes à l'origine d'épidémies mortelles. J'en suis venu à considérer l'air moins comme un élément essentiel à la vie que comme le véhicule de la prochaine épidémie. Mais respirez ! La plupart des microbes en suspension dans l'air sont plutôt inoffensifs. Et certains d'entre eux nous sont bénéfiques - c'est quasiment sûr. En vérité, nous en savons encore fort peu dans ce domaine.
Les bactéries forment une bonne partie de la matière vivante terrestre. Or nous ne savions rien d'elles avant qu'Antonie Van Leeuwenhoek ne règle ses microscopes sur des échantillons de salive ou d'eau d'étang, il y a 350 ans. Quant aux virus, bien plus petits que les bactéries mais beaucoup plus nombreux que tous les autres éléments entrant dans les formes de vie combinées, leur découverte ne remonte pas à plus d'un siècle. Et il a fallu attendre ces 30 dernières années pour s'apercevoir à quel point les microbes sont omniprésents, prospérant aussi bien au sommet des nuages qu'à des kilomètres sous la surface du globe. Nous prenons seulement conscience de leur importance primordiale pour tout ce qui touche à notre santé et à celle de notre environnement.

Notre ignorance de la variété et de l'abondance du règne microbien fut longtemps due, pour une large part, à notre incapacité à cultiver la plupart des micro-organismes en laboratoire. Les techniques de séquençage de l'ADN nous ont récemment permis d'étudier des populations entières dans un environmement précis sans avoir à cultiver l'une ou l'autre dans les classiques boîtes de Petri. En 2006, des chercheurs du Lawrence Berkeley National Laboratory ont ainsi annoncé que des échantillons d'air collectés entre San Antonio et Austin (Texas) contenaient plus de 1800 espèces différentes de bactéries en suspension. Ce qui prouve que, dans ce domaine, l'air et le sol sont aussi riches. Ces bactéries en suspension venaient d'endroits aussi variés que des prés fauchés, des stations d'épuration, des sources chaudes et des gencives humaines sans oublier une espèce issue de la peinture écaillée. Un grand nombre de microbes en suspension ne parcourent pas un long trajet, mais d'autres accomplissent de véritables périples. La poussière des déserts chinois voyage à la fois à travers le Pacifique jusqu'à l'Amérique du Nord et vers l'est jusqu'à l'Europe, et par effectuer le tour du monde. Ces nuages de poussière transportent des bactéries et des virus provenant de leurs sols originels, ainsi que d'autres microbes récoltés au-dessus d'ordures ou dans les brumes océaniques. À chaque goulée d'air, vous respirez des échantillons du monde entier.
La haute atmosphère contient également des microbes. Ils peuvent flotter 36 km au-dessus de la surface terrestre. Je crois qu'ils pourraient s'élever encore plus loin, même s'il est difficile d'imaginer qu'ils puissent subsister longtemps sans eau ni nutriments. Plus bas, ils survivent, et même se multiplient. Bien qu'un fort rayonnement ultraviolet tue la plupart des bactéries, on a la preuve que certains microbes métabolisent et peut-être même prolifèrent à l'intérieur des nuages.
Les microbes ne font pas que vivre dans l'air : ils l'ont créé. À tout le moins la composante dont nous dépendons. Quand la vie a commencé sur la Terre, la teneur en oxygène de l'atmosphère était négligeable. L'oxygène est un déchet issu de la photosynthèse. Or c'est à des cyanobactéries que nous devons l'apparition de ce processus, il y a environ 2,5 milliards d'années. Ces bactéries sont directement responsables de prés de la moitié de l'oxygène produit sur terre chaque année et, indirectement, de la plus grande partie du reste. Voilà des centaines de millions d'années, d'anciennes formes de cyanobactéries se sont introduites dans les cellules d'où allaient naître les plantes. Une fois installées dans ces plantes primitives, elles se sont métamorphosées en chloroplastes - les moteurs de la photosynthèse et de la production d'oxygène dans les cellules des plantes. L'action conjuguée des cyanobactéries et des chloroplastes génère l'essentiel de la photosynthèse sur la planète.

