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Les Plantes qui Soignent

Leurs Territoires, leurs Promesses, leurs Pièges

Elles sont à l'origine de près de la moitié des médicaments, et parfois vendues comme des remèdes à tous nos maux. Pour les trouver, les scientifiques ont passé au crible les zones les plus reculées du globe. La nature conserve-t-elle encore des secrets ? Enquête dans la jungle des végétaux qui guérissent.

Morlaix, Finistère. Dans la cuisine de Cathie Cloarec, une douzaine de femmes s'affairent autour d'une large table et d'un îlot central. Leur butin de la journée sent le printemps : ortie, ail sauvage, pissenlit ou mouron blanc, récoltés dans de petits jardins sauvages alentour, mêlent leurs fragrances de poivre et de menthe. C'est Cap Santé (Cap pour "connaissance active des plantes") qui régale. Depuis 1995, cette association organise des sorties botaniques et des ateliers, au cours desquels les habitants de la région font connaissance avec les plantes médicinales qui poussent à l'état sauvage, celles qu'on appelait "simples" au Moyen Age. Cathie, anesthésiste, forte de deux ans d'études validées par le diplôme de l'Association pour le renouveau de l'herboristerie, dispense pour Cap Santé des cours de cuisine à base de plantes qui soignent. Autour de la "table de découverte", entre deux papotages, on note les noms et les propriétés de chacune. Puis elles sont cuisinées et dégustées. Mesclun de printemps en entrée : feuilles de pimprenelle et de lierre terrestre (bourrées de vitamines), berce (stimulante) et pissenlit (une merveille pour le foie) assaisonnés d'eau florale de laurier (idéale contre les microbes). Comme plat principal : lasagnes farcies à l'ortie blanchie et ail des ours, un cocktail antiarthrose. Enfin, au dessert : un financier à la relaxante mélisse. Nos cuisinières cueilleuses affichent moins que leur âge, déclarent ne pas prendre de médicament et reviennent toujours plus nombreuses tester des recettes qu'elles utilisent au quotidien.

63 % DES FRANÇAIS PLÉBISCITENT LA PHYTOTHÉRAPIE

"Un coup de fatigue, ortie à table ; un coup de froid, hysope et romarin ; un peu de tension, un brin d'aubépine, explique la mince Mylène, 80 ans. Moi, je prépare mes plats en fonction de ma forme". Mais aussi fenouil pour la digestion, gingembre contre les nausées, salsepareille contre la grippe...
Les plantes ont le vent en poupe. Chaque crise sanitaire grave contribue à renforcer la méfiance à l'encontre des médicaments industriels (alors que 50 % de ceux-ci sont développés à partir de ressources végétales). Le bonheur serait toujours dans le pré, à l'état sauvage. D'après un sondage TNS Sofres mené en mai 2011, 63 % des Français plébiscitent d'ailleurs la phytothérapie. Et cet engouement se produit alors même que les scientifiques hésitent désormais à écumer la planète à la recherche de nouvelles plantes aux propriétés thérapeutiques : la ressource est quasi épuisée et, au des grands laboratoires, la prospection botanique nécessite trop d'investissements pour trop peu de résultats. Le fantasme de la plante miraculeuse a donc quitté les labos, mais il hante désormais les rayons du supermarché et les sites Web spécialisés. Parfois jusqu'à la déraison. "Dès qu'un produit a une histoire ancienne ou vient d'un pays exotique, on dirait que les gens perdent tout sens commun", s'étonne Pierre Champy, enseignant chercheur en phytochimie à la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry. Témoin, le succès de "Hoodia gordonii", cette plante grasse d'épines, aux allures de cactus et haute de 50 centimètres, qui pousse dans le désert du Kalahari, en Namibie. Elle est traditionnellement utilisée comme coupe-faim par les chasseurs bochimans lors de leurs longs voyages, et on en tirait, jusqu'à la fin des années 2000, une préparation à but amaigrissant. Sa commercialisation a été interdite en 2012 par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) à la suite de plusieurs accidents graves, cardiaques, hépatiques et neurologiques, survenus au Canada et aux États-Unis. D'autres produits ne font mal qu'au portefeuille. Ainsi la canneberge ou grande airelle rouge d'Amérique du Nord, censée prévenir les cystites. "Les données cliniques disponibles à ce jour ne permettent pas de conclure que (sa) consommation ait un effet préventif sur les infections urinaires. Une telle allégation serait abusive au regard des connaissances actuelles", déclarait, en 2011, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, consultée sur le sujet.

ALIMENT OU MÉDICAMENTS, LA DÉFINITION VARIE SELON LES PAYS

Car les plantes employées en phytothérapie sont bien sûr contrôlées par les autorités. Mais d'un pays à un autre, leur statut varie ; en Italie, elles ont celui d'aliments ; en Allemagne et Autriche, celui de médicaments ; en France, elles répondent également à la définition du médicament, et doivent appartenir à la liste des plantes autorisées, la pharmacopée. Pour mettre un peu d'ordre dans les rangs, Bruxelles a émis une directive, applicable depuis 2011, qui exige, pour autoriser la commercialisation d'une plante de phytothérapie, la preuve de son utilisation depuis au moins 30 ans, dont 15 dans l'Union européenne. Cette directive considére en effet que si l'homme a maintenu l'usage d'une plante, c'est qu'elle est sans danger. Mais cette disposition ne concerne que les médicaments à base de plantes et non les compléments alimentaires, concentrés de nutriments et autres substances à effet nutritionnel ou physiologique dont le but est de compléter le régime normal. Or ces derniers peuvent parfois contenir des plantes à but thérapeutique. C'est le cas de la levure de riz rouge dont les statines font baisser le taux de cholestérol. Dans ce produit en vente libre - issu de la fermentation de riz cultivé en Asie - une seule a été dosée. Pourtant, la levure en contient plusieurs, dotées des mêmes effets secondaires, qui se cumulent. Pour Pierre Champy, "les gens qui en consomment devraient être suivis comme des patients qui prennent un vrai médicament : il faudrait vérifier leur taux de cholestérol et le niveau de toxicité musculaire". On en est loin : ces compléments ne font même pas l'objet d'une demande de mise sur le marché, mais d'une simple déclaration auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Si ces autorités, débordées par un marché qui explose, ne répondent pas à l'industriel au bout de 2 mois, le complément, fut-il un médicament "par fonction", est accepté par défaut. Et se retrouve bientôt sur les linéaires "bien-être" des grandes surfaces.

