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Nous Ne Sommes Pas Seuls

C'est une découverte majeure : en calculant qu'il existe un nombre astronomique, de planètes semblables à la nôtre dans l'Univers, des chercheurs viennent de relancer totalement l'hypothèse de l'existence d'une vie extraterrestre.

Mieux : les arguments s'accumulent révélant que notre petite planète ne profite pas de conditions si exceptionnelles que ça, contrairement à ce qu'on pensait. Les astronomes en sont désormais certains : nous ne sommes pas seuls. Nous ne le sommes plus.

 Les 5 Arguments qui Changent la Donne...

IL Y A 10.000 MILLIARDS DE MILLIARDS DE PLANÈTES HABITABLES DANS L'UNIVERS

Le nombre est incommensurable et pourtant, il a été mesuré.

Pour la première fois, une équipe d'astronomes a quantifié le planétarium de l'Univers : il y a autant de planètes habitables dans le ciel que de gouttes d'eau dans l'océan.

 

Le nombre donne le tournis : 10.000 milliards de milliards ! C'est le nombre de gouttes d'eau dans tous les océans du monde ; c'est le nombre de grains de sable sur Terre ; et c'est... le nombre de planètes habitables dans l'Univers. "Habitables" ? C'est que, pour les astronomes, qui dit vie extraterrestre, dit avant toute chose planète gravitant pile à la bonne distance de son étoile pour pouvoir abriter à sa surface de l'eau liquide, déclarée source universelle de vie. De fait, trop proches de leur soleil, les planètes verront leur eau s'évaporer sous forme gazeuse ; trop lointaines, elles ne pourront qu'être glacées... Et voilà que les scientifiques viennent d'évaluer que ce sont au total 10.000.000.000.000.000.000.000 de corps rocheux qui gravitent juste entre les deux, à distance idéale de leur étoile. Et si ce nombre donne le tournis, ce n'est pas seulement à cause de ses vingt-deux zéros : il signifie que les planètes habitables ne sont pas l'exception dans le Cosmos... mais la règle. Contrairement à l'idée acquise, notre petite planète bleue ne serait pas unique, ni même rare, mais posséderait en réalité une multitude de petites sours. Après avoir été longtemps sceptiques, les astronomes se rallient aujourd'hui majoritairement à cette conviction : la vie extraterrestre pourrait être commune !

LA RÉPONSE EST ENFIN GLOBALE

Ce chiffre est le fruit d'une fabuleuse histoire. En effet, depuis 17 ans et la découverte de la première planète tournant autour d'une autre étoile que notre Soleil, les chasseurs d'exomondes, forts de leurs centaines de succès et de leurs milliers d'échecs, ont accumulé suffisamment de données statistiques pour pouvoir présenter cette mesure incommensurable. La première statistique globale. Le premier nombre qui donne à voir la quantité d'abris potentiels pour la vie dans tout l'Univers. Une sorte de nouvelle constante fondamentale, dont l'ampleur exprime jusqu'au vertige la probabilité que nous ne soyons pas seuls dans l'Univers.
Depuis quelques années, l'enjeu n'était plus la découverte au cas par cas de nouvelles exoplanètes ; il s'en publie en effet chaque mois depuis la toute première détectée par les astronomes genevois Michel Mayor et Didier Queloz en 1995. Au total, 778 exoplanètes ont d'ores et déjà signalé leur présence, via un imperceptible fremissement dans une courbe lumineuse. Et quatre d'entre elles, baptisées Gliese 581 d, HD 85512 b, Kepler 22 b et Glies e 667 Cc, viennent récemment d'être localisées dans la zone habitable de leur étoile. Quatre petites rocheuses qui pourraient abriter des océans d'eau liquide (photos ci-dessus). Quatre premières autres terres potentielles...
Mais ce n'est plus ce décompte d'exoplanetes détectées ici ou là qui passionne les astronomes. Ils ont trouvé mieux que la collection de timbres cosmiques : la vision statistique du grand planétarium de l'Univers lui-même. Mieux que les Gliese, HD et autres Kepler, aussi excitantes soient-elles, ce sont des pourcentages qui promettent de leur ouvrir les portes de tous les exomondes possibles, en leur donnant la vision d'ensemble qui leur manquait jusqu'à présent. Seules les statistiques leur offrent de répondre à la question fatidique : combien y a-t-il de planètes habitables dans l'Univers ? Et par là, se convaincre de l'existence de la vie extraterrestre. Seulement jusquelà, les biais de chacune des méthodes de détection d'exoplanètes les empêchaient de dresser des statistiques fiables à l'échelle de l'Univers ou de la galaxie. Chaque télescope ne voyant que par un trou de serrure les exosystèmes, quantifier le planétarium de l'Univers restait hors d'atteinte et les études se succédaient, comme celle de l'équipe du télescope Kepler en juin 2011, ou celle d'Amaud Cassan, de l'Institut d'astrophysique de Paris en janvier dernier, qui ne donnaient qu'une partie de la réponse.
Sauf que, depuis le mois de mars, tout a changé. "C'est la première mesure directe", scande Xavier Bonfils. "On a enfin une vue générale et elle surpasse tout ce que l'on avait imaginé", renchérit Xavier Delfosse. Pour la première fois, ces deux chercheurs de l'Institut d'astrophysique de Grenoble et leur équipe sont parvenus à conclure sur la fréquence globale d'un type d'exoplanète. Et pas n'importe lequel : les planètes qui font de 1 à 10 fois la masse de la Terre et peuvent contenir de l'eau liquide. "En clair, résume Xavier Bonfils, nous avons évalué le nombre de planètes habitables". Et ici, contrairement aux études précédentes, ils se sont uniquement basés sur les signaux captés par un télescope.