Mais revenons à notre nez. Qu'en est-il de ces microbes en suspension que vous venez d'inhaler sans le vouloir ? Ils ne font que passer. Vos narines recèlent elles aussi une riche et complexe population de résidents permanents. Les bactéries les mieux représentées sont de 3 genres : Corynebacterium, Propionibacterium et Staphylococcus. Elles forment l'une des nombreuses communautés composant le microbiome humain, c'est-à-dire l'ensemble des bactéries et des autres micro-organismes qui logent dans votre peau, vos gencives, vos dents, votre système génital et, plus particulièrement, dans votre système digestif. En définitive, les microbes sont 10 fois plus nombreux dans votre corps que vos cellules, et leur poids est égal ou supérieur à celui de votre cerveau - environ 1,35 kg en moyenne chez l'adulte. Chacun d'entre nous est donc à la fois un organisme et un écosystème densément peuplé, dont les habitats hébergent des espèces aussi différentes les unes des autres que le sont les animaux peuplant une jungle et un désert. Pour l'essentiel, les microbes de notre organisme ont des effets bénéfiques ou restent de discrets pique-assiettes. Ils nous aident à digérer et à absorber nos nutriments. Ils fabriquent des vitamines indispensables et des protéines anti-inflammatoires que nos gènes sont incapables de produire. Et ils entraînent notre système immunitaire à combattre les intrus porteurs d'infections. Par exemple, les bactéries de notre peau sécrètent une sorte de crème hydratante qui empêche la formation de crevasses par où des agents pathogènes pourraient s'infiltrer.
Notre premier contact avec ces microbes a lieu dans le canal vaginal maternel. La population bactérienne y change radicalement durant la grossesse. Ainsi, Lactobacillus johnsonii, hôte habituel de l'intestin, où il favorise la digestion du lait, devient plus abondant dans le vagin. En entrant en contact avec le bébé, il prépare peut-être celui-ci à bien assimiler le lait maternel. Notre corps abrite aussi des habitants dont il vaut mieux se méfier. En temps normal, un tiers de la population héberge dans son nez Staphylococcus aureus. Une bactérie bénigne qui peut se muer en redoutable prédateur. En général, l'équilibre entre les diverses communautés bactériennes suffit à neutraliser S. aureus. Mais celle-ci peut devenir agressive, surtout si elle s'aventure en territoire peu familier. S. aureus peut provoquer de simples boutons sur la peau comme des infections fatales. Dans certaines conditions, elle forme une sorte de film humide qui avance tel un front uni et envahit de nouveaux tissus, infectant même les cathéters intraveineux et d'autres matériels hospitaliers. Au pire, S. aureus cause des infections telles que le syndrome du choc toxique ou la fasciite nécrosante (maladie dite "mangeuse de Chair").

La dangerosité de ces souches découle de leur résistance aux antibiotiques. Or mieux nous connaissons notre microbiote, mieux nous comprenons comment des microbes utiles risquent d'être pris dans la ligne de feu entre un antibiotique et la cible qu'il doit détruire. L'usage généralisé d'antibiotiques dès le plus jeune âge pourrait avoir des conséquences très graves sur le long terme. La bactérie Helicobacter pylori, qui réside dans l'estomac, cause des ulcères à certaines personnes, mais, chez la plupart, elle régule l'activité des cellules immunitaires stomacales. Microbiologiste à l'université de New York, Martin Blaser observe que de moins en moins d'adultes hébergent H. pylori, en partie à cause des fortes doses d'antibiotiques reçues pendant l'enfance.
Plus notre connaissance des relations entre nos corps et nos microbes s'approfondit, plus les scientifiques envisagent le microbiome comme les écologistes considèrent un écosystème : non pas un ensemble d'espèces mais un environnement dynamique, par les multiples interactions entre ses composants. Ce qui devrait nous amener à utiliser les antibiotiques avec une prudence accrue et à privilégier autant que possible des traitements à base de probiotiques. Ceux-ci ne se contentent pas d'augmenter telle ou telle population microbienne de façon temporaire, mais bénéficient à la totalité des espèces de notre organisme pour améliorer notre santé. "Nous savons comment perturber une communauté, dit Katherine Lemon, spécialiste du microbiome au Forsyth Institute de Cambridge (Massachusetts). Il nous faut maintenant apprendre à lui rendre la santé". Cette nouvelle manière de voir nos microbes, - des compagnons de voyage dont il faut prendre soin d'en tirer profit est bien éloignée de l'image que je m'en fais dans mon métier - des tueurs qu'il faut pourchasser et exterminer avant qu'ils ne prolifèrent. Bien entendu, les deux approches sont valables. Nous ne devons jamais baisser la garde devant les menaces de maladies infectieuses. Mais notre exploration du monde microbien se poursuit, et ce que nous apprenons des êtres invisibles vivant autour de nous (et en nous) devrait tempérer la peur qu'ils suscitent - sans oublier l'excitation de toutes les découvertes à venir.


