P L A N È T E  G A Ï A 
 
   
   
 Index ASTRONOMIE -> ASTROPHYSIQUE 
   
 
Rayonnement Fossile

L'Univers 380 000 ans après le Big Bang

Le satellite européen Planck a permis de cartographier la petite enfance du cosmos.

C'est tout simplement le portrait le plus ancien et le plus précis jamais réalisé de notre univers qu'a dévoilé hier l'Agence spatiale européenne (ESA). Réalisé grâce aux mesures du satellite Planck, lancé en 2009, à 1,5 million de kilomètres de la Terre, ce planisphère (->), représente les variations infimes de température de la première lumière émise par notre univers, il y a plus de 13,8 milliards d'années, quand il n'était qu'un bébé de 380.000 ans. Ses premiers mots, en quelque sorte. Nous baignons aujourd'hui dans l'écho de ce rayonnement dit cosmologique qui nous parvient de toutes les directions du ciel.

Dans une première image présentée en 2010, la représentation complète de ces infrarouges très froids (2,7 kelvins de moyenne, soit -270°C environ) était encore noyée dans les signaux parasites - le rayonnement de la Voie lactée et celui des milliards de galaxies qui nous entourent. Isoler les balbutiements de l'Univers au milieu de tout, ce "bruit" a demandé un travail considérable. Comme d'isoler le murmure d'une personne perdue dans la foule sur l'enregistrement d'un concert de rock. Cela explique les deux ans et demi qui ont été nécessaires aux astrophysiciens pour mener à bien leur tâche.
La précision remarquable obtenue est quant à elle à mettre au crédit de l'instrument français HFI de Planck, réalisé sous la maîtrise d'ouvre conjointe du CNRS et du Cnes. Pour enregistrer des écarts de température de l'ordre du millionième de degré, il devait fonctionner à une température proche du zéro absolu. Recréer ces conditions extrêmes, qui plus est en apesanteur, constituait un véritable défi technologique, rappelle d'ailleurs Jean-Loup Puget, son responsable scientifique.

MILLIONS DE PIXELS

L'institut Néel de Grenoble a réalisé cette prouesse, et c'est la société Thales Alenia Space, responsable de la construction du satellite, qui l'a implémentée sur Planck. "Assurer une température stable proche de -220°C pour permettre à cet instrument d'être ensuite refroidi à des températures encore plus basses n'a pas été simple", se rappelle d'ailleurs le directeur des programmes scientifiques, Jean-Jacques Juillet. Planck est ainsi devenu le point le plus froid du système solaire : -273°C environ !
"Tous ces efforts ont permis d'atteindre une sensibilité dix à vingt fois meilleure que celle du satellite américain WMAP", dont la première image divulguée en 2003 était déjà un événement, se réjouit Jean-Loup Puget. La résolution de Planck, avec ses 5 millions de pixels, est également cinq fois meilleure. Le contraste avec la carte établie par le satellite Cobe en 1992 n'en est que plus frappant.
Si la photo d'enfance de notre univers est impressionnante en elle-même, ces travaux ont aussi de profondes implications théoriques (ci-dessous). Les mesures ont permis de réviser à la baisse de 10 % la constante de Hubble, qui caractérise le rythme d'expansion de l'Univers. La composition même de l'Univers a pu être affinée. Il ne contiendrait plus que 69,4 % d'énergie noire, contre 72,8 % auparavant, mais un peu plus de matière noire et de matière classique.

IMPLICATIONS THÉORIQUES

Pas moins de 29 articles scientifiques accompagnent la présentation du fond diffus cosmologique enregistré par le satellite européen Planck. Les très légères fluctuations de ce rayonnement fossile, émis 380.000 ans après le big bang, sont en effet la seule source d'information dont disposent les astrophysiciens pour reconstituer les premiers instants de l'Univers. La répartition des grumeaux sur ce planisphère, qui deviendront les galaxies et les amas de galaxies que nous connaissons, témoigne des événements physiques qui ont conduit à leur formation.
"Après un temps très inférieur à la seconde, l'Univers, a connu une phase d'expansion très rapide et très brutale qu'on appelle inflation", explique François Bouchet, directeur de recherche à l'Institut d'astrophysique de Paris et responsable de l'analyse scientifique des données de Planck. C'est de cette dilatation, bien plus rapide que la vitesse de la lumière, un instant où l'Univers ne contient ni matière ni énergie mais "une substance" assez indéfinissable, que seraient nées les hétérogénéités que l'on retrouve dans le fond diffus cosmologique. "Nous avons donc pris les modèles d'inflation que nous avions à notre disposition pour regarder lesquels nous permettaient d'obtenir la bonne distribution statistique de grumeaux", raconte François Bouchet. "Il se trouve que le modèle le plus simple est aussi le meilleur au prix de quelques ajustements des paramètres de base".
Conséquence, l'Univers serait légèrement plus vieux qu'on ne le croyait : 80 millions d'années de plus, ce qui porte son âge à 13,81 milliards d'années. La constante de Hubble, qui définit la vitesse d'expansion de l'Univers, serait, elle, plus petite de 10 % environ. La composition même de l'Univers serait un peu différente : 69,4 % d'énergie noire, contre 72,8 % auparavant, mais un peu plus de matière noire (25,8 % contre 23 %) et de matière classique (4,8 % contre 4,3 %). Il n'est en revanche pas nécessaire d'introduire une quatrième famille hypothétique de neutrinos, des particules qui interagissent très peu avec la matière, comme certains théoriciens le suggéraient.