LES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES SONT EN PLEIN ESSOR

Le lobby du complément alimentaire est puissant. Son chiffre d'affaires mondial dépasse 80 milliards de dollars par an dont 1,5 rien qu'en France, d'après l'International Alliance of Dietary. La moitié est vendue hors officine, sans réel conseil. Le quart sur Internet. L'offre est pléthorique, souvent à prix cassés. Résultat : selon une étude Nutrinet-Santé publiée début 2013 dans le "British Journal of Nutrition", 28 % des Françaises et 15 % des Français en prendraient régulièrement, souvent sans le moindre conseil médical, sur des durées supérieures à un an. Une étude, menée en 2011 par une étudiante de Paris-Sud qui souhaite rester anonyme, atteste de ces dérives. Pour son doctorat en pharmacie, l'auteur a enquêté sur la qualité du conseil dans les commerces d'ile-de-Flance (hors pharmacies) vendant des produits à base de plantes. Dans chaque magasin, la même demande : "Quelle plante donner à ma grand-mère souffrant d'hypertension ?" "76 % de mes interlocuteurs n'avaient aucune qualification, constate la chercheuse, 16 % se présentaient comme naturopathes (diplôme non reconnu en France), 6 % étaient pharmaciens et 2 % diététiciens". Et dans 70 % des cas, notre étudiante s'est vu remettre un produit sans la moindre question sur l'état de santé, l'âge où les antécédents de sa grand-mère.
Amateurisme, méconnaissance des produits, naïveté des consommateurs... les travers constatés sur le marché des plantes médicinales feraient presque oublier que celles-ci sont à l'origine de médicaments dont on ne peut plus se passer aujourd'hui. L'exemple le plus emblématique est celui des anticancéreux, dont 70 % n'existent que grâce aux principes actifs de certains végétaux. Tout a commencé dans les années 1960, quand les autorités américaines décidèrent de déclarer la guerre au cancer. Le National Cancer Institute (NCI) entreprit alors un inventaire fou. Il monta des excursions botaniques pour tamiser des pans entiers de la flore mondiale à la recherche du Graal : des molécules actives contre la maladie. On ratissa ainsi à tour de bras les forêts tropicales, les plus riches en biodiversité, considérées à cette époque comme patrimoine commun de l'humanité. Pour cibler les meilleures candidates, les scientifiques, flanqués de traducteurs, fissèrent des liens avec les communautés locales, observant le travail des guérisseurs qui employaient ces plantes selon des traditions souvent séculaires. Entre 1960 et le début des années 1970, 114.000 extraits de 35.000 plantes furent testés sur des cellules cancéreuses. Titanesque ? Pas pour Pierre Potier. Quand il dirigeait l'Institut de chimie des substances naturelles, au CNRS de Gif-sur-Yette, le père de la phytochimie en France, disparu en 2006, avait coutume de dire : "On n'a pas beaucoup de chance de trouver une aiguille dans une botte de foin, mais on peut tomber sur la fille du fermier". Et de fait, vers 1970, um puissant anticancéreux sortit du lot : le taxol. Un composé très toxique (il le faut bien pour tuer les cellules cancéreuses) issu de l'écorce de l'if du Paciflque, Taxus brevifolia, qui pousse dans les forêts protégées de l'ouest du Canada et des États-Unis. En laboratoire, le taxol empêchait les cellules malignes de se multiplier, et chez les patients, les essais étaient plus que prometteurs. Paradoxe : ce succès marqua le début des ennuis pour les Américains. En effet, les quantités de taxol isolées de l'écorce d'if étaient minimes, et il fallait abattre l'arbre, qui atteint sa taille adulte en 200 cents ans. Par ailleurs, impossible de recopier chimiquement la molécule, affreusement complexe. Or les besoins du NCI explosaient. Au début des années 1990, il fallut abattre un demi-million d'ifs pour obtenir 1000 tonnes d'écorce, et de là, à peine 130 kilos de taxol. Six arbres centenaires étaient nécessaires pour traiter une malade atteinte d'un cancer de l'ovaire. Les écologistes ulcérés réclamèrent alors la protection totale de l'arbre.
Loin de ce chaos, un coup de génie finit par mettre tout le monde d'accord. Chez Pierre Potier, à Gif-sur-Yvette, Francoise Guéritte, sa collaboratrice, se souvient : "En 1998, dans le parc de Gif, la mairie voulait construire une route. Du coup, elle fit abattre un très grand nombre d'ifs. Pas de l'if du Pacifique, mais l'européen, Taxus baccata. Nous nous sommes dit : pourquoi ne pas en tester l'écorce, mais aussi les tiges et les feuilles ?" Bonne pioche : comme chez l'arbre américain, les extraits issus des feuilles de l'espèce européenne possédaient eux aussi des propriétés anticancéreuses. "Nous avions enfin trouvé une source durable de taxol ! Mais nous avons voulu aller plus loin, poursuit Francoise Guéritte. Potier était convaincu que pour créer une substance aussi complexe, il devait partir d'une molécule simple, un "précurseur", puis le compléter. Et les chercheurs du CNRS et de Rhone-Poulenc (devenu depuis Sanofi, ndlr) finirent par trouver". En deux étapes, les chercheurs parvinrent à synthétiser le taxol entier. Et, en chemin, tombèrent sur le taxotère, un composé deux fois plus actif que le taxol. Commercialisée en 1995, cette substance entra aussitôt dans les 10 premiers du classement des 40 médicaments dont le chiffre d'affaires dépasse le milliard d'euros par an. Plus d'ifs à abattre, la cueillette de feuilles suffisait. Et tandis que les labos s'affrontaient des deux côtés de l'Atlantique sur la délicate question des brevets, les Français se mirent à planter des centaines de kilomètres de haies d'ifs européens. Aujourd'hui, les deux concurrents, taxol américain et taxotère français, ainsi que leurs milliers de dérivés, traitent les cancers du sein, de l'ovaire, du poumon ou de la prostate. Et comptent parmi les anticancéreux les plus vendus au monde.