Nathan Wolfe, microbiologiste à l'université de Stanford, est le fondareur de Global Viral et le directeur général de l'entreprise Metabiota. Explorateur émergent du National Geographic, il est I'auteur du livre The Viral Storm.

N.W. - NATIONAL GEOGRAPHIC N°160 > Janvier > 2013

Les Microbes à la Loupe

Invisibles à l'œil nu, les micro-organismes se répartissent en quatre grands groupes. Revue simplifiée de ce qui les rapproche et de ce qui les différencie.

1/ LES VIRUS

Leur grande particularité, c'est qu'ils ne disposent pas de métabolisme propre, et sont classiquement considérés comme des entités simples, n'appartenant pas au vivant, même si cette conception est remise en question. Ils sont constitués d'une capside, c'est-à-dire d'une coque, qui renferme le génome sous forme d'ADN ou d'ARN. Cette capside peut être entourée d'une membrane issue de la cellule hôte. On la dit alors "enveloppée".
Incapables de se multiplier seuls, les virus doivent infecter une cellule et détourner sa machinerie afin de lui faire fabriquer du virus à la chaîne : une simple cellule infectée peut contenir des dizaines de milliers de virus ! Leur formidable capacité de multiplication en fait des agents pathogènes potentiellement redoutables, car capables de s'adapter rapidement au changement. Très variés, ils infectent tous les êtres vivants. Si l'immense majorité des virus connus sont de petite taille (de l'ordre de la centaine de nanomètres), il en existe de géants, comme Mimivirus.
Taille : 10 à 600 nanomètres.

2/ LES BACTÉRIES

Principale caractéristique : leur matériel génétique n'est pas enfermé dans un noyau. Ce sont donc des procaryotes, "avant le noyau", par opposition aux eucaryotes, "vrai noyau", qui rassemblent notamment les plantes et les animaux. Elles sont aussi dépourvues d'organites, ces structures cellulaires spécialisées comme les mitochondries, véritables centrales énergétiques que l'on trouve surtout chez les eucaryotes. Le génome se présente sous la forme d'un chromosome constitué d'un double brin d'ADN. Leur cytoplasme contient de plus, souvent, des plasmides, molécules d'ADN qui jouent un rôle important dans les transferts de gènes entre bactéries. Malheureusement, ils portent fréquemment des gènes de résistance aux antibiotiques, ce qui contribue à répandre ces résistances. Beaucoup de bactéries ne sont toutefois pas des pathogènes, mais des mutualistes, indispensables à la vie de nombreuses espèces. Elles interviennent ainsi dans la digestion chez l'homme.
Taille : 0,3 à 50 micromètres.

3/ LES ARCHÉES

Comme les bactéries, les archées sont des procaryotes. Et comme elles, dépourvues d'organites intracellulaires. Elles ont donc longtemps été confondues avec elles. D'autant qu'elles sont souvent d'allure et de taille semblables. Mais une vingtaine d'années après leur découverte dans les années 1970, les études ont montré qu'elles étaient aussi différentes des bactéries que celles-ci des eucaryotes, notamment par la nature biochimique de leur membrane cellulaire. Ainsi, elles disposent, entre autres, d'enzymes impliquées dans la réplication de l'ADN qui sont proches de leurs homologues chez les eucaryotes. Les archées constituent donc aujourd'hui l'un des trois grands domaines du vivant, avec les bactéries et les eucaryotes.
Taille : 1·10 micromètres.

4/ LES EUCARYOTES UNICELLULAIRES

Le point commun entre une amibe et un éléphant est que tous deux appartiennent, comme l'homme, les champignons ou encore les plantes, au domaine des eucaryotes, c'est-à-dire des organismes dont le génome est enfermé dans un noyau. Ils possèdent aussi au cœur de la cellule un grand nombre d'organites comme les mitochondries ou encore les chloroplastes, indispensables à la photosynthèse chez les plantes. Beaucoup d'espèces eucaryotes sont des organismes unicellulaires. Certaines, comme les amibes Entamoeba histolytica, sont pathogènes, responsables de dysenteries. D'autres, comme les algues unicellulaires dinoflagellés, produisent des toxines dont certaines provoquent une paralysie chez l'homme.
Taille : 10-100 micromètres.

SCIENCES ET AVENIR Hors Série > Mai > 2010
 

   
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