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La Science aux Portes de l'Impossible

Les Projets Fous des Super-Riches


A.R. - ÇA M'INTÉRESSE HS N°9 > Avril-Mai > 2018

La Science aux Portes de l'Impossible

L'homme en rêvait... et voici que la science est en train de le faire ! Car dans les laboratoires, les chercheurs reculent follement les limites de l'impossible. La preuve par huit.

L'invisibilité, la jeunesse éternelle, la téléportation, le retour des espèces disparues, l'hibernation, le contrôle de la pensée, la création d'androïdes intelligents, la découverte d'une nouvelle source d'énergie inépuisable... Rien d'extravagant pour qui se délecte des classiques de la science-fiction. Rien d'inédit non plus pour qui connaît les mythes anciens, qui prêtent aux dieux des pouvoirs sur le temps, la matière, l'espace et les êtres vivants. Aux dieux... pour mieux dire que les rêves que l'homme forme depuis toujours sont hors de portée, voire interdits.
Et pourtant, l'homme a bien conquis le feu. Il a posé le pied sur la Lune et voyage dans l'espace. Il clone des animaux et soigne des maladies. Et tant d'autres prouesses qui démontrent que l'homme, grâce à la science, ne cesse de reculer les limites de l'impossible. Avec ses pauvres moyens, il arrive à voler leurs secrets aux "dieux". A la clé ? Le pouvoir d'accorder le monde à ses désirs. Fussent-ils les plus fous. Et aujourd'hui plus qu'hier ! Car nous prenons le pari que l'histoire retiendra le moment présent comme le seuil entre deux époques. Ce qui nous y autorise ? Les résultats obtenus ces derniers mois par les laboratoires de pointe, imposant ce constat : pour huit des rêves les plus fous des hommes, l'impossible s'estompe. Expériences décisives, concepts nouveaux levant les barrières théoriques, mobilisation de moyens inédits permettant enfin de briser les verrous technologiques...

UNE CAPACITÉ HUMAINE UNIQUE

Est-ce si extraordinaire ? Quant à imaginer à quoi ressemblera le monde ainsi transformé, oui. Quant à considérer la capacité de la science à repousser les limites du possible, pas tant que ça. Car hypothèses et théories nouvelles ne cessent de dire "Et si...". Bien sûr, à l'épreuve des faits - les expériences - certains "Et si" retournent à leur statut de rêve. Mais là encore, ces impossibles sont à mettre au crédit de la science : c'est elle qui en sait assez long pour savoir ce qui ne dépendra jamais des capacités de l'homme, mais appartient à la réalité même du temps ou de la matière. Il n'empêche, dans ce cadre, la science demeure sûre d'avancer. Car elle bénéficie d'un avantage prodigieux : la capacité unique de l'humain à imaginer ce qui n'est pas. Comme l'a écrit le physicien britannique David Deutsch, "cette capacité de construire une réalité 'virtuelle' à partir de notre environnement est le moyen typique qui permet à l'espèce humaine de survivre. Elle caractérise la niche écologique que nous occupons autant que les feuilles d'eucalyptus celle des koalas". Sauf que les mondes que nous sommes susceptibles d'imaginer sont bien plus nombreux que les forêts d'eucalyptus. C'est toute notre chance !


B.R., R.B., M.G., R.I., F.L., M-C.M., C.T. & M.V. - S&VIE > Août > 2009

Quand la Science Rencontre ses Limites

Si certains des rêves les plus fous de l'homme commencent à devenir des réalités, il en est certains qui se heurteront a priori toujours aux lois fondamentales de la matière ou du temps. Et ce, quels que soient les progrès à venir de la science. Explications.

L'invisibilité, la jeunesse éternelle, le retour des espèces disparues... A ces rêves hier inaccessibles, la science du XXIe siècle donne aujourd'hui corps. Pas à pas, difficilement... mais assurément. Ce que l'homme est capable d'accomplir ne dépendrait-il que du temps qu'il faut à son intelligence pour trouver les moyens d'aménager la réalité à l'aune de ses désirs ? Il n'en est rien. Car il existe des barrières que ni la science ni le temps qui passe ne peuvent lever. Et des rêves qui ne deviendront jamais réalité. Retoumer dans le passé ? Construire un moteur perpétuel ? Prédire l'avenir ? Traverser les murs ? Impossible. C'est la science qui l'assure. Comment le sait-on ? Par les mêmes moyens qui permettent à la science d'accomplir des prouesses. Ses lois, ses théories, ses observations, d'où elles tirent leurs capacités de progrès, lui dictent aussi des "théorèmes d'impossibilité" et des arguments de probabilités... qui dessinent trois grands critères d'impossibilité, où s'éteignent les plus fous de nos rêves.