LE GRAAL : REPRODUIRE L'INFINI LES MOLÉCULES THÉRAPEUTES

La consécration d'une autre plante aux propriétés anticancéreuses, la pervenche de Madagascar, procède quant à elle complètement du hasard. Dans les années 1950, des universitaires canadiens espéraient découvrir une substance active contre le diabète dans les feuilles de cette plante herbacée poussant sur la grande île et que l'on trouve aussi dans toutes les régions tropicales et subtropicales, en Jamaïque par exemple. Las, l'extrait injecté à des rats de laboratoire se révéla complètement inactif sur le diabète... et les rongeurs passèrent l'arme à gauche en quelques jours. En revanche, quelle ne fut pas la surprise des chercheurs de constater que les rats présentaient une colossale diminution de leurs globules blancs. D'où une intuition. Si la pervenche fait chuter les taux de globules blancs, pourquoi ne pas la tester contre des maladies comme les leucemies et les lymphomes, qui les font grimper en flèche ? C'est ainsi que la recherche ratée d'un antidiabétique conduisit à la mise au point de 2 antileucémiques majeurs : la vinblastine et la vincristine, extraites des feuilles de pervenche et commercialisées au début des années 1960.
Une compétition mondiale s'organisa alors pour optimiser la production de ces deux molécules, présentes à doses infinitésimales dans la plante : avec une tonne de feuilles sèches, on n'obtenait par exemple que 6 à 10 grammes de vinblastine. C'est là qu'intervinrent, à nouveau, Pierre Potier et son équipe du CNRS en 1974. Non seulement ils mirent au point une méthode permettant d'obtenir la vinblastine et la vincristine mais, au cours de leurs manipulations, ils produisirent une nouvelle molécule de synthèse : la vinorelbine, active sur des tumeurs solides du poumon et du sein.
Restait à trouver un laboratoire pour financer les recherches toxicologiques. Comme le rappellait Pierre Potier, en 2001, dans ses mémoires, "Le Magasin du Bon Dieu", Jean-Claude Lattès) : "C'est finalement Pierre Fabre qui décida de relever le défi du développement de cette nouvelle molécule prometteuse en oncologie après les refus successifs de Rhone Poulenc, Roussel, et même du géant américain Eli Lilly". Après 13 ans de recherche et d'études cliniques, le médicament tire de la vinorelbine, la Navelbine, fut commercialisé en France en 1989 par l'entreprise tarnaise. Pour s'approvisionner en feuilles de pervenche, le laboratoire Pierre Fabre s'est implanté dans le sud-est de Madagascar, à Ranopiso, près de Fort Dauphin, l'une des régions les plus pauvres du globe. Là, 40 salariés locaux du groupe organisent aujourd'hui encore la culture de 1300 hectares de Cantharanthus roseus par les paysans malgaches, fait vivre 4000 familles", indique Alexandre Panel, responsable des productions végétales du laboratoire. À Gaillac, dans le Tarn, dans une bâtisse façon Lego flanquée d'un escalier en zinc, Fabre transforme la pervenche en médicaments, tout comme quelque 80 autres espèces végétales. La plante, arrivée de Ranopiso dans de gros ballots de plastique écru, dégage une douceâtre odeur de terre. Quatre tonnes de feuilles sèches, issues de 30 tonnes de feuilles fraîches, conduiront à 1 kilo de vinorelbine, le principe antitumoral. Les résidus de plantes, la "biomasse", iront chauffer l'usine de Castres, et les solvants seront purifiés avant d'être réutilisés. "Tout est revalorisé à 100 % : c'est la chimie verte", se félicite-t-on ici, en concédant que les solvants sont affreusement chers à éliminer.

FINI LA PROSPECTION BOTANIQUE ET SES BUDGETS INCOMPREHENSSIBLES

Le prix de la santé : depuis 1989, la Navelbine a permis de traiter près de 2 millions de patients contre le cancer du sein et du poumon. L'extraordinaire aventure de l'if d'Europe et de la pervenche de Madagascar incite bien entendu à s'interroger : la nature abriterait-elle d'autres plantes précieuses susceptibles de soigner des maladies contre lesquelles la science demeure peu armée ? On ne le saura peut-être jamais. Depuis le début du XXIè siècle en effet, les géants de l'industrie pharmaceutique ont changé de braquet et cessé d'écumer la planète à la recherche de végétaux. La convention de Rio, en 1992, a confié aux États le soin de protéger la biodiversité des forêts tropicales. Le protocole de Nagoya, en 2010, lorsqu'il sera ratifié par 50 pays, offrira des instruments plus contraignants pour combattre le détournement des ressources de la biodiversité, la "biopiraterie" (voir encadré).