UNE RÉCOLTE DE DONNÉES FÉCONDES

En huit ans, le spectrographe Harps a en effet scruté 102 étoiles dites naines rouges, découvert 9 planètes rocheuses... et leur a offert un nombre fondamental : 41 % des étoiles naines rouges possèdent une planète rocheuse dans la zone habitable. "Or, cet échantillon couvert par Harps est représentatif de la Voie lactée... voire de l'Univers assure Xavier Bonfils. Car les naines rouges ne sont pas n'importe quelles étoiles : ces astres discrets, 10 fois moins massifs et 100 fois moins lumineux que notre Soleil, représentent 80 % des étoiles de la Voie lactée. Les astronomes ont donc spontanément rapporté leur mesure à la galaxie tout entière. Résultat : des dizaines de milliards de planètes habitables !
Poussant l'audace un peu plus loin, avec leur accord, nous avons nous-mêmes transposé ce nombre à l'Univers... et il est devenu astronomique (infographie ci-contre ->). Et il ne s'agit pas là d'une spéculation de journalistes : nous avons interrogé une vingtaine d'astronomes et tous l'accordent, ce 41 % fera date. Quand bien même la marge d'erreur apparaît encore énorme : il pourrait fondre jusqu'à 28 % et gonfler jusqu'à 95 % du fait des incertitudes liées aux instruments de mesure. Il n'empêche, l'ordre de grandeur, lui, est bon. Il est d'ailleurs confirmé par les théoriciens, spécialistes de la formation planétaire, qui voient naître dans leurs simulations tellement de planètes terrestres qu'ils ne peuvent plus douter qu'il existe dans l'Univers une multitude d'exoterres.