Prenons la machine à remonter le temps : c'est la logique, premier critère d'impossibilité, qui l'interdit. Depuis la fin des années 1940, on a découvert que les équations de la relativité générale d'Einstein engendrent quantité d'objets cosmiques étranges, dont le "trou de ver", une déformation de l'espace-temps qui ouvre un passage reliant deux lieux de l'Univers. De quoi faire une machine à voyager dans le temps ? D'après la théorie de la relativité, cela semble possible : il suffit que l'entrée du "trou de ver" soit immobile, et sa sortie animée d'un mouvement très rapide de rotation ou de va-et-vient - comme un tuyau d'arrosage qu'on aurait lâché sans couper l'eau. L'embout très accéléré - la sortie du "trou de ver" - voit alors son temps s'écouler moins vite qu'à l'entrée. Un homme du XXIIe siècle empruntant un tel trou pourrait ressortir en 2010 et tuer un enfant de 1 an qui aurait dû devenir son grand-père... Mais privé de ce dernier, comment le voyageur temporel pourrait-il naître et donc retourner dans le passé pour tuer son grand-père ? Ce paradoxe logique annihile un rêve que la physique elle-même semblait autoriser. Pourquoi ? C'est que les sciences physiques reposent, depuis Aristote, sur le principe de causalité temporelle : un effet advient après une cause. Ce principe préside à toutes les théories physiques... y compris à la relativité et à la physique quantique - qui règle le monde des particules élémentaires. Que l'effet (le petit-fils) empêche sa cause (le grand-père), cela signale tout simplement qu'on s'est affranchi de ce principe. Et ça ne change rien que la théorie autorise physiquement - via un "trou de ver" - le voyage temporel. Le scénario imaginé pour le voyage n'est qu'un produit des équations purement mathématiques contenues dans la théorie. Ces équations semblent le rendre possible car elles ne prennent pas en compte le sens d'écoulement du temps, qui est un phénomène purement physique... Dès lors que ce produit viole le principe de causalité temporelle, il est impossible. Exit, malheureusement, la machine à remonter le temps...

UNE AFFAIRE DE PRINCIPE

Curieusement, la logique a beau imposer ses règles à la physique, elle n'a pas le pouvoir d'interdire d'autres rêves tout aussi forts que le voyage dans le temps. Mais ce sont alors les théories physiques - deuxième critère d'impossibilité - qui s'en chargent. Ainsi d'un générateur qui produirait plus d'énergie qu'il n'en consomme - le Graal des "énergies renouvelables" ! Eh bien, un tel générateur ne peut être construit tout simplement parce que le premier principe de la thermodynamique, ou principe de conservation de l'énergie, l'interdit. Que dit ce principe ? Qu'aucun système ne peut créer ni détruire de l'énergie : ce qu'on gagne ici, on le perd là. Et il n'existe nul moyen de le contourner. "Le premier principe découle directement de lois générales de symétrie de la nature, qu'on retrouve dans beaucoup d'autres théories, de la mécanique aux particules élémentaires", précise Roger Balian, de l'Institut de physique théorique du Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Contester le premier principe, c'est signer automatiquement la ruine de ces autres théories, alors que celles-ci ont donné jusqu'ici une entière satisfaction théorique et expérimentale... Absurde !
A défaut de créer de l'énergie ex nihilo, notre machine ne pourrait-elle pas, au moins, fonctionner sans en dépenser ? Imaginons une voiture qui récupérerait toute l'énergie qu'elle dépense pour se déplacer, à l'aide d'une turbine recyclant l'énergie des gaz d'échappement, de dynamos récupérant électriquement l'énergie de rotation des roues, etc. Cette machine perpétuelle existera-t-elle un jour ? Eh bien non ! Et cette fois encore, c'est la physique qui le dit : bien que notre voiture à recycler toute son énergie ne viole pas le premier principe de la thermodynamique, c'est le deuxième principe qui la rend impossible. Et encore une fois, il faut s'y fier... Car il repose, d'une part, sur les lois qui rendent compte du mouvement des particules individuelles ; d'autre part, sur celles de la mécanique statistique, qui décrit le comportement d'une grande assemblée de particules, sous forme solide, gazeuse ou liquide. "Les particules sont toutes assaillies de mouvements aléatoires, explique Roger Balian. Ce mouvement de plus en plus désordonné a pour effet de rendre irréversibles certains processus mettant en jeu une grande collection de particules (un système macroscopique) : par exemple, il est impossible qu'une goutte d'encre diluée dans de l'eau se reforme spontanément." Conséquence : une partie de l'énergie que l'on souhaiterait recycler lorsque la voiture se déplace se dissipe dans l'espace irréversiblement - sous forme de chaleur, de frictions, etc. - du fait du comportement chaotique des particules du système formé de la voiture, du carburant, des gaz d'échappement, etc.