BIOPIRATERIE : LA LUTTE CONTRE LE PILLAGE S'ORGANISE, L'AFRIQUE RESTE À LA TRAINE
Le protocole de Nagoya permettra un partage plus équitable des profits tirés des ressources génétiques du Sud. Mais mettra-t-il un terme au hold-up ?
C'est dans les pays du Sud que l'on trouve 90 % des ressources génétiques végétales. Les populations autochtones, connaissant leurs propriétés thérapeutiques, les utilisent souvent depuis plusieurs siècles. Or elles sont à 97 % brevetées par des compagnies pharmaceutiques, agroalimentaires ou cosmétiques situées dans les pays du Nord. Ces multinationales disent appliquer à la lettre l'esprit de la déclaration de la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement de Rio en 1992. Et il est vrai qu'il faut désormais moins de temps aux plaignants pour obtenir gain de cause en cas de pillage avéré du savoir traditionnel. Témoin, l'odyssée du pélargonium, un géranium d'Afrique australe dont les guérisseurs locaux emploient la racine pour soigner la bronchite. En 2004, la communauté d'Alice, dans la province sud-africaine du Cap-Oriental, appuyée par le Centre africain pour la biodiversité et la Déclaration de Berne (une ONG suisse), déposa un recours auprès de européen des brevets (OEB) contre la allemande Schwabe. Celle-ci avait enregistré plusieurs brevets concernant l'utilisation médicale de l'Umckaloabo, un sirop à base d'extraits de pélargonium employé sous nos latitudes pour soigner l'inflammation des voies respiratoires. Grâce à ce médicament, la firme avait réalisé d'importants profits sans partager ses dividendes avec les populations locales. En 2010, l'OEB a statué en faveur d'Alice, concluant que Schwabe s'était approprié illégalement un savoir traditionnel et des ressources génétiques. 2010 marque d'ailleurs un tournant dans le combat contre la biopiraterie avec la conférence des Nations unies sur la biodiversité de Nagoya, au japon. En est sorti un protocole contraignant, promouvant un partage plus équitable des ressources génétiques du globe ainsi que de leurs bénéfices. Cinquante Etats doivent l'avoir ratifié pour qu'il entre en pratique, quorum qui devrait avoir été dépassé au premier trimestre 2014. Aura-t-on pour autant éradiqué la biopiraterie de la surface de la planète ? L'Amérique latine compte désormais des institutions tâtillonnes, tel l'Institut brésilien de l'environnement et des ressources naturelles renouvelabies (IBAMA). En 2011, celui-ci a infligé pour plus de 250 millions d'euros d'amendes à une cinquantaine d'entreprises jugées coupables d'actes de biopiraterie. En revanche, l'Afrique subsaharienne demeure une zone grise d'après l'économiste et spécialiste du sujet Pierre johnson ; "Exception faite de l'Afrique du Sud, la plupart des pays n'ont pas de juridiction visant à les protéger de telles pratiques, dit-il. On peut donc continuer à y faire ce que l'on veut"... Du perdant-perdant sur le long terme. Dans le domaine du commerce, a souligné l'eurodeputée Sandrine Belier (Les Verts/ALE), la rapporteuse principale au fonds pour la ratification du Protocole de Nagoya par l'Union européenne, "les populations autochtones et locales récompenseront probablement les pays et les entreprises qui tentent de protéger leur biodiversité et leurs droits de propriété intellectuelle".

Fini la prospection botanique et ses budgets incompressible. Terminé aussi le travail long, complexe et coûteux d'isolement des molécules à partir d'une plante qui en contient des milliers (2500 rien que pour le tabac). Les grands laboratoires savent désormais utiliser les bactéries pour leur faire produire des molécules végétales. Et ont trouvé un nouveau champ d'investigation : la chimie combinatoire. Au lieu d'aller chercher des molécules dans la nature, il s'agit de les concevoir en laboratoire, en imaginant un maximum de combinaisons possibles. Puis de tout tester systématiquement, en croisant les doigts pour découvrir une piste prometteuse. Efficace ? Rien n'est moins sûr : "C'est comme demander à un chimpanzé de taper sur un clavier en espérant qu'i1 en sortira du Victor Hugo", ironise Bruno David, chargé de l'approvisionnement chez Pierre Fabre. Les résultats ont, de fait, été décevants. "Après 25 ans de travail et des dizaines de milliards de dollars investis, la chimie combinatoire a fourni un seul nouveau médicament sur le marché", résume l'Américain David Newman, du NCL. Il s'agit du Sorafenib, de l'allemand Bayer, sur le cancer du foie. Si cette approche industrielle a un intérêt, il est bien sûr économique. Les principes actifs phares des plantes découverts dans les années 1990, protégés pendant 20 ans par des brevets, vont bientôt tomber dans le domaine public. La chimie combinatoire permet, elle, aux labos de créer des bataillons de molécules dérivées, protégées par des brevets tout neufs, donc à nouveau rentables. Les industriels français, eux aussi, délaissent donc les plantes au profit du tout combinatoire. Mais quelques-uns font de la résistance. Au CNRS (à Gif-sur-Yette par exemple, on n'a pas oublié cette autre formule du directeur Potier : "Un bon principe me guide. Quand je vois les personnes aller d'un même côté, je pars dans l'autre sens". Des expéditions en forêt primaire (en Guyane, en Malaisie, à Madagascar) continuent à alimenter une "plantothèque" riche de 6000 extraits à l'abri dans des coupelles de plastique.