UN ÉDIFICE THÉORIQUE QUI S'ÉCROULE

"Plus de la moitié de nos modèles forment des planètes rocheuses et 10 % donnent des systèmes semblables au nôtre, avec des gazeuses comme Jupiter et Saturne, des géantes glacées comme Neptune, et des telluriques", précise Edward Thommes, de l'Institut de physique théorique de Santa Barbara. "Désormais, nous en sommes certains : les planètes rocheuses situées dans la zone habitable sont tout à fait communes", conclut Xavier Dumusque, astronome à l'observatoire de Genève. La Terre est un grain de sable parmi d'autres. Une goutte d'eau perdue dans l'immensité d'un océan de planètes habitables.
Habitables, oui, mais... hospitalières aussi ? Cela n'avait rien d'evident. Car les scientifiques ont longtemps cru que notre petit monde avait bien d'autres spécificités que son sol recheux et ses océans : sa Lune paraissait ainsi indispensable pour stabiliser son climat sa position dans la galaxie semblait idéale ; son étoile envoyait visiblement le rayonnement parfait... Une multitude de conditions paraissaient donc avoir été réunies pour l'avoir rendue capable d'abriter la vie. Réduisant d'autant les possibilités de trouver ailleurs ce que nous avions chez nous. Le nombre trouvé par Xavier Bonfils et Xavier Delfosse prend alors d'autant plus de sens que, depuis quelques années, tous les arguments qui semblaient faire de notre système solaire et de la Terre des exceptions dans l'Univers s'effondrent les uns après les autres. Les publications scientifiques pleuvent ; les signes s'accumulent ; les craintes s'évanouissent. Observateurs, planétologues, géophysiciens, experts en chimie stellaire, spécialistes de l'évolution des galaxies... tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin à l'exoplanétologie convergent irrésistiblement vers la même conclusion : notre planète bleue, loin d'être unique, apparaît là aussi comme la règle.
Ainsi, une récente étude vient de montrer que les planètes sans lune pourraient bel et bien être hospitalières : "La jolie idée selon laquelle la Lune, stabilisant l'orbite de la Terre, était la garante de son climat tempéré a fait long feu", affirme Jack Lissauer, planétologue à la Nasa. Même sans satellite massif, une planète peut être suffisamment stable pour que la vie y apparaisse. Une autre révèle que l'agonie des étoiles massives et leurs puissantes bouffées de rayons X ne suffisent pas à rendre la majeure partie de la Voie lactée stérile... Et cela ne s'arrête pas là. Les arguments se succèdent comme autant de coups sur le même clou. Les chercheurs s'inquiétaient de découvrir des exomondes très instables... Les nouvelles données montrent que la majorité des systèmes planétaires sont aussi paisibles que le nôtre. On redoutait que l'eau, si essentielle à la vie telle qu'on la connaît, ne se fasse rare dans les autres systèmes... On vient de découvrir qu'elle peut s'organiser autour d'une autre étoile comme dans notre système, sous la forme d'un réservoir de comètes et qui ne demandent qu'à bombarder les planètes. On pensait que seules les étoiles riches en éléments lourds pouvaient donner naissance à des planètes... "On vient de s'apercevoir que c'était une erreur due à un biais de détection, détaille Xavier Delfosse. Les géantes ont certes besoin de beaucoup de métaux, mais toutes les étoiles, quelle que soit leur composition, peuvent donner naissance à des planètes".
Et surtout, on vient de se rassurer sur la capacité des étoiles naines rouges à être hospitalières. Car l'immense majorité des exoplanètes ont une différence de taille avec la Terre : elles gravitent autour d'un soleil rouge, moins lumineux que notre étoile et beaucoup plus actif. Or, qui dit moins de lumière, dit aussi zone d'habitabilité plus proche de l'étoile. Ces planètes ont donc tendance à être prisonnières de résonances gravitationnelles et à presenter toujours la même face à leur soleil. "Nous craignions donc que ces mondes soient complètement glacés d'un côté et couverts d'un désert aride de l'autre, précise François Forget, du Laboratoire de météorologie dynamique à Paris. Mais nos dernières simulations montrent que la circulation des gaz dans l'atmosphère peut compenser et que le climat peut se tempérer naturellement. "Ce n'est plus considéré comme un handicap", confirme Xavier Delfosse. Quant à l'autre problème posé par les naines rouges - selon les simulations des astronomes, les forts rayons ultraviolets qu'elles éructent pouvaient souffler la haute atmosphère des planètes -, là encore, les découvertes récentes changent la donne : "De nouveaux modèles ont montré que le rayonnement décline avec l'âge, précise Geoffrey Marcy, de l'université Berkeley, en Californie. Les naines rouges d'âge moyen ou anciennes forment donc un environnement accueillant."
On le voit : la théorie qui soutenait depuis la fin des années 1990 que la Terre pourrait être une rareté et dont Science & Vie s'était fait l'écho en 2008 ne recueille plus désormais les suffrages des chercheurs. "L'hypothèse de la Terre unique ne tient plus", assène Jack Lissauer. "On ne trouve plus grand monde pour défendre cette théorie", confirme Franck Selsis, astrophysicien à l'université de Bordeaux. Et c'est bel et bien la thèse inverse qui s'impose, comme le résume Geoffrey Marcy : "2400 ans après qu'Aristote s'est demandé si la Terre était unique, nous avons enfin la réponse : le Terre et le Système solaire sont juste 'un' parmi des milliards dans la galaxie. L'Univers a des milliards de milliards de planètes".
Forcément, le corollaire est tentant : si l'incubateur - la planète hospitalière recouverte d'eau liquide - est commun, la vie pourrait donc l'être aussi. "Tout le monde pense que les planètes possédant de l'eau liquide sont un excellent tube à essai pour les réactions chimiques entre molécules carbonées. Leur profusion rend donc évidemment la vie extraterrestre plus probable dans l'Univers", argumente Geoffrey Marcy. "Oui, désormais, il est difficile de penser que nous soyons seuls dans l'Univers", répond Xavier Bonfils. Ce qu'Arnaud Cassan tempère : "Il y a deux questions dans la grande quête de la vie extraterrestre : le nombre de mondes habitables et la probabilité que la vie émerge sur une planète. On a répondu à la première : des planètes habitables, il y en a partout ! Reste maintenant à répondre à la deuxième... Pour les astronomes, la question de l'émergence de la vie sur d'autres planètes repose sur une inconnue fondamentale : la formation de la vie sur Terre. Quels sont les paramètres indispensables à la naissance de la vie ? Les océans doiventils avoir un taux d'acidité précis ? L'atmosphère une composition particulière ? "Seuls les biologistes pourront répondre à ces questions, tranche Jean-Charles Augereau. La révolution de la pensée a eu lieu en astronomie. Il lui reste à traverser les disciplines..."