Reste un phénomène troublant, le modèle décrit la distribution statistique des petites fluctuations observées, mais peine à expliquer leur répartition générale. Les températures moyennes des hémisphères opposés du ciel sont par exemple différentes, contrairement à ce que prévoyait la théorie. "C'est une petite bombe, explique François Bouchet. Nous allons voir fleurir dans les années qui viennent de nombreux modèles qui prétendront expliquer ce résultat surprenant. Mais seuls ceux qui pourront faire des prédictions vérifiables auront vraiment un intérêt", prévient-il. La course est lancée.

TRISTAN VEY - LE FIGARO > Mars > 2013

Il nous Révèle l'Enfance de l'Univers

Un vrai jacuzzi, notre Univers ! Il y a plus de 13 milliards d'années, il baignait dans une véritable "soupe" de lumière chaude qui faisait alors régner une température infernale dans tout le cosmos.

Aujourd'hui, cette lumière, qui se perçoit désormais sous forme de micro-ondes, nous parvient encore, et on la désigne sous le nom de rayonnement fossile - ou encore de fond diffus cosmologique - parce qu'il témoigne de ces temps reculés. Reste que l'Univers a bien grandi depuis. La chaleur initiale s'est comme diluée dans un espace toujours plus vaste, un peu comme la chaleur d'un verre d'eau chaude s'attenue au contact d'une bassine d'eau froide. Au bout du compte, la température du rayonnement fossile n'atteint plus qu'une température glaciale : environ -270°C ! Mais ce n'est qu'une moyenne générale. Or, les astronomes sont intéressés par les infimes variations de température du rayonnement fossile. Selon la direction dans laquelle on l'observe, il s'avère en effet un peu plus chaud ici, un soupçon plus froid là... Ce qui nous livre une information capitale sur notre jeune Univers : il n'était pas homogène ; comprenez par là que la matière n'y était pas répartie partout de la même façon, certaines regions s'averant plus concentrées que d'autres. Et c'est autour de ces régions un poil plus denses que s'est formée, puis a évolué l'architecture de l'Univers. Au point qu'il ressemble aujourd'hui à une gigantesque toile d'araignée tissée en trois dimensions : des nuages de matière sont nées les étoiles, rassemblées en galaxies, les galaxies en amas, puis en superamas, concentrés le long de vertigineux "filaments" qui s'étirent à travers tout le cosmos... Bref, la trombine actuelle de l'Univers s'explique par ces petites variations initiales. De ce rayonnement temoin des premiers âges, donc, les astronomes cherchent à tirer les vers du nez. Depuis 2009, ils disposent d'un formidable joujou pour y parvenir : le satellite Planck, dont les détecteurs scrutent le ciel à 360° pour en mesurer entre autres la temperature. La moisson espèrent-ils, ne fait que commencer.

O.F. - SCIENCE & VIE JUNIOR Hors Série > Décembre > 2010

Rayonnement Fossile : Il abrite un Nouveau Mystère

La découverte en 1965, par Arno Penzias et Robert Wilson, du rayonnement fossile avait semé la stupéfaction. Ce "fond diffus cosmologique" apparu 380.000 ans après le big bang a été analysé depuis par des outils de plus en plus perfectionnés. À l'aide d'un nouvel instrument, des chercheurs américainsviennent de découvrir un étrange "bruit", qui ne provient d'aucune des sources radio connues dans l'Univers... Les cartes de plus en plus précises du rayonnement fossile (ici, celle de la mission WMAP, en 2003) livrent de précieuses informations sur l'enfance de l'Univers.