À GIF, ON PLANCHE SUR LA MORT DES CELLULES CANCÉREUSES

"À présent, à Gif, ce n'est pas forcément de nouvelles molécules que nous cherchons, mais des plantes produisant en énormes quantités des molécules déjà connues", note Marc Litaudon, ingenieur de recherche. Ainsi les scientifiques ont-ils déniché, depuis 2006, deux espèces secrétant massivement des iridoïdes, aux vertus anti-inflammatoires bien connues. L'une est un oxera, petit arbuste tropical trouvé en Nouvelle-Calédonie, dans la forêt de l'Aoupinié, au nord de la Grande Terre. L'autre, un hypoestes, qui vient des forêts sèches du sud de Madagascar. À Gif, on planche aussi sur "l'apoptose", la mort cellulaire programmée. Objectif : restaurer celle des cellules cancéreuses, qui, déréglées, ne meurent pas. "On a plusieurs molécules végétales très prometteuses pour provoquer cette apoptose dans les cancers, souligne Marc Litaudon. Et d'autres molécules à l'étude pourraient un jour vaincre les bactéries multirésistantes, la bête noire des hôpitaux".
Ainsi la longue histoire des plantes médicinales est-elle en train de changer d'ère. Après la razzia des années 1960-1980, on considère que toutes les plantes qui pouvaient être facilement trouvées l'ont été. Comme le résume Bruno David, chez Pierre Fabre. "Les cerises a portée de main ont été cueillies. Il faut aujourd'hui grimper tout en haut. C'est plus long. Plus cher. Un risque financier, dont les multinationales de l'industrie pharmaceutique ne veulent pas". Mais pour cet ancien élève de Potier, malgré la concurrence des molécules de synthèse, les scientifiques à la recherche de nouveaux produits thérapeutiques ne peuvent se permettre de renoncer à la recherche sur les plantes. Nos végétaux contemporains sont en effet le fruit d'un milliard d'années de sélection naturelle. Or l'évolution ne sélectionne que les organismes les mieux équipés pour survivre, face aux prédateurs et aux maladies. Ainsi, contrairement aux molécules fabriquées en laboratoire, celles que recèlent les plantes ont de précieuses propriétés biologiques : elles savent traverser des membranes, interagir avec des enzymes. "Personne n'est plus économe et égoiste que la nature, souligne Jean-Christophe Guéguen, enseignant en phytochimie à l'université René Descartes, à Paris. Les plantes ne fabriquent pas des molécules pour nous, mais pour assurer leur propre défense. Les 200.000 que l'on connait, les meilleurs chimistes n'auraient même pas pu les imaginer. À nous de nous en inspirer".

LES OCÉANS SONT LE NOUVEL ELDORADO DES BOTANISTES

Mais il faut faire vite, car tous les jours des pans entiers de forêt disparaissent, et avec elles, de potentielles plantes médicinales. Pour l'heure, plusieurs groupes pharmaceutiques (Merck, Lilly, Pfizer, Hoffmann-Laroche et Bristol-Myers Squibb notamment) ont développé des départements marins dont la mission est de prospecter les grands fonds des océans. Près d'un million d'espèces vivent actuellement dans les mers, souligne la Commission océanographique intergouvemementale de l'Unesco, mais les deux tiers d'entre elles restent encore à découvrir. Après l'or vert, l'or bleu ? Des produits élaborés à partir d'organismes marins sont déjà prescrits à des malades souffirant d'asthme, de tuberculose, de cancers, de la maladie d'Alzheimer, de fibrose kystique et d'impuissance masculine. Et ce n'est là que l'écume des vagues. Certains écosystèmes marins, tels celui de l'Arctique ou des récifs coralliens seraient ainsi de fascinants viviers en microalgues aux toxines puissantes, dont les molécules pourraient en particulier être employées dans la lutte contre le cancer. Si les médicaments de demain sont encore dans la nature, c'est donc sans doute au fond des mers qu'il faudra les chercher !

HERBORISTES : LES HORS-LA-LOI DES TISANES ET DÉCOCTIONS FONT DE LA RÉSISTANCE

Leur statut a été supprimé par le régime de Vichy. Mais ils sont plus que jamais demandés, et aspirent à rennaître. Visite dans la plus vieille officine parisienne.
Travailler dans l'illégalité n'a pas l'air de troubler le débonnaire Michel Pierre qui, du fond de sa boutique au parfurn d'antan, couve des yeux les murs tapissés de bocaux de feuilles, de baies et racines en vrac, de sachets de plantes, de savons d'Alep et de bâtons de réglisse... Son herboristerie, la plus vieille de Paris, ouverte il y a un siècle rue des Petits-Champs, ne connaît pas la crise, attirant habitués du quartier et badauds du Palais Royal : "Dans les années 1970, la vogue du retour aux sources a fait beaucoup de bien à l'herboristerie, après la période très difficile de l'explosion de l'offre de médicaments modernes, souligne cet ancien préparateur en pharmacie. Et aujourd'hui, depuis les problèmes liés au Médiator et à la pilule de troisième génération, tout le monde vient, c'est la galopade". Si monsieur Pierre est un hors-la-loi, c'est parce que, depuis la suppression du diplôme d'herboriste par le régime de Vichy, en 1941, son métier n'existe plus. Seuls ceux qui exerçaient avant 1941 ont officiellement le droit de continuer, mais ils ont bien sûr peu à peu disparu, et la vingtaine d'herboristes qui subsistent en France travaillent dans la plus totale illegalité. L'an dernier, Michel Pierre comparaissait devant le tribunal de Paris pour exercice illégal de la profession de pharmacien. "J'ai été relaxé en première instance, puis condamné en appel à une amende avec sursis, raconte-t-il. En fait, j'ai l'impression que les juges ne savaient pas trop quoi faire". Témoin, le curieux plaidoyer du procureur de la République : "Formellement, vous serez déclaré coupable, mais j'ai conscience des limites de cette loi, puisqu'on est dans une impasse totale". Dans un tel flou juridique, que peut faire, ou ne pas faire un herboriste ?
Il a le droit de préparer, conditionner et vendre 148 plantes considérées comme sans risque, que le législateur, à ce titre, a "libérées" en 2008 de la liste officielle de la pharmacopée (les plantes dangereuses vendues uniquement en pharmacie) et requalifiées en "complements alimentaires". Michel Pierre, dans ses 1100 m² de locaux situés hors de Paris, réceptionne des balles de 10 à 30 kilos, dont le contenu sera trié, conditionné en tisanes, huiles, poudre ou gélules qu'il vendra ensuite dans sa boutique du Palais Royal. Mais, regrette-t-il, "avec 148 plantes, nous ne pouvons pas faire notre travail. Alors en juin, nous, les herboristes français, avons demandé à Bruxelles la libération de 600 plantes". À suivre. Comme ses confrères, Michel Pierre a interdiction de donner une quelconque indication thérapeutique sur ce qu'il vend. Mais s'il affirme ne pas se prendre pour un médecin, pas question pour autant de jouer les épiciers : "Sept fois sur dix, nos clients demandent un produit qui n'est pas celui dont ils ont besoin, aplique-t-il. Certes, je n'ai pas le droit de donner de conseils, mais j'en donne quand même". Reste que les 148 plantes qu'il vend ont une action sur la santé et sont donc médicinales. La quadrature du cercle... "Il y aurait une solution : créer un diplôme d'herboriste, estime Michel Pierre. Cela mettrait tout le monde d'accord". Rien n'est moins sûr. La majorité des médecins et pharmaciens restent farouchement opposés à la création d'un nouveau métier de santé et estiment que les plantes doivent rester de leur ressort. Décidément, la pilule ne passe pas. Mais, dans le maquis de la loi, la douce résistance des herboristes continue.