LA RÉPONSE EST À NOTRE PORTÉE

La balle est donc dans le camp des biologistes. Or, ils ont déjà apporté une part de réponse : les multiples formes de vie pouvant résister à des températures, des pressions ou des milieux extrêmes qu'ils ont découvertes montrent que, sur Terre, la vie peut prendre racine dans les environnements les plus invivables et qu'ainsi, elle n'est donc pas si contrainte. Seulement, pour que les biologistes puissent donner une probabilité à l'émergence de la vie, il leur faudra la reproduire en laboratoire. Or, de l'avis de tous, on est encore bien loin de voir naître une bactérie à partir de molécules dans un tube à essai. "Et même si c'était le cas, il s'agirait encore de vie terrestre, prévient Gérald Joyce, l'un des premiers biologistes à avoir travaillé sur la recherche de la vie extraterrestre à la Nasa. Or, il est impossible de donner une probabilité avec un seul exemple"... Il n'y a donc pas d'alternative : pour conclure sur la probabilité d'une vie extraterrestre, il faudra la détecter. Et la balle de revenir dans le camp des astronomes... Qui l'ont déjà attrapée au vol : "La profusion d'exoterres que nous venons de découvrir nous met en position de le faire", assure Xavier Delfosse. D'ailleurs, depuis quelques mois, ils travaillent déjà à apporter la réponse (voir ci-dessous). Le nombre incommensurable de terres qui constellent le firmament leur a donné des ailes et ils avancent désormais forts d'une nouvelle conviction : nous ne sommes pas seuls dans l'Univers.

M.F. - SCIENCE & VIE > Août > 2012

 Ainsi Pourrait être d'Autres Formes de Vie...

Comment reconnaître ce que l'on ne connaît pas ? Les biologistes imaginent des écosystèmes et des vies alternatives. Exploration.