"Lorsque nous avons vu pour la première fois les résultats d'Arcade, nous n'y avons pas cru". Et pour cause ! Au beau milieu des données recueillies par ce nouveau radiomètre, le signal d'un rayonnement radio aussi intense que mystérieux sautait au visage d'Alan Kogut et de ses collègues du centre spatial Goddard de la Nasa. Personne ne l'avait encore vu et aucun modèle physique ne prévoyait son existence. Deux ans après cette incroyable découverte, l'équipe américaine, reconnue comme une des meilleures au monde en radioastronomie, vient de rendre publics ses résultats : l'étrange signal ne provient d'aucune des sources radio connues dans l'Univers ! Et c'est bien ce qui le rend si excitant.
Au départ, les chercheurs de la Nasa voulaient observer les premières populations d'étoiles, nées il y a plus de 13 milliards d'années. Alan Kogut et ses collègues se proposaient d'observer les marques que ces étoiles, en s'allumant, ont imprimées sur le fond diffus cosmologique, le fameux rayonnement fossile qui baigne tout le cosmos. Travail délicat, car ces taches de naissance sont à peine perceptibles. Les scientifiques ont donc conçu Arcade, un radiomètre sophistiqué capable de traquer les moindres frémissements du fond diffus. En juillet 2006, l'appareil est embarqué sur un ballon et s'envole à 36 km d'altitude. Mais lorsque les chercheurs récupèrent l'instrument et décortiquent les résultats, les choses se compliquent. Au lieu du murmure attendu, c'est un véritable vacarme qu'a enregistré le détecteur.

DÉFAUT DE CALIBRAGE ÉCARTÉ

"Nous avons vu à 3 GHz, la limite basse de notre fenêtre d'observation, un excès, un signal bien plus grand que celui que nous attendions", se souvient Dale Fixsen, membre de l'équipe. Perplexes, les chercheurs pensent d'abord à un problème de calibrage des appareils et vérifient leurs données. Un travail fastidieux qui durera près d'un an. Mais le bruyant signal s'impose toujours. Comment un bruit aussi intense a-t-il pu échapper si longtemps aux astrophysiciens et à leurs détecteurs ? "Nous avons comparé les données recueillies par Arcade à des enregistrements rapportés par d'autres missions, et nous y avons retrouvé les signes de notre rayonnement", explique Alan Kogut. "Mais il était caché, car les appareils n'avaient pas le calibrage adéquat", ajoute Dale Fixsen. En d'autres termes : c'est par un véritable coup de chance que le signal émerge clairement dans la gamme de fréquences étudiées par Arcade.
Après avoir acquis la conviction que ce rayonnement était bien réel, les Américains se sont évertués à trouver sa source. Pendant de longs mois, ils ont formulé des hypothèses sur les sources radio connues dans l'Univers... sans succès. La première impliquait la magnétopause solaire, la frontière de la région dominée par le champ magnétique de notre étoile, qui nous envoie toutes sortes de rayonnements. Puisque la magnétopause n'est pas symétrique, l'émission aurait dû être très différente selon l'angle sous lequel on la regarde... Ce qui n'est pas le cas. On trouve parmi les autres prétendantes les bien nommées radiogalaxies. En accélérant des électrons à l'aide de leurs champs magnétiques, ces galaxies émettent des rayonnements radio en grande quantité. Les plus puissantes ont été recensées, et Arcade en tient compte. Mais qu'en est-il des autres, plus discrètes et plus nombreuses ? "Une fraction de ce que nous voyons vient certainement de la somme de cette multitude de sources cachées, commente Dale Fixsen. Mais leur éclat cumulé, annoncé par les modèles, est six fois moins intense que notre signal. Même en imaginant qu'elles sont plus nombreuses que prévues, il est impossible de leur imputer toute la responsabilité du rayonnement : il n'y aurait pas assez d'espace dans l'Univers..."
La dernière candidate est la plus intense des sources radio : notre propre galaxie. Les poussières, les atomes et les particules du milieu intragalactique, freinés par les gaz ou accélérés par les champs magnétiques, nous bombardent de rayonnements radio.

UNE SOURCE EXTRAGALACTIQUE ?