S. BUY (Texte) et G. MERMET (Photos) - GÉO N°414 > Août > 2013

Les Plantes qui Soignent

ECHINACEA PURPUREA

CE CICATRISANT ÉTAIT APPRÉCIÉ PAR LES INDIENS D'AMÉRIQUE

Nom Usuel : Echinacéee pourpre.
Provenance : Amérique du Nord.
Propriétés Thérapeutiques : Sa centaine de principes actifs lui confère des vertus cicatrisantes et la capacité à stimuler les défenses immunitaires. On l'utilise en décoction, sous forme de teinture mère ou de gelules.
À l'Origine : Principale plante medicinale des peuples autochtones d'Amérique du Nord, elle était surtout employée par les Cheyennes, les Crows et les Sioux pour soigner les morsures de serpents et apaiser les piqûres d'insectes. Durant les annees 1930, elle s'imposa en Europe comme remède universel sous forme de breuvages médicinaux.

SALIX ALBA

DE SON ÉCORCE, ON A TIRÉ NOTRE VIEILLE AMIE L'ASPIRINE

Nom Usuel : Saule blanc.
Provenance : Europe centrale et du Sud.
Propriétés Thérapeutiques : L'acide salicylique, issu des principes actifs de son écorce, possède des propriétés fébrifuges et anti-inflammatoires. Elles ont permis la naissance, en 1893, de l'aspirine. Ses fleurs, en tisane ou infusion, sont un remède contre l'insomnie ou l'anxiété.
À l'Origine : Des infusions d'écorce de saule soulageant les douleurs étaient conseillées en 400 avant J.C. par Hippocrate. Au XVè siècle, en Bretagne, l'écorce fébrifuge de cet arbre poussant dans les zones humides était le remède traditionnel de la fièvre des marais.

TAXUS BACCATA

SES MOLÉCULES ONT BOULEVERSÉ LA LUTTE ANTICANCER

Nom Usuel : If à baies.
Provenance : Europe.
Propriétés Thérapeutiques : Dans les années 1980, l'équipe du Français Pierre Potier chercha une alternative à l'emploi de l'écorce de l'if du Pacifique pour soigner le cancer. Elle decouvrit que les feuilles de l'espèce européenne contenaient non seulement la même molécule, mais permettaient d'en produire une autre 2 fois plus efficace contre la multiplication des cellules malignes : le taxotère.
À l'Origine : Cet arbre toxique servait aux Gaulois à confectionner des flèches empoisonnées.

COLCHICUM AUTUMNALE

AVANT DE SOIGNER LA GOUTTE, IL SERVAIT À EMPOISONNER

Nom Usuel : Colchique d'automne.
Provenance : Asie mineure.
Propriétés Thérapeutiques : Sa graine toxique renferme une vingtaine d'alcaloïdes, dont la colchicine, employée contre les crises de goutte dues à l'excès d'acide urique. L'usage de dérivé du colchique est contre-indiqué en cas d'insuffisance rénale.
À l'Origine : Son nom vient de la province de Colchide, en Géorgie, ou sevissait la magicienne Médée experte en poisons. Galien, médecin grec du IIè siècle, le préconisait déjà dans le traitement de la goutte. Du fait de sa toxicite, il n'intéressa la recherche occidentale qu'à partir de la fin du XIXè siècle.

GINKGO BILOBA

SES VERTUS ANTIOXYDANTES RETARDENT LES EFFETS DU VIEILLISSEMENT

Nom Usuel : Ginkgo biloba.
Provenance : Japon, Chine, Corée .
Propriétés Thérapeutiques : Les flavonoïdes tirés de ses feuilles sont commercialisés en tant que neuroprotecteurs, limitant les pertes de fonctions liées à l'âge. Ils amélioreraient notamment les performances de la mémoire, mais les résultats, variables selon l'extrait utilisé, sont controversés.
À l'Origine : Employé dans la médecine chinoise depuis l'Antiquité, le ginkgo biloba fut rapporté en France à la fin du XVIIIè siècle pour être planté au jardin botanique de Montpellier puis au jardin des Plantes de Paris. Ces deux arbres sont toujours vivants.