LE MOUVEMENT PERPÉTUEL, RÊVE ÉTERNEL
La course à la machine à mouvement perpétuel et autres amplificateurs d'énergie est un véritable sport chez les inventeurs : on ne compte plus les plans et prototypes qui s'en réclament ! Pourtant toutes ces machines semblent violer des principes physiques fondamentaux. Ainsi des générateurs d'énergie. Un moteur censé produire 440 % de l'énergie qu'il consomme a fait l'objet de plusieurs dépôts de brevets, depuis le milieu des années 1990... Mais le premier principe de la thermodynamique affirme qu'aucun système physique ne peut créer ni détruire de l'énergie. Quant aux machines à mouvement perpétuel, elles sont contredites par le deuxième principe, qui dit que l'énergie utilisée par une machine n'est jamais recyclable à 100 % : une part est dissipée sous forme de chaleur. Ce qui n'empêche pas certains inventeurs de présenter leur demande officielle de brevet. sobrement titré "Mouvement perpétuel" à l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi). Mais les lois de la physique sont solides... et l'analyse détaillée de ces machines révèle toujours la présence d'une source d'énergie dont on a ignoré l'apport.     R.I.

L'INTERDIT DES LOIS PHYSIQUES

Le mouvement perpétuel - en particulier le rêve de tout constructeur de mettre au point une voiture "zéro énergie" - ne verra donc jamais le jour. Et il n'est pas le seul à tomber sous les interdictions des lois physiques. Ainsi le vieux fantasme du grand physicien Pierre-Simon Laplace, consistant à prédire l'avenir par la connaissance de tous les paramètres des particules de l'Univers (énergie, vitesse, position...) à un instant donné restera à jamais un rêve. Ici - et Laplace est né un siècle trop tôt pour le savoir -, c'est directement la physique quantique qui l'affirme : le "principe d'incertitude" instaure l'impossibilité fondamentale de mesurer simultanément tous les paramètres d'une particule. Mesurer avec précision sa vitesse, par exemple, rend sa position... vague. Et, donc, on ne peut prédire sa destinée.
De quoi sauver un autre rêve tenace, celui du passe-muraille ? Car si la physique quantique affirme qu'on ne peut pas savoir précisément où se trouve une particule si l'on connaît sa vitesse, c'est que la particule est en plusieurs lieux simultanément. C'est étrange, mais bien réel. Du coup, des particules enfermées hermétiquement dans une boîte peuvent se retrouver spontanément à l'extérieur de la boîte. L'effet tunnel, grâce auquel des microscopes peuvent observer des atomes, est une application directe de ce principe. Oui mais voilà : cela ne fonctionne que pour des particules isolées. Dès qu'elles sont assemblées par milliards pour former des objets "classiques" (tasse de café, virus, humain...), elles se "relocalisent". Exit le passe-muraille. A moins que... Pour offrir à un objet le don de traverser les murs, ne pourrait-on redonner le caractère "indéterminé" à chacune de ses particules ? Las ! "Cela aurait pour effet d'effacer toute information sur la structure de l'objet, donc le détruire... ", explique Aurélien Dantan, physicien quantique à l'université d'Aarhus (Danemark).
Passe-muraille, mouvement perpétuel, prédiction de l'avenir, voyage dans le temps... On le voit, la science est sans pitié, et condamne quelques-uns de nos rêves les plus fous à ne pas quitter notre imaginaire. Pour toujours ? Et si ces impossibles n'étaient dictés que par les théories actuelles, mais pas par celles qui viendront les remplacer ? Après tout, depuis des décennies, les physiciens cherchent à fusionner les deux théories majeures que sont la relativité et la physique quantique dans une grande théorie du "tout". Plusieurs candidates sont d'ailleurs en lice : théorie des cordes, celle de la gravité quantique à boucles, etc. Cela changerait-il la donne des impossibles ?