Des plantes gonflées d'hydrogène pour échapper à la gravité de leur planète géante, une végétation noir ébène proliférant sous un soleil rougeoyant, des volatiles monstrueux patrouillant dans des atmosphères denses... De la science-fiction ? Non, des hypothèses très sérieuses qui, envisageant divers exomondes, tentent de restituer "la vie telle que nous ne la connaissons pas", pour reprendre les mots de Williams Bains. Lequel sait de quoi il parle : ce biochimiste britannique, ainsi que de plus en plus de chercheurs à travers le monde, s'attelle depuis des années à une tâche qui fut longtemps considérée comme un passe-temps futile : imaginer à quoi pourraient ressembler les habitants d'autres planètes. Mais, alors que la chasse aux exoplanètes commençaît à porter ses fruits, ce champ d'études marginal acquérait ses lettres de noblesse. "En dix ans, spéculer sur l'exobiologie est devenu respectable, se réjouit Williams Bains. Il y a une prolifération de conférences, de revues et d'organisations sur ce thème. Ce n'est plus vu comme de la science-fiction".
Et le sujet est aujourd'hui d'autant plus brûlant que les premiers programmes de détection de vie extraterrestre sont en train d'être lancés. Car, pour espérer reconnaître l'inconnu qui croiserait le regard de nos télescopes, mieux vaut avoir auparavant réfléchi à la forme qu'il pourrait prendre, sous peine de passer à côté. Il y a cependant un problème, et non des moindres : "Nous ne connaissons toujours pas les lois de la biologie", résume avec provocation Philipp Holliger, spécialiste de la biologie moléculaire au centre pour la recherche médicale de Cambridge (Royaume-Uni). "Nous ne connaissons qu'un seul exemple de vie : la vie terrestre. Or, notre biologie n'est certainement pas la seule solution, poursuit le chercheur. Elle ne représente qu'une opportunité, dans l'histoire particulière de la Terre. Nous devons arrêter de penser de manière géocentrée, et garder un esprit ouvert !" La seule chose à laquelle peuvent s'accrocher les biologistes est un principe dont personne ne remet en question l'universalité : la théorie de l'évolution des espèces. En clair, si des vies extraterrestres existent, Charles Darwin a déjà décrit le principe qui préside à leur forme. Pour imaginer à quoi elles peuvent ressembler, les biologistes suivent donc la règle de la survivance du plus apte établie par le célèbre naturaliste. Ils recherchent les molécules, structures ou organes les plus adaptés à une fonction particulière dans des environnements planétaires particuliers, et donc soumis à des contraintes physico-chimiques spécifiques. Les nouveaux outils de la biologie artificielle leur permettent aujourd'hui de donner chair à ces formes spéculatives !
Ils tâchent de regarder, par exemple, à quoi pourrait ressembler le support physique de l'information génétique. Philipp Holliger vient ainsi de synthétiser six nouvelles molécules parfaitement capables de remplacer l'ADN. Elles portent les mêmes acides nucleiques, et sont donc capables de coder la même information, mais aussi de la transmettre de génération en génération et de la laisser muter, permettant ainsi aux espèces d'évo1uer. Seule différence avec les genomes terrestres : les bases du code génétique sont reliées entre elles par des sucres différents du désoxyribose qui compose l'ADN.