CATHARANTHUS ROSEUS

LES MARINS DE LA GRANDE ÎLE L'EMPLOYAIENT COMME COUPE-FAIM

Nom Usuel : Pervenche tropicale.
Provenance : Madagascar.
Propriétés Thérapeutiques : Avec quelque 150 alcaloïdes dans ses feuilles, cette pervenche a conduit a de puissants anticancéreux. Deux de ses molécules sont utilisées pour traiter la leucémie et la maladie de Hodgkin. Une autre, semi-synthétique, la vinorelbine, isolée par le CNRS, est utilisée dans le traitement des tumeurs du poumon et du sein.
À l'Origine : Découverte en 1645 par le botaniste François Flacourt, cette plante sumommée la "rose amère" était utilisée par les marins pour ses propriétés "coupe-faim" et ses vertus désinfectantes.

FILIPENDULA ULMARIA

CE SÉDATIF PARFUMAIT LES LIEUX DE CULTE DES DRUIDES

Nom Usuel : Reine-des-prés.
Provenance : Europe du Nord.
Propriétés Thérapeutiques : Ses vertus toniques, astringentes, sédatives, hypotensives et fébrifuges sont bien connues. Ses boutons floraux contiennent des dérivés salicylés, précurseurs de l'acide acétylsalicylique, dont la synthèse est à l'origine de l'aspirine. En phytothérapie, elle facilite les fonctions rénale et digestive.
À l'Origine : Les druides en parfumaient leurs lieux de culte. Au Moyen Age, on en tapissait le sol des églises les jours de mariage et on en faisait des tisanes thérapeutiques. Les Scandinaves en aromatisaient leurs bières et hydromels.

PAPAVER SOMNIFERUM

ON EN EXTRAIT LE MEILLEUR ANTALGIQUE CONNU À CE JOUR

Nom Usuel : Pavot somnifère.
Provenance : Asie.
Propriétés Thérapeutiques : La morphine, issue de l'opium, lui-même dérivé de son latex, est utilisée pour traiter la douleur. D'autres molécules en sont extraites telle la codéine, analgésique et antitussive. Le laudanum et l'héroïne en sont également tirés.
À l'Origine : L'usage de l'opium, développé en Asie, se repandit dans le monde arabe au VIIIè siècle avant d'atteindre l'Europe à partir du XVIIIè siècle. La morphine, découverte en 1805 par un Allemand, Friedrich Sertüner, fut le premier alcaloïde isolé de toute l'histoire de la chimie.

DIGITALIS PURPUREA

ELLE EST AUSSI TOXIQUE QUE BÉNÉFIQUE POUR NOTRE COUR

Nom Usuel : Digitale pourpre.
Provenance : Europe, Asie, Afrique.
Propriétés Thérapeutiques : Ses molécules régulent la fonction cardiaque. Un rôle majeur, car les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité des pays industrialisés, loin devant les cancers.
À l'Origine : La digitale semble avoir été inconnue jusqu'au XVIIè siècle, ou elle fut utilisée par La Voisin, empoisonneuse au service des dignitaires de Louis XIV, et la marquise de Brinvilliers, brûlée en place de Grève en 1676 pour avoir tué père et frères. Cent ans plus tard, l'Anglais Withering dévoila les propriétés cardiotoniques de "l'opium du cour".

HAMAMELIS VIRGINIANA

LES COUSINS D'AMÉRIQUE NOYAIENT CE TONIQUE VEINEUX DANS LEUR WHISKY

Nom Usuel : Hamamélis de Virginie.
Provenance : Amérique du Nord.
Propriétés Thérapeutiques : Les flavonoïdes de cet arbre régularisent la circulation sanguine tout en fortifiant les vaisseaux. C'est aussi un hémostatique, un cicatrisant et un antibactérien soignant contusions, entorses, plaies mineures, inflammations, de la peau et des muqueuses.
À l'Origine : En décoction, son écorce servait aux Indiens d'Amérique du Nord pour calmer les inflammations, notamment oculaires. Au XVIIIè siècle, les colons d'Amérique la faisaient macérer dans du whisky pour apaiser les blessures.

AVENA SATIVA

CETTE CÉRÉALE TONIFIANTE ÉTAIT JADIS RÉSERVÉE AUX CHEVAUX

Nom Usuel : Avoine.
Provenance : Asie occidentale.
Propriétés Thérapeutiques : Son grain, énergétique, tonifie et équilibre les nerfs, atténue l'insomnie et le stress. Sa fibre permet de lutter contre l'excès de sucre dans le sang et le cholestérol. La cosmetique l'emploie pour hydrater les peaux irritées.
À l'Origine : Cette céréale gagna l'Europe au néolithique avec le blé et l'orge. Les Romains pensaient que ses utilisateurs gaulois et germains bénéficiaient grâce à elle d'une longue vie. Mais elle fut pourtant longtemps réservée à l'alimentation des chevaux, avant que ses propriétés fortifiantes ne s'imposent à partir du XIXè siècle.

ARTEMISIA ANNUA

ELLE A PERMIS AUX CHINOIS DE TERRASSER LE PALUDISME

Nom Usuel : Armoise annuelle.
Provenance : Chine.
Propriétés Thérapeutiques : Extraite de ses feuilles, l'artémisine permet de soigner des formes graves de paludisme en affaiblissant son parasite. Ce dernier commence, dans certains pays, tel le Cambodge, à résister à ce médicament, comme à d'autres antipaludéens plus anciens.
À l'Origine : Durant la guerre du Viêt-Nam, l'armée nord-vietnamienne, ravagée par le paludisme, fit appel aux chercheurs chinois. L'artémisine fut isolée en 1972 après la redécouverte du potentiel de cette plante connue de la médecine traditionnelle. En 2001, l'OMS déclare l'artémisinine "plus grand espoir mondial contre le paludisme".