Ces émissions sont encore largement méconnues : l'origine du mystérieux rayonnement pourrait-elle se cacher dans ce flou ? On sait par exemple que les émissions galactiques sont influencées par les champs électriques et magnétiques qui quadrillent la Voie lactée, mais on ignore si cette influence est la même partout. "Or, une petite variation sur l'estimation de ces composantes pourrait certainement produire des effets proches de celui observé par Arcade", avance Matthieu Tristram, chargé de recherches au Laboratoire de l'accélérateur linéaire d'Orsay. Enfin la solution de l'énigme ? Pas vraiment... Selon l'équipe américaine, le rayonnement observé est trop intense pour venir de notre galaxie : la source serait donc... extragalactique...
"À ce jour, nous n'avons pas d'explication plausible, résume Dale Fixsen. Mais nous avons aussi publié nos résultats pour inciter d'autres physiciens à travailler sur la question. "En France, des chercheurs commencent à étudier le mystère du rayonnement radio inclassable. "Cela nous passionne, explique Guilaine Lagache, astronome adjointe à l'Institut d'astrophysique spatiale d'Orsay. Mais il faudra commencer par vérifier dans les détails leurs résultats, et cela peut prendre du temps." Confiants, les chercheurs de la Nasa attendent que leurs données soient passées au crible et se lancent sur de nouvelles pistes. "Nous n'avons pas vu la trace des intenses rayonnements infrarouges qui accompagnent habituellement les émissions radio en astrophysique", indique Alan Kogut. En effet, les galaxies émettent aussi dans l'infrarouge, en particulier lorsque des étoiles naissent. "Cette absence pourrait être un indice dans la quête d'une source probable, poursuit-il. Il se pourrait alors que notre rayonnement accompagne la mort violente des premières étoiles... auquel cas nous aurions trouvé accidentellement un moyen de voir exactement ce que nous cherchions à observer !" L'Univers n'a pas fini de se jouer de nous.

PLANCK, UN REGARD SUR L'ENFANCE DE L'UNIVERS
Ausculté depuis vingt ans par les missions Cobe puis WMAP, le fond diffus cosmologique n'a pas livré tous ses secrets. Le satellite Planck qui, en duo avec le télescope spatial Herschel, devrait être lancé par une fusée Ariane 5 en avril pour le compte de l'Agence spatiale européenne, permettra d'y voir plus clair. Grâce à ses bolomètres (qui mesurent le rayonnement électromagnétique) et ses radiomètres ultra-sensibles, il captera les frémissements du fond diffus avec une extrême précision et engrangera en deux ans autant de données que l'aurait fait WMAP en presque un millénaire. À la clé, ce sont des énigmes fondamentales de l'astrophysique que les scientifiques espèrent élucider. Car le fond diffus garde non seulement en mémoire les images de l'Univers au moment où il a été émis, quelque 380.000 ans après le big bang, mais il porte aussi les marques des rencontres qu'il a faites lors de son long périple à travers l'espace et le temps. Quel est l'âge exact de l'Univers ? Quand se sont formées les premières étoiles ? Quelles formes de matière et d'énergie emplissent l'espace ? Autant de questions qui devraient trouver des réponses lorsque les premiers résultats tomberont, en 2013.

A.O. - SCIENCE & VIE > Avril > 2009

L'Enfance de l'Univers

Une équipe internationale vient de mesurer la température du rayonnement fossile lorsque l'Univers n'était âgé que de 3 milliards d'années : 9,15 K (-264°C), soit pile la valeur prévue par la théorie du Big Bang.

Cette premiére lumière du cosmos, émise 300.000 ans après le Big Bang, a été mesurée pour la première fois en 1963 par les physiciens Arno Penzias et Robert Wilson. Refroidie aujourd'hui à 3 K (271,15°C), elle baigne tout l'Univers. Mais sa détermination à des époques passées n'est pas aisée. Une méthode consiste à observer la lumière d'un quasar lointain, un noyau de galaxie très brillant. En se propageant, sa lumière est affectée par les astres qui se trouvent entre l'observabeur et le quasar, tout au long de la ligne de visée. Elle en porte même la signature : les molécules du gaz présent dans une galaxie, selon leur composition chimique et leur degré d'excitation, absorbent la lumière du quasar à des longueurs d'onde précises. "Nous avons pu repérer grâce à l'instrument UVES au VLT (Chili), la signature du monoxyde de carbone, une des molécules les plus abondantes après l'hydrogène moléculaire, présent dans une galaxie à 11 milliards d'années-lumière de nous, formée lorsque l'Univers n'avait que 3 milliards d'années", explique Patrick Petitjean, de l'Institut d'astrophysique de Paris. Son étude a permis de déduire directement la température à cette époque, confirmant de fagon éclatante la théorie du Big Bang.

A.Kh. - SCIENCE ET AVENIR > Juin > 2008
 

   
 C.S. - Maréva Inc. © 2000 
 charlyjo@laposte.net