"Aucun espoir ! s'emporte Carlo Rovelli, du Centre de physique théorique de Luminy. Les Grecs considéraient qu'une pierre ne pouvait pas tomber vers le ciel ? Cela n'a pas changé avec la relativité ou la physique quantique ! Ce que les théories actuelles interdisent formellement dans leur domaine d'application ne deviendra jamais possible, dans ce domaine, par l'advenue d'une théorie qui les engloberait." C'est la différence entre un "J'affirme que c'est impossible" et un "Je n'affirme pas que c'est possible". Quand la relativité est venue englober la théorie de la gravitation de Newton, elle a inventé un nouveau possible : ralentir le temps. Mais la théorie de Newton n'interdisait pas cela ; simplement, elle n'en parlait pas. Pour Newton, le temps était un paramètre qui agissait "de l'extérieur" sur ses équations... Les emboîtements gigognes des théories n'y feront rien : les impossibles ne deviendront pas des possibles.

AUCUN DOUTE RAISONNABLE

Et quand bien même ni la logique ni les théories physiques ne les interdisent expressément, les scientifiques n'hésitent pas à qualifier certains rêves d'impossibles. Leur ultime, et troisième, critère ? Un avis partagé par la communauté des spécialistes concernés, sur la base de leurs connaissances théoriques. Prenons les raccourcis spatiaux, ces structures de l'espace-temps que les auteurs de science-fiction font emprunter à leurs vaisseaux pour voguer de galaxie en galaxie. Il s'agit à nouveau du "trou de ver" dont on a parlé pour l'hypothétique - et impossible - voyage dans le temps. Mais ici, on imagine que ses extrémités sont animées d'un mouvement identique - ce qui évite le paradoxe logique du voyage temporel. Comme un tunnel creusé aux flancs d'une montagne très haute, ce trou ferait communiquer deux régions de l'espace autrement séparées par une distance infranchissable. Lumineuse idée... et vols intergalactiques à la clé ! La communauté scientifique s'est passionnée pour la question il y a quelques décennies... "Mais on ne s'y intéresse plus", dit Alain Riazuelo, de l'Institut d'astrophysique de Paris. Impossible donc ? Plutôt : si peu probable qu'il est remis aux calendes grecques par la typique phrase "dans 200 ou 300 ans, peut-être". Façon de dire que rien aujourd'hui, ni la science ni la technologie, ne permet d'espérer, mais qu'après tout nul n'est prophète. "Pour cette catégorie d'impossibles, le milieu scientifique exprime non pas une croyance mais un avis adossé à des principes théoriques robustes", précise Michel Spiro, directeur de l'Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (IN2P3-CNRS). "Le consensus sur un tel impossible découle d'un 'faisceau de présomptions', comme en justice, qui ne laisse place à aucun 'doute raisonnable'. Cela vaut preuve", dit Alain Riazuelo. L'hypothèse a ainsi été écartée faute d'arguments convaincants. Adieu, adieu... trous de ver. Ainsi certains de nos rêves ies plus fous se brisent-ils au contact de la science. Soit ils s'écrasent sur le mur froid de la logique, soit ils se délitent sur les barricades des théories, soit ils tombent dans les oubliettes.
Est-ce à dire que les chercheurs ne font pas eux-mêmes de rêves impossibles ? Pas si vite ! "Le langage de la physique - la logique - a cette caractéristique fondamentale : il permet toujours d'énoncer des questions auxquelles il est impossible de répondre avec les théories en place", rappelle l'informaticien Gilles Dowek, professeur à l'Ecole polytechnique. Ce qui oblige à créer de nouvelles théories. Jamais un physicien ne cessera de poser les questions "impossibles" qui fertilisent la science. Et cela, ce n'est pas seulement possible, c'est certain !

R.I. - SCIENCE & VIE > Août > 2009
 

   
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