GLORIOSA SUPERBA

CETTE BELLE VÉNÉNEUSE GUÉRIT LES RHUMATISMES

Nom Usuel : Gloriosa superba.
Provenance : Afrique tropicale et Asie du Sud-Est.
Propriétés Thérapeutiques : Cette fleur toxique est réputée pour ses propriétés anti-inflammatoires et antirhumatismales. Des études sont actuellement menées pour en tirer un nouveau médicament anticancéreux.
À l'Origine : En Afrique tropicale, les guérisseurs l'emploient pour une large diversité d'usages. Son feuillage sert à traiter l'asthme ; sa pulpe est un antipoux ; ses cendres favorisent la cicatrisation. Et en décoction, c'est un puissant abortif.

CANNABIS INDICA

IL COMMENSE À SÉDUIRE LES MULTINATIONALES

Nom Usuel : Chanvre indien.
Provenance : Asie.
Propriétés Thérapeutiques : Contrairement au chanvre agricole d'Europe, sans effets psychoactif le cannabis indica est, selon la dose, euphorisant, voire hallucinatoire.
Analgesique, il est prescrit dans des pays occidentaux à des adultes en cours de traitement contre le cancer, la sclérose en plaques ou le VIH.

À l'Origine : Parmi les premières plantes cultivées de l'histoire, il était mentionné dans plusieurs textes anciens indiens qui le préconisaient pour traiter vomissements et hémorragies.

CANNABIS THÉRAPEUTIQUE : LES FRANÇAIS N'AURONT PLUS À BRAVER LA LOI

En Californie (ici à Los Angeles ->), le marché du cannabis thérapeutique, légalisé dans 18 États américains et le district de Columbia, représente près de 1,3 milliard de dollars.

Sa dépénalisation enflamme les passions. Mais on pourrait trouver bientôt en France des médicaments utilisant ses principes actifs. La plus ancienne trace connue d'utilisation du cannabis comme analgésique remonte au IVè siècle après J.C. dans une tombe découverte par des archéologues israéliens en 1993, à Beit Shemesh, près de Jérusalem. Elle renfermait le squelette d'une jeune fille de 14 ans, visiblement morte en couches, et celui d'un fotus à terme, de taille trop importante pour traverser le bassin de l'adolescente. Dans le numéro du 20 mai 1993 de la revue scientifique "Nature", les auteurs de la découverte supposaient que "les cendres trouvées dans la tombe provenaient de cannabis qu'on faisait brûler dans un récipient. Ainsi inhalé, il devait soulager la jeune fille pendant le travail difficile de l'accouchement". Dix-sept siècles plus tard, en France, un décret du 8 juin dernier publié dans le journal officiel vient de consacrer les propriétés thérapeutiques du cannabis. Désormais, certains produits en contenant des dérivés pourront ainsi, comme n'importe quel médicament, faire l'objet d'une demande d'AMM : une "autorisation de mise sur le marché". Mais attention : les médicaments en question seront obligatoirement prescrits par ordonnance, et, insiste le ministère de la Santé, seulement à "certains patients bien définis et selon des modalités très encadrées". L'usage du cannabis comme stupéfiant, le joint récréatif, reste quant à lui interdit. Prohibée aussi, l'herbe fumée à des fins thérapeutiques, pour soulager la douleur par exemple. En adoptant ce décret, la France se met sur la ligne du Canada, de 18 États américains, mais aussi de ses voisins européens, tels que l'Espagne et le Royaume-Uni où l'on peut déjà obtenir, sur ordonnance, des médicaments à base de THC, le "tétrahydrocannabinol", principe actif du cannabis. Parmi ces produits d'ores et déjà commercialisés à l'étranger : le Marinol et son concurrent le Cesarnet, tous deux à base de dronabinol, un THC synthétique, prescrits pour réduire les nausées lors des chimiothérapies ou redonner de l'appétit aux malades du sida suivant une trithérapie. Au contraire, le Sativex est obtenu à partir de son cannabis naturel. Son créateur, le labo anglais GW Pharmaceuticals, cultive lui-même les plants de cannabis dans un endroit du sud de l'Angleterre tenu secret. Le produit, un spray buccal, aide à traiter la douleur chez certains patients atteints de sclérose en plaques qui sont près de 1,2 million dans le monde, et quelque 600.000 en Europe. C'est lui qui, le premier, devrait avoir le feu vert des autorités sanitaires françaises pour une commercialisation prévue fin 2014 ou début 2015. En Espagne, où la consommation de cannabis est dépénalisée, le Sativex est en vente depuis déjà 2 ans. À l'hopital San Carlos à Madrid, le Dr. Rafael Arroyo, directeur de l'unité des scléroses en plaques, juge son utilisation "vraiment intéressante pour les professionnels de santé, car il offre une option de traitement supplémentaire à ceux qui, jusque-là, n'avaient pas pu obtenir d'amélioration sur des symptômes tels les spasmes, les crampes ou la rigidité musculaire". En attendant, le décret français échauffe les esprits, les uns dénonçant une façon détournée d'ouvrir la voie à la dépénalisation du cannabis alors que les autres continuent à déplorer un retard rétrograde de la France en la matière. Le débat de société a une nouvelle fois pris le pas sur la stricte approche médicale.

J-C. SERVANT, S. BUY (Texte) et G. MERMET (Photos) - GÉO N°414 > Août > 2013
 

   
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