DES ÉCOSYSTÈMES TRÈS FAMILIERS

Et à quoi pourraient ressembler les membranes des cellules ? Plusieurs pistes sont explorées. L'équipe de Lee Cronin, chimiste à l'université de Glasgow (Royaume-Uni), a fabriqué en 2011 des proto-cellules aux membranes métalliques qui remplacent nos traditionnelles chaînes lipidiques. Des membranes capables d'isoler des réactions chimiques, de laisser passer certaines molécules et de s'autoréparer. Lucy Norman, doctorante à l'University College London, a quant à elle imaginé, et testé, des membranes lipidiques à la structure inversée, capables de conserver leur intégrité dans un environnement d'hydrocarbures du type de celui présent sur Titan. Ainsi, un par un, les constituants principaux du vivant son réinventés. Ils pourraient même bientôt être combinés, en laboratoire, pour donner naissance à de véritables cellules vivantes, dans une fascinante course entre biologistes et astronomes vers la première rencontre d'une vie alternative.
La biologie artificielle s'arrête, pour l'instant, à la vie microbienne... mais pas l'imagination des chercheurs. "La bactérie est certes la forme de vie la plus probable, mais il est tout à fait possible que l'évolution soit allée au-delà affirme Lewis Dartnell, exobiologiste à l'University College London. Car, comme l'explique sa collègue Lucy Norman, s'il y a de la vie unicellulaire, il y a toujours la possibilité qu'elle évolue en vie pluricellulaire". Cette coopération aurait même tendance à se produire très facilement, d'après l'expérience récente de chercheurs de l'université du Minnesota (États-Unis), qui ont réussi à forcer des levures unicellulaires à s'organiser, en seulement deux mois, en proto-organismes pluricellulaires. "Il pourrait alors se developper tout un écosystème, avec de nombreuses espèces différentes", ajoute Lucy Norman. C'est même une certitude pour l'astrobiologiste de la Nasa Nancy Kiang, car "une espèce toute seule n'a aucune chance de survie".
À quoi pourraient ressembler ces écosystèmes ? D'après la chercheuse, il y a toutes les chances qu'existe la distinction entre plantes, c'est-à-dire des organismes capables de produire leur propre matière biologique à partir de la photosynthèse, et animaux, qui doivent trouver cette matière dans leur alimentation. Nancy Kiang a même déduit les couleurs - vert, jaune, rouge ou noir - que devraient arborer ces plantes selon le type d'étoiles, et donc de lumière, à laquelle elles seraient exposées. La taille des animaux dépendra, elle, beaucoup de celle de la planète (plus la gravité est importante, plus les corps se tassent, plus elle est faible, plus les corps sont allongés).
Malgré les années-lumière de distance, l'homme pourrait facilement se sentir chez lui dans ces exocontrées habitées. En effet, les organismes extraterrestres pourraient partager avec nous, ou les espèces qui nous entourent, quelques caractères essentiels. Car, comme l'explique le biologiste Jack Cohen, de l'université de Warwick (Royaume-Uni), "il existe des solutions générales à certains problèmes, que l'évolution peut utiliser plusieurs fois. Par exemple, sur Terre, la capacité à voler existe chez des especes qui ne l'ont pas toutes héritée du même ancêtre. L'évolution a donné naissance plusieurs fois à ce même mécanisme". Ainsi, "il y a certaines choses dans l'évolution qui sont assez universelles. Des organismes extraterrestres devraient par exemple avoir l'équivalent d'yeux pour voir, de poumons pour respirer et de mains pour attraper", prévoit Lewis Dartnell. Fabuleusement exotiques ou merveilleusement familiers, ces écosystèmes prouvent en tout cas une chose : la Terre n'est pas le seul monde habité. Dans l'esprit des exobiologistes aussi, les formes de vie prolifèrent.

SAIT-ON AU MOINS CE QU'ON CHERCHE ?
Imaginons que l'on découvre, sur une autre planète, une cellule immortelle, capable de se nourrir et de se mouvoir, mais pas de se reproduire ni d'évoluer.
En conclura-t-on que la vie n'est pas définie par la capacité de se reproduire, mourir ou évoluer ? Ou décidera-t-on simplement de classer cette cellule dans le non-vivant ?
Les réponses diffèrent. Il y a d'un côté ceux qui envisagent la vie comme une catégorie naturelle, qui a un sens en soi, et de l'autre ceux qui la perçoivent comme un concept inventé par l'homme. Pour les premiers, la découverte de vie extraterrestre, en permettant d'observer quelles caractéristiques nous partageons avec une autre forme de vie, permettra d'en proposer une définition. La découverte d'une cellule immortelle nous indiquerait alors que la mort n'est pas indissociable de la vie. Pour les autres, ce sont au contraire les contours arbitraires que l'on décidera de considérer comme indissociables du concept de vie qui dicteront si ce que l'on trouve sur une autre planète sera reconnu comme de la vie ou non. Une cellule immortelle pourrait donc être simplement considérée comme... non vivante.

E.A. - SCIENCE & VIE > Août > 2012
 

